61e session plénière du Giec : toujours pas d’accord sur le calendrier de publication du 7e rapport d’évaluation

Du 27 juillet au 2 août 2024, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ou IPCC en anglais) a tenu sa 61e session plénière (IPCC-61) à Sofia (Bulgarie), réunissant pour l’occasion plus de 230 délégués représentant 114 Gouvernements nationaux (au total, le Giec compte 195 Etats membres). Il s’agissait de la 2e réunion plénière du 7e cycle d’évaluation (2023 à 2028-2030, la date d’achèvement n’ayant pas été arrêtée lors de la session précédente du Giec, IPCC-60 – voir encadré ci-dessous).

 

Objet de cette 61e session

L’objet de cette 61e session du Giec était notamment :

  • de définir en détail et approuver le calendrier de planification stratégique pour la production et la publication de l’ensemble des rapports du Giec prévus dans le cadre du 7e cycle d’évaluation ;
  • de définir et approuver les grandes lignes (draft outlines) des deux rapports thématiques prévus (voir encadré ci-dessous): rapport spécial sur le climat et les villes et rapport méthodologique sur les forceurs climatiques à courte durée de vie[1]  ; et
  • de tirer des enseignements du déroulement et des résultats du 6e cycle d’évaluation (2015-2023).

Ainsi, la 61e session du Giec visait à établir les éléments de base essentiels de son 7e cycle d’évaluation.

 

Contexte

Lors de sa 60e session (IPCC-60, 16-20 janvier 2024 à Istanbul, Turquie), le Giec a concrètement lancé son 7e cycle d’évaluation qui a formellement démarré en juillet 2023 après l’élection du nouveau Président du Giec, Jim Skea (lire notre article). Les délégués sont parvenus non sans difficulté à se mettre d’accord sur le programme de travail du 7e cycle d’évaluation, sous forme de feuille de route (cf. décision IPCC-LX-9) :

▪     rapport de chacun des trois groupes de travail dans le cadre du 7e rapport d’évaluation (dit AR7) : WG I (sciences physiques), WG II (impacts, adaptation et vulnérabilité) et WG III (atténuation), comme pour chaque cycle ;

▪     rapport de synthèse (publication prévue fin 2029) ;

▪     rapport révisant et mettant à jour les lignes directrices techniques de 1994 du Giec sur les impacts et l’adaptation (y compris les indicateurs, métriques et méthodologies en matière d’adaptation) ;

▪     rapport spécial sur le climat et les villes (décidé lors de la 43e session en avril 201), sortie prévue en 2027) ;

▪     rapport méthodologique sur les inventaires pour les forceurs climatiques à courte durée de vie (sortie prévue en 2027) ;

▪     réunion d’experts et rapport méthodologique sur les technologies d’élimination du CO2 et sur le CCUS (captage, utilisation et stockage du CO2) (sortie prévue fin 2027).

Lors de cette 60e session, les discussions ont notamment fait ressortir de fortes divergences d’opinion sur les échéances à définir pour la publication des trois volets de l’AR7. La plupart des pays (les pays industrialisés, les petits Etats insulaires et les pays les moins avancés notamment) ont insisté sur l’importance d’avancer les dates de publication de ces trois rapports pour les aligner avec l’échéance du 2e bilan mondial (Second Global Stocktake ou GST-2)  qui aura lieu en 2028. Selon ces pays, les résultats et les conclusions des trois volets de l’AR7 devraient alimenter et éclairer le GST-2.

C’est l’article 14 de l’Accord de Paris qui prévoit la réalisation tous les cinq ans, à commencer par 2023, d’un bilan mondial. La décision 19/CMA.1 (adoptée lors de la Conférence de Katowice du 2 au 16 décembre 2018) est venue préciser les modalités de réalisation de ce bilan (lire pp. 30-34 de notre dossier de fond sur les résultats de Katowice). Il s’agit d’un bilan de la mise en œuvre de l’Accord de Paris afin d’évaluer les progrès collectifs, et non ceux des pays individuels, vers la réalisation de ses objectifs à long terme [articles 2 et 4]. Le bilan mondial doit servir de catalyseur pour renforcer le niveau d’ambition collective dans la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. La première GST (2023 – lire notre article sur les enjeux du GST-1 et notre article sur les résultats obtenus) était destiné à éclairer la prochaine série de contributions nationales que doivent soumettre les Parties à l’Accord de Paris en 2025.

Par ailleurs, lors de la COP-28 (Dubaï, Emirats arabes unis 30 nov. – 12 déc. 2023), dans la décision 1/CMA.5 sur le GST-1, les Parties à l’Accord de Paris « invite[nt] le [Giec] à envisager comment aligner au mieux ses travaux [de l’AR7] avec le [GST-2] et les [GST] suivants et demande[ent] également au [Giec] de fournir des informations pertinentes et opportunes pour le [GST-2] » (cf. § 184 de la décision 1/CMA.5). Tenir l’échéance de 2028 impliquerait donc soit d’accélérer les travaux du Giec, soit de raccourcir l’ensemble du cycle de sept à cinq ans.

Cependant, quelques pays menés par l’Arabie saoudite, l’Inde et la Chine, se sont fermement opposés à cette proposition de calendrier accéléré. Ils ont souligné qu’un programme de travail accéléré aurait pour conséquence de précipiter le processus scientifique, conduirait à la production de rapports compromis, tant en termes de contenu que d’inclusivité, et ne laisserait pas suffisamment de temps pour les pays en développement d’apporter leurs contributions scientifiques ou de mener à bien leur travail de relecture/révision.

Au terme de négociations intenses et tendues frôlant l’échec, le 20 janvier 2024, les délégués réunis ont fini par parvenir à un compromis de dernière minute : ils ont décidé de reporter la décision du calendrier de l’AR7 et chargé le bureau du Giec (lire notre article) de proposer des échéances pour examen et adoption lors de la session suivante du Giec (IPCC-61, session qui fait l’objet du présent article) (cf. décision IPCC-LX-9 sur la planification du 7e cycle d’évaluation – options pour le programme de travail dans le cadre du 7e cycle d’évaluation).

(sources : Climate Home News, 22 jan. 2024 + IISD, 22 jan. 2024).

 

 

Résultats

 

Les produits du 7e cycle d’évaluation hors AR7

Les délégués du Giec réunis à Sofia ont pu se mettre d’accord sur :

  • les grandes lignes du rapport spécial sur le changement climatique et les villes (décision IPCC-LXI- 5) ;
  • les grandes lignes du rapport méthodologique sur les inventaires pour les forceurs climatiques à courte durée de vie (décision IPCC-LXI-7).

 

Futur rapport spécial sur le changement climatique et les villes

Les délégués se sont mis d’accord, d’une part, sur le calendrier de production (août 2024 à février 2027) et de publication de ce rapport (date de publication prévue : mars 2027) et, d’autre part, sur les grandes lignes de son contenu (cf. annexe 1 de la décision IPCC-LXI- 5). Il comportera cinq chapitres :

  • chapitre 1er: Les villes dans le contexte du changement climatique – cadrage du rapport,
  • chapitre 2 : Les villes dans le contexte d’un climat qui change – tendances, défis et possibilités,
  • chapitre 3 : Les actions et les solutions pour réduire les risques urbains et les émissions [de GES des villes],
  • chapitre 4 : Comment faciliter et accélérer le changement,
  • chapitre 5 : Les solutions par type de ville et de région.

 

Futur rapport méthodologique sur les inventaires pour les forceurs climatiques à courte durée de vie

Les délégués se sont mis d’accord, d’une part, sur le calendrier de production (3e trimestre 2024 au 2e semestre 2027) et de publication de ce rapport (date de publication prévue : juillet 2027, pas de date plus précise selon la décision adoptée à Sofia [source : annexe 4 de la décision IPCC-LXI-7, Plan de travail du rapport méthodologique] mais le site du Giec indique juillet 2027) et, d’autre part, sur les grandes lignes de son contenu (cf. annexe 2 de la décision IPCC-LXI-7). Il comportera cinq volumes :

  • volume 1er: Lignes directrices générales,
  • volume 2 : Secteur de l’énergie,
  • volume 3 : Secteur des procédés industriels et de l’utilisation des produits (en anglais : Industrial Process and Product Use ou IPPU),
  • volume 4 : Secteur Agriculture, Forêt et autres utilisations des sols (AFOLU),
  • volume 5 : Secteur des déchets.

Le rapport fournira des lignes directrices sur les émissions des forceurs climatiques à courte durée de vie qui sont d’origine anthropique (NB. le rapport ne couvrira pas les substances secondaires d’origine anthropique), nationales, annuelles et rapportées en unités de masse pour chaque spéciation individuellement émise (carbone suie, HFC, COVNM, NOx, etc.).

 

Le rapport AR7

A Sofia, les délégués ont repris le sujet du calendrier de planification stratégique, dont la finalisation était restée en suspens lors de la 60e session du Giec à Istanbul (voir encadré ci-dessus) suite à l’opposition de certains pays membres (Chine, Inde et Arabie saoudite en tête).

 

Appel de 40 auteurs du Giec provenant de pays en développement

En amont de la 61e session à Sofia et à l’initiative d’un des trois anciens vice-Présidents du 6e cycle d’évaluation, Dr Youba Sokona du Mali, un groupe de 40 auteurs du Giec provenant de pays en développement, a publié une lettre ouverte dans laquelle ils ont souligné que les trois rapports de l’AR7 « peuvent et doivent » être produits d’ici juin 2028 afin de rester pertinents pour éclairer l’élaboration des politiques climat au niveau planétaire. En clair, le Giec doit produire son AR7 à temps pour éclairer le GST-2 et il est essentiel que le calendrier du 7e cycle du Giec soit aligné sur l’échéance du GST-2.

Une synthèse des principaux arguments formulés dans cette lettre ouverte a été rédigée par Dr Youba Sokona et publiée le 31 juillet 2024 par le site spécialisé sur le climat, Climate Home News

Ainsi, selon ces 40 auteurs, les rapports du Giec jouent un rôle central dans l’évaluation des connaissances scientifiques sur le changement climatique et fournissent des données et informations rigoureuses, solides et fiables qui sont essentielles pour éclairer les décisions des Gouvernements, tout particulièrement dans le contexte des négociations multilatérales (surtout au sein de la CCNUCC). Ils estiment qu’Il est essentiel de veiller à ce que le 7e cycle d’évaluation du Giec s’aligne sur les échéances du GST-2 pour maintenir l’intégrité de la coopération internationale en matière de climat.

Par ailleurs, selon les auteurs de la lettre ouverte, il vaudrait mieux accorder la priorité aux efforts visant à améliorer l’inclusion des voix des pays en développement, plutôt que d’accepter de retarder excessivement la publication des rapports de l’AR7, ce qui pourrait compromettre la pertinence de l’AR7 pour le GST-2.

Toujours selon la lettre ouverte, les pays qui ne sont pas en faveur d’une publication accélérée des trois rapports thématiques de l’AR7 (voir plus loin) justifient leur position, en avançant trois arguments, selon lesquels accélérer le processus de production des trois rapports pourrait poser le risque :

▪     de conduire à une sous-représentation des pays en développement, notamment vulnérables. Un retard pourrait compromettre l’inclusion des représentants de l’ensemble des pays du Sud et des non-anglophones, ce qui réduirait la diversité des points de vue qui sont indispensables pour réaliser une évaluation complète ;

▪     de conduire à une réduction de la couverture des sujets couverts par l’AR7. Il est essentiel d’assurer un large éventail de sujets pour aborder la nature multidimensionnelle du changement climatique et fournir une compréhension holistique ; et

▪     de disperser les messages clés des trois groupes de travail du Giec. La prise en compte en temps utile des analyses des trois groupes de travail est cruciale pour une évaluation cohérente et complète.

Enfin, les 40 auteurs soulignent que l’accélération de la production à raison de quelques mois ne compromettrait pas la robustesse de l’AR7. Les rapports d’évaluation précédents ont été menés à bien en cinq à six ans, par exemple, le 5e cycle d’évaluation a été réalisé en six ans (2008-2014).

Sources : Climate Home News du 31 juillet 2024 et Carbon Brief, 6 août 2024.

 

Comme lors de la 60e session du Giec, les sept jours de négociation intenses, complexes et en partie tendues à Sofia ont donné lieu à de fortes divergences d’opinion, notamment sur la question de savoir si et comment les travaux des trois groupes de travail (Working Groups ou WG) du Giec (WG I : bases physiques du changement climatique ; WG II : impacts, adaptation et vulnérabilité ; WG III : atténuation) vont alimenter les travaux du 2e bilan mondial (Second Global Stocktake ou GST 2), prévu en 2028 par l’article 14 de l’Accord de Paris.

A Sofia, plusieurs options ont été débattues, et notamment :

  • un calendrier proposé par les six co-Présidents des trois groupes de travail (chaque groupe de travail ayant deux co-Présidents, voir page du site du Giec consacrée aux Working Groups), dont la durée totale serait de six ans, soit le même ordre de grandeur que celle des 5e et 6e cycles d’évaluation (respectivement 2008-2014 et 2015-2022) : publication des trois rapports en décalé, à savoir respectivement en mai, en juin et en juillet-août 2028 (et le rapport de synthèse en mai 2029). Cette proposition a été présentée suite à la demande en ce sens adressée au bureau du Giec lors de sa 60e session,
  • un calendrier accéléré dans le cadre duquel le rapport de chacun des trois groupes de travail serait publié d’ici la conférence de Bonn sur le climat en juin 2028 (sessions du SBSTA et du SBI). Ce calendrier a été proposé par Belize et soutenu par les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (source : IISD, 5 août 2024),
  • un calendrier prolongé afin de donner davantage de temps aux auteurs pour terminer les rapports.

Les deux premières propositions de calendrier permettraient que l’ensemble des résultats et conclusions de l’AR7 éclairent le GST 2.

Une cinquantaine de pays industrialisés, pays émergents et pays en développement (Allemagne, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Australie, Bahamas, Barbade, Belarus, Belgique, Belize, Brésil, Canada, Chili, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Haïti, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Japon, Kiribati, Lettonie, Luxembourg, Malawi, Monaco, Nigeria, Norvège, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Singapour, Suède, Suisse, Timor-Leste, Turquie, Tchad, Ukraine, Uruguay et Zimbabwe, ainsi que l’UE dans son ensemble) a soutenu le calendrier proposé par les six co-Présidents des trois groupes de travail du Giec, plusieurs d’entre eux insistant sur l’importance du fait que l’AR7 doit alimenter le GST-2 (source : IISD, 5 août 2024).

Certains pays, dont les petits États insulaires et les pays les moins avancés, ont insisté pour que les rapports de l’AR7 soient livrés rapidement afin de garantir une contribution adéquate du Giec au processus d’évaluation technique du GST-2. Ils ont fait valoir que la contribution du Giec au GST-2 est particulièrement cruciale pour les pays qui n’ont pas les capacités à mener leurs propres recherches et qui sont les plus vulnérables aux impacts immédiats du chang ement climatique.

La représentante du petit Etat insulaire Saint-Christophe-et-Niévès a notamment souligné qu’en l’absence d’un apport « crucial » du Giec au GST-2 via l’AR7, les travaux du Giec perdraient leur pertinence politique et elle a insisté sur l’importance primordiale des contributions du Giec pour les petits Etats insulaires. Par ailleurs, elle a rappelé que si le calendrier proposé est plus serré que celui du 6e cycle d’évaluation, celui-ci comportait trois rapports spéciaux (réchauffement à 1,5°C ; changement climatique et terres ; océans et cryosphère), alors que l’AR7 n’en comporte qu’un seul (changement climatique et villes – voir plus haut).

En revanche, une douzaine de pays (Afrique du Sud, Algérie, Burundi, République du Congo, Jordan, Kenya, Libye, Russie et Venezuela, menés par l’Arabie saoudite, la Chine et l’Inde) se sont opposés au calendrier accéléré proposé par les six co-Présidents des trois groupes de travail du Giec. Ils ont souligné l’importance d’accorder davantage de temps à l’analyse des études scientifiques et aux examens (reviews) par les Gouvernements nationaux pour obtenir des résultats scientifiques robustes et rigoureux et pour renforcer l’inclusivité. Pour sa part, l’Inde a indiqué qu’il faut du temps pour produire les meilleures données et informations scientifiques et que la précipitation conduirait à un travail bâclé.  

Conclusion

Les délégués du Giec réunis à Sofia ont une nouvelle fois échoué à parvenir à un consensus sur un calendrier de planification stratégique et de publication de son AR7. Le soir du 1er août 2024, le Président du Giec, Jim Skea, a évoqué l’énorme difficulté rencontrée à Sofia pour trouver une solution acceptable pour toutes les délégations et en l’absence d’un consensus, il a proposé, comme il l’avait fait à Istanbul, de reporter la décision sur le sujet à la prochaine session plénière du Giec (IPCC-62, en février 2025). Cette proposition a été approuvée par les délégués réunis à Sofia via la décision IPCC-LXI-9 sur le calendrier de planification stratégique.

 

Prochaines étapes

Une réunion de cadrage (scoping meeting) sur les contributions respectives des trois groupes de travail du Giec à l’AR7 est prévue en décembre 2024. L’objet de cette réunion d’experts techniques sera d’élaborer les grandes lignes des trois rapports thématiques de l’AR7.

Dans un communiqué publié au terme de sa 61e session, le Giec a indiqué que, sur la base des résultats de cette réunion de cadrage, les propositions de grandes lignes qui devraient en découler seront soumises aux délégués en plénière lors de l’IPCC-62 en février 2025 pour examen et approbation. Ainsi, ils devront approuver le cadrage, les grandes lignes et les programmes de travail pour la réalisation de l’AR7 (dont les calendriers et les budgets). Ensuite, les appels à nomination des auteurs seront lancés

Le 9 août 2024, le Giec a lancé un appel à nomination des auteurs du rapport spécial Changement climatique et villes. L’appel à nomination des auteurs du rapport méthodologique sur les inventaires pour les forceurs climatiques à courte durée de vie devrait être lancé prochainement.

 

[1] Les forceurs climatiques à courte durée de vie (short-lived climate forcers ou SLCF) sont des substances à courte durée de vie qui ont un impact sur le climat, telles que le carbone suie (black carbon), le CH4, l’ozone troposphérique et certaines espèces de HFC (notamment le HFC-134a, principal HFC émis, et le HFC-1234yf) – lire notre article. Voir aussi le chapitre consacré aux SLCF dans le premier volume du 6e rapport d’évaluation du Giec (publié le 9 août 2021).

 

En savoir plus

Communiqué du Giec du 24 juillet 2024 (en amont de la 61e session)

Communiqué du Giec du 2 août 2024 (au terme de la 61e session)

Page du site du Giec consacrée à sa 61e session

L’ensemble des décisions adoptées par le Giec lors de sa 61e session

Page du site du Giec consacrée au futur rapport spécial sur le changement climatique et les villes

Page du site du Giec consacrée au futur rapport méthodologique sur les forceurs climatiques à courte durée de vie

Pour l’instant, le Giec n’a pas mis en ligne sur son site une page consacrée à son 7e rapport d’évaluation

Institut International du Développement Durable (IISD) : Summary of the 61st session of the Intergovernmental Panel on Climate Change, 27 July – 2 August 2024, Earth Negotiations Bulletin  vol. 12 n° 854, 5 août 2024

Carbon Brief : IPCC meeting in Sofia fails to agree timeline for seventh assessment report

Directive NEC-2 : la Commission lance une consultation publique en vue de sa révision

Le 3 septembre 2024, la Commission européenne a lancé une consultation publique ouverte en ligne sur l’évaluation de la directive dite NEC-2 (directive (UE) 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques – voir encadré en fin d’article).

Objet de la consultation publique

La Commission vise à recueillir l’avis des parties prenantes et des citoyens sur la directive, sa mise en œuvre et les progrès réalisés pour atteindre les objectifs et engagements fixés par cet acte législatif. Concrètement, le but de la consultation est :

  • d’évaluer si la directive contribue de façon efficace à la réalisation de ses objectifs et engagements,
  • d’évaluer la pertinence de cette directive, compte tenu de l’évolution de la situation, notamment des progrès scientifiques et techniques et de la mise en œuvre d’autres politiques de l’UE en matière de climat et d’énergie,
  • de clarifier les éventuels obstacles à la mise en œuvre de la directive et d’examiner les possibilités de simplification et de réduction des coûts associés à la mise en œuvre.

La date limite de réponse est le 26 novembre 2024 (voir lien de la consultation publique).

L’évaluation de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11 (voir encadré en fin d’article), la Commission doit procéder à un réexamen (review) de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

La Commission a lancé début 2024 les travaux d’examen de la directive NEC-2. Elle réalisera son évaluation en suivant les lignes directrices du programme « Mieux légiférer », (qu’elle a publiées le 3 novembre 2021). L’évaluation déterminera dans quelle mesure la directive a atteint son objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement en réduisant les émissions nationales des cinq polluants atmosphériques visés par la directive (SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5).

Elle tiendra également compte des objectifs en matière de qualité de l’air fixés dans le plan d’actions « Zéro pollution », présenté par la Commission le 12 mai 2021 (lire notre article). En outre, l’évaluation déterminera si la directive s’est avérée cohérente avec la politique de l’UE en matière de qualité de l’air, si elle y a contribué et si elle a créé des synergies avec d’autres politiques de l’UE.

L’évaluation comporte également une consultation ciblée des parties prenantes visant à recueillir les avis d’un public d’experts sur des questions spécifiques. Cette consultation a été lancé le 3 septembre 2024. Elle contient des questions plus spécifiques posées à différents groupes de parties prenantes, notamment les États membres et les autorités compétentes, les organisations de la société civile, les parties prenantes internationales, les représentants du secteur industriel, ainsi que la communauté scientifique. La date limite de réponse est le 26 novembre 2024.

Par ailleurs, la Commission organise un atelier d’une journée pour les parties prenantes, prévu le 14 octobre 2024 à Bruxelles. Il permettra aux parties prenantes de donner leur avis sur le fonctionnement et la mise en œuvre de la directive. La date limite pour s’inscrire à l’atelier est le 9 septembre 2024.

Enfin, la Commission a fait appel à un bureau de consultants pour réaliser une étude spécialisée afin d’étayer l’évaluation ainsi que les consultations publiques et ciblées des parties prenantes.

La Commission prévoit d’achever le réexamen de la directive NEC-2 en 2025 en amont des négociations dans le cadre de la CEE-NU visant à réviser le Protocole de Göteborg sur la réduction de l’acidification, l’eutrophisation et la formation de l’ozone troposphérique. Ce Protocole, adopté en 1999, puis révisé une première fois en 2012, constitue la base juridique de la directive NEC-2.

La mise en œuvre de la directive NEC-2

Rapport de la Commission européenne

Conformément à l’article 11 de la directive NEC-2, la Commission européenne a publié le 30 juillet 2024 son 2e rapport de mise en œuvre de la directive NEC-2 (réf. COM(2024) 348 final) qui évalue les progrès réalisés depuis la publication du premier rapport (réf. COM(2020) 266 final du 26 juin 2020). S’appuyant sur les données fournies par les Etats membres au titre de la directive (les inventaires d’émissions communiqués par les Etats membres en 2023, données 2021), le 2e rapport montre que 10 Etats membres (Autriche, Bulgarie, Danemark, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal et Suède) ne respectent pas leurs engagements de réduction pour le NH3.

Dans son rapport, la Commission souligne que « le seul polluant qui s’avère particulièrement problématique reste le NH3, pour lequel les perspectives de réalisation des engagements de réduction des émissions prévus dans la directive demeurent sombres » (source : COM(2024) 348 final, p.23).

Selon le rapport, la difficulté principale rencontrée par les États membres est celle de réduire les émissions de polluants provenant des principales sources d’émission : l’agriculture (NH3) ; la combustion provenant du secteur résidentiel-tertiaire, et des transports routiers (PM2,5) ; ainsi que l’utilisation industrielle de solvants (COVNM).

La publication de la quatrième édition du rapport « Perspectives en matière d’air propre » (« Clean Air Outlook ») est prévue pour la fin de l’année 2024 (lire notre article sur la 3e édition, publiée le 8 décembre 2022), complétera le présent rapport en fournissant des informations sur la trajectoire en matière de conformité. Le rapport « Perspectives en matière d’air propre » s’inscrit dans le cadre du programme Air pur pour l’Europe (publié par la Commission le 18 décembre 2013) qui prévoit une mise à jour tous les deux ans des données sur lesquelles a reposé l’étude d’impact de la directive (UE) 2016/2284 pour suivre et évaluer le progrès accompli vers la réalisation de ses objectifs.

Plus spécifiquement, les « Perspectives en matière d’air propre » de 2024 fourniront une évaluation analytique détaillée sur la question de savoir dans quelle mesure les États membres, et l’UE dans son ensemble, sont en voie de respecter les obligations en matière de réduction des émissions établies par la directive et d’améliorer la qualité de l’air, réduisant ainsi les incidences sur la santé humaine et l’environnement.

Analyse de l’Agence européenne pour l’Environnement

De son côté, l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE ou EEA en anglais) a publié, le 25 juin 2024, sa 3e évaluation annuelle des progrès accomplis par les Etats membres pour respecter leurs engagements de réduction des émissions des cinq polluants visés par la directive NEC-2. Cette note d’analyse (Briefing) est basée sur les données d’émission pour l’année 2022, dernière année pour laquelle les Etats membres ont rapporté leurs émissions (en mars 2024).

Selon la note d’analyse de l’AEE, en 2022, 16 États membres (dont la France) ont respecté leurs engagements nationaux respectifs de réduction des émissions pour la période 2020-2029 pour chacun des cinq principaux polluants atmosphériques, tandis que 11 États membres n’ont pas respecté leurs engagements pour au moins l’un des cinq principaux polluants atmosphériques.

Comme l’avait souligné la Commission dans son rapport publié le 30 juillet 2024 (voir plus haut), la réduction des émissions de NH3 reste le plus grand défi : neuf États membres doivent réduire leurs niveaux d’émission en 2022 pour respecter leurs engagements de réduction pour la période 2020-2029. Le secteur agricole est la principale source, responsable de 93% des émissions totales de NH3. Dans de nombreux États membres, les émissions de NH3 n’ont que légèrement diminué depuis 2005 et ont même augmenté dans certains cas.

Réaliser de nouvelles réductions pour 2030 et au-delà constituera un défi de taille pour la quasi-totalité des États membres de l’UE et pour la quasi-totalité des polluants atmosphériques. Le taux de réduction des émissions de certains polluants est en train de se stabiliser. Le SO2 constitue une exception : 22 États membres (dont la France) respectent déjà l’engagement de réduction pour 2030.

Les émissions des principaux polluants atmosphériques ont continué à diminuer, maintenant la tendance observée depuis 2005 et ce, malgré une augmentation du produit intérieur brut au cours de la même période.

La directive NEC-2

La directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (dite NEC 2) (lire notre dossier de fond sur le sujet) est venue réviser la directive 2001/81/CE relative aux plafonds d’émission nationaux, dite directive NEC 1. La directive NEC 2 étend la période de la directive NEC 1 de 2020 initialement à 2030 et au-delà. De plus, elle aligne le droit de l’UE sur les engagements découlant de la révision du Protocole de Göteborg adoptée le 4 mai 2012 (lire notre article sur le sujet). Entrée en vigueur : 31 décembre 2016, Date limite de transposition : 1er juillet 2018 (date à laquelle la directive NEC 1 a été abrogée).*

Les engagements nationaux de réduction

La directive NEC 2 oblige les Etats membres à limiter leurs émissions anthropiques annuelles de cinq polluants : SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5 conformément aux engagements nationaux de réduction fixés à l’annexe II de la directive (article 4). Ces engagements portent sur deux échéances : 2020 et 2030. Cela signifie que les engagements 2020 doivent être respectés sur l’ensemble de la période 2020-2029 (au moins).

Contrairement à la première directive NEC (directive 2001/81/CE), ces engagements ne sont pas des plafonds (en kt), mais des objectifs relatifs de réduction (en % par rapport à l’année de référence 2005). A noter qu’afin de garantir la continuité dans l’amélioration de la qualité de l’air, les plafonds d’émission nationaux établis par la directive 2001/81/CE ont continué de s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2019.

Les Etats membres doivent également prendre les mesures nécessaires visant à limiter leurs émissions anthropiques des cinq polluants de l’année 2025. Le niveau indicatif de ces émissions est déterminé par une trajectoire de réduction linéaire entre leurs niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2020 et les niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2030. La directive autorise les Etats membres à suivre une trajectoire de réduction non linéaire si celle-ci est plus efficace d’un point de vue économique ou technique, et à condition qu’à partir de 2025, elle converge progressivement vers la trajectoire de réduction linéaire et ne compromette pas les engagements de réduction des émissions pour 2030.

Engagements nationaux de réduction fixés pour la France (année de référence : 2005) (cf. annexe II)

En France, ces engagements ont été repris dans le plan national de réduction des émissions de polluants (PREPA), adopté le 10 mai 2017 (lire notre article sur le sujet).

Les programmes nationaux de lutte contre la pollution de l’air

Les Etats membres sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre un programme national de lutte contre la pollution de l’air, (National Air Pollution Control Programme ou NAPCP), dont le contenu minimal est défini à l’annexe III. Les Etats membres devaient soumettre leur premier programme national avant le 1er avril 2019. Celui-ci est à mettre à jour au minimum tous les quatre ans par la suite (article 6). La France a transmis (avec six mois de retard) son premier NAPCP en octobre 2019.

Conformément à l’article 6 de la directive NEC 2, les Etats membres devaient soumettre leur deuxième NAPCP au plus tard le 1er avril 2023 (voir p.6 de notre dossier de fond sur la directive NEC 2). La France a soumis son 2e NAPCP le 24 mai 2023.

Rapport de la Commission

Au plus tard le 1er avril 2020 et tous les quatre ans par la suite, la Commission doit présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la directive (article 11), et notamment une évaluation de sa contribution à la réalisation des objectifs généraux de la directive (cf. article 1er). Ce rapport évalue en particulier :

▪     les progrès accomplis dans la réalisation des engagements de réduction des émissions et, le cas échéant les raisons de leur non-respect) et en matière des niveaux de qualité de l’air ambiant conformément aux lignes directrices relatives à la qualité de l’air établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (lire notre article) ;

▪     l’identification des mesures supplémentaires nécessaires au niveau de l’UE et des Etats membres pour atteindre les objectifs précités ;

▪     les résultats de l’examen par la Commission des programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique (cf. article 6) et de leurs mises à jour conformément à l’article 10.

Réexamen et révision de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11, la Commission doit procéder à un réexamen de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

Le cas échéant, la Commission présente des propositions législatives concernant les engagements de réduction des émissions de polluants pour la période post-2030.

Spécifiquement concernant le NH3, la directive oblige la Commission, dans le cadre de son réexamen, d’évaluer entre autres :

▪     les données scientifiques les plus récentes,

▪     les mises à jour du document d’orientation de la CEE-NU de 2014 pour la prévention et la réduction des émissions de NH3 provenant des sources agricole (cf. Décision 2012/11, ECE/EB/AIR/113/Add.1.) et le code-cadre de bonnes pratiques agricoles pour réduire les émissions NH3 de la CEE-NU, tel que révisé en dernier lieu en 2014 (cf. Décision ECE/EB.AIR/127, paragraphe 36, point e).

En savoir plus

Communiqué de la Commission sur le lancement de la consultation publique

La consultation publique

La page du site de la DG Environnement consacrée à la directive NEC-2

La page du site de la DG Environnement consacrée aux NAPCP

La page du site de la DG Environnement consacrée au réexamen/à l’évaluation de la directive NEC-2

Communiqué de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Note d’analyse de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Voir données d’émission par Etat membre 2005-2022 (data viewer, page interactive).

Voir l’outil de suivi des politiques et mesures mises en place pour réduire les émissions de polluants atmosphériques (mise à jour le 22 février 2024)

RTE publie la mise à jour de son bilan prévisionnel

Du 21 au 30 juillet 2024, RTE (Réseau de transport d’électricité, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité haute tension en France métropolitaine) a actualisé son Bilan prévisionnel présentant ses scénarios prospectifs de production et consommation d’électricité vers la neutralité carbone en 2050, via une série de publications par chapitre thématique :

Ces nouveaux chapitres enrichissent, complètent et réactualisent les scénarios publiés précédemment (voir encadré ci-dessous). Il a fait l’objet d’une vaste concertation et s’inscrit dans le contexte de la préparation par l’État de la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC – lire notre article).

 

Contexte

Le 25 octobre 2021, RTE avait publié les premiers résultats de son étude prospective « Futurs Energétiques 2050 » sur l’évolution du système électrique visant à étudier les chemins possibles pour atteindre la neutralité carbone (lire notre article).

Le 19 septembre 2023, RTE a publié son « Bilan prévisionnel 2023-2035 » mettant à jour de ses scénarios prospectifs d’évolution de la production et consommation d’électricité en France dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone en 2050. Ce rapport mettait en avant différents scénarios envisageables, avec des rythmes différents de consommation d’énergie, de recours aux leviers (efficacité énergétique, sobriété, énergies renouvelables et nucléaire), d’électrification des usages et de développement des énergies bas-carbone dont un qui permettrait à la France d’atteindre ses objectifs climat rehaussés et son objectif de réindustrialisation.

▪     Le scénario A permet d’atteindre les objectifs de décarbonation accélérée et de réindustrialisation en 2030 et 2035. Il présente une électrification renforcée ;

▪     Le scénario B permet d’atteindre les objectifs climatiques et de réindustrialisation avec un retard de trois à cinq ans ;

▪     Le scénario C décrit un environnement de « mondialisation contrariée », dans lequel les tensions macroéconomiques et géopolitiques se prolongent durablement.

RTE y soulignait l’importance de l’électrification pour que la France sorte des énergies fossiles ; ainsi que le besoin en investissements massifs.

 

Parmi les messages clés de cette actualisation, citons :

 

Production et consommation d’électricité bas-carbone

  • Pour atteindre les objectifs de décarbonation accélérée et de souveraineté énergétique, une croissance forte et rapide de la consommation d’électricité est nécessaire ;
  • Les nouvelles perspectives de croissance de la consommation électrique marquent une rupture, qui sera progressive, par rapport à la tendance à la baisse depuis 15 ans ;
  • La France a les moyens de gérer ces besoins d’électricité en hausse en s’appuyant sur quatre leviers essentiels : sobriété, efficacité énergétique, renouvelables et nucléaire. Renoncer à l’un de ces leviers rend extrêmement difficile l’atteinte des objectifs climatiques et de sécurité d’approvisionnement ;
  • La maîtrise de la demande en électricité est indispensable, dans ses deux composantes : efficacité énergétique et sobriété ;
  • L’accélération du développement des renouvelables, un levier essentiel pour accroître rapidement le productible décarboné. Un enjeu de massification : d’ici 2035, viser au minimum une production d’électricité renouvelable annuelle de 270 TWh (contre environ 120 TWh aujourd’hui) et si possible de 320 TWh ;
  • Maximiser la production annuelle du parc nucléaire existant, un élément incontournable pour réussir la décarbonation au cours de la prochaine décennie. Au cours de la prochaine décennie, l’enjeu est de retrouver des niveaux de disponibilité et de production supérieurs à ceux des dernières années : viser une production de 400 TWh à parc complet, tabler sur 360 TWh.

 

Emissions de gaz à effet de serre (GES) 

  • Tous les leviers, décarbonation de l’énergie, efficacité et sobriété, sont nécessaires pour atteindre les prochains objectifs climatiques renforcés. Cela nécessite des inflexions dans tous les secteurs de l’économie ;
  • Le rythme de décarbonation doit s’accélérer pour tous les secteurs, en particulier pour les transports, secteur pour lequel le potentiel de baisse des émissions est le plus important et peut être rempli principalement par l’électrification des véhicules associée à une réduction de la part modale de la voiture ;
  • L’accélération de la baisse des émissions à l’horizon 2030 dans le secteur des bâtiments est possible en combinant les efforts de décarbonation de l’énergie, dont le déploiement de pompes à chaleur, et de rénovation thermique des bâtiments
  • Les mesures de décarbonation de l’énergie et les mesures d’efficacité énergétique constituent les principales mesures pour décarboner le secteur industriel, indépendamment du niveau de demande de consommation du pays
  • Les émissions de GES liées à la production d’énergie en France pourraient être divisées par deux avec l’augmentation de la part des énergies bas-carbone dans le mix énergétique français ;
  • Dans la famille de scénarios B, le retard dans le déploiement des leviers de décarbonation présente un risque de manquer la cible de l’ordre de 40 MtCO2e en 2030 ;
  • Dans les scénarios C de mondialisation contrariée, l’objectif climatique en 2030 peut être atteint du fait d’une baisse d’activité économique importante et ce, malgré un ralentissement du déploiement des leviers de décarbonation ;
  • Le système électrique bas-carbone : un levier majeur pour baisser les émissions de GES en France. À l’horizon 2030-2035, le système électrique français restera bas-carbone même en tenant compte des analyses en cycle de vie des infrastructures de production et même dans des configurations dégradées ;
  • Le développement de la production d’électricité bas-carbone, renouvelable et nucléaire, est sans regret sur le plan climatique.

 

Nouveaux usages de l’électricité dans le bâtiment, l’industrie et les transports

  • Accélérer la sortie des énergies fossiles grâce au déploiement des pompes à chaleur réduit significativement les émissions de gaz à effet de serre du chauffage. Accélérer le développement des pompes à chaleur ne conduit pas à augmenter sensiblement la consommation d’électricité.
  • La France a les moyens de développer une production d’hydrogène bas-carbone locale pour décarboner certains secteurs, mais elle sera en concurrence possible des importations, notamment pour les carburants de synthèse
  • La perspective de développement du véhicule électrique se confirme pour les véhicules légers et se renforce pour le transport lourd. Même une électrification poussée du parc de voitures et de poids lourds ne conduit pas à augmenter trop fortement la consommation d’électricité.

 

 

Dans un contexte d’incertitude sur la SFEC, la France transmet la version revue de son plan national énergie climat à la Commission

Le 10 juillet 2024, le gouvernement a officiellement transmis à la Commission européenne le Plan national énergie-climat (PNEC, en anglais National Climate and Energy Plan ou NECP, outil de planification stratégique, mis à jour tous les 10 ans, permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront leurs objectifs climat et contribueront à atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, voir encadré en fin d’article) de la France, sur la base de la première version transmise le 11 novembre 2023 et des recommandations de la Commission qui avaient suivi.

Cette transmission, dépassant de plus d’une semaine l’échéance fixée au 30 juin 2024, intervient alors que la publication des documents clés de la Stratégies Française Energie Climat (SFEC) est en suspens (voir plus bas). Et, surtout, elle intervient dans un contexte politique très incertain depuis la dissolution de l’Assemblée nationale (9 juin 2024) et les élections législatives anticipées (30 juin et 7 juillet 2024) ayant vu le parti gouvernemental perdre sa majorité, suivi par une période d’attente de nomination d’un nouveau Premier Ministre.

 

Version provisoire et recommandations de la Commission

Le premier NECP de la France avait été publié le 1e avril 2020 par la Commission, relatif à la période 2021-2030 et à la compatibilité des mesures planifiées par la France avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE. La France avait présenté son projet de mise à jour de son NECP le 11 novembre 2023, publié par la Commission le 21 du même mois. La Commission européenne avait ensuite publié, le 18 décembre 2023, l’évaluation des projets de mise à jour des NECP de tous les Etats membres, dont celui de la France.

Parmi les recommandations sur le volet atténuation, plusieurs portaient sur une demande de hausse d’ambition sur le déploiement des énergies renouvelables (EnR), notamment de revoir fortement à la hausse, en la portant à au moins 44%, la part des EnR qu’elle vise à atteindre à titre de contribution à l’objectif contraignant de l’UE en matière d’EnR à l’horizon 2030 fixé par la directive RED III (directive (UE) 2023/2413 sur la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ; mais aussi de fournir un plan à long terme pour le déploiement des énergies renouvelables à horizon 2040, entre autres (lire notre article pour un résumé plus détaillé des recommandations).

 

 

Contenu du PNEC

Le reflet d’une politique climat dont l’actualisation est en suspens

Le PNEC se base sur les travaux de concertation et de construction de la prochaine SFEC qui inclut la mise à jour des principaux documents de planification de la politique nationale de transition écologique même si ceux-ci ne sont pas finalisés, voire sont en suspens :

  • la loi de programmation énergie-climat (LPEC), qui devait initialement être adoptée avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, conformément à l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et à l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie. Plusieurs fois reportée, un projet de loi a été proposé, puis fortement modifié, avant d’être abandonné, comme l’a confirmé, Roland Lescure l’ancien Ministre de l’Industrie et de l’Energie, dans un entretien au Figaro du 10 avril 2024 ;
  • la mise à jour de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), attendue d’ici 2024, devant proposer de nouveaux budgets carbone en cohérence avec l’objectif de l’UE de -55% d’ici 2030 ;
  • la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont la 3e version est aussi attendue courant 2024 ;
  • le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), initialement aussi attendu en 2024.

Depuis, la dissolution de l’Assemblée nationale et les résultats des élections législatives anticipées du 7 juillet 2024 ont mis en suspens ces dossiers. Compte tenu de cette situation, le PNEC mis à jour précise qu’il reflète les objectifs fixés à date jusqu’en 2030 (et jusqu’en 2035 pour le volet énergétique) ; et que les trajectoires au-delà de 2030 devront être actualisées (par exemple à l’occasion du rapport biennal d’avancement) après publication de ces documents de programmation.

 

Réduction des émissions brutes de 50% entre 1990 et 2030

En attendant la future publication de la SNBC-3 qui proposera une mise à jour des prochains budgets carbone, le PNEC indique les valeurs issues du scénario de référence (dit AMS, Avec Mesures Supplémentaires) utilisé pour la conception de la SNBC-3, plus ambitieux que celui de la SNBC-2. Ce scénario permet de fournir des données indicatives de ces prochains budgets.

Figure 1. Emissions de GES brutes (hors puits de carbone du secteur UTCATF), trajectoire indicative pour la future SNBC-3 et budgets préliminaires pour la SNBC-3 en comparaison avec ceux de la SNBC-2. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 56

 

Selon ces valeurs indicatives, la réduction des émissions brutes de GES (c’est-à-dire hors puits de carbone du secteur UTCATF) serait de 50% entre 1990 et 2030 pour atteindre 271 Mt CO2e à cet horizon.

Le tableau ci-dessous présente les valeurs indicatives pour les prochains budgets carbone attendus dans la SNBC-3, déclinées par secteur, et leur comparaison aux valeurs de la SNBC-2 en vigueur.

 

 

 

Figure 2. Valeurs des estimations préliminaires prochaine SNBC-3 indiquées dans le PNEC. Valeurs arrondies au million de tonne près. Source : tableau de la DGEC reproduit dans la PNEC, p.56-57 Juillet 2024. Bâtiments : Une note du PNEC précise que la cible brute en 2030 pourrait atteindre 268 Mt CO2 si un scénario permettait de respecter la cible proposée pour le secteur des bâtiments dans le cadre des travaux de la planification écologique (32 Mt). A noter que dans les annonces faites en mai 2023, la cible pressentie pour les bâtiments était de 30 Mt.

 

Prudence sur l’évolution du puits de carbone

Dans ses recommandations, la Commission européenne demandait à la France d’établir une trajectoire de hausse du puits de carbone et de définir des mesures supplémentaires pour y parvenir, afin d’atteindre objectif national UTCATF défini par le règlement (UE) 2018/841.

Le PNEC mis à jour reste cependant prudent, tenant compte de « l’évolution défavorable des paramètres essentiels de la forêt française que sont la mortalité et l’accroissement biologique ». En effet, le puits de carbone net du secteur UTCATF a fortement diminué ces dernières années (voir le chapitre UTCATF du rapport Secten). Le PNEC indique la valeur provisoire, obtenue pour 2030 sur la base de projections, d’un niveau équivalent à la valeur de 2022, soit environ -18 Mt CO2e. ; au lieu de -44 Mt CO2e comme prévu initialement par la SNBC-2. L’ambition étant d’atteindre la cible de -31 Mt CO2e à cette échéance, le PNEC note cet écart et souligne de fortes incertitudes sur ces projections.

 

Figure 3. Bilan net du secteur UTCATF (puits de carbone), projections provisoires, cible 2030 de la SNBC-2 et niveau provisoire indiquée dans le PNEC d’après le scénario AMS. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 65

 

Des objectifs sur les énergies renouvelables replacés dans la cadre plus large des énergies décarbonées, incluant le nucléaire

Alors que la Commission recommandait de revoir à la hausse les objectifs sur le déploiement des énergies renouvelables, le PNEC réaffirme les ambitions déjà indiquées dans la version précédente du PNEC, à savoir celles de la PPE-2 (2e Programmation pluriannuelle de l’énergie) sur la période 2019-2028. Concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC considère que l’objectif de 23% fixé à la France pour l’année 2020 par la directive 2009/28/CE modifiée sur la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables (EnR), sera atteinte, quatre ans après, en 2024.

Plutôt que de proposer un nouvel objectif sur la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC met en avant non pas les énergies renouvelables seules mais les énergies décarbonées, incluant donc le nucléaire, comme moyen de contribuer aux objectifs d’atténuation de l’UE. Le PNEC indique ainsi un objectif de 58% d’énergie décarbonée dans la consommation finale d’énergie en 2030, et 71% en 2035. Atteindre cette trajectoire passe par le renforcement de la production nucléaire (lire notre article sur la loi sur l’accélération du nucléaire) et le développement des énergies renouvelables (lire notre article sur la loi accélération des EnR). Enfin, la consommation finale brute d’énergie renouvelable de la France en 2030, d’après le scénario de la SFEC, est estimée à environ 570 TWh.

 

Les NECP

Les Plans nationaux énergie-climat (dont leur nom officiel est Plans nationaux intégrés énergie-climat, PNIEC, au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 ; mais le terme Plan national énergie climat, PNEC, est davantage utilisé.) doivent être soumis par les Etats membres conformément à l’obligation établie par le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (articles 3 et 4) (lire notre article). Ces NECP sont décennaux, à compter de la période 2021-2030. Les Etats membres devaient soumettre à la Commission leur projet de premier NECP avant le 31 décembre 2018, et la version définitive au 31 décembre 2019 (article 9). Ils devront soumettre leur 2e plan d’ici le 1er janvier 2029, et ainsi de suite.

Les NECP sont le principal outil de planification stratégique permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de l’union de l’énergie et resteront sur la bonne voie pour atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Ils contribuent à la prévisibilité des investissements à court, moyen et long terme et constituent un outil essentiel pour mobiliser les investissements massifs nécessaires pour atteindre cet objectif collectif.

Les NECP doivent comporter une description :

▪     des objectifs nationaux et des contributions nationales définis au titre de l’Union de l’énergie (réduction des émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables et efficacité énergétique),

▪     des politiques et mesures prévues ou adoptées pour les mettre en œuvre.

Le règlement 2018/1999 (annexe I) établit un modèle de NECP pour garantir une présentation harmonisée entre les Etats membres en vue de faciliter leur évaluation.

Les versions définitives de ces premières NECP avaient été rendues publiques par la Commission le 1er avril 2020.

Le 17 septembre 2020, la Commission avait publié une évaluation, à l’échelle de l’UE, des premières NECP. L’évaluation de la Commission montrait que l’UE était sur la bonne voie pour dépasser son objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 40% d’ici à 2030, en particulier grâce aux progrès en cours dans le déploiement des EnR dans toute l’UE. La Commission concluait que l’UE devrait accroître davantage l’efficacité énergétique et la part des EnR. Voir le détail de cette évaluation globale dans notre article.

Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a publié les évaluations individuelles des NECP de chacun des 27 Etats membres. Il s’agissait d’analyser les trajectoires et les ambitions de chaque État membre par rapport aux objectifs actuels en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 (lire notre article).

Au plus tard le 30 juin 2023, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2033, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre est tenu de soumettre à la Commission un projet de mise à jour de son NECP (cf. article 14 du règlement (UE) 2018/1999).

Au plus tard le 30 juin 2024, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2034, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre soumet à la Commission la version définitive de la mise à jour de son NECP.

Le 18 décembre 2023, la Commission européenne a publié une évaluation globale, à l’échelle de l’UE, des projets de mise à jour des NECP des 21 Etats membres qui avaient soumis les leurs à l’échéance prévue. Parallèlement à cette évaluation globale, la Commission a publié des évaluations individuelles et des recommandations par pays pour ces 21 États membres (voir JOUE du 7 mars 2024). Ces recommandations portent sur les éléments actuellement manquants qui devraient figurer dans les versions définitives de mise à jour des NEPC afin d’aider les États membres à atteindre les nouveaux objectifs climat-énergie résultant du paquet « Fit for 55 » [Ajustement à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 – lire notre article] et du dispositif REPowerEU – lire notre article). Lire notre article pour plus de détails sur ces évaluations et notamment sur l’évaluation de la Commission et ses recommandations à l’attention de la France.

 

 

En savoir plus

Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC), juin 2024

Page de la Commission européenne consacrée aux PNEC 

 

Petit-déjeuner du Citepa : 12/09/24 | Comment évaluer l’impact du télétravail sur les émissions des mobilités professionnelles ?

12/09/24 | Comment évaluer l’impact du télétravail sur les émissions des mobilités professionnelles ? – avec Yves Crozet

Depuis la pandémie, le télétravail est devenu une réalité pour plus de 20% des actifs. Au point que la stratégie nationale bas carbone (SNBC) considère le télétravail comme un des leviers permettant de réduire les émissions de la mobilité des personnes. Avec le soutien de l’ADEME, trois équipes de recherche (CITEPA, LAET, THEMA) ont rapproché leurs modèles pour évaluer les effets du télétravail dans 4 agglomérations types, en prenant en compte l’effet rebond d’une relocalisation des ménages.

Pour en comprendre les enjeux, le Citepa vous propose d’échanger autour d’un petit-déjeuner avec Yves Crozet, Economiste, membre du Laboratoire Aménagement Economie Transports (LAET-CNRS) et Professeur émérite à Sciences-Po Lyon. 

Ce petit déjeuner est accessible en visioconférence et les adhérents peuvent participer en présentiel sur inscription.
 

Décarbonation de l’industrie : signature des contrats de transition des 50 sites les plus émetteurs

Le 22 novembre 2023, les contrats de transition écologique (voir encadré ci-dessous) des principales entreprises industrielles françaises les plus émettrices de CO2 ont été signés par le Ministre délégué chargé de l’Industrie et les présidents des entreprises concernées, en présence de la Première ministre. Ces contrats ont ensuite été présentés le 13 décembre 2023, le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

 

Etapes précédentes

Le 8 novembre 2022, le Président de la République avait réuni à l’Elysée les dirigeants des 50 sites industriels les plus émetteurs de GES en France pour donner une nouvelle impulsion à la décarbonation de ce secteur et leur proposer un contrat : s’ils parviennent à doubler leurs efforts de réduction (soit de parvenir à une réduction de 20 Mt CO2 d’ici 2030), le Gouvernement doublera les moyens consacrés à cet enjeu, passant de 5 à 10 Md€ d’ici 2030 (lire notre article). Ainsi, la rédaction de contrats de transition écologique a été lancée, précisant le calendrier et les modalités de réduction de leurs émissions de GES. Une clause de revoyure était alors initialement prévue à 18 mois (à l’été 2024 donc) pour déterminer comment accroître ces mécanismes d’accompagnement public.

 

-45% d’émissions entre 2015 et 2030

Les entreprises concernées génèrent actuellement 55% des émissions industrielles en France et environ 12% des émissions nationales (le secteur de l’industrie manufacturière et construction représente 17,4% des émissions totales en France en 2023, source Citepa, rapport Secten éd. 2024, pré-estimation). Avec ces contrats, elles s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 et de 50% d’ici 2032, par rapport à 2015, à l’aide d’investissements estimés entre 50 et 70 milliards d’euros.

Au total, 32 contrats rassemblant 23 entreprises ont été établis :

Figure 1. Liste des contrats de transition. Source : Direction Générale des Entreprises

 

Nouvelles feuilles de route de décarbonation de certaines filières

Dans le cadre du plan de relance (lire notre article) et en application de l’article 301 de la loi climat et résilience (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 – lire notre brève), des feuilles de route de décarbonation, pour chaque secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre, devaient être élaborées avant le 1er janvier 2023. De nombreuses feuilles de routes ont donc été publiées courant 2022 et 2023 : voir notre article faisant le point sur les filières concernées. Depuis, de nouvelles feuilles de route ont été publiées ou mises à jour, et annoncées à l’occasion de la signature des contrats de transition des 50 sites les plus émetteurs :

 

 

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Communiqué

Dossier de presse

Emissions de CO2 en Chine : première baisse trimestrielle depuis la pandémie du Covid-19

Le 8 août 2024, le site britannique spécialisé dans les questions climat, Carbon Brief, a publié une analyse des émissions de CO2 de la Chine, premier émetteur mondial de CO2 (35% du total mondial en 2023, source : AIE, 1er mars 2024). Cette nouvelle analyse a été réalisée par Lauri Myllyvirta du Centre de recherche sur l’énergie et l’air propre (Centre for Research on Energy and Clean Air, CREA).

 

Méthodologie

Il s’agit de données pré-estimées sur la base d’indicateurs mensuels officiels (données de production et de consommation de combustibles/carburants et de ciment publiées par le Bureau national des statistiques, données sur les produits importés et exportés provenant des autorités douanières, etc.).

 

Principaux résultats

Selon cette nouvelle analyse, les émissions de CO2 de la Chine ont baissé de 1% au 2e trimestre 2024 par rapport au 2e trimestre 2023. Il s’agit de la première baisse trimestrielle depuis la levée des restrictions « zéro-Covid » en décembre 2022.

Figure 1. Evolution des émissions de CO2 en Chine par trimestre 2013-2024 (en Mt CO2). Source : Carbon Brief, 8 août 2024.

 

Le 28 mai 2024, Carbon Brief avait déjà annoncé, sur la base d’une première analyse de Lauri Myllyvirta, que les émissions de CO2 de la Chine avaient enregistré une baisse de 3% en mars 2024 par rapport à mars 2023 (données pré-estimées aussi) et ce, après une forte hausse de 6,5% au cours de janvier-février 2024 comparativement à la même période en 2023. Cette première baisse mensuelle en mars 2024 a marqué la fin d’une hausse observée chaque mois pendant 13 mois consécutifs (de février 2023 à février 2024) suite au rebond enregistré après la levée des restrictions « zéro-Covid » en décembre 2022.

Selon les estimations rapportées par Carbon Brief, lorsqu’on cumule la hausse de 6,5% en janvier-février, la baisse de 3% en mars et la baisse de 1% sur l’ensemble du premier trimestre, on observe une hausse de 1,3% sur l’ensemble du premier semestre 2024 par rapport au premier semestre 2023.

 

Moteurs de la baisse du 2e trimestre

Au 2e trimestre 2024, la croissance de la demande nationale en énergie (+ 4,2% par rapport au 2e trimestre 2023) a été plus lente que celle observée en 2023 et au premier trimestre 2024. Néanmoins, cette croissance reste toujours beaucoup plus élevée que la tendance pré-Covid.

 

Hausse de la capacité de production d’électricité d’origine solaire et éolienne

Une forte hausse de la capacité de production d’électricité bas-carbone (éolien et solaire en l’occurrence) explique en très grande partie la baisse des émissions de CO2 en Chine. Au premier semestre 2024, la Chine a ajouté 102 GW de capacité de production d’énergie solaire (+31% par rapport au premier trimestre 2023) et 26 GW de capacité de production d’énergie éolienne (+12%) (source : Agence Nationale de l’Energie de la Chine).

Figure 2. Capacité de production d’énergie solaire (à gauche) et éolienne (à droite) par an (cumulée par mois, en GW) 2021-2024. Source : Carbon Brief, 8 août 2024.

 

Cette capacité accrue a donc conduit à une forte hausse de la production d’électricité d’origine solaire et éolienne, couvrant ainsi 52% de la croissance de la demande en électricité au premier semestre 2024 et 71% depuis mars 2024.

Selon l’Agence nationale de l’énergie (National Energy Administration ou NEA) de la Chine, la production d’électricité d’origine solaire et éolienne a progressé de 171 TWh au premier semestre 2024, soit un niveau supérieur à la production totale d’électricité du Royaume-Uni pendant le premier semestre 2023 (160 TWh) (sources : Carbon Brief, 8 août 2024 et Gouvernement britannique, 30 juillet 2024).

 

Electrification du parc des véhicules et baisse des activités de construction

La demande de produits pétroliers a enregistré une baisse de 3% au 2e trimestre 2024 par rapport au 2e trimestre 2024.

Le passage aux véhicules électriques contribue à cette baisse, la part des véhicules électriques dans les ventes cumulées de véhicules au cours des 10 dernières années atteignant 11,5% en juin 2024, contre 7,7% en juin 2023, avec pour conséquence une baisse d’environ 4% de la demande de carburants pour le secteur des transports.

La poursuite de la baisse des activités de construction, qui se manifeste par la baisse de la production de ciment et d’acier (suite à une baisse de la demande de ces produits dans le secteur de la construction), affecte également la demande de pétrole, car le secteur de la construction est une source importante de demande de produits pétroliers pour le transport de marchandises et les machines.

Un autre facteur clé est la faible demande de pétrole en tant que matière première pour le secteur de la pétrochimie.

 

Evolution des émissions de CO2 par secteur

Ces évolutions en matière de demande d’énergie expliquent les contributions respectives des différents secteurs émetteurs à la baisse des émissions de CO2 au deuxième semestre 2024. En particulier, les émissions de CO2 du secteur de la production d’électricité ont connu une baisse de 3% au 2e trimestre 2024 par rapport au 2e trimestre 2023.

Figure 3. Evolution des émissions de CO2 par secteur émetteur au 2e trimestre-2024 par rapport au 2e trimestre 2023 (en Mt CO2). Source : Carbon Brief, 8 août 2024.

 

Où en est la Chine par rapport à ses engagements climat-énergie ?

Au premier semestre 2024, l’intensité énergétique de la Chine a connu une amélioration de 5,5% (par rapport à la même période en 2023) et ce, alors que pour atteindre l’objectif de -18% sur 2021-2025, elle doit baisser de 7% par an sur 2024-2025, selon les estimations de Lauri Myllyvirta (source : Carbon Brief, 22 février 2024. Voir surtout le tableau « China’s 2025 climate commitments and targets in the energy sector »).

 

Les objectifs climat de la Chine : vers un objectif de réduction des émissions de CO2 en valeur absolue 

Au niveau international

En 2009, dans le cadre de l’Accord de Copenhague, la Chine s’était engagée pour la première fois à réduire son intensité carbone (émissions de CO2 rapportées à la croissance économique, c’est-à-dire par unité de PIB), de 40 à 45% avant 2020 par rapport au niveau de 2005.

Le 30 juin 2015, la Chine a soumis sa contribution nationale prévue déterminée au niveau national (Intended Nationally Determined Contribution ou INDC) au titre de laquelle elle a renforcé son objectif de l’Accord de Copenhague. Ainsi, elle s’est engagée à atteindre une réduction de 60 à 65% de son intensité carbone en 2030 et à atteindre un pic de ses émissions de CO2 autour de 2030, en s’efforçant d’atteindre le pic avant cette échéance.

Dans le cadre de sa contribution nationale (NDC) soumise le 28 octobre 2021 à la CCNUCC au titre de l’article 4 de l’Accord de Paris, la Chine s’est engagée à renforcer ses objectifs 2030, notamment en visant désormais :

▪     à atteindre un pic d’émissions de CO2 avant 2030,

▪     à atteindre la neutralité carbone avant 2060,

▪     un objectif de réduction de plus de 65% des émissions de CO2 d’ici 2030 par unité de PIB (par rapport à 2005).

 

Au niveau national

Depuis le 12e plan quinquennal (five-year plan ou FYP) (2011-2015), la Chine fixe des objectifs en matière d’intensité carbone et non en valeur absolue. Ces objectifs revêtent un caractère indicatif (non-contraignant donc). La Chine fixe également des objectifs d’intensité énergétique (consommation d’énergie rapportée au PIB, par unité de PIB) qui, eux, sont contraignants pour le Gouvernement national et les administrations infranationales.

En 2016, la Chine a fixé un ensemble d’objectifs nationaux visant l’intensité énergétique et la consommation totale d’énergie et ce, dans le cadre d’un double système de réglementation de l’énergie (dual control of energy).

Le 11 février 2021, la Chine a formalisé les grandes lignes de son « 14e plan quinquennal et les objectifs 2035 ». Ce plan a fixé, pour la période 2021-2025, un objectif de réduction de 18% de l’intensité carbone (objectif indicatif) et un objectif de réduction de l’intensité énergétique de 13,5% (objectif contraignant) (source : Carbon Brief, China profile, 30 novembre 2023). 

Depuis 2021, le Gouvernement central chinois préconise de remplacer le double système de réglementation de l’énergie par un double système de réglementation du carbone (dual control of carbon). C’était lors de sa conférence de travail sur l’économie centrale (central economic work conference) en 2021 que le Gouvernement central chinois a indiqué pour la première fois que la Chine devrait créer les conditions pour passer du premier au deuxième système. Le double système de réglementation du carbone serait composé d’objectifs tant en valeur relative (intensité carbone) qu’en valeur absolue (émissions totales de CO2). Jusque-là, la Chine n’a fixé d’objectifs qu’en matière d’intensité carbone, et non pas en valeur absolue.

Ce changement de cap a commencé à se concrétiser le 2 août 2024 lorsque le Conseil d’Etat (State Council), instance administrative suprême de la Chine, a publié un plan de travail pour accélérer la conception du nouveau système. Ce plan de travail esquisse les étapes de la transition de l’ancien système vers le nouveau système.

Le plan définit deux étapes pour mettre en œuvre le nouveau système :

▪     au titre du 15e plan quinquennal, qui couvrira la période 2026-2030, l’objectif d’intensité carbone 2030 restera l’objectif principal, mais il deviendra contraignant et il sera assorti d’un objectif de réduction en valeur absolue à caractère non-contraignant (indicatif) pour 2030 (selon Carbon Brief, sous forme de plafond d’émissions de CO2 à ne pas dépasser d’ici une échéance à déterminer, plutôt que sous forme d’une réduction des émissions d’un pourcentage à déterminer d’ici une échéance à déterminer, par rapport à une année de référence à déterminer).

▪     une fois le pic d’émissions de CO2 atteint (avant 2030 conformément à l’objectif fixé par la NDC de la Chine soumise en 2021), dans le cadre du 16e plan quinquennal (2031-2035), le Gouvernement central fixera, pour cette période, un objectif de réduction à caractère contraignant en valeur absolue qui deviendra ainsi l’objectif principal. Quant à l’objectif d’intensité carbone, il deviendra l’objectif secondaire (à caractère indicatif). Ce nouveau double système de réglementation du carbone sera reconduit pour les périodes quinquennales de planification économique suivantes.

Par ailleurs, le plan de travail prévoit la mise en place, d’ici 2025, d’un système complet de production de statistiques et de comptabilisation des émissions de CO2. Parmi les éléments clés de ce système figureront les normes en matière d’empreinte carbone, une base de données nationales de facteurs d’émission, ainsi que d’autres éléments en matière d’estimation et de suivi des émissions.

Le plan de travail du 2 août 2024 constitue le schéma directeur pour permettre à la Chine de passer à un mode de développement économique soumis à des contraintes en matière de limitation des émissions de CO2 et donc de découpler ses émissions de CO2 de sa croissance économique. Avec la mise en place de ce nouveau système, la Chine fixera alors pour la première fois un objectif de réduction en valeur absolue.

(sources : Carbon Brief, China Briefing, 8 août 2024, post de Lauri Myllyvirta sur X (anciennement Twitter), le 3 août 2024 et post sur X de Yan Qin, chargée de recherche à l’Oxford Institute for Energy Studies, le 2 août 2024).

 

Vers un pic d’émissions de CO2 plus tôt que prévu ?

D’après la nouvelle analyse de Lauri Myllyvirta (publiée par Carbon Brief le 8 août 2024), cette baisse de 1% observée au premier trimestre 2024 montre que la Chine reste sur la bonne voie pour réaliser une baisse des émissions de CO2 pour l’ensemble de l’année 2023. Cette perspective positive est néanmoins tributaire d’une baisse de la croissance de la demande d’électricité au 2e semestre 2024.

Selon l’analyse précédente de Lauri Myllyvirta publiée par Carbon Brief le 28 mai 2024, si le développement des énergies bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaire) continue au niveau record de 2023, il se pourrait que la Chine ait atteint son pic d’émissions de CO2 en 2023. La trajectoire de l’économie chinoise dans les mois à venir déterminera le moment où interviendra ce pic.

Cependant, reste une grande incertitude : la trajectoire des émissions de CO2 une fois passé le pic. En plus de la question clé « Quand la Chine va-t-elle atteindre son pic d’émissions de CO2 », une deuxième question tout aussi importante se pose : « à quel niveau parviendra-t-elle à baisser ses émissions de CO2 ensuite ? » car la Chine va atteindre son pic alors que ses émissions sont déjà à un niveau très élevé. Si ses émissions plafonnent et restent à ce niveau de plafond plutôt que de baisser, cela pourrait compromettre l’atteinte des objectifs climat mondiaux (dont le non-franchissement du seuil +1,5°C).

 

En savoir plus

Analyse publiée par Carbon Brief

Voir aussi China Briefing du 8 août 2024, section China moves towards ‘dual-control of carbon’ with new work plan”

Voir aussi analyse des objectifs climat de la Chine par Climate Action Tracker

 

 

Citepa recrute un(e) Ingénieur(e) d’études – chargé(e) de projets carbone – utilisation des terres, sols, biomasse, forêt, données géospatiales

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Emissions de CH4 : hausse de 7% des volumes de gaz de torchage relâchés par les activités pétrolières en 2023

Le 20 juin 2024, le Partenariat mondial pour la réduction du torchage et du méthane (Global Flaring and Methane Reduction Partnership ou GFMR) a publié son rapport annuel de suivi (Global Gas Flaring Tracker Report) des volumes de gaz de torchage évacués lors de la production de pétrole par des compagnies pétrolières. Le précédent rapport avait été publié le 29 mars 2023.

 

Méthodologie

La Banque mondiale, en collaboration avec une université technique américaine, la Colorado School of Mines, estime régulièrement les volumes de gaz brûlés dans les installations pétrolières et gazières, ainsi que dans les installations de production du gaz naturel liquéfié (GNL), à travers le monde, en se basant sur les données Nightfire de la suite de détecteurs VIIRS (Visible Infrared Imaging Radiometer Suite of detectors) embarqués sur satellite. Au fil des ans, ces partenaires ont collaboré au développement d’algorithmes avancés permettant de distinguer les torches des autres sources chaudes et d’estimer les volumes de gaz naturel torché, en prenant en compte notamment la couverture nuageuse (pour plus d’informations sur la méthodologie utilisée pour produire ces données, se reporter à l’annexe A du rapport 2024 du GFMR, p.40.).

 

Evolution 2022/2023

Selon les nouvelles estimations de ce dispositif de suivi, le volume total de gaz naturel torché est passé de 139 milliards (Md) de m3 en 2022 à 148 Md m3 en 2023, soit une hausse de 9 Md m3 (+7%). Ce total de 148 Md m3 estimé en 2023 est le niveau le plus élevé observé depuis 2019 (période pré-Covid-19). Selon le GFMR, ces nouveaux résultats démontrent que les efforts mondiaux consentis pour réduire la pratique de torchage du gaz naturel ne sont pas suffisants et qu’il faut d’urgence agir pour atteindre l’objectif de zéro torchage systématique d’ici 2030 (fixé par l’initiative Zéro torchage systématique d’ici 2030 – voir encadré ci-dessous).

 

Evolution 2022/2023 par rapport au volume de pétrole produit dans le monde

En même temps, la production mondiale de pétrole n’a connu qu’une légère augmentation (+1%), passant de 80,4 millions de barils de pétrole par jour (Mb/j) en 2022 à 81,6 Mb/j en 2023. Par conséquent, l’intensité du torchage mondial (c’est-à-dire la quantité de gaz naturel brûlé à la torche par baril de pétrole produit) a augmenté entre 2022 et 2023, passant de 4,7 mètres cubes par baril (m3/b) en 2022 à 5,0 m3/b en 2023 (soit +5%).

 

Volume total de gaz naturel torché (en millions de m3/an) par rapport au volume total de pétrole produit (en millions de barils/jour) (1996-2023)

Source : rapport 2024 GFMR (p.14) d’après Payne Institute/Colorado School of Mines, NOAA, EIA, et Banque mondiale

 

 

Volume total de gaz naturel torché (en millions de m3/an) et intensité du torchage mondial (en m3/baril) (1996-2023)

Source : rapport 2024 GFMR (p.15) d’après Payne Institute/Colorado School of Mines, NOAA, EIA, et Banque mondiale.

 

Evolution 2021/2022

La hausse des volumes de gaz naturel torché observée entre 2022 et 2023 intervient après une baisse de 3% entre 2021 et 2022 (les volumes torchés passant de 144 Md m3 en 2021 à 139 Md m3 en 2022). La production de pétrole avait augmenté de 5% pour atteindre 80,4 Mb/j en 2022), contre 77 Mb/j en 2021. En conséquence, l’intensité moyenne mondiale du torchage est tombée à 4,7 m3/b en 2022, contre 5,1 m3/b en 2021.

Ces évolutions interannuelles sont à relativiser : lorsqu’on observe la série historique, l’intensité moyenne mondiale du torchage a connu une baisse dans les années 1990-2000, puis s’est plutôt stabilisée depuis les années 2010. La hausse observée en 2023 intervient après une baisse de même ampleur en 2022, et le niveau atteint en 2023 retrouve le niveau moyen observé depuis les années 2010.

 

Valeur marchande du gaz torché en 2023

Sur la base du cours actuel du gaz, la valeur marchande potentielle du volume total de gaz naturel torché en 2023 s’élèverait, selon les estimations du GFMR, à un niveau compris entre 9 et 48 milliards de $.

 

Quelle quantité d’émissions de GES représenterait  le volume total mondial de gaz naturel torché en 2023 ?

Selon les calculs du GFMR, le volume total de gaz naturel torché en 2023 (148 Md m3) représenterait au moins 381 Mt CO2e, soit, un peu plus que les émissions totales de GES en France en 2023 (373 Mt CO2e [France métropolitaine et territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE, hors UTCATF, pré-estimation. Source : Citepa, Rapport d’inventaire Secten éd. 2024, 19 juin 2024]).

Par ailleurs, la hausse de 9 Md m3 (+7%) du volume total de gaz naturel torché entre 2022 et 2023 représenterait 23 Mt CO2e d’émissions supplémentaires de GES en 2023 par rapport à 2022, soit un peu moins du total des émissions de GES de la Croatie en 2021 (45,5 Mt CO2e, source : CCNUCC, Time series annex I countries).

 

Les neuf premiers pays concernés par le torchage

La Russie, l’Iran, l’Irak, les États-Unis, le Venezuela, l’Algérie, la Libye, le Nigeria et le Mexique restent les neuf premiers pays de torchage en 2023 et ce, depuis plus de 10 ans. Cumulés, ces neuf pays sont responsables de 75% des volumes de gaz naturel torché dans le monde en 2023, mais seulement 46% de la production mondiale de pétrole. Plus de 60 pays représentent les 25% restants du volume total mondial en 2023.

 

Volumes de gaz naturel torchés dans les 30 premiers pays concernés, en mettant en évidence les neuf premiers pays concernés (2019-2023) (en milliards de m3)

Source : rapport 2024 GFMR (p.11) d’après Payne Institute/Colorado School of Mines, NOAA, EIA, et Banque mondiale.

 

Le torchage de gaz, le Partenariat mondial pour la réduction du torchage et du méthane et l’initiative Zéro torchage systématique d’ici 2030 

Le torchage de gaz

Lors de la production de pétrole, le gaz naturel constitue un sous-produit. Ainsi, le gaz naturel associé à la production de pétrole est souvent brûlé à la torche (pratique appelée « torchage » ou « flaring » en anglais) ou même parfois évacué lorsque des obstacles économiques, réglementaires ou techniques au développement des marchés du gaz et des infrastructures gazières empêchent son utilisation ou lorsque la réinjection du gaz associé dans le gisement n’est pas possible (source : GFMR).

 

Le Partenariat mondial pour la réduction du torchage et du méthane 

Le Partenariat mondial pour la réduction du torchage et du méthane (Global Flaring and Methane Reduction Partnership ou GFMR) de la Banque mondiale, anciennement Partenariat mondial pour la réduction du torchage de gaz (Global Gas Flaring Reduction Partnership ou GGFR), est un fonds fiduciaire multi-donateurs composé de Gouvernements nationaux, de compagnies pétrolières et d’organisations multilatérales qui se sont engagés à mettre fin au torchage systématique sur les sites de production pétrolière dans le monde entier et à réduire les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier à un niveau proche de zéro d’ici à 2030.

Parmi les partenaires figurant l’Allemagne, la Norvège, les Etats-Unis, les Emirats arabes unis, ainsi que les compagnies BP, ENI, Equinor, Occidental, Shell et TotalEnergies (NB. le site du GFMR ne fournit pas de liste complète des membres du Partenariat).

Le GFMR se concentre sur l’octroi de subventions, l’assistance technique, les services de conseil en matière de réforme politique et réglementaire, le renforcement des capacités institutionnelles et la mobilisation de financements pour soutenir l’action des Gouvernements nationaux et des exploitants, et ainsi accélérer le déploiement de solutions de réduction des émissions de méthane.

Le GGFR a été lancé en août 2002 lors du Sommet mondial sur le développement durable (dit Rio+10) à Johannesburg (Afrique du Sud).

 

L’initiative Zéro torchage systématique d’ici 2030

L’initiative Zéro torchage systématique d’ici 2030 (Zero Routine Flaring by 2030 Initiative ou ZRF) a été lancée en 2015 par la Banque mondiale. Les Gouvernements et les compagnies pétrolières qui y ont souscrit s’engagent à mettre fin au torchage systématique du gaz naturel d’ici 2030 au plus tard et à rendre compte (déclarer) chaque année de leurs activités de torchage et des progrès accomplis dans le cadre de l’initiative.

L’initiative est conçue pour faciliter la coopération entre toutes les parties prenantes afin que des solutions pour mettre fin au torchage systématique du gaz naturel puissent être identifiées et mises en œuvre.

Bien que l’initiative soit volontaire, les engagements sont suivis et évalués par divers moyens, notamment les rapports établis par les Gouvernements et les compagnies pétrolières, ainsi que par des observations par satellite.

Les signataires de l’initiative ZRF représentent aujourd’hui environ 60% du volume total du gaz naturel brûlé à la torche dans le monde.

 

 

Conclusions

Le GFMR souligne que la hausse du volume mondial de gaz naturel torché en 2023 met en évidence la nécessité pour les producteurs de pétrole d’accélérer leurs efforts afin de mettre fin au torchage systématique, en découplant la production pétrolière et le torchage du gaz naturel, et de minimiser les émissions de CH4 provenant des activités pétrolières et gazières.

Le rapport souligne également l’importance de la transparence et du rapportage rigoureux du torchage et des émissions de CH4, de la mise en œuvre de technologies à faibles émissions dans les systèmes de torchage, et d’un changement d’attitude et des politiques pour considérer le gaz associé à la production pétrolière comme une ressource plutôt que comme un sous-produit.

 

En savoir plus

Communiqué de la Banque mondiale

Banque mondiale / Global Flaring and Methane Reduction Partnership (GFMR) : Global gas flaring tracker report – June 2024, 24 juin 2024

Banque de données du GFMR (Global gas flaring data) présentant les volumes de gaz naturel torché par pays (en millions de m3)