La transition vers la sortie des combustibles fossiles entérinée par le sommet de l’avenir de l’ONU

A l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, le sommet de l’avenir s’est tenu à New York les 22-23 septembre 2024 dans le cadre de la 79e Assemblée générale des Nations Unies (dite UNGA-79). Lors de la plénière d’ouverture de ce sommet, les représentants des Etats membres de l’ONU présents (plus de 100 représentants de haut niveau, dont 51 Chefs d’Etat et de Gouvernement, source : IISD, 23 sept. 2024) ont adopté par consensus un Pacte pour l’avenir, document non contraignant de 66 pages qui comporte plusieurs chapitres, dont un sur « le développement durable et le financement du développement ». Parmi les 12 mesures énoncées dans ce chapitre, la mesure n°9 s’intitule : « Nous entendons renforcer les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques » (voir pp.8-10 de la version anglaise adoptée. Voir aussi pp.10-12 de la version française adoptée). Ce document adopté est la cinquième version d’un projet de texte qui avait fait l’objet de négociations intergouvernementales commencées en janvier 2024 et qui ont abouties à un consensus en amont du sommet sur cette cinquième version.

Genèse du sommet

À l’occasion du 75e anniversaire de l’Organisation des Nations Unies (ONU) en septembre 2020, les États membres se sont engagés à renforcer la gouvernance mondiale dans l’intérêt de la génération actuelle et des générations futures. À l’occasion de cette session, ils ont prié le Secrétaire général, via la déclaration adoptée le 21 septembre 2020 (réf. A/RES/75/1), de leur formuler des recommandations pour pouvoir relever les défis actuels et futurs (cf. paragraphe 20 de la déclaration). Le 10 septembre 2021, devant la première partie de la 76e Assemblée générale de l’ONU, le Secrétaire général a présenté son rapport intitulé Notre Programme commun, (« Our Common Agenda ») qui constituait un appel à l’action pour atteindre les Objectifs de Développement Durable et faire respecter les engagements pris dans la déclaration des 75 ans de l’ONU. Parmi les propositions formulées dans son rapport, le Secrétaire général a préconisé que soit organisé en 2023 un Sommet de l’avenir (Summit of the Future) afin d’établir un nouveau consensus mondial sur la manière de se préparer à un avenir plein de risques, mais aussi de promesses (voir schéma p.8 et paragraphe 103p.66 du rapport Notre Programme commun). Voir également la page du site de l’ONU consacrée au sujet Notre programme commun.

Le 8 septembre 2022, lors de la deuxième partie de la 76e Assemblée générale de l’ONU, celle-ci a accueilli avec satisfaction la présentation de Notre Programme commun et adopté une résolution (réf. A/RES/76/307) sur les modalités d’organisation du Sommet de l’avenir. Ainsi, aux termes de cette résolution, les pays membres ont décidé que le Sommet de l’avenir se tiendrait les 22-23 septembre 2024 à New York et qu’il serait précédé d’une réunion ministérielle préparatoire le 18 septembre 2023 (cf. paragraphe 3 de la résolution). Par ailleurs, ils ont décidé que le thème exact du sommet sera : « Sommet de l’avenir : des solutions multilatérales pour un meilleur futur » et que le sommet déboucherait sur l’adoption d’un document concis et orienté vers l’action intitulé « Un pacte pour l’avenir » (« A Pact for the Future ») qui devait faire l’objet d’un consensus des pays membres au terme de négociations intergouvernementales (cf. paragraphe 4 de la résolution).

Le 10 octobre 2023, le Président de l’Assemblée générale de l’ONU, Dennis Francis, a nommé deux co-facilitateurs pour mener ces négociations intergouvernementales sur le processus de préparation du Pacte pour l’avenir : Antje Leendertse (Allemagne) et Neville Melvin Gertze (Namibie).

Objectif du sommet

L’objectif global du sommet était de renforcer la gouvernance mondiale, en réaffirmant les engagements pris dans le cadre de la Charte des Nations Unies, en redynamisant le multilatéralisme (mis à rude épreuve ces dernières années), en donnant une nouvelle impulsion à la mise en œuvre d’engagements existants pris dans le cadre de l’ONU (et notamment les objectifs de développement durable, ODD) et ce, afin de se mettre d’accord sur des solutions concrètes aux défis actuels et futurs, et de rétablir la confiance entre les pays membres de l’ONU. Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a qualifié ce sommet d’« occasion qui survient une fois par génération » pour réaliser ces actions (voir p.1 du plaquette de l’ONU sur le Sommet, non datée).

Le document négocié et consensuel auquel le sommet a abouti au terme de huit mois de négociations intergouvernementales, le Pacte pour l’avenir, vise à renforcer la coopération mondiale pour réaliser les objectifs fixés et relever les défis actuels, émergents et futurs, dont le dérèglement climatique.

Que dit le Pacte pour l’avenir sur le changement climatique ?

La mesure n°9 « Nous entendons renforcer les mesures prises pour lutter contre les changements climatiques » comporte un paragraphe (n°28), divisé en 11 alinéas, (a) à (k), dont l’alinéa 28(c). Celui-ci reprend en grande partie la formulation du paragraphe 28 [sic] de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake) adoptée par la 5e réunion des Parties à l’Accord de Paris à Dubaï le 12 décembre 2023 (lire notre article sur les résultats de la COP-28 et notamment notre synthèse de la décision 1/CMA.5), qui inclut la mention de la transition hors les combustibles fossiles.

Le texte exact de l’alinéa 28(c) est reproduit ci-après :

« [Nous décidons de :]

(c ) Souligner la nécessité de réduire nettement, rapidement et durablement les émissions de gaz à effet de serre conformément aux trajectoires conduisant à une augmentation de la température de 1,5 degré Celsius, et demander aux parties de contribuer aux efforts mondiaux énumérés ci-après, d’une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l’Accord de Paris et de leurs différentes situations, trajectoires et approches nationales :

  • multiplication par trois des capacités en énergies renouvelables au niveau mondial et par deux du taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030 ;
  • accélération des efforts destinés à cesser progressivement de produire de l’électricité à partir de charbon sans dispositif d’atténuation ;
  • accélération des efforts déployés à l’échelle mondiale pour passer à des systèmes énergétiques à « zéro émission nette », en recourant à des combustibles zéro ou bas-carbone bien avant 2050 ou en 2050 au plus tard ;
  • abandon des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques au terme d’une transition juste, ordonnée et équitable, en accélérant le rythme des mesures prises en cette décennie critique, afin d’atteindre l’objectif « zéro émission nette » d’ici 2050, conformément aux données scientifiques ;
  • adoption rapide de technologies à zéro ou à faibles émissions [de GES], notamment des énergies renouvelables et le nucléaire et des technologies de réduction et d’élimination des émissions, comme le captage et l’utilisation et le stockage du CO2, en particulier dans les secteurs où il est difficile de réduire les émissions, et la production d’hydrogène bas-carbone ;
  • réduction forte et rapide des émissions de gaz autres que le CO2 dans le monde, en particulier les émissions de CH4 d’ici 2030 ;
  • accélération de la réduction des émissions induites par le transport routier par divers moyens, notamment grâce au développement des infrastructures et au déploiement rapide de véhicules à zéro ou à faibles émissions ; et
  • suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles qui sont source de gaspillage et qui ne permettent pas de lutter contre la pauvreté énergétique ou d’assurer des transitions équitables, dès que possible ».

Retour sur l’élaboration du projet de texte du Pacte

En amont du sommet, cinq versions du projet de texte du Pacte avaient été élaborées sous le pilotage du binôme Allemagne-Namibie (voir encadré ci-dessus) :

  • version zéro (zero draft) du 26 janvier 2024. À noter que le paragraphe 32 de cette version “appelle les Parties à contribuer à l’effort mondial [pour réaliser des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre], y compris via la transition hors des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, afin d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050 conformément aux connaissances scientifiques» [donc reprise, en partie, de la formulation du paragraphe 28(d) de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake)] ;
  • version première révision (Rev.1) du 14 mai 2024. L’action n°8 porte sur le changement climatique (atténuation, adaptation et financement). Cette première révision ne comportait aucune référence à la transition vers la sortie des combustibles fossiles. La référence dans la version zéro a donc été supprimée durant les négociations intergouvernementales ;
  • version 2e révision (Rev.2) du 17 juillet 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Cette deuxième révision ne comportait, elle non plus, aucune référence à la transition vers la sortie des combustibles fossiles.
  • version 3e révision (Rev.3) du 27 août 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Sous la pression d’un collectif de 77 anciens dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel, qui ont vivement critiqué la suppression la mention de la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les première et deuxième versions (voir encadré ci-dessous), cette troisième version l’a réintroduite dans le paragraphe 28(e) : « Accélérer le développement, le transfert et le déploiement de technologies énergétiques propres et renouvelables, notamment pour tripler la capacité mondiale [de production] des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030, ainsi que d’accélérer le développement et le déploiement d’autres technologies à zéro ou à faibles émissions et de réaliser la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques d’une manière juste, ordonnée et équitable, afin de parvenir à un niveau d’émissions nettes nulles d’ici 2050, conformément aux connaissances scientifiques » [donc reprise, en partie, de la formulation des paragraphes 28 (a), 28(d) et 28(e) de la décision 1/CMA.5 sur le Bilan mondial (Global Stocktake) adoptée par la 5e réunion des Parties à l’Accord de Paris à Dubaï le 12 décembre 2023] ,
  • version 4e révision (Rev.4) du 13 septembre 2024. L’action n°9 porte sur le changement climatique. Cette quatrième version a conservé la mention de la transition vers la sortie des combustibles fossiles : « Réaffirmer tous les éléments de notre appel aux Parties à l’Accord de Paris dans le consensus des Émirats arabes unis pour contribuer aux efforts mondiaux d’une manière déterminée au niveau national, en tenant compte de l’Accord de Paris et de leurs différentes circonstances, trajectoires et approches nationales, comme indiqué au paragraphe 28 du consensus des EAU, notamment pour tripler la capacité mondiale [de production] des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici à 2030, et pour réaliser la transition vers la sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie cruciale, de manière à parvenir à zéro émission nette d’ici 2050, conformément aux connaissances scientifiques ».

Levée de boucliers de 77 dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel après la suppression de la mention des combustibles fossiles dans le projet de texte du Pacte pour l’avenir

Comme indiqué ci-dessous, la première version du projet de texte du Pacte pour l’avenir préconisait d‘ « accélérer la transition vers l’abandon des combustibles fossiles », une position sur laquelle les Parties de l’Accord de Paris se sont mises d’accord lors des négociations à Dubaï en décembre 2023. Toutefois, dans le cadre des négociations intergouvernementales pilotées par l’Allemagne et la Namibie et visant à parvenir à un consensus sur un projet de texte pour examen et adoption par les dirigeants mondiaux lors du Sommet pour l’avenir les 22-23 septembre 2024, la mention des « combustibles fossiles » a été supprimée dans la deuxième version (du 14 mai 2024) et la troisième version (du 17 juillet 2024).

En réponse à cette suppression, le 13 août 2024, un groupe de 77 anciens dirigeants mondiaux et lauréats du prix Nobel a envoyé une lettre aux Gouvernements à quelques semaines de leur réunion au siège des Nations Unies à New York, dans laquelle ils déclarent :

« Nous, anciens chefs d’État et lauréats du prix Nobel de la paix venus du monde entier, partageons notre sentiment d’urgence et de responsabilité face à l’avenir de notre planète. Nous saluons le souhait des Nations Unies d’organiser un Sommet de l’avenir au mois de septembre [2024]. Cette réunion historique des Nations Unies vise à garantir un avenir durable et équitable pour toutes et tous. Cependant, l’absence totale de référence aux combustibles fossiles dans le projet de Pacte pour l’avenir nous préoccupe grandement, dans la mesure où les fossiles constituent actuellement l’une des menaces les plus graves pour notre planète […] ».

Les signataires appellent donc les Nations Unies « à veiller à ce que le Pacte pour l’avenir comprenne de solides engagements en faveur de la gestion et du financement d’une transition mondiale rapide et équitable vers la fin de l’extraction du charbon, du pétrole et du gaz, conformément à l’objectif de +1,5 °C établie dans l’Accord de Paris ».

Parmi les signataires de la lettre figurent Muhammad Yunus, conseiller principal du Bangladesh, Mary Robinson, ancienne présidente de l’Irlande, Sa Sainteté le 14ème dalaï-lama et Stefan Löfven, ancien premier ministre de la Suède, et en ce qui concerne les signataires français : Jean-Pierre Sauvage (prix Nobel de la chimie en 2016), Françoise Barré-Sinoussi (prix Nobel de physiologie ou de médecine en 2008), Pierre Agostini (prix Nobel de physique en 2023) et Emmanuelle Charpentier (prix Nobel de chimie en 2020). Voir liste intégrale des signataires.

Les signataires concluent que « s’il n’évoque pas la menace que représentent les combustibles fossiles, le Sommet pour l’avenir portera mal son nom et risquera de compromettre une occasion unique de restaurer la confiance en la puissance de la coopération internationale ».

Voir communiqué de presse du collectif.

En savoir plus

La page en anglais et la page en français du site de l’ONU consacrée au Sommet de l’avenir

Programme du sommet

Le Pacte pour l’avenir tel qu’il a été adopté : version définitive en anglais et en français

Plaquette de l’ONU : Summit of the Future 2024: What will it deliver? Document non date.

Les émissions mondiales du troisième GES, le N2O, ont augmenté de 40% sur 1980-2020 (données GCP)

Le 11 juin 2024, le Global Carbon Project (GCP – voir en fin d’article) a publié la mise à jour 2024 de son analyse des tendances en matière d’émissions mondiales du troisième gaz à effet de serre (GES), le protoxyde d’azote (N2O, appelé également oxyde nitreux ou encore, plus communément, gaz hilarant – voir encadré ci-après) : émissions historiques sur la période 1980-2020 et concentrations sur cette période et pour 2022. Toutes ces données sont rassemblées en un « budget global du N2O » (Global N2O budgetvoir ci-dessous). Il s’agit du bilan le plus complet à jour des émissions et concentrations de N2O. Ce budget global est mis à jour tous les deux à trois ans.

Contexte scientifique : le N2O, la couche d’ozone et l’effet de serre

Le protoxyde d’azote (N2O) est un puissant gaz à effet de serre et une substance qui appauvrit la couche de l’ozone [ozone stratosphérique] (SAO).

Le N2O et la couche d’ozone

Même s’il est une SAO, le N2O n’est pas réglementé par le principal traité juridique international visant les SAO, le Protocole de Montréal et ses amendements. Cependant, lorsqu’il est pondéré en fonction de son potentiel d’appauvrissement de la couche d’ozone (PACO ou ODP en anglais, indicateur utilisé pour mesurer l’impact relatif des différentes SAO sur la couche d’ozone, le potentiel étant établi relativement au CFC-11, qui a une valeur de 1 par convention, source : Sciencedirect.com), le N2O est aujourd’hui responsable de la plus grande quantité d’émissions de SAO dans l’atmosphère. Cela s’explique principalement par le fait que les émissions de CFC et d’autres SAO ont été réduites de manière radicale, mais aussi en raison de la hausse constante des émissions anthropiques de N2O. En effet, dans le cadre du Protocole de Montréal, les Etats ont éliminé progressivement près de 99% de près de 100 substances appauvrissant la couche d’ozone et ont évité les effets néfastes sur l’agriculture, la faune et la flore terrestres et marines, les forêts, les écosystèmes naturels et les matériaux (source : PNUE/Secrétariat à l’ozone [stratosphérique], 3 avril 2017). Le N2O est donc aujourd’hui la plus importante SAO en termes d’impact de ses émissions sur la couche d’ozone (source : PNUE, 2013 p.ix).

L’édition 2023 de l’évaluation scientifique de l’appauvrissement de la couche d’ozone, publiée le 9 janvier 2023 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) (lire notre article) a pointé, parmi les principales préoccupations croissantes concernant l’ozone stratosphérique au 21e siècle, les nouvelles hausses des concentrations atmosphériques de N2O. Cette 10e évaluation quadriennale a été réalisée avec la collaboration de l’Agence américaine de l’étude des océans et de l’atmosphère (NOAA), de l’Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace (NASA), ainsi que de la Commission européenne. Elle a été élaborée et approuvée par 230 scientifiques de 30 pays (dont la France) au sein du Groupe d’experts sur l’évaluation scientifique (Scientific Assessment Panel ou SAP).

Dans son rapport de 2013, le PNUE soulignait que la hausse des concentrations atmosphériques de N2O d’origine anthropique observée continuera à aggraver l’appauvrissement de la couche d’ozone. À cet égard, dans une certaine mesure, la hausse des ces concentrations compromettra les progrès réalisés pour reconstituer la couche d’ozone, progrès été obtenus grâce à la baisse des concentrations atmosphériques de CFC et d’autres SAO (source : PNUE, 2013 p.ix).

Le N2O et l’effet de serre

Selon l’édition 2023 du Bulletin annuel sur les GES publié le 15 novembre 2023 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), le N2O est le troisième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 6% en 2022, après le CO2 (64%) et le CH4 (19%). En 2022, les concentrations moyennes mondiales de N2O dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle (1750) : 335,8 parties par milliard (ppb), soit +24% depuis 1750 (270,1 ppb). La hausse 2021/2022 (1,4 ppb) a été supérieure à la hausse 2020/2021 (1,3 ppb) et supérieure à la hausse moyenne annuelle les 10 dernières années (1,05 ppb). La hausse 2021/2022 constitue la plus forte hausse annuelle jamais observée depuis le début des relevés. Les émissions de N2O dans l’atmosphère sont à la fois d’origine naturelle (57%) et d’origine humaine (43%) (lire notre article).

Le N2O a une durée de vie longue dans l’atmosphère. Ainsi, Dans son 6e rapport d’évaluation (2021), le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) l’estime à 109 ans (voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran]), soit une légère réévaluation à la baisse de son estimation de 121 ans indiquée dans son 5e rapport d’évaluation (2013) (voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 p.73 [page à l’écran]).

Quant à la valeur PRG (pouvoir de réchauffement global lire l’encadré dans notre article) du N2O, sur 100 ans, le 6e rapport d’évaluation l’estime à 273 (contre 265 dans le 5e rapport (sources : AR6, voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran] ; AR5, voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 p.73 [page à l’écran]). En d’autres termes, l’émission d’une tonne de N2O équivaut à l’émission de 273 t CO2 selon la valeur PRG de l’AR6.

Dans son résumé à l’intention des décideurs du premier volume de 6e rapport d’évaluation (AR6), consacré aux sciences du climat et publié le 9 août 2021, le Giec souligne que les concentrations atmosphériques de N2O en 2019 étaient les plus hautes depuis au moins 800 000 ans (cf. paragraphe A.2.1) (lire notre dossier de fond).

Dans son résumé à l’intention des décideurs du 3e volume de l’AR6, consacré à l’atténuation et publié le 4 avril 2022, le Giec souligne que pour respecter l’objectif de +1,5°C, les émissions mondiales de N2O doivent être réduites de 20% d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2019) (cf. paragraphe C.1.2) (lire notre dossier de fond).

Lire aussi :

Tian, H., Xu, R., Canadell, J.G. et al. A comprehensive quantification of global nitrous oxide sources and sinksNature 586, 248–256, 7 octobre 2020. Consulter

Méthodologie

Le budget mondial du N2O a été élaboré par une équipe internationale de 58 chercheurs (voir liste des auteurs) rattachés à 55 organismes de recherche de 15 pays, dont, en France, Sarah Berthet du Centre National de Recherches Météorologiques (CNRM)/Université de Toulouse/Météo-France/CNRS ; Philippe Ciais du Laboratoire des Sciences du climat et de l’environnement (LSCE) ; Ronny Lauerwald de Université Paris-Saclay/INRAE ; et Nicolas Vuichard du LSCE. Cette équipe internationale a été dirigée par Hanqin Tian, du Centre des sciences du système de la Terre et de la durabilité mondiale (Center for Earth System Science and Global Sustainability) au sein du Boston College (Etats-Unis).

En tant qu’élément central des évaluations des émissions et concentrations de gaz à effet de serre mondiales coordonnées par le Global Carbon Project (GCP), le budget mondial du N2O établi (voir schéma ci-dessous) intègre les sources et les puits naturels et anthropiques et tient compte des interactions entre les ajouts d’azote et les processus biogéochimiques qui déterminent les émissions de N2O. Les chercheurs du GCP utilisent des approches ascendantes (bottom-up : inventaires, extrapolations statistiques des mesures de flux et modélisation des terres et des océans basées sur les processus) et descendantes (top-down : inversion basée sur les mesures atmosphériques). Les chercheurs du GCP fournissent une quantification complète des sources et des puits mondiaux de N2O dans 21 catégories naturelles et anthropiques (voir slide 22 dans la présentation ppt du budget mondial du N2O) dans 18 régions (voir slide 39 dans la présentation ppt) entre 1980 et 2020.

Le budget mondial du N2O

Le budget mondial du N2O établi par le GCP fait référence à toutes les sources et à tous les puits de N2O résultant à la fois des activités humaines et des processus naturels. Les sources naturelles ont représenté 65% des émissions totales mondiales au cours de la décennie 2010-2019. Parmi ces flux, les émissions naturelles provenant des sols ont apporté la plus grande contribution (35% des émissions totales mondiales), suivies par les océans côtiers et ouverts (26% des émissions totales mondiales). Les autres sources, y compris les eaux intérieures naturelles, les estuaires, la végétation côtière et la foudre, ont constitué 4% des émissions totales mondiales. Ces sources naturelles existent depuis avant l’ère industrielle et sont restées relativement stables.

Sur l’ensemble des émissions mondiales de N2O, les émissions anthropiques n’ont représenté que 35% des émissions totales mondiales au cours de la dernière décennie (2010-2019), mais elles sont les principaux moteurs de la hausse des émissions mondiales de N2O et des concentrations atmosphériques mondiales depuis l’ère préindustrielle. Les émissions agricoles directes (provenant de l’utilisation d’engrais, de la gestion du fumier et de l’aquaculture) constituent la source la plus importante des émissions anthropiques de N2O (20% des émissions totales de N2O sur la période 2010-2019). Les autres émissions directes provenant des activités humaines (12% du total) sont des émissions provenant de la combustion des combustibles fossiles, de l’industrie manufacturière, du traitement des déchets et des eaux usées, ainsi que de la combustion de la biomasse (d’origine anthropique et naturelle [feux de forêts]). Les chercheurs du GCP tiennent également compte des émissions indirectes (6% du total des émissions) provenant des eaux douces et des écosystèmes côtiers. Enfin, des émissions sont produites qui proviennent des actions indirectes des activités humaines par le biais des effets des évolutions du climat, des concentrations de CO2 dans l’atmosphère et de la couverture terrestre, qui, cumulées, entraînent une diminution des émissions de N2O (-3% des émissions totales). Cependant, ces derniers flux sont mal connus et leurs quantités sont très incertaines.

Sur l’ensemble des quantités de N2O émises dans l’atmosphère, seul un quart environ y reste, contribuant ainsi au changement climatique. Le reste est détruit dans l’atmosphère par les processus de photolyse et d’oxydation.

Le budget mondial du N2O (en Mt N/an) pour la décennie 2010-2019

Source : GCP, 11 juin 2024 (slide 9).

Messages clés de la mise à jour du budget N2

Emissions de N2O

Au cours des quatre dernières décennies (1980-2020), les émissions de N2O provenant des activités humaines ont augmenté de 40% (3 Mt N2O par an, soit plus de 1% par an).

Au cours de la dernière décennie (2010-2019), la production agricole (liée à l’utilisation d’engrais azotés et d’effluents d’élevage) a contribué à hauteur de 74% aux émissions mondiales totales de N2O d’origine anthropique. Les émissions de N2O du secteur agricole mondial se sont élevées à 8 Mt en 2020, soit une hausse de 67% du niveau émis par ce secteur en 1980 (4,8 Mt).

Concentrations de N2O

L’accumulation des concentrations de N2O dans l’atmosphère s’est accélérée au cours des quatre dernières décennies, avec des taux de croissance au cours des années 2020-2022 supérieurs à ceux de toutes les années observées depuis 1980 (date à laquelle des mesures fiables ont commencé à être effectuées) et supérieurs d’environ 30% à ceux de la dernière décennie (2010-2019).

Les concentrations atmosphériques mondiales au cours des deux derniers millénaires 

Source : GCP, 11 juin 2024 (slide n°11).

Projections au regard de l’objectif de +2°C

Selon le GCP, les concentrations atmosphériques de N2O observées au cours de la dernière décennie ont dépassé les projections dans le cadre des trajectoires de GES les plus pessimistes élaborées par le Giec (5e et 6e rapports d’évaluation – voir les deux graphiques ci-dessous), qui conduiraient à des températures moyennes mondiales bien supérieures à +3°C d’ici fin 2100. Selon le GCP, ce constat souligne le besoin urgent de réduire les émissions anthropiques de N2O.

Concentrations atmosphériques de N2O 2010-2020 par rapport aux projections des scénarios du Giec élaborés dans le cadre du 5e rapport d’évaluation, 2013 (graphique (a) à g. et du 6e rapport d’évaluation, 2021 (graphique (b) à dr.

Source : GCP, 11 juin 2024 (slide n°21).

Pour parvenir à suivre des trajectoires à zéro émission nette compatibles avec l’objectif de +2°C, le GCP indique qu’il faut réduire d’au moins 20% les émissions mondiales de N2O d’origine anthropique d’ici 2050 (par rapport aux niveaux de 2019).

Les pays les plus émetteurs de N2O en 2020

La Chine est le premier pays émetteur de N2O (16,7% des émissions mondiales en 2020), suivie de l’Inde (10,9%), des Etats-Unis (5,7%), du Brésil 5,3%) et de la Russie (4,6%). Si l’Europe dans son ensemble (UE-27, Royaume-Uni + 18 autres pays européens, soit 46 pays au total) est prise en compte, elle est le 2e émetteur (après la Chine). La Chine est le premier pays émetteur depuis les années 2010.

Les six premiers pays émetteurs de N2O (et l’Europe dans son ensemble) (en Mt N)

Note : 1 Mt d’azote sous forme de N2O (N) = 1,57 Mt N2O.

Source : GCP, 11 juin 2024 (slide n°26).

Evolution des émissions de N2O des principaux émetteurs

Sur la période 1980-2020, les émissions de N2O d’origine anthropique ont augmenté de 157% en Inde, de 135% en Chine, de 131% au Brésil. A elle seule, la Chine représente 40% de la hausse globale des émissions mondiales de N2O d’origine anthropique sur ces quatre décennies.

Evolution des émissions anthropiques de N2O par grand émetteur sur la période 1980-2020 (en Mt N/an)

Note : 1 Mt d’azote sous forme de N2O (N) = 1,57 Mt N2O.

Source : GCP, 11 juin 2024 (slide n°17).

Légende

* la forte réduction d’émissions de N2O sur la période 1980-2020 a eu lieu en Europe (UE-27, Royaume-Uni + 18 autres pays européens, soit 46 pays au total), à savoir -31% (à noter que l’Europe était le premier émetteur en 1980). Cette baisse est attribuée à une baisse des émissions de N2O du secteur de l’industrie manufacturière dans les années 1990. Les émissions de N2O provenant de l’agriculture sont restées stables au cours des deux dernières décennies.

L’UE, le Japon et la Corée du Sud ont réussi à réduire leurs émissions anthropiques de N2O au cours des dernières décennies. Toutefois, même si l’efficacité de l’utilisation de l’azote dans l’agriculture a sensiblement augmenté dans certaines régions, les émissions provenant de l’épandage direct d’engrais et de fumier ont légèrement augmenté ou sont restées stables. Les émissions anthropiques de N2O de la Chine ont diminué au cours des cinq dernières années en raison de l’augmentation de l’efficacité de l’utilisation de l’azote.

 

Le N2O et les océans

Les océans de la planète continuent d’être une source d’émissions de N2O dont le niveau reste stable (environ 7,4 Mt N2O par an). Une part importante de ce volume provient des mers littorales de la planète.

En savoir plus

La page du Global Carbon Project (GCP) consacrée aux nouvelles données d’émission du N2O

Messages clés (Highlights)

Tian, H. et al (2024). Global Nitrous Oxide Budget (1980-2020). Earth System Science Data, vol. 16, n°6 (pp.2543-2604). 11 juin 2024. Consulter

Présentation Powerpoint des résultats

Données en détail (fichiers excel)

Global Carbon Atlas (émissions de N2O : profils par pays)

Communiqué du Boston College (Etats-Unis), institut de recherche qui a participé à l’élaboration de cette mise à jour.

Carbon Brief (2024). Agriculture ‘major driver’ of rise in nitrous oxide emissions over past 40 years, 11 juin 2024. Consulter

PNUE (2013). Drawing Down N2O To Protect Climate and the Ozone Layer – A UNEP Synthesis Report, 29 sept. 2013. Consulter l’annonce et le rapport.

Le GCP

Le GCP fait partie du réseau mondial de scientifiques Future Earth et il est un partenaire du programme mondial de recherche sur le climat (WCRP). C’est un consortium international de 95 instituts de recherche scientifique répartis dans 17 pays qui a été créé en 2001 afin d’aider la communauté scientifique à établir une base de connaissance commune pour servir d’appui aux politiques de réduction d’émissions de GES. Le projet s’est fixé pour objectif d’élaborer une vision complète du cycle global du carbone (flux naturels et anthropiques). Les travaux du GCP sont revus par les pairs à l’instar de ceux du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Parmi les principaux partenaires du GCP figure le climatologue français Philippe Ciais du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). Le GCP est hébergé depuis mai 2022 par l’université d’Exeter (sud-ouest de l’Angleterre), avec la création d’un bureau dédié, le Global Carbon Budget Office (GCBO).

Perspectives énergétiques mondiales 2021 (WEO) : l’AIE constate l’insuffisance de la transition actuelle et propose quatre grandes mesures

Le 13 octobre 2021, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié l’édition 2021 de ses perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook ou WEO). Ce rapport de référence annuel est un recueil de données, de statistiques et d’informations les plus récentes sur les évolutions en matière de politique énergétique aux niveaux mondial, régional et national. Il fournit notamment une mise à jour des projections, avec un focus sur les 10 prochaines années, en matière de demande, de production, de consommation d’énergie et des émissions de CO2 par combustible, par région et par secteur. Cette édition 2021 se présente comme un guide d’aide à la décision pour les négociations de la COP-26.

 

La transition énergétique mondiale est encore trop lente

  • L’AIE observe l’émergence d’une nouvelle économie mondiale de l’énergie, avec une croissance rapide de l’éolien, du solaire, et des ventes de véhicules électriques. Cette émergence est à la fois le produit d’actions politiques et d’innovations technologiques et facilitée par des coûts actuellement bas.
  • Néanmoins cette transformation est contrebalancée par le rebond de l’usage du charbon et du pétrole dans le cadre de la reprise économique en 2021, et par des investissements publics – via des plans de relance – qui ne réponde qu’à un tiers à l’investissement requis pour lancer véritablement la transition énergétique selon l’AIE. Or le secteur de l’énergie est au cœur de la transition climatique, étant responsable de près des trois quarts des émissions passées.
  • Il n’est pas acquis que les annonces récentes des pays s’engageant vers la neutralité carbone soient effectivement mises en œuvre intégralement. Si elles l’étaient, comme modélisé dans le scénario « Announced Pledges Scenario (APS) » de l’AIE, les émissions mondiales atteindraient un plateau après 2030 puis connaitraient une baisse de -40% environ entre 2030 et 2050. En prenant en compte les mesures déjà en place ou effectivement en développement, comme modélisé dans le scénario « Stated Policies Scenario (STEPS) », l’AIE envisage l’accélération du rythme de la transition énergétique permettant une réduction progressive des émissions liées à l’énergie et ce malgré un quasi doublement de la demande mondiale en électricité d’ici 2050. Néanmoins dans ce scénario, cette réduction d’émission est compensée par une hausse continuelle des émissions dans l’industrie (notamment le ciment et l’acier), les transports de marchandises, principalement dans les marchés émergents et les pays en développement.

Les grands scénarios d’évolution possibles des émissions
d’après les engagements pris depuis l’Accord de Paris

Source : AIE, 2021

 

Les quatre mesures clés de l’AIE pour s’aligner sur la trajectoire +1,5°C

  • Le rapport met en avant quatre mesures clés (dont 40% sont ont un rapport coût-efficacité favorable) qui permettraient de combler l’écart, d’ici à 2030, entre les engagements actuels et une trajectoire compatible avec l’objectif +1,5°C ; et de réaliser des réductions supplémentaires après 2030 :
    • Un doublement, par rapport aux engagement actuels, du déploiement du solaire photovoltaïque et de l’éolien comme appui supplémentaire massif à l’électrification propre ; et une expansion forte d’autres moyens de production d’électricité bas-carbone, comme le nucléaire;
    • Un effort accru sur l’efficacité énergétique et les changements comportementaux pour modérer la hausse de la demande énergétique. En effet, dans le scénario « net zero emission (NZE) » de l’AIE, l’intensité énergétique de l’économie mondiale décroit de 4% par an entre 2020 et 2030, soit plus du double du rythme observé entre 2010 et 2020 ;
    • Une réduction massive des émissions de méthane liées à la production d’énergie fossiles ;
    • Un développement fort de l’innovation en matière d’énergie propre. En effet, près de la moitié des réductions d’émissions en 2050 du scénario NZE proviennent de technologies aujourd’hui encore en phase de démonstration ou de prototypes.

En plus de ces quatre mesures, l’AIE souligne aussi :

  • que la finance constitue le “chaînon manquant” pour accélérer le déploiement de l’énergie mille 4 000 milliards de $ d’ici 2030 de l’investissement dans les projets et infrastructures associés est nécessaire ;
  • que la diminution de la demande charbon, projetée à 10% dans le scénario basé sur les engagements actuels (APS), est de 55% dans le scénario NZE – cet écart pouvant être comblé par la fin progressives des centrales au charbon, passant par l’arrêt de l’approbation de nouvelles constructions de centrales à charbon sans réduction d’émission.

 

 

Des marches énergétiques marqués par l’incertitude et la vulnérabilité

  • D’une part, les investissements actuels étant insuffisants pour répondre aux futurs demandes et enjeux, dans toutes les régions et tous les secteurs. D’autre part, les incertitudes relatives aux politiques énergétiques et à l’évolution de la demande génèrent un risque très fort de volatilité sur les marchés de l’énergie ;
  • Les dépenses consacrées au pétrole et au gaz font partie de très rares exemples où la trajectoire actuelle semble compatible avec le scénario NZE pour 2030 ;
  • L’AIE insiste sur l’immensité des coûts de l’inaction et les risques que fait peser cette inaction sur le secteur énergétique lui-même, très vulnérable aux impacts du changement climatique et notamment aux évènements météorologiques extrêmes ;
  • La transition énergétique est aussi menacée par des prix plus élevés ou plus volatils de certains minéraux et terres rares (lithium, cobalt, nickel, cuivre, terres rares…)

 

 

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Page consacrée au rapport

Résumé

 

 

 

 

Lancement d’une 2e campagne de mesures des particules ultrafines en Ile-de-France

Airparif, l’association agréée pour la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, a annoncé le 7 juillet 2021 avoir lancé une deuxième campagne de mesure des particules ultrafines (PUF, comprises entre 1 et 100 nanomètres, ce qui correspond à la taille d’un virus ou d’une molécule d’ADN), soit les PM0,1, en Île-de-France. Cette nouvelle campagne, qui s’inscrit dans une étude plus large (prévoyant trois campagnes de mesure au total), est axée sur le trafic routier et intervient après une première campagne de mesure de trois mois (voir encadré ci-dessous).

Contexte

En 2018 et 2019, l’Anses (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait émis des avis* sur les enjeux sanitaires de ces PUF, en tant que polluant dit « émergent », et sur la nécessité de mieux les surveiller.

Le 1er décembre 2020, Airparif avait lancé une étude exploratoire comportant une campagne de mesure des PUF en Île-de-France (lire notre brève). L’étude, qui s’étalera sur quatre ans et qui s’appuiera sur trois campagnes de mesure successives, vise à renforcer la surveillance opérationnelle des PUF, en appui aux évaluations d’impact sanitaire et aux politiques publiques. La première campagne de mesure, qui a duré trois mois (de décembre 2020 à février 2021), avait pour objectif de mesurer les PUF dans l’air ambiant francilien durant la période hivernale en situation de fond.

Actuellement, contrairement aux particules de taille plus grossières (PM10) et aux particules fines (PM2.5), les PUF ne font pas l’objet d’une obligation de surveillance réglementaire. A noter que dans l’inventaire national des émissions réalisé par le Citepa, un niveau plus fin, (PM1.0) est estimé.

Les objectifs de cette étude lancée le 1er décembre 2020 sont principalement :

  • d’évaluer la variabilité spatiale et temporelle des PUF (niveaux en nombre [et non en masse comme les autres particules] et classe granulométrique) dans différents environnements : en situation de fond (loin des sources de pollution ; le long du trafic routier ; et à proximité des aéroports ;
  • d’évaluer l’influence des différentes sources de PUF (chauffage au bois, trafic routier, trafic aérien…) sur les profils granulométriques mesurés, en vue d’identifier « l’empreinte » (différences de répartition par taille des particules) en fonction des environnements surveillés (situation de fond, de proximité au trafic routier ou de proximité au trafic aérien) ;
  • d’étudier la composition chimique des particules, en mesurant la composante carbone suie (ou black carbon, composante aussi estimée spécifiquement dans l’inventaire national réalisé par le Citepa), afin de distinguer les particules issues du chauffage au bois et celles issues de la combustion (trafic routier).

 

Cette deuxième campagne de mesure est destinée à évaluer, pendant l’été cette fois, les concentrations en nombre de PUF à proximité du trafic routier. Dans ce cadre, trois stations de mesure du réseau de surveillance d’Airparif seront équipées d’un analyseur de comptage et de tri de type SMPS (Scanning Mobility Particle Sizer), appareil permettant de mesurer les particules dans l’air ambiant sur 136 classes granulométriques (sur la gamme 5 – 400 nm). Ces stations reflètent une diversité de conditions de circulation des axes routiers : la première située le long du boulevard périphérique, la deuxième dans Paris intra-muros, et la troisième en grande couronne francilienne, en plus du site urbain de fond de référence Paris Centre Les Halles.

La composition chimique des particules sera étudiée grâce à des mesures complémentaires du carbone suie (ou black carbon, BC), afin de distinguer finement deux sources principales : la combustion de biomasse (chauffage au bois) et la combustion d’énergie fossile (trafic routier).

 

 

Prochaines étapes

Un rapport intermédiaire doit être publié six mois après la fin de la campagne de mesure pour en rendre publics les premiers résultats. Ces derniers pourront éventuellement permettre d’identifier des zones nécessitant une surveillance approfondie ou permanente.

La troisième et dernière campagne de mesure de l’étude sera effectuée à proximité des aéroports franciliens (Roissy-Charles de Gaulle et Orly).

L’étude complète doit s’achever en 2024.

 

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Voir l’actualité d’Airparif

*avis du 28 juin 2018 (lire notre article) et du 16 juillet 2019 (lire notre article).

 

 

Perspectives énergétiques mondiales en 2040

Le 10 novembre 2015, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook ou WEO).

Le WEO : un document de référence

Le WEO est un recueil des données et informations les plus récentes sur les évolutions de politique énergétique aux niveaux mondial et national. Il fournit des projections à l’horizon 2040 en matière de demande, de production, de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 [issues de la combustion des combustibles fossiles] par combustible, par grande zone géographique (Europe, Asie,…). Trois scénarios sont envisagés par l’AIE [scénario central (Politiques nouvelles), scénario Politiques existantes et scénario 450 (ppm CO2e)]. Tous les chiffres cités ci-dessous se réfèrent au scénario central.

Demande en énergie : la demande mondiale en énergie devrait croître d’un tiers (et de plus de 70% pour l’électricité) sur la période 2013-2040. Les pays en développement [au premier rang desquels l’Inde, la Chine, le Moyen Orient et l’Asie du Sud-Est] sont les pays moteurs de cette croissance.

Electricité : au début des années 2030, les énergies renouvelables (EnR) devraient dépasser le charbon comme source principale de production d’électricité et représenteraient plus de la moitié de la hausse totale de la production sur la période 2013-2040. A l’horizon 2040, les EnR représenteraient 50% de la production d’électricité dans l’UE, 30% en Chine et au Japon et plus de 25% aux Etats-Unis et en Inde. La part du charbon dans la production mondiale d’électricité devrait passer de 41 à 30% d’ici 2040.

Emissions de CO2 : la hausse des émissions de CO2 liées à l’énergie ralentira fortement d’ici 2040. En raison d’une production accrue d’EnR [et de l’énergie nucléaire], et de l’amélioration de l’efficacité des centrales thermiques, les émissions de CO2 liées à la production d’électricité augmenteront, d’ici 2040, à un cinquième du rythme auquel augmentera la production d’électricité elle-même [alors que leur rythme de croissance respectif était le même sur les 25 dernières années].

Alors que le rythme de croissance des émissions de CO2 liées à l’énergie était de 2,4% par an entre 2000 et 2013, il devrait passer à un rythme bien plus modeste sur la période 2015-2020 (0,6%/an) et à 0,5%/an dans les années 2020 et 2030.

L’AIE souligne cependant que ces efforts ne suffiront pas pour ramener les émissions de CO2 sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C : la trajectoire d’émis-sions projetées impliquerait une hausse des températures moyennes mondiales de 2,7°C en 2100. Les émissions de CO2 liées à l’énergie atteindront 36,7 Gt en 2040, soit une hausse de 16% par rapport aux niveaux de 2013. Il faut donc qu’un infléchissement majeur de cette trajectoire intervienne rapidement pour respecter l’objectif de 2°C.

Investissements : les investissements annuels dans les technologies à faibles émissions de carbone devraient s’accroître. Cependant, les 7,4 billions [1012] de $ cumulatifs qui seront investis dans les EnR jusqu’en 2040 représentent seulement environ 15% des investissements totaux dans l’approvisionnement énergétique mondial.

Perspectives énergétiques mondiales en 2040

Le 12 novembre 2014, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook ou WEO).

Le WEO : un document de référence

Le WEO est un recueil des données et d’informations les plus récentes sur les évolutions en matière de politique énergétique aux niveaux mondial et national. Il fournit notamment des projections en matière de demande, de production, de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 [issues de la combustion des combustibles fossiles] par combustible, par grande zone géographique (Europe, Asie, etc.) et par secteur et ce, pour la première fois jusqu’en 2040.

Selon le scénario central de la WEO, « Politiques nouvelles », la demande mondiale en énergie devrait croître de 37% d’ici 2040, tout en subissant un ralentissement significatif : après s’être maintenue à plus de 2% par an pendant les 20 dernières années, elle passerait à 1%/an après 2025 en raison des choix politiques et des prix pratiqués, ainsi que d’une réorientation structurelle de l’économie mondiale vers les services et les secteurs industriels légers.

Répartition mondiale de la demande énergétique

Plutôt stable en Europe, au Japon, en Corée du Sud et en Amérique du Nord, cette demande devrait augmenter dans le reste de l’Asie, en Afrique, au Moyen Orient et en Amérique latine. Au début des années 2030, la Chine deviendrait le plus grand pays consommateur de pétrole alors que les Etats-Unis verront leur consommation retomber à des niveaux non observés depuis des décennies. Entre-temps, l’Inde, l’Asie du Sud-est, le Moyen Orient et l’Afrique subsaharienne deviendraient des moteurs de croissance de la demande énergétique mondiale.

A l’horizon 2040, le mix énergétique mondial se répartira en quatre parts d’importance presque égale : pétrole, gaz, charbon et sources d’énergie à faibles émissions de CO2 [nucléaire et énergies renouvelables]. Les choix politiques et les évolutions du marché entraîneront une baisse de la part des combustibles fossiles, lesquels représentent un peu moins de 75% de la demande énergétique primaire en 2040.

La demande de charbon, sur la période 2012-2040, connaîtra une croissance de 15% [soit 0,5% par an en moyenne contre +2,5%/an au cours des 30 dernières années]. Comme elle ralentira à partir des années 2020, presque deux tiers de cette croissance auront lieu d’ici 2025 environ.

Répartition mondiale de la demande en charbon

La demande en charbon diminuera dans les principaux pays de l’OCDE, de même qu’en Chine avec un pic autour de 2030. Mais l’Inde, avec une demande en forte croissance, dépassera, avant 2020, les Etats-Unis en tant que 2e pays consommateur de charbon après la Chine.

Les émissions mondiales de CO2 liées à la production d’énergie vont augmenter de 20% sur la période 2012-2040, conduisant à une trajectoire qui correspondrait à une hausse des températures mondiales moyennes de 3,6°C à long terme [d’ici 2100]. Le budget carbone [1 000 Gt CO2 sur 2011-2100, calculé par le GIEC – voir p.3] à ne pas dépasser pour limiter cette hausse à 2°C sera alors dépassé dès 2040 et les émissions ne vont pas brusquement cesser une fois ce seuil atteint. L’AIE souligne que, pour respecter l’objectif de 2°C, il est donc nécessaire de mettre en œuvre des mesures de réduction supplémentaires visant le système énergétique mondial. En amont de la COP-21 [Paris, fin 2015], l’AIE publiera ainsi une édition spéciale du WEO mi-2015.