La Stratégie Française Energie Climat (SFEC) comprend la mise à jour des principaux documents de planification de la politique nationale de transition écologique :
la loi de programmation énergie-climat (LPEC), qui devait initialement être adoptée avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, conformément à l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et à l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie. Plusieurs fois reportée, un projet de loi a été proposé, puis fortement modifié, avant d’être abandonné, comme l’a confirmé, Roland Lescure l’ancien Ministre de l’Industrie et de l’Energie, dans un entretien au Figaro du 10 avril 2024 ;
la mise à jour de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), devant proposer de nouveaux budgets carbone en cohérence avec l’objectif de l’UE de -55% d’ici 2030 ;
la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)
le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3)
Le 25 octobre 2024, le Premier Ministre et la Ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (MTECPR), ont présenté le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3).
Le 4 novembre 2024, le MTECPR a présenté le projet de mise à jour de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3) et la Programmation pluriannuelle de l’Énergie (PPE-3). Ces deux textes sont mis en consultation jusqu’au 15 décembre 2024.
Aperçu de la SNBC-3
Le projet de SNBC-3, s’appuyant sur un travail de modélisation réalisé avec le Citepa, propose ainsi une mise à jour de l’objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50% d’ici 2030 (par rapport à 1990), contre 40% précédemment. Il s’agit d’un objectif visant les émissions brutes (hors puits de carbone). Le puits de carbone, correspondant au secteur de l’utilisation des terres, des changements d’affectation des terres et de la forêt (UTCATF), est considéré à part du fait de ses spécificités et de son incertitude. C’est le faible niveau de puits de carbone ces dernières années qui avait entraîné le non-respect du dernier budget carbone 2019-2023 sur les émissions nettes (voir rapport Secten, éd. 2024).
Dans le projet de SNBC-3 mise en consultation, la répartition de l’effort, en absolu et en relatif, entre secteurs est présentée. Elle indique ainsi une réduction, entre 1990 et 2030, de 68% pour le secteur de l’industrie, de 65% pour la production d’énergie, de 57% pour les déchets, de 62% pour les bâtiments, de 27% pour les transports et de 25% pour l’agriculture. Les puits de carbone sont modélisés en 2030 à un niveau similaire au niveau actuel (-19 Mt CO2 contre -18Mt CO2 en 2022).
Les leviers d’action identifiés et quantifiés dans la modélisation concernent la maîtrise de la demande en transport, le développement des transports en commun et des mobilités douces, l’évolution des régimes alimentaires, la décarbonation des vecteurs de chauffage, la réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments (sobriété), l’électrification des usages, la décarbonation des procédés de production industriels, le recyclage de matières premières, la réindustrialisation verte, la réorientation des déchets vers les filières de valorisation matière et énergétique…
La figure ci-dessous présente les nouveaux budgets carbone proposés dans la SNBC-3 pour la période 2024-2028 comparés à ceux fixés par la SNBC-2 pour la même période.
Aperçu de la PPE-3
En matière de mix énergétique, la PPE est ainsi mise à jour avec l’objectif de passer d’une consommation énergétique à 60% carbonée à une consommation énergétique à 60% décarbonée d’ici à 2030. A l’instar de ce qui avait été présenté dans le PNEC soumis à la Commission européenne (lire notre article), l’objectif ne vise donc pas spécifiquement les énergies renouvelables mais vise la production décarbonée dans son ensemble, incluant donc le nucléaire.
Aperçu du PNACC
Les objectifs du PNACC-3 sont de planifier les actions à mener d’ici 2030 pour s’adapter progressivement au réchauffement climatique attendu d’ici 2100 ; et de mettre en œuvre les 51 mesures concrètes qui ciblent les populations et les territoires les plus à risques, en veillant à ne pas accroître ou créer d’inégalités.
Le nouveau plan repose, pour la première fois, sur une Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC – lire notre article). Cette trajectoire repose sur le scénario tendanciel selon les données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). En France métropolitaine, ce scénario prévoit une hausse des températures moyennes de +2°C en 2030, de +2,7°C en 2050 et de +4°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle.
Le PNACC-3 repose sur cinq axes :
protéger la population ;
assurer la résilience des territoires, des infrastructures et des services essentiels ;
adapter les activités humaines ;
protéger notre patrimoine naturel et culturel ;
mobiliser les forces vives de la nation.
Prochaines étapes
La consultation s’appuie sur une plateforme en ligne. En parallèle, des événements dédiés auront également lieu durant les six semaines de la consultation.
A l’issue de cette concertation publique, le Gouvernement analysera des avis des citoyens, des acteurs institutionnels et des entreprises, et en publiera une synthèse.
Le 10 juillet 2024, le gouvernement a officiellement transmis à la Commission européenne le Plan national énergie-climat (PNEC, en anglais National Climate and Energy Plan ou NECP, outil de planification stratégique, mis à jour tous les 10 ans, permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront leurs objectifs climat et contribueront à atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, voir encadré en fin d’article) de la France, sur la base de la première version transmise le 11 novembre 2023 et des recommandations de la Commission qui avaient suivi.
Cette transmission, dépassant de plus d’une semaine l’échéance fixée au 30 juin 2024, intervient alors que la publication des documents clés de la Stratégies Française Energie Climat (SFEC) est en suspens (voir plus bas). Et, surtout, elle intervient dans un contexte politique très incertain depuis la dissolution de l’Assemblée nationale (9 juin 2024) et les élections législatives anticipées (30 juin et 7 juillet 2024) ayant vu le parti gouvernemental perdre sa majorité, suivi par une période d’attente de nomination d’un nouveau Premier Ministre.
Version provisoire et recommandations de la Commission
Le premier NECP de la France avait été publié le 1e avril 2020 par la Commission, relatif à la période 2021-2030 et à la compatibilité des mesures planifiées par la France avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE. La France avait présenté son projet de mise à jour de son NECP le 11 novembre 2023, publié par la Commission le 21 du même mois. La Commission européenne avait ensuite publié, le 18 décembre 2023, l’évaluation des projets de mise à jour des NECP de tous les Etats membres, dont celui de la France.
Parmi les recommandations sur le volet atténuation, plusieurs portaient sur une demande de hausse d’ambition sur le déploiement des énergies renouvelables (EnR), notamment de revoir fortement à la hausse, en la portant à au moins 44%, la part des EnR qu’elle vise à atteindre à titre de contribution à l’objectif contraignant de l’UE en matière d’EnR à l’horizon 2030 fixé par la directive RED III (directive (UE) 2023/2413 sur la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ; mais aussi de fournir un plan à long terme pour le déploiement des énergies renouvelables à horizon 2040, entre autres (lire notre article pour un résumé plus détaillé des recommandations).
Contenu du PNEC
Le reflet d’une politique climat dont l’actualisation est en suspens
Le PNEC se base sur les travaux de concertation et de construction de la prochaine SFEC qui inclut la mise à jour des principaux documents de planification de la politique nationale de transition écologique même si ceux-ci ne sont pas finalisés, voire sont en suspens :
la loi de programmation énergie-climat (LPEC), qui devait initialement être adoptée avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, conformément à l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et à l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie. Plusieurs fois reportée, un projet de loi a été proposé, puis fortement modifié, avant d’être abandonné, comme l’a confirmé, Roland Lescure l’ancien Ministre de l’Industrie et de l’Energie, dans un entretien au Figaro du 10 avril 2024 ;
la mise à jour de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), attendue d’ici 2024, devant proposer de nouveaux budgets carbone en cohérence avec l’objectif de l’UE de -55% d’ici 2030 ;
la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont la 3e version est aussi attendue courant 2024 ;
le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), initialement aussi attendu en 2024.
Depuis, la dissolution de l’Assemblée nationale et les résultats des élections législatives anticipées du 7 juillet 2024 ont mis en suspens ces dossiers. Compte tenu de cette situation, le PNEC mis à jour précise qu’il reflète les objectifs fixés à date jusqu’en 2030 (et jusqu’en 2035 pour le volet énergétique) ; et que les trajectoires au-delà de 2030 devront être actualisées (par exemple à l’occasion du rapport biennal d’avancement) après publication de ces documents de programmation.
Réduction des émissions brutes de 50% entre 1990 et 2030
En attendant la future publication de la SNBC-3 qui proposera une mise à jour des prochains budgets carbone, le PNEC indique les valeurs issues du scénario de référence (dit AMS, Avec Mesures Supplémentaires) utilisé pour la conception de la SNBC-3, plus ambitieux que celui de la SNBC-2. Ce scénario permet de fournir des données indicatives de ces prochains budgets.
Figure 1. Emissions de GES brutes (hors puits de carbone du secteur UTCATF), trajectoire indicative pour la future SNBC-3 et budgets préliminaires pour la SNBC-3 en comparaison avec ceux de la SNBC-2. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 56
Selon ces valeurs indicatives, la réduction des émissions brutes de GES (c’est-à-dire hors puits de carbone du secteur UTCATF) serait de 50% entre 1990 et 2030 pour atteindre 271 Mt CO2e à cet horizon.
Le tableau ci-dessous présente les valeurs indicatives pour les prochains budgets carbone attendus dans la SNBC-3, déclinées par secteur, et leur comparaison aux valeurs de la SNBC-2 en vigueur.
Figure 2. Valeurs des estimations préliminaires prochaine SNBC-3 indiquées dans le PNEC. Valeurs arrondies au million de tonne près. Source : tableau de la DGEC reproduit dans la PNEC, p.56-57 Juillet 2024. Bâtiments : Une note du PNEC précise que la cible brute en 2030 pourrait atteindre 268 Mt CO2 si un scénario permettait de respecter la cible proposée pour le secteur des bâtiments dans le cadre des travaux de la planification écologique (32 Mt). A noter que dans les annonces faites en mai 2023, la cible pressentie pour les bâtiments était de 30 Mt.
Prudence sur l’évolution du puits de carbone
Dans ses recommandations, la Commission européenne demandait à la France d’établir une trajectoire de hausse du puits de carbone et de définir des mesures supplémentaires pour y parvenir, afin d’atteindre objectif national UTCATF défini par le règlement (UE) 2018/841.
Le PNEC mis à jour reste cependant prudent, tenant compte de « l’évolution défavorable des paramètres essentiels de la forêt française que sont la mortalité et l’accroissement biologique ». En effet, le puits de carbone net du secteur UTCATF a fortement diminué ces dernières années (voir le chapitre UTCATF du rapport Secten). Le PNEC indique la valeur provisoire, obtenue pour 2030 sur la base de projections, d’un niveau équivalent à la valeur de 2022, soit environ -18 Mt CO2e. ; au lieu de -44 Mt CO2e comme prévu initialement par la SNBC-2. L’ambition étant d’atteindre la cible de -31 Mt CO2e à cette échéance, le PNEC note cet écart et souligne de fortes incertitudes sur ces projections.
Figure 3. Bilan net du secteur UTCATF (puits de carbone), projections provisoires, cible 2030 de la SNBC-2 et niveau provisoire indiquée dans le PNEC d’après le scénario AMS. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 65
Des objectifs sur les énergies renouvelables replacés dans la cadre plus large des énergies décarbonées, incluant le nucléaire
Alors que la Commission recommandait de revoir à la hausse les objectifs sur le déploiement des énergies renouvelables, le PNEC réaffirme les ambitions déjà indiquées dans la version précédente du PNEC, à savoir celles de la PPE-2 (2e Programmation pluriannuelle de l’énergie) sur la période 2019-2028. Concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC considère que l’objectif de 23% fixé à la France pour l’année 2020 par la directive 2009/28/CE modifiée sur la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables (EnR), sera atteinte, quatre ans après, en 2024.
Plutôt que de proposer un nouvel objectif sur la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC met en avant non pas les énergies renouvelables seules mais les énergies décarbonées, incluant donc le nucléaire, comme moyen de contribuer aux objectifs d’atténuation de l’UE. Le PNEC indique ainsi un objectif de 58% d’énergie décarbonée dans la consommation finale d’énergie en 2030, et 71% en 2035. Atteindre cette trajectoire passe par le renforcement de la production nucléaire (lire notre article sur la loi sur l’accélération du nucléaire) et le développement des énergies renouvelables (lire notre article sur la loi accélération des EnR). Enfin, la consommation finale brute d’énergie renouvelable de la France en 2030, d’après le scénario de la SFEC, est estimée à environ 570 TWh.
Les NECP
Les Plans nationaux énergie-climat (dont leur nom officiel est Plans nationaux intégrés énergie-climat, PNIEC, au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 ; mais le terme Plan national énergie climat, PNEC, est davantage utilisé.) doivent être soumis par les Etats membres conformément à l’obligation établie par le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (articles 3 et 4) (lire notre article). Ces NECP sont décennaux, à compter de la période 2021-2030. Les Etats membres devaient soumettre à la Commission leur projet de premier NECP avant le 31 décembre 2018, et la version définitive au 31 décembre 2019 (article 9). Ils devront soumettre leur 2e plan d’ici le 1er janvier 2029, et ainsi de suite.
Les NECP sont le principal outil de planification stratégique permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de l’union de l’énergie et resteront sur la bonne voie pour atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Ils contribuent à la prévisibilité des investissements à court, moyen et long terme et constituent un outil essentiel pour mobiliser les investissements massifs nécessaires pour atteindre cet objectif collectif.
Les NECP doivent comporter une description :
▪ des objectifs nationaux et des contributions nationales définis au titre de l’Union de l’énergie (réduction des émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables et efficacité énergétique),
▪ des politiques et mesures prévues ou adoptées pour les mettre en œuvre.
Le règlement 2018/1999 (annexe I) établit un modèle de NECP pour garantir une présentation harmonisée entre les Etats membres en vue de faciliter leur évaluation.
Les versions définitives de ces premières NECP avaient été rendues publiques par la Commission le 1er avril 2020.
Le 17 septembre 2020, la Commission avait publié une évaluation, à l’échelle de l’UE, des premières NECP. L’évaluation de la Commission montrait que l’UE était sur la bonne voie pour dépasser son objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 40% d’ici à 2030, en particulier grâce aux progrès en cours dans le déploiement des EnR dans toute l’UE. La Commission concluait que l’UE devrait accroître davantage l’efficacité énergétique et la part des EnR. Voir le détail de cette évaluation globale dans notre article.
Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a publié les évaluations individuelles des NECP de chacun des 27 Etats membres. Il s’agissait d’analyser les trajectoires et les ambitions de chaque État membre par rapport aux objectifs actuels en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 (lire notre article).
Au plus tard le 30 juin 2023, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2033, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre est tenu de soumettre à la Commission un projet de mise à jour de son NECP (cf. article 14 du règlement (UE) 2018/1999).
Au plus tard le 30 juin 2024, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2034, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre soumet à la Commission la version définitive de la mise à jour de son NECP.
Le Citepa a mis à jour son estimation des émissions de gaz à effet de serre, publiée dans l’édition 2024 du rapport Secten. Ces nouveaux résultats permettent d’éclairer la trajectoire récente de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France.
En bref
Les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 5,8% (-22,8 Mt CO2e) entre 2022 et 2023, hors puits de carbone. Cette baisse est plus forte que dans ses estimations précédentes publiées en mars 2024, du fait notamment de la mise à jour de certains indicateurs. Le budget carbone hors UTCATF est respecté sur la période 2019-2023. Tous les grands secteurs émetteurs participent à cette réduction : – 7,7 Mt pour l’industrie de l’énergie, -6,1 Mt pour l’industrie manufacturière, -4,4 Mt pour les transports, -3,4 Mt pour les bâtiments et -1,2 Mt pour l’agriculture. En revanche, en comptant l’UTCATF, le budget carbone 2019-2023 n’est pas respecté (moyenne observée de 380 Mt contre un objectif de 379 Mt, soit un dépassement de 1,4 Mt).
Emissions de GES hors puits de carbone et budget carbone
Les estimations présentées ici remplacent celles précédemment publiées. En particulier, en mars 2024, le Citepa avait publié une baisse des émissions de GES hors puits de carbone de 4,8% entre 2023 et 2022. Cette réduction est désormais estimée à 5,8%. L’amélioration, la mise à jour et affinements de plusieurs indicateurs, en particulier pour le transport aérien, l’industrie chimique, l’agriculture et la production d’électricité, pour la publication du rapport Secten explique ce résultat différent, plus précis, mais qui restera à consolider en 2025 pour l’année 2023.
Gaz à effet de serre
5,8% de baisse d’émissions en 2023
D’après les données du Citepa, en France (France métropolitaine et territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE) les émissions territoriales de gaz à effet de serre (GES) hors puits de carbone ont baissé de -5,8% (-22,8 Mt CO2e) entre 2022 et 2023, hors UTCATF. Elles sont passées de 396 Mt CO2e en 2022 à 373 Mt CO2e en 2023 (pré-estimation de l’inventaire proxy), soit en dessous du niveau minimum record de 2020 (389 Mt CO2e). Ramenées au nombre d’habitants, elles passent de 5,5 tCO2e/habitant à 5,2 t. Tous les grands secteurs participent à la baisse de 22,8 Mt CO2e : – 7,7 Mt pour l’industrie de l’énergie, -6,1 Mt pour l’industrie manufacturière, -4,4 Mt pour les transports, -3,4 Mt pour les bâtiments et -1,2 Mt pour l’agriculture. L’évolution 2022-2023 du secteur des déchets (4% des émissions totales) et celle de l’UTCATF (Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et Forêt) ne sont pas encore pré-estimées spécifiquement faute d’indicateurs fiable. Si l’on distingue gaz par gaz, les émissions de CO2 hors UTCATF ont baissé, entre 2022 et 2023, de 6,9% ; celles de méthane (CH4) de 1,3% et celles de protoxyde d’azote (N2O) de 1,9%.
Après un plateau relatif dans les années 1990 jusqu’en 2005, une diminution irrégulière de 2006 à 2014, puis une période de lente ré-augmentation des émissions entre 2014 et 2017, les émissions de GES connaissent une dynamique de réduction plus marquée depuis 2017, sans compter l’effet temporaire du Covid (baisse de 9,2% en 2020 et rebond de 5,7% en 2021).
Evolutions des émissions de GES entre 2018 et 2023 (Mt CO2e)
Electricité : plus de production décarbonée, moins de consommation
En 2023, deux facteurs expliquent la baisse des émissions du secteur de l’industrie de l’énergie : la hausse de la production d’électricité bas-carbone et la poursuite de la baisse de la consommation d’électricité. L’année 2022 avait été marquée par un manque de disponibilité de plusieurs centrales nucléaires. En 2023, ces centrales ont progressivement repris leur activité. La production d’électricité nucléaire a ainsi connu une forte hausse (+41,5 TWh). La production renouvelable a aussi augmenté (+9 TWh pour l’hydraulique, +12 TWh pour l’éolien, +3 TWh pour le solaire). La production par les centrales thermiques a donc été réduite (-14 TWh pour les centrales à gaz : les centrales à charbon n’ont représenté que 0,8 TWh). Après une année 2022 déjà marquée par un faible niveau de consommation d’électricité, dans un contexte de crise énergétique et d’appels à la sobriété, celle-ci s’est de nouveau réduite en 2023 (-3%).
Pour le secteur de l’industrie de l’énergie, le niveau d’émissions atteint en 2023, de 35 Mt CO2e, constitue le niveau le plus bas depuis 1990, en baisse de -17,9% par rapport à 2022. Le budget carbone de la SNBC-2 (ajusté en 2023) pour ce secteur, de 48 Mt CO2e par an en moyenne sur 2019-2023 est donc respecté avec une moyenne des émissions de 41,5 Mt CO2e sur cette période. La SNBC-2 prévoit d’atteindre environ 30 Mt CO2e à horizon 2030 ; et l’objectif provisoire présenté en amont de la prochaine SNBC-3 est de 27 Mt CO2e à cet horizon.
Bâtiments : baisse des émissions du chauffage
Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des bâtiments sont principalement liées à l’usage de combustibles fossiles pour le chauffage résidentiel et tertiaire. Au global sur l’année 2023, le secteur résidentiel-tertiaire atteint, avec 58,4 Mt CO2e, le niveau d’émissions de GES le plus bas depuis 1990, et dans la continuité de la diminution des émissions observées depuis 2017, malgré une hausse temporaire observée en 2021. Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 (ajustée en 2023) pour la période 2019-2023, de 78 Mt CO2e/an en moyenne, est respecté avec 68,6 Mt CO2e entre 2019 et 2023.
Plusieurs facteurs jouent sur cette baisse :
poursuite des comportements de sobriété des ménages et entreprises : la demande de sobriété par le Gouvernement en 2022 a été suivie en 2022 et se poursuit certainement en 2023 dans le contexte d’inflation qui perdure en 2023.
continuation des rénovations thermiques des bâtiments, en lien avec les mesures MaPrim’Renov, et installations de pompes à chaleur air-air et eau-eau en hausse en 2023) ;
météo: Les données mensuelles du baromètre du Citepa montrent que sur les mois de chauffage, seuls les mois de janvier et décembre 2023 ont été plus doux que ceux de 2022. Les émissions liées au chauffage ont baissé jusqu’en avril puis en décembre.
prix de l’énergie et inflation: les prix à la consommation ont augmenté de 3,7% en 2023 d’après l’Insee, et les prix de l’énergie ont aussi connu des hausses (+5,7 % en 2023).
Transport routier : la lente réduction du premier secteur émetteur
Le transport routier est le premier émetteur de GES en France, avec 119 Mt CO2e en 2023, soit près d’un tiers des émissions totales. La baisse estimée entre 2022 et 2023, de 3,4%, s’inscrit dans une tendance à la baisse depuis 2015 (‑0,8 %/an en moyenne entre 2015 et 2019). En 2020, en raison de la limitation des déplacements lors de la pandémie de Covid-19, les émissions de ce secteur avaient baissé de près de 15 %, suivi d’un rebond en 2021 et 2022.
L’année 2023 s’annonce plus faible de 3,4 % que l’année 2022. Plusieurs effets expliquent en grande partie cette tendance à la baisse des dernières années. Il y a des effets de court terme tel que les augmentations des prix des carburants à la pompe qui limitent les déplacements non contraints au moment des hausses. Il y a aussi des effets de moyen et long terme comme le renouvellement du parc par des véhicules moins énergivores (véhicules électriques par exemples) ou comme le report modal (covoiturage, modes doux).
Aérien : réduction sur les vols domestiques
Les émissions du transport aérien domestique ont connu plusieurs phases : une augmentation de 1990 à 2000 (4,7 %/an), une diminution de 2002 à 2015 (-1,6%/an), une augmentation de 2015 à 2019 (+3,5 %/an) jusqu’à la crise Covid de 2020 où le trafic a été très fortement impacté (-39 % entre 2019 et 2020). 2021 et 2022 sont des années de reprise de trafic aérien domestique suite à la crise (23 %/an en moyenne sur ces 2 années). Par contre les émissions du trafic aérien domestique pour l’année 2023 sont en baisse de 3,4 % par rapport à l’année 2022. Ceci est lié à la suppression des vols de courte durée (inférieure à 2h30) si une alternative ferroviaire directe existe (Décret n° 2023-385 du 22 mai 2023).
Les émissions du trafic aérien international (comptabilisées en dehors du total national) n’ont cessé d’augmenter de 1990 à 2019 (+2,6 %/an). En 2020, avec la crise du Covid-19, la réduction massive des vols a entrainé une baisse de 57% des émissions par rapport à 2019. Depuis, le trafic croit de nouveau : En 2023, les émissions ont augmenté de 16 % par rapport à 2022 mais restent 15 % plus faible que celles de 2019.
Industrie
La tendance des émissions de GES à la baisse observée en 2022 (-8,1% par rapport à 2021) se poursuit en 2023. Les émissions totales du secteur diminuent de 8,7% entre 2022 et 2023, ce qui s’explique principalement par des baisses des émissions des trois secteurs les plus émetteurs : les minéraux non-métalliques, la chimie et la métallurgie des métaux ferreux, qui représentaient à eux trois 69% des émissions totales de GES du secteur en 2022. D’après les estimations du Citepa pour 2023, les réductions d’émission de GES observées pour ces secteurs sont de 6,9%, 6,4% et 13,9%, respectivement, comparativement à leurs niveaux de 2022. Cela s’explique notamment par la baisse des productions en 2023 des activités les plus émettrices, à savoir le ciment (-7.3%), l’acier (-6.4% pour l’acier de hauts-fourneaux) et la chimie organique et inorganique (-9%). Pour tous les autres secteurs de l’industrie, des baisses d’émissions de GES variant entre 3% et 14% sont également observées. En conséquence, la consommation de gaz naturel a chuté de 19% dans la grande industrie en 2023 (et d’environ 10% au total), comparativement à 2022, mais cette baisse est aussi liée à d’autres phénomènes structurels comme les contraintes d’approvisionnement. Les consommations des autres combustibles fossiles ont également été réduites, dans des proportions un peu moins significatives cependant.
Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 pour la période 2019-2023, de 75 Mt CO2e/an, est respecté avec 72,5 Mt CO2e/an en moyenne. A horizon 2030, ce secteur doit atteindre 55 Mt CO2e d’après la SNBC-2 et 45 Mt CO2e d’après les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 ; soit une réduction attendue par an de 2% selon la SNBC-2 et 5% selon la SNBC-3. En décembre 2023, les 50 sites industriels les plus émetteurs ont publié un objectif non contraignant de réduction de 45% de leurs émissions d’ici 2030.
Agriculture
Les émissions de GES agricoles, au total, sont en recul de 1,6 % entre 2022 et 2023 en lien avec le recul des émissions de CH4 et N2O. Les émissions agricoles de N2O sont en repli de 1,6 % entre 2022 et 2023 avec un recul des apports d’engrais minéraux au sol et d’apports organiques. Les émissions de CH4 s’inscrivent en baisse de 1,6 % notamment en lien avec le recul du cheptel bovin et dans une moindre mesure au recul du cheptel porcin. Les émissions de CO2 du secteur sont en baisse de -1,5%, malgré une hausse des émissions de CO2 liées aux apports en urée. En 2023, le cheptel bovin poursuit son recul, quoique de manière plus ralentie que les années précédentes, que ce soit pour le cheptel de vaches allaitantes (- 1,3 %), ou pour le cheptel de vaches laitières (- 2,1 %), Les livraisons d’engrais s’inscrivent également en net repli en 2023 par rapport à 2023, avec une hausse de la part d’urée. Enfin le nombre de méthaniseurs agricoles a connu en 2023 une très légère augmentation.
Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 pour la période 2019-2023, de 77,6 Mt CO2e/an, est respecté avec 76,1 Mt CO2e/an en moyenne. A horizon 2030, ce secteur doit atteindre 69 Mt CO2e d’après la SNBC-2 et 68 Mt CO2e d’après les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 ; soit une réduction attendue de 1% par an.
Le puits de carbone forestier est fragile
En parallèle des émissions des autres secteurs, le secteur de l’utilisation des terres et de la forêt représente un puits net de carbone qui permet de séquestrer du CO2 dans la biomasse et les sols. Estimé à environ -45 Mt CO2 en moyenne dans les années 2000, ce puits s’est considérablement réduit pour atteindre environ -20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison de l’effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres, et d’une hausse des récoltes de bois. Cette diminution du puits implique un effort encore plus conséquent sur les autres secteurs afin de parvenir à la neutralité carbone.
Initialement, l’objectif de la SNBC-2 prévoyait d’atteindre un puits de carbone entre -40 et -45 Mt à horizon 2030. Les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 n’intégraient pas encore de cible pour ce secteur.
Les objectifs sont-ils respectés ?
Le budget carbone 2019-2023 de la SNBC-2 est respecté si l’on prend le total hors puits de carbone (400 Mt émis en moyenne contre un budget de 420 Mt), et n’est pas respecté si l’on prend le total avec puits de carbone (380 Mt émis contre un budget de 379 Mt). Dans le détail, le budget est atteint pour tous les secteurs à l’exception des déchets (dépassement provisoirement estimé de 1,7 Mt) et surtout de l’UTCATF (21 Mt d’absorption en moins par rapport à l’objectif). En moyenne sur 2019-2023, le total des émissions, incluant le secteur UTCATF, dépasse de 1,4 Mt (0,4%) le budget carbone.
Si l’on regarde dans le détail année après année, on voit que hors puits de carbone, budgets moyens mais aussi objectifs annuels sont respectés sauf en 2017. En revanche, objectif sur le puits de carbone n’est pas respecté depuis 2015. Cela est lié à fragilisation du puits de carbone forestier : le niveau n’a pu se maintenir comme envisagé.
Cette réduction est-elle un record ?
Ce n’est pas la première fois qu’on observe une forte baisse des émissions en France, cela s’était aussi produit en 2020 (-9,0%, crise Covid), 2014 (-6,6%, hiver très doux par rapport à 2013). 2023 (avec -5.8%) apparait donc comme la 3e année avec la baisse relative la plus forte après 2020 et 2014. En valeur absolue, 2023 avec -22,8 Mt CO2e, apparait comme la 4e année avec la baisse la plus forte, derrière toujours 2020 (-38,7 Mt CO2e), 2014 (-31,9 Mt), 2011 (-25,1 Mt, année particulièrement douce).
Néanmoins, les records de baisse précédents étaient liés, au moins en partie, à des effets conjoncturels importants. Par ailleurs, lors de ces précédentes années record, à part en 2020, tous les secteurs ne participaient pas à ces réductions d’émissions. En 2023, hors puits de carbone, on observe donc une situation inédite où tous les grands secteurs émetteurs participent à une baisse des émissions, dans un contexte particulier (inflation, reprise de production nucléaire…) mais sans crise économique majeure.
Quel est le rythme de réduction nécessaire pour les années à venir ?
Sans tenir compte des années 2020-2021 avec la crise covid et son rebond, le rythme de réduction observé entre 2018 et2023 est de -5,8% par an hors puits de carbone. La Stratégie nationale Bas-Carbone actuelle (SNBC-2) prévoit un rythme de réduction entre 3% et 4% par an, à horizon 2030. Cependant, les valeurs provisoires présentées en mai 2023 pour esquisser la mise à jour de cette stratégie, envisagent une réduction entre -4% et -5% par an à cet horizon. Il faut cependant tenir compte de la fragilité du puits de carbone qui nécessite un effort de réduction des émissions renforcé pour atteindre à terme la neutralité carbone. Ainsi, le rythme actuel de réduction des émissions doit se maintenir dans les prochaines années pour atteindre les objectifs à horizon 2030, puis s’amplifier pour se placer sur une trajectoire compatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Comment ces estimations sont mises à jour ? Pourquoi ces chiffres sont différents des annonces précédentes ?
Les estimations présentées ici remplacent celles précédemment publiées. En particulier, en mars 2024, le Citepa avait publié une baisse des émissions de GES hors puits de carbone de 4,8% entre 2023 et 2022. Cette réduction est désormais estimée à 5,8%. L’amélioration, la mise à jour et affinements de plusieurs indicateurs, en particulier pour le transport aérien, l’industrie chimique, l’agriculture et la production d’électricité, pour la publication du rapport Secten explique ce résultat différent, plus précis, mais qui restera à consolider en 2025 pour l’année 2023.
Conformément à l’article D. 222-1-B II du Code de l’environnement, un ajustement technique provisoire des budgets carbone a été réalisé en 2023 pour conserver la même ambition de réduction mais prendre en compte les éventuels changements méthodologiques de l’inventaire (par exemple, l’utilisation de valeurs de pouvoir de réchauffement global issus de rapports plus récents du Giec). Ainsi, ce sont ces budgets carbone ajustés provisoirement qui sont utilisés ici.
Le Citepa publiera l’édition 2024 de son rapport Secten le 19 juin, avec les données complètes. Ce rapport présentera l’ensemble de ces résultats en détail.
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