Emissions de gaz à effet de serre et de pollution atmosphérique dans les territoires d’Outre-mer 1990-2022

Evolution des émissions entre 1990 et 2022, hors HFC (%)

Le Citepa a mis à jour les résultats d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de polluants atmosphériques des territoires d’Outre-mer de la France avec 2022 en année supplémentaire. Ces résultats sont dans le même format que l’inventaire Secten pour chacun des onze territoires (hors Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) et Clipperton dont les émissions sont négligées du fait de très peu d’activité humaine). Au total, les territoires d’Outre-mer ont augmenté leurs émissions de GES de 62% sur la période 1990-2022 avec une baisse de 5% entre 2021 et 2022.

La mise à jour des résultats 1990-2022 est désormais disponible sur la page Outre-mer du Citepa.

Mise à jour 2024 des émissions de Gaz à Effet de Serre en Outre-mer

Le Citepa évalue chaque année les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques par secteur et par polluant sur l’ensemble de l’Outre-mer et pour chacun de ses 11 territoires (format Secten). La mise à jour des résultats 1990-2022 est désormais disponible sur la page Outre-mer du Citepa.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont augmenté de 62% en Outre-mer sur la période 1990-2022 avec des disparités selon les territoires, seuls deux territoires voient leurs émissions baisser : la Guyane (-4%) et St-Pierre-et-Miquelon (-60%). Les émissions de GES des territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE comptent pour 2% des émissions de la France et celles des territoires non-inclus dans l’UE pour environ 1%.

La dernière édition de l’inventaire Floréal est disponible

Le principe de cet inventaire financé par le Ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt est d’affecter les émissions rapportées dans l’inventaire national Citepa à des secteurs d’activité agricoles au moyen de facteurs d’allocation, avec une approche « top-down ». On obtient rapidement des ordres de grandeurs lorsque l’on s’intéresse à une filière en particulier.

Retrouvez trois graphiques, ci-dessous, pour illustrer les possibilités fournies par Floréal :

🌾 Figure 1 : Les émissions totales de CO2e de l’agriculture sont réparties selon les différents postes émetteurs et selon les filières. En 2021, 14% des émissions de GES agricoles proviennent des épandages d’engrais minéraux et amendements, dont plus de 60% sont imputables aux céréales.

📉 Figure 2 : Depuis la base de données Floréal on peut retrouver l’évolution des émissions de GES ou polluants d’une filière en particulier. Pour la filière céréales en France, les émissions de GES sont en baisse de 10% sur la période 1990-2021 avec la part de la production d’intrant en France qui est en repli (baisse du facteur d’émission et accroissement du sourcing à l’international).

🌍 Figure 3 : Afin de tenir compte du commerce international et d’aller vers un résultat d’empreinte, une approche « filières » a été développée pour les céréales, bovins lait et bovins viande. On voit ainsi pour la filière céréales les émissions réalisées sur le territoire français (celles de la figure 2), les émissions réalisées à l’extérieur du territoire liées au commerce de produits (imports d’intrants, import-export de produits finis), et enfin les émissions associées à des filières conjointes de production (en l’occurrence les émissions des productions animales consommatrices de céréales).

Enfin un ensemble de données et graphiques sont disponibles dans l’onglet « GRAPH » des tables en ligne à cette page. Ceci permet d’accroître la transparence sur les données d’activité de cet inventaire et de mieux percevoir les hypothèses contenues derrière les facteurs d’allocation.
Pour plus de détail sur la méthodologie, le périmètre et les limites de l’inventaire Floréal consultez le rapport.

Directive NEC-2 : la Commission lance une consultation publique en vue de sa révision

Le 3 septembre 2024, la Commission européenne a lancé une consultation publique ouverte en ligne sur l’évaluation de la directive dite NEC-2 (directive (UE) 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques – voir encadré en fin d’article).

Objet de la consultation publique

La Commission vise à recueillir l’avis des parties prenantes et des citoyens sur la directive, sa mise en œuvre et les progrès réalisés pour atteindre les objectifs et engagements fixés par cet acte législatif. Concrètement, le but de la consultation est :

  • d’évaluer si la directive contribue de façon efficace à la réalisation de ses objectifs et engagements,
  • d’évaluer la pertinence de cette directive, compte tenu de l’évolution de la situation, notamment des progrès scientifiques et techniques et de la mise en œuvre d’autres politiques de l’UE en matière de climat et d’énergie,
  • de clarifier les éventuels obstacles à la mise en œuvre de la directive et d’examiner les possibilités de simplification et de réduction des coûts associés à la mise en œuvre.

La date limite de réponse est le 26 novembre 2024 (voir lien de la consultation publique).

L’évaluation de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11 (voir encadré en fin d’article), la Commission doit procéder à un réexamen (review) de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

La Commission a lancé début 2024 les travaux d’examen de la directive NEC-2. Elle réalisera son évaluation en suivant les lignes directrices du programme « Mieux légiférer », (qu’elle a publiées le 3 novembre 2021). L’évaluation déterminera dans quelle mesure la directive a atteint son objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement en réduisant les émissions nationales des cinq polluants atmosphériques visés par la directive (SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5).

Elle tiendra également compte des objectifs en matière de qualité de l’air fixés dans le plan d’actions « Zéro pollution », présenté par la Commission le 12 mai 2021 (lire notre article). En outre, l’évaluation déterminera si la directive s’est avérée cohérente avec la politique de l’UE en matière de qualité de l’air, si elle y a contribué et si elle a créé des synergies avec d’autres politiques de l’UE.

L’évaluation comporte également une consultation ciblée des parties prenantes visant à recueillir les avis d’un public d’experts sur des questions spécifiques. Cette consultation a été lancé le 3 septembre 2024. Elle contient des questions plus spécifiques posées à différents groupes de parties prenantes, notamment les États membres et les autorités compétentes, les organisations de la société civile, les parties prenantes internationales, les représentants du secteur industriel, ainsi que la communauté scientifique. La date limite de réponse est le 26 novembre 2024.

Par ailleurs, la Commission organise un atelier d’une journée pour les parties prenantes, prévu le 14 octobre 2024 à Bruxelles. Il permettra aux parties prenantes de donner leur avis sur le fonctionnement et la mise en œuvre de la directive. La date limite pour s’inscrire à l’atelier est le 9 septembre 2024.

Enfin, la Commission a fait appel à un bureau de consultants pour réaliser une étude spécialisée afin d’étayer l’évaluation ainsi que les consultations publiques et ciblées des parties prenantes.

La Commission prévoit d’achever le réexamen de la directive NEC-2 en 2025 en amont des négociations dans le cadre de la CEE-NU visant à réviser le Protocole de Göteborg sur la réduction de l’acidification, l’eutrophisation et la formation de l’ozone troposphérique. Ce Protocole, adopté en 1999, puis révisé une première fois en 2012, constitue la base juridique de la directive NEC-2.

La mise en œuvre de la directive NEC-2

Rapport de la Commission européenne

Conformément à l’article 11 de la directive NEC-2, la Commission européenne a publié le 30 juillet 2024 son 2e rapport de mise en œuvre de la directive NEC-2 (réf. COM(2024) 348 final) qui évalue les progrès réalisés depuis la publication du premier rapport (réf. COM(2020) 266 final du 26 juin 2020). S’appuyant sur les données fournies par les Etats membres au titre de la directive (les inventaires d’émissions communiqués par les Etats membres en 2023, données 2021), le 2e rapport montre que 10 Etats membres (Autriche, Bulgarie, Danemark, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal et Suède) ne respectent pas leurs engagements de réduction pour le NH3.

Dans son rapport, la Commission souligne que « le seul polluant qui s’avère particulièrement problématique reste le NH3, pour lequel les perspectives de réalisation des engagements de réduction des émissions prévus dans la directive demeurent sombres » (source : COM(2024) 348 final, p.23).

Selon le rapport, la difficulté principale rencontrée par les États membres est celle de réduire les émissions de polluants provenant des principales sources d’émission : l’agriculture (NH3) ; la combustion provenant du secteur résidentiel-tertiaire, et des transports routiers (PM2,5) ; ainsi que l’utilisation industrielle de solvants (COVNM).

La publication de la quatrième édition du rapport « Perspectives en matière d’air propre » (« Clean Air Outlook ») est prévue pour la fin de l’année 2024 (lire notre article sur la 3e édition, publiée le 8 décembre 2022), complétera le présent rapport en fournissant des informations sur la trajectoire en matière de conformité. Le rapport « Perspectives en matière d’air propre » s’inscrit dans le cadre du programme Air pur pour l’Europe (publié par la Commission le 18 décembre 2013) qui prévoit une mise à jour tous les deux ans des données sur lesquelles a reposé l’étude d’impact de la directive (UE) 2016/2284 pour suivre et évaluer le progrès accompli vers la réalisation de ses objectifs.

Plus spécifiquement, les « Perspectives en matière d’air propre » de 2024 fourniront une évaluation analytique détaillée sur la question de savoir dans quelle mesure les États membres, et l’UE dans son ensemble, sont en voie de respecter les obligations en matière de réduction des émissions établies par la directive et d’améliorer la qualité de l’air, réduisant ainsi les incidences sur la santé humaine et l’environnement.

Analyse de l’Agence européenne pour l’Environnement

De son côté, l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE ou EEA en anglais) a publié, le 25 juin 2024, sa 3e évaluation annuelle des progrès accomplis par les Etats membres pour respecter leurs engagements de réduction des émissions des cinq polluants visés par la directive NEC-2. Cette note d’analyse (Briefing) est basée sur les données d’émission pour l’année 2022, dernière année pour laquelle les Etats membres ont rapporté leurs émissions (en mars 2024).

Selon la note d’analyse de l’AEE, en 2022, 16 États membres (dont la France) ont respecté leurs engagements nationaux respectifs de réduction des émissions pour la période 2020-2029 pour chacun des cinq principaux polluants atmosphériques, tandis que 11 États membres n’ont pas respecté leurs engagements pour au moins l’un des cinq principaux polluants atmosphériques.

Comme l’avait souligné la Commission dans son rapport publié le 30 juillet 2024 (voir plus haut), la réduction des émissions de NH3 reste le plus grand défi : neuf États membres doivent réduire leurs niveaux d’émission en 2022 pour respecter leurs engagements de réduction pour la période 2020-2029. Le secteur agricole est la principale source, responsable de 93% des émissions totales de NH3. Dans de nombreux États membres, les émissions de NH3 n’ont que légèrement diminué depuis 2005 et ont même augmenté dans certains cas.

Réaliser de nouvelles réductions pour 2030 et au-delà constituera un défi de taille pour la quasi-totalité des États membres de l’UE et pour la quasi-totalité des polluants atmosphériques. Le taux de réduction des émissions de certains polluants est en train de se stabiliser. Le SO2 constitue une exception : 22 États membres (dont la France) respectent déjà l’engagement de réduction pour 2030.

Les émissions des principaux polluants atmosphériques ont continué à diminuer, maintenant la tendance observée depuis 2005 et ce, malgré une augmentation du produit intérieur brut au cours de la même période.

La directive NEC-2

La directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (dite NEC 2) (lire notre dossier de fond sur le sujet) est venue réviser la directive 2001/81/CE relative aux plafonds d’émission nationaux, dite directive NEC 1. La directive NEC 2 étend la période de la directive NEC 1 de 2020 initialement à 2030 et au-delà. De plus, elle aligne le droit de l’UE sur les engagements découlant de la révision du Protocole de Göteborg adoptée le 4 mai 2012 (lire notre article sur le sujet). Entrée en vigueur : 31 décembre 2016, Date limite de transposition : 1er juillet 2018 (date à laquelle la directive NEC 1 a été abrogée).*

Les engagements nationaux de réduction

La directive NEC 2 oblige les Etats membres à limiter leurs émissions anthropiques annuelles de cinq polluants : SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5 conformément aux engagements nationaux de réduction fixés à l’annexe II de la directive (article 4). Ces engagements portent sur deux échéances : 2020 et 2030. Cela signifie que les engagements 2020 doivent être respectés sur l’ensemble de la période 2020-2029 (au moins).

Contrairement à la première directive NEC (directive 2001/81/CE), ces engagements ne sont pas des plafonds (en kt), mais des objectifs relatifs de réduction (en % par rapport à l’année de référence 2005). A noter qu’afin de garantir la continuité dans l’amélioration de la qualité de l’air, les plafonds d’émission nationaux établis par la directive 2001/81/CE ont continué de s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2019.

Les Etats membres doivent également prendre les mesures nécessaires visant à limiter leurs émissions anthropiques des cinq polluants de l’année 2025. Le niveau indicatif de ces émissions est déterminé par une trajectoire de réduction linéaire entre leurs niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2020 et les niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2030. La directive autorise les Etats membres à suivre une trajectoire de réduction non linéaire si celle-ci est plus efficace d’un point de vue économique ou technique, et à condition qu’à partir de 2025, elle converge progressivement vers la trajectoire de réduction linéaire et ne compromette pas les engagements de réduction des émissions pour 2030.

Engagements nationaux de réduction fixés pour la France (année de référence : 2005) (cf. annexe II)

En France, ces engagements ont été repris dans le plan national de réduction des émissions de polluants (PREPA), adopté le 10 mai 2017 (lire notre article sur le sujet).

Les programmes nationaux de lutte contre la pollution de l’air

Les Etats membres sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre un programme national de lutte contre la pollution de l’air, (National Air Pollution Control Programme ou NAPCP), dont le contenu minimal est défini à l’annexe III. Les Etats membres devaient soumettre leur premier programme national avant le 1er avril 2019. Celui-ci est à mettre à jour au minimum tous les quatre ans par la suite (article 6). La France a transmis (avec six mois de retard) son premier NAPCP en octobre 2019.

Conformément à l’article 6 de la directive NEC 2, les Etats membres devaient soumettre leur deuxième NAPCP au plus tard le 1er avril 2023 (voir p.6 de notre dossier de fond sur la directive NEC 2). La France a soumis son 2e NAPCP le 24 mai 2023.

Rapport de la Commission

Au plus tard le 1er avril 2020 et tous les quatre ans par la suite, la Commission doit présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la directive (article 11), et notamment une évaluation de sa contribution à la réalisation des objectifs généraux de la directive (cf. article 1er). Ce rapport évalue en particulier :

▪     les progrès accomplis dans la réalisation des engagements de réduction des émissions et, le cas échéant les raisons de leur non-respect) et en matière des niveaux de qualité de l’air ambiant conformément aux lignes directrices relatives à la qualité de l’air établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (lire notre article) ;

▪     l’identification des mesures supplémentaires nécessaires au niveau de l’UE et des Etats membres pour atteindre les objectifs précités ;

▪     les résultats de l’examen par la Commission des programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique (cf. article 6) et de leurs mises à jour conformément à l’article 10.

Réexamen et révision de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11, la Commission doit procéder à un réexamen de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

Le cas échéant, la Commission présente des propositions législatives concernant les engagements de réduction des émissions de polluants pour la période post-2030.

Spécifiquement concernant le NH3, la directive oblige la Commission, dans le cadre de son réexamen, d’évaluer entre autres :

▪     les données scientifiques les plus récentes,

▪     les mises à jour du document d’orientation de la CEE-NU de 2014 pour la prévention et la réduction des émissions de NH3 provenant des sources agricole (cf. Décision 2012/11, ECE/EB/AIR/113/Add.1.) et le code-cadre de bonnes pratiques agricoles pour réduire les émissions NH3 de la CEE-NU, tel que révisé en dernier lieu en 2014 (cf. Décision ECE/EB.AIR/127, paragraphe 36, point e).

En savoir plus

Communiqué de la Commission sur le lancement de la consultation publique

La consultation publique

La page du site de la DG Environnement consacrée à la directive NEC-2

La page du site de la DG Environnement consacrée aux NAPCP

La page du site de la DG Environnement consacrée au réexamen/à l’évaluation de la directive NEC-2

Communiqué de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Note d’analyse de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Voir données d’émission par Etat membre 2005-2022 (data viewer, page interactive).

Voir l’outil de suivi des politiques et mesures mises en place pour réduire les émissions de polluants atmosphériques (mise à jour le 22 février 2024)

Émissions de gaz à effet de serre en France : estimation de l’année 2023 avec les données Secten du Citepa

Le Citepa a mis à jour son estimation des émissions de gaz à effet de serre, publiée dans l’édition 2024 du rapport Secten. Ces nouveaux résultats permettent d’éclairer la trajectoire récente de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en France.

En bref

Les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 5,8% (-22,8 Mt CO2e) entre 2022 et 2023, hors puits de carbone. Cette baisse est plus forte que dans ses estimations précédentes publiées en mars 2024, du fait notamment de la mise à jour de certains indicateurs. Le budget carbone hors UTCATF est respecté sur la période 2019-2023. Tous les grands secteurs émetteurs participent à cette réduction : – 7,7 Mt pour l’industrie de l’énergie, -6,1 Mt pour l’industrie manufacturière, -4,4 Mt pour les transports, -3,4 Mt pour les bâtiments et -1,2 Mt pour l’agriculture. En revanche, en comptant l’UTCATF, le budget carbone 2019-2023 n’est pas respecté (moyenne observée de 380 Mt contre un objectif de 379 Mt, soit un dépassement de 1,4 Mt).

Emissions de GES hors puits de carbone et budget carbone

Les estimations présentées ici remplacent celles précédemment publiées. En particulier, en mars 2024, le Citepa avait publié une baisse des émissions de GES hors puits de carbone de 4,8% entre 2023 et 2022. Cette réduction est désormais estimée à 5,8%. L’amélioration, la mise à jour et affinements de plusieurs indicateurs, en particulier pour le transport aérien, l’industrie chimique, l’agriculture et la production d’électricité, pour la publication du rapport Secten explique ce résultat différent, plus précis, mais qui restera à consolider en 2025 pour l’année 2023.

Gaz à effet de serre

5,8% de baisse d’émissions en 2023

D’après les données du Citepa, en France (France métropolitaine et territoires d’Outre-mer inclus dans l’UE) les émissions territoriales de gaz à effet de serre (GES) hors puits de carbone ont baissé de -5,8% (-22,8 Mt CO2e) entre 2022 et 2023, hors UTCATF. Elles sont passées de 396 Mt CO2e en 2022 à 373 Mt CO2e en 2023 (pré-estimation de l’inventaire proxy), soit en dessous du niveau minimum record de 2020 (389 Mt CO2e). Ramenées au nombre d’habitants, elles passent de 5,5 tCO2e/habitant à 5,2 t. Tous les grands secteurs participent à la baisse de 22,8 Mt CO2e : – 7,7 Mt pour l’industrie de l’énergie, -6,1 Mt pour l’industrie manufacturière, -4,4 Mt pour les transports, -3,4 Mt pour les bâtiments et -1,2 Mt pour l’agriculture. L’évolution 2022-2023 du secteur des déchets (4% des émissions totales) et celle de l’UTCATF (Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et Forêt) ne sont pas encore pré-estimées spécifiquement faute d’indicateurs fiable. Si l’on distingue gaz par gaz, les émissions de CO2 hors UTCATF ont baissé, entre 2022 et 2023, de 6,9% ; celles de méthane (CH4) de 1,3% et celles de protoxyde d’azote (N2O) de 1,9%.

Après un plateau relatif dans les années 1990 jusqu’en 2005, une diminution irrégulière de 2006 à 2014, puis une période de lente ré-augmentation des émissions entre 2014 et 2017, les émissions de GES connaissent une dynamique de réduction plus marquée depuis 2017, sans compter l’effet temporaire du Covid (baisse de 9,2% en 2020 et rebond de 5,7% en 2021).

Evolutions des émissions de GES entre 2018 et 2023 (Mt CO2e)

Electricité : plus de production décarbonée, moins de consommation

En 2023, deux facteurs expliquent la baisse des émissions du secteur de l’industrie de l’énergie : la hausse de la production d’électricité bas-carbone et la poursuite de la baisse de la consommation d’électricité. L’année 2022 avait été marquée par un manque de disponibilité de plusieurs centrales nucléaires. En 2023, ces centrales ont progressivement repris leur activité. La production d’électricité nucléaire a ainsi connu une forte hausse (+41,5 TWh). La production renouvelable a aussi augmenté (+9 TWh pour l’hydraulique, +12 TWh pour l’éolien, +3 TWh pour le solaire). La production par les centrales thermiques a donc été réduite (-14 TWh pour les centrales à gaz : les centrales à charbon n’ont représenté que 0,8 TWh). Après une année 2022 déjà marquée par un faible niveau de consommation d’électricité, dans un contexte de crise énergétique et d’appels à la sobriété, celle-ci s’est de nouveau réduite en 2023 (-3%).

Pour le secteur de l’industrie de l’énergie, le niveau d’émissions atteint en 2023, de 35 Mt CO2e, constitue le niveau le plus bas depuis 1990, en baisse de -17,9% par rapport à 2022. Le budget carbone de la SNBC-2 (ajusté en 2023) pour ce secteur, de 48 Mt CO2e par an en moyenne sur 2019-2023 est donc respecté avec une moyenne des émissions de 41,5 Mt CO2e sur cette période. La SNBC-2 prévoit d’atteindre environ 30 Mt CO2e à horizon 2030 ; et l’objectif provisoire présenté en amont de la prochaine SNBC-3 est de 27 Mt CO2e à cet horizon.

Bâtiments : baisse des émissions du chauffage

Les émissions de gaz à effet de serre du secteur des bâtiments sont principalement liées à l’usage de combustibles fossiles pour le chauffage résidentiel et tertiaire. Au global sur l’année 2023, le secteur résidentiel-tertiaire atteint, avec 58,4 Mt CO2e, le niveau d’émissions de GES le plus bas depuis 1990, et dans la continuité de la diminution des émissions observées depuis 2017, malgré une hausse temporaire observée en 2021. Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 (ajustée en 2023) pour la période 2019-2023, de 78 Mt CO2e/an en moyenne, est respecté avec 68,6 Mt CO2e entre 2019 et 2023.

Plusieurs facteurs jouent sur cette baisse :

  • poursuite des comportements de sobriété des ménages et entreprises : la demande de sobriété par le Gouvernement en 2022 a été suivie en 2022 et se poursuit certainement en 2023 dans le contexte d’inflation qui perdure en 2023.
  • continuation des rénovations thermiques des bâtiments, en lien avec les mesures MaPrim’Renov, et installations de pompes à chaleur air-air et eau-eau en hausse en 2023) ;
  • météo: Les données mensuelles du baromètre du Citepa montrent que sur les mois de chauffage, seuls les mois de janvier et décembre 2023 ont été plus doux que ceux de 2022. Les émissions liées au chauffage ont baissé jusqu’en avril puis en décembre.
  • prix de l’énergie et inflation: les prix à la consommation ont augmenté de 3,7% en 2023 d’après l’Insee, et les prix de l’énergie ont aussi connu des hausses (+5,7 % en 2023).

Transport routier : la lente réduction du premier secteur émetteur

Le transport routier est le premier émetteur de GES en France, avec 119 Mt CO2e en 2023, soit près d’un tiers des émissions totales. La baisse estimée entre 2022 et 2023, de 3,4%, s’inscrit dans une tendance à la baisse depuis 2015 (‑0,8 %/an en moyenne entre 2015 et 2019). En 2020, en raison de la limitation des déplacements lors de la pandémie de Covid-19, les émissions de ce secteur avaient baissé de près de 15 %, suivi d’un rebond en 2021 et 2022.

L’année 2023 s’annonce plus faible de 3,4 % que l’année 2022. Plusieurs effets expliquent en grande partie cette tendance à la baisse des dernières années. Il y a des effets de court terme tel que les augmentations des prix des carburants à la pompe qui limitent les déplacements non contraints au moment des hausses. Il y a aussi des effets de moyen et long terme comme le renouvellement du parc par des véhicules moins énergivores (véhicules électriques par exemples) ou comme le report modal (covoiturage, modes doux).

Aérien : réduction sur les vols domestiques

Les émissions du transport aérien domestique ont connu plusieurs phases : une augmentation de 1990 à 2000 (4,7 %/an), une diminution de 2002 à 2015 (-1,6%/an), une augmentation de 2015 à 2019 (+3,5 %/an) jusqu’à la crise Covid de 2020 où le trafic a été très fortement impacté (-39 % entre 2019 et 2020). 2021 et 2022 sont des années de reprise de trafic aérien domestique suite à la crise (23 %/an en moyenne sur ces 2 années). Par contre les émissions du trafic aérien domestique pour l’année 2023 sont en baisse de 3,4 % par rapport à l’année 2022. Ceci est lié à la suppression des vols de courte durée (inférieure à 2h30) si une alternative ferroviaire directe existe (Décret n° 2023-385 du 22 mai 2023).

Les émissions du trafic aérien international (comptabilisées en dehors du total national) n’ont cessé d’augmenter de 1990 à 2019 (+2,6 %/an). En 2020, avec la crise du Covid-19, la réduction massive des vols a entrainé une baisse de 57% des émissions par rapport à 2019. Depuis, le trafic croit de nouveau : En 2023, les émissions ont augmenté de 16 % par rapport à 2022 mais restent 15 % plus faible que celles de 2019.

Industrie

La tendance des émissions de GES à la baisse observée en 2022 (-8,1% par rapport à 2021) se poursuit en 2023. Les émissions totales du secteur diminuent de 8,7% entre 2022 et 2023, ce qui s’explique principalement par des baisses des émissions des trois secteurs les plus émetteurs : les minéraux non-métalliques, la chimie et la métallurgie des métaux ferreux, qui représentaient à eux trois 69% des émissions totales de GES du secteur en 2022. D’après les estimations du Citepa pour 2023, les réductions d’émission de GES observées pour ces secteurs sont de 6,9%, 6,4% et 13,9%, respectivement, comparativement à leurs niveaux de 2022. Cela s’explique notamment par la baisse des productions en 2023 des activités les plus émettrices, à savoir le ciment (-7.3%), l’acier (-6.4% pour l’acier de hauts-fourneaux) et la chimie organique et inorganique (-9%). Pour tous les autres secteurs de l’industrie, des baisses d’émissions de GES variant entre 3% et 14% sont également observées. En conséquence, la consommation de gaz naturel a chuté de 19% dans la grande industrie en 2023 (et d’environ 10% au total), comparativement à 2022, mais cette baisse est aussi liée à d’autres phénomènes structurels comme les contraintes d’approvisionnement. Les consommations des autres combustibles fossiles ont également été réduites, dans des proportions un peu moins significatives cependant.

Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 pour la période 2019-2023, de 75 Mt CO2e/an, est respecté avec 72,5 Mt CO2e/an en moyenne. A horizon 2030, ce secteur doit atteindre 55 Mt CO2e d’après la SNBC-2 et 45 Mt CO2e d’après les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 ; soit une réduction attendue par an de 2% selon la SNBC-2 et 5% selon la SNBC-3. En décembre 2023, les 50 sites industriels les plus émetteurs ont publié un objectif non contraignant de réduction de 45% de leurs émissions d’ici 2030.

Agriculture

Les émissions de GES agricoles, au total, sont en recul de 1,6 % entre 2022 et 2023 en lien avec le recul des émissions de CH4 et N2O. Les émissions agricoles de N2O sont en repli de 1,6 % entre 2022 et 2023 avec un recul des apports d’engrais minéraux au sol et d’apports organiques. Les émissions de CH4 s’inscrivent en baisse de 1,6 % notamment en lien avec le recul du cheptel bovin et dans une moindre mesure au recul du cheptel porcin.  Les émissions de CO2 du secteur sont en baisse de -1,5%, malgré une hausse des émissions de CO2 liées aux apports en urée. En 2023, le cheptel bovin poursuit son recul, quoique de manière plus ralentie que les années précédentes, que ce soit pour le cheptel de vaches allaitantes (- 1,3 %), ou pour le cheptel de vaches laitières (- 2,1 %), Les livraisons d’engrais s’inscrivent également en net repli en 2023 par rapport à 2023, avec une hausse de la part d’urée. Enfin le nombre de méthaniseurs agricoles a connu en 2023 une très légère augmentation.

Ainsi, le budget carbone fixé pour ce secteur dans la SNBC-2 pour la période 2019-2023, de 77,6 Mt CO2e/an, est respecté avec 76,1 Mt CO2e/an en moyenne. A horizon 2030, ce secteur doit atteindre 69 Mt CO2e d’après la SNBC-2 et 68 Mt CO2e d’après les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 ; soit une réduction attendue de 1% par an.

Le puits de carbone forestier est fragile

En parallèle des émissions des autres secteurs, le secteur de l’utilisation des terres et de la forêt représente un puits net de carbone qui permet de séquestrer du CO2 dans la biomasse et les sols. Estimé à environ -45 Mt CO2 en moyenne dans les années 2000, ce puits s’est considérablement réduit pour atteindre environ -20 Mt CO2 dans les années récentes, notamment en raison de l’effet couplé de sécheresses à répétition depuis 2015, de maladies affectant le taux de mortalité des arbres, et d’une hausse des récoltes de bois. Cette diminution du puits implique un effort encore plus conséquent sur les autres secteurs afin de parvenir à la neutralité carbone.

Initialement, l’objectif de la SNBC-2 prévoyait d’atteindre un puits de carbone entre -40 et -45 Mt à horizon 2030. Les objectifs provisoires annoncés en 2023 en amont de la prochaine SNBC-3 n’intégraient pas encore de cible pour ce secteur.

Les objectifs sont-ils respectés ?

Le budget carbone 2019-2023 de la SNBC-2 est respecté si l’on prend le total hors puits de carbone (400 Mt émis en moyenne contre un budget de 420 Mt), et n’est pas respecté si l’on prend le total avec puits de carbone (380 Mt émis contre un budget de 379 Mt). Dans le détail, le budget est atteint pour tous les secteurs à l’exception des déchets (dépassement provisoirement estimé de 1,7 Mt) et surtout de l’UTCATF (21 Mt d’absorption en moins par rapport à l’objectif). En moyenne sur 2019-2023, le total des émissions, incluant le secteur UTCATF, dépasse de 1,4 Mt (0,4%) le budget carbone.

Si l’on regarde dans le détail année après année, on voit que hors puits de carbone, budgets moyens mais aussi objectifs annuels sont respectés sauf en 2017. En revanche, objectif sur le puits de carbone n’est pas respecté depuis 2015. Cela est lié à fragilisation du puits de carbone forestier : le niveau n’a pu se maintenir comme envisagé.

Cette réduction est-elle un record ?

Ce n’est pas la première fois qu’on observe une forte baisse des émissions en France, cela s’était aussi produit en 2020 (-9,0%, crise Covid), 2014 (-6,6%, hiver très doux par rapport à 2013). 2023 (avec -5.8%) apparait donc comme la 3e année avec la baisse relative la plus forte après 2020 et 2014. En valeur absolue, 2023 avec -22,8 Mt CO2e, apparait comme la 4e année avec la baisse la plus forte, derrière toujours 2020 (-38,7 Mt CO2e), 2014 (-31,9 Mt), 2011 (-25,1 Mt, année particulièrement douce).

Néanmoins, les records de baisse précédents étaient liés, au moins en partie, à des effets conjoncturels importants. Par ailleurs, lors de ces précédentes années record, à part en 2020, tous les secteurs ne participaient pas à ces réductions d’émissions. En 2023, hors puits de carbone, on observe donc une situation inédite où tous les grands secteurs émetteurs participent à une baisse des émissions, dans un contexte particulier (inflation, reprise de production nucléaire…) mais sans crise économique majeure.

Quel est le rythme de réduction nécessaire pour les années à venir ?

Sans tenir compte des années 2020-2021 avec la crise covid et son rebond, le rythme de réduction observé entre 2018 et2023 est de -5,8% par an hors puits de carbone. La Stratégie nationale Bas-Carbone actuelle (SNBC-2) prévoit un rythme de réduction entre 3% et 4% par an, à horizon 2030. Cependant, les valeurs provisoires présentées en mai 2023 pour esquisser la mise à jour de cette stratégie, envisagent une réduction entre -4% et -5% par an à cet horizon. Il faut cependant tenir compte de la fragilité du puits de carbone qui nécessite un effort de réduction des émissions renforcé pour atteindre à terme la neutralité carbone. Ainsi, le rythme actuel de réduction des émissions doit se maintenir dans les prochaines années pour atteindre les objectifs à horizon 2030, puis s’amplifier pour se placer sur une trajectoire compatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050.

Comment ces estimations sont mises à jour ? Pourquoi ces chiffres sont différents des annonces précédentes ?

Les estimations présentées ici remplacent celles précédemment publiées. En particulier, en mars 2024, le Citepa avait publié une baisse des émissions de GES hors puits de carbone de 4,8% entre 2023 et 2022. Cette réduction est désormais estimée à 5,8%. L’amélioration, la mise à jour et affinements de plusieurs indicateurs, en particulier pour le transport aérien, l’industrie chimique, l’agriculture et la production d’électricité, pour la publication du rapport Secten explique ce résultat différent, plus précis, mais qui restera à consolider en 2025 pour l’année 2023.

Conformément à l’article D. 222-1-B II du Code de l’environnement, un ajustement technique provisoire des budgets carbone a été réalisé en 2023 pour conserver la même ambition de réduction mais prendre en compte les éventuels changements méthodologiques de l’inventaire (par exemple, l’utilisation de valeurs de pouvoir de réchauffement global issus de rapports plus récents du Giec). Ainsi, ce sont ces budgets carbone ajustés provisoirement qui sont utilisés ici.

Le Citepa publiera l’édition 2024 de son rapport Secten le 19 juin, avec les données complètes. Ce rapport présentera l’ensemble de ces résultats en détail.

Emissions industrielles : publication du règlement sur le nouveau portail européen en remplacement du registre E-PRTR

Le 2 mai 2024, le règlement (UE) 2024/1244 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 (JOUE L du 2 mai 2024) établit, d’une part, un portail sur les émissions industrielles, et d’autre part, des règles sur la notification des données environnementales des installations industrielles. Ce nouveau règlement vient remplacer et abroger le règlement (CE) n°166/2006 établissant le registre européen des rejets et transferts de polluants (dit E-PRTR – voir encadré ci-dessous).

 

Contexte

L’E-PRTR a été formellement établi par le règlement (CE) n° 166/2006 adopté en 2006, et mis en ligne le 9 novembre 2009. Le registre couvre 91 polluants émis dans l’air, l’eau et les sols (énumérés à l’annexe II) relevant de 65 domaines d’activité (énumérées à l’annexe I) par environ 30 000 installations industrielles au sein de 33 pays européens [UE-27 + Royaume-Uni, Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse et Serbie]. Chaque année, les États membres transmettent à la Commission un rapport contenant les données d’émission communiquées par les exploitants d’établissements industriels sur les rejets et les transferts de chaque établissement (au titre de l’article 7 du règlement E-PRTR). Les données sont ensuite publiées par la Commission sur un site web public, avec l’appui de l’Agence européenne pour l’environnement. Le registre permet donc au public d’accéder à ces informations environnementales clés afin de se renseigner sur les émissions industrielles au niveau local, sur les installations émettrices et sur l’évolution de ces émissions.

 

Le 5 avril 2022, la Commission a présenté une proposition de directive révisant la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (directive dite IED adoptée en 2010) (lire notre article), et une proposition parallèle et complémentaire de modification du règlement relatif au registre européen des rejets et des transferts de polluants (lire notre article).

 

Les négociations entre les deux co-législateurs (Parlement européen et Conseil de l’UE) sur les deux propositions législatives, qui sont étroitement liées l’une à l’autre, ont débuté le 19 juillet 2022. Après trois cycles de négociations, un accord provisoire en trilogue (réunissant des représentants des deux co-législateurs et de la Commission européenne) a été conclu sur les deux dossiers législatifs le 28 novembre 2023.

 

Le texte de compromis de chacune des deux propositions législatives a été formellement adopté par les co-législateurs : le 12 mars 2024 par le Parlement européen et le 12 avril 2024 par le Conseil de l’UE. Le texte définitif ainsi adopté de la nouvelle directive IED devrait être publié très prochainement au JOUE. Celui du nouveau règlement établissant le portail sur les émissions industrielles a donc été publié au JOUE L du 2 mai 2024 et fait l’objet du présent article.

 

Le principal objectif global du nouveau règlement et de la future directive IED est d’avancer vers la réalisation de l’ambition de l’UE d’atteindre un niveau de zéro pollution en 2050 conformément à son plan d’actions adopté le 12 mai 2021 (lire notre article), en permettant au public d’accéder à un ensemble de données plus intégrées et cohérentes sur les principales émissions environnementales générées par les installations industrielles.

Plus spécifiquement, le nouveau règlement vise à :

  • améliorer la transparence des données et l’accès public aux informations sur les émissions industrielles via la création du nouveau portail sur les émissions industrielles, formalise par le nouveau règlement et lancé en juin 2021  ;
  • améliorer les synergies en matière de communication d’informations réalisées au titre de la directive IED ;
  • faciliter la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement, y compris l’identification des sources de pollution ;
  • élargir le champ d’application sectoriel et renforcer la précision du rapportage afin de mieux soutenir la mise en œuvre de la directive IED ;
  • améliorer la capacité à répondre aux nouvelles exigences futures en matière de rapportage sur les polluants et les activités émettrices ;
  • fournir des information sur la consommation, par le secteur industriel, de l’énergie, de l’eau et des matières premières afin de suivre les progrès accomplis vers une économie circulaire et efficace dans l’utilisation des ressources.

 

Le Conseil et le Parlement ont introduit une clause de réexamen générale afin d’évaluer les activités et les polluants couverts par le règlement, ainsi que les seuils applicables figurant à l’annexe I (en ce qui concerne les activités devant être notifiées au-delà des seuils fixés) et à l’annexe II (en ce qui concerne les polluants devant être notifiés au-delà des seuils fixés).

Les co-législateurs ont convenu de fixer l’entrée en vigueur du règlement à 2028, afin de laisser aux États membres suffisamment de temps pour s’adapter aux nouvelles règles.

 

En savoir plus

Règlement (UE) 2024/1244 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 concernant la notification des données environnementales des installations industrielles et la création d’un portail sur les émissions industrielles et abrogeant le règlement (CE) n°166/2006

Proposition de règlement E-PRTR (COM(2022) 157 final) (en français)

Document de travail de la Commission accompagnant la proposition (SWD(2022)113 final)

Etude d’impact finale remise à la Commission en février 2022 par un consortium de cabinets de consultants européens dans le cadre de la révision du règlement existant (publié le 13 mai 2022)

Etude d’impact initiale (septembre 2020)

La page du site de la DG Environnement consacrée au registre E-PRTR

 

 

 

DG Environnement : les dossiers prioritaires et les initiatives prévues pour les 2e, 3e et 4e trimestres 2024

Début mai 2024 mais en date du 4 mars 2024, la DG Environnement (DG ENVI) de la Commission européenne a publié un plan de gestion (Management Plan) pour l’année 2024. Ce document présente les dossiers prioritaires et les initiatives prévues pour le 2e, 3e et 4e trimestres 2024.

La DG ENVI souligne que ces dernières années, elle a présenté un grand nombre de propositions visant à atteindre les objectifs ambitieux fixés dans le pacte vert européen (European Green Deal – lire notre dossier de fond) et ses stratégies sectorielles. En 2024, ses deux principales priorités seront :

  • de piloter les négociations interinstitutionnelles en vue de transformer les propositions législatives en cours de discussion en actes législatifs (au premier rang desquelles la finalisation de la future directive sur la qualité de l’air, texte formellement adopté par le Parlement européen depuis la rédaction du plan de gestion – lire notre article), et
  • de mettre en œuvre la législation déjà adoptée. L’examen à mi-parcours du 8e programme d’action pour l’environnement (2021-2030 – lire notre article) devrait permettre d’évaluer les progrès accomplis.

 

Sur le sujet pollution de l’air, les initiatives non législatives prévues par le plan de gestion 2024 de la DG ENVI sont les suivants, regroupés par trimestre :

 

2e trimestre

  • rééxamen (fitness check) sur l’application du principe pollueur-payeur (suite à la consultation publique sur le sujet mené du 12 mai au 4 août 2023 – lire notre article).

 

3e trimestre

  • évaluation de la directive 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (directive dite NEC 2lire notre dossier de fond sur la directive et notre dossier de fond sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la directive).

 

4e trimestre

  • mise à jour des besoins en investissements pour la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) ;
  • bilan de la mise en œuvre du plan d’actions zéro pollution du 12 mai 2021 (lire notre article)
  • 4e édition du rapport biennal « Perspectives air propre» (lire notre article sur la 3e édition).

 

D’autres initiatives non assorties d’échéance précise

  • lancement de la procédure législative sur la proposition de règlement relatif à un cadre de surveillance pour des forêts européennes résilientes (Forest Monitoring Law), présentée le 23 octobre 2023 ;
  • lancement des travaux d’élaboration de recommandations (guidelines) sur la gestion durable des forêts;
  • mise en place du Centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles (Innovative Centre for Industrial Transformation and Emissions ou INCITE – voir encadré ci-dessous) et ce, suite à l’adoption formelle, par les co-législateurs de la nouvelle directive sur les émissions industrielles (directive dite IED) (adoption formelle par le Parlement européen le 12 mars 2024 et par le Conseil de l’UE le 12 avril 2024).

 

A noter enfin que les dossiers et initiatives portant sur le climat et l’énergie ne sont pas traités par la DG ENVI, mais par la DG Climat

 

Centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles

Dans le cadre de la nouvelle directive IED, formellement adoptée mais non encore publiée au JOUE, l’article 27 bis établit les dispositions suivantes :

 

§ 1)  La Commission établit et gère un centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles (ci-après dénommé «centre» ou «Incite»).

 

§ 2) Le centre collecte et analyse des informations sur les techniques novatrices, y compris les techniques émergentes et transformatrices qui contribuent, entre autres, à réduire au minimum la pollution, à la décarbonation, à l’utilisation efficace des ressources, à l’économie circulaire, et sur les techniques utilisant des produits chimiques moins nombreux ou plus sûrs, en rapport avec les activités relevant du champ d’application de la présente directive, et caractérise leur niveau de développement ainsi que leurs performances environnementales. La Commission tient compte des conclusions du centre lors de l’élaboration du programme de travail pour l’échange d’informations visé à l’article 13, paragraphe 3, point b), ainsi que lors de l’élaboration, de la révision et de la mise à jour des documents de référence MTD.

 

§ 3) Le centre est assisté par :

  • des représentants des États membres,
  • des institutions publiques pertinentes,
  • des instituts de recherche pertinents,
  • des organismes de recherche et de technologie,
  • des représentants des secteurs industriels et des agriculteursconcernés,
  • des fournisseurs de technologies,
  • des organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de la santé humaine ou de l’environnement,
  • la Commission.

 

§ 4) Le centre rend ses conclusions publiques, sous réserve des restrictions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/4/CE.

 

La Commission adopte un acte d’exécution fixant les modalités nécessaires à la mise en place et au fonctionnement du centre. Cet acte d’exécution est adopté en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 75, paragraphe 2.

 

 

En savoir plus

Plan de gestion de la DG ENVI

Programme de travail 2024 de la Commission européenne (réf. COM(2023) 638 final du 17 octobre 2023)

Annexes à ce programme de travail

 

Le Parlement européen adopte formellement la nouvelle directive sur la qualité de l’air

Le 24 avril 2024, le Parlement européen, réuni en séance plénière, a formellement adopté le texte de compromis final issu de l’accord politique provisoire conclu le 20 février 2024 entre les représentants du Parlement européen et le Conseil de l’UE dans le cadre de négociations en trilogue avec les représentants de la Commission, sur la proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air.

Des normes de qualité de l’air renforcées

Les nouvelles règles approuvées par le Parlement européen révisent les normes de qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés : valeurs limites de concentration (le type de norme la plus contraignante), valeurs cibles, objectifs à long terme, etc. (voir tableau ci-dessous). Ces normes sont à respecter au 1er janvier 2030. Ainsi, la nouvelle directive fixe des valeurs limites de concentration plus strictes par rapport à celles fixées par la directive 2008/50/CE, qui sont actuellement en vigueur, pour plusieurs polluants, dont les particules fines (PM2,5, PM10), le NO2 et le SO2. Pour les deux polluants ayant la plus forte incidence sur la santé humaine, les PM2,5 et le NO2, les valeurs limites annuelles doivent être réduites de plus de moitié, passant respectivement de 25 µg/m³ à 10 µg/m³ et de 40 µg/m³ à 20 µg/m³. A noter néanmoins que ces deux nouvelles valeurs limites de concentration européennes sont deux fois plus élevées que les valeurs guides de l’OMS (2021) pour ces deux polluants (respectivement 5 µg/m³ et 20 µg/m³). Si les normes fixées par la nouvelle directive pour les trois métaux lourds (arsenic, cadmium et nickel), ainsi que pour les HAP (BaP), sont les mêmes que celles établies par la directive 2004/107/CE, la nouvelle directive renforce le type de norme qui s’applique à ces quatre polluants : anciennement des valeurs cibles, elles sont devenues des valeurs limites de concentration, c’est-à-dire le type de norme de qualité de l’air la plus contraignante.

La nouvelle directive prévoit également plus de points de prélèvement de la qualité de l’air dans les villes. Les normes de qualité de l’air seront réexaminées d’ici le 31 décembre 2030 et au moins tous les cinq ans par la suite, et plus souvent si de nouvelles évolutions scientifiques, telles que les lignes directrices révisées de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité de l’air, le justifient.

 

Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine
fixées par la nouvelle directive révisant la directive 2008/50/CE et comparaison avec les valeurs guides de l’OMS (2021)

* valeurs cibles (et non valeurs limites) fixées par la directive 2004/107/CE (toutes les autres normes ayant été fixées par la directive 2008/50/CE)

** à atteindre en 2050 et non 2030.

Sources : texte final de la nouvelle directive tel qu’adopté par le Parlement européen, directives 2008/50/CE (annexe VII [ozone], annexe XI [PM10, NO2, SO2, CO, benzène et plomb] et annexe XIV [PM2,5]) et 2004/107/CE (annexe I) et OMS, 2021.

 

Flexibilités

La nouvelle directive prévoit un certain nombre de flexibilités : ainsi, les États membres pourront demander le report de l’échéance de 2030 pour atteindre les valeurs limites de qualité de l’air de 10 ans au maximum (soit jusqu’en 2040), si des conditions spécifiques sont remplies, notamment lorsque les réductions nécessaires ne peuvent être réalisées qu’en remplaçant une partie considérable des systèmes de chauffage domestique existants qui sont à l’origine des dépassements de pollution.

 

Indices de qualité de l’air

La nouvelle directive établit des dispositions pour rendre les indices de qualité de l’air, actuellement fragmentés dans l’ensemble de l’UE, comparables, clairs et accessibles au public. Ces indices fourniront également des informations sur les symptômes associés aux pics de pollution de l’air et sur les risques pour la santé associés à chaque polluant, y compris des renseignements adaptés aux groupes vulnérables.

 

Plans relatifs à la qualité de l’air et feuilles de route sur la qualité de l’air

Les Etats membres devront établir et mettre à jour des plans relatifs à la qualité de l’air pour les zones dans lesquelles les concentrations dans l’air ambiant des polluants visés dépassent les valeurs limites de concentration et, le cas échéant, les valeurs cibles pour l’ozone. Ces plans relatifs à la qualité de l’air sont obligatoires pour les Etats membres en dépassement.

Par ailleurs, tous les États membres devront élaborer d’ici le 31 décembre 2028 des feuilles de route sur la qualité de l’air qui définissent des mesures à court et à long terme pour se conformer aux nouvelles normes (valeurs limites et le cas échéant les valeurs cibles) pour 2030.

 

Prochaines étapes

Le texte final doit maintenant être formellement adopté par l’autre co-législateur, le Conseil de l’UE avant d’être publié au JOUE. Il entrera en vigueur 20 jours après la date de publication. Les Etats membres auront alors deux ans pour transposer en droit national les dispositions législatives, réglementaires et administratives de la nouvelle directive.

 

En savoir plus

Communiqué du Parlement européen

Texte de compromis final sur la proposition de directive tel qu’adopté par le Parlement européen (en français)

Parlement européen : Revision of EU air quality legislation – setting a zero pollution objective for air, Briefing (note d’analyse), avril 2024

La page du site de la DG Environnement dédiée à la problématique « air »

La page du site de la DG Environnement dédiée spécifiquement à la qualité de l’air (qui comporte une section sur la révision de la directive 2008/50/CE).

 

La proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE

Aujourd’hui, la législation européenne en matière de qualité de l’air est constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :

  • directive 2008/50/CE a fixé les normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration) pour huit polluants dits réglementés (SO2, NO2, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone). Ces normes ont été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002) ;
  • directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)).

 

Ces normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration, VLC), aujourd’hui en vigueur dans l’UE, ont donc été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2004).

La proposition de la Commission du 26 octobre 2022 (lire notre article) (réf. COM(2022) 542 final et étude d’impact) révise et fusionne les deux directives précitées et a pour objectif d’aligner plus étroitement les normes de l’UE en matière de qualité de l’air sur les valeurs-guides (lignes directrices ou guidelines) de l’Organisation mondiale de la santé (lire notre article).

 

Plus spécifiquement, la proposition visait :

  • à fixer des normes de qualité de l’air intermédiaires pour 2030, « mieux alignées avec les valeurs-guides de l’OMS», sans toutefois atteindre leur niveau ;
  • à mettre l’UE sur une trajectoire pour atteindre « zéro-pollution » au plus tard en 2050 (lire notre article), en synergie avec la politique climat vers la neutralité carbone à cette même échéance ;
  • à effectuer un réexamen régulier des normes de qualité de l’air pour les réévaluer au regard des dernières avancées scientifiques et technologiques ;
  • à baisser de plus de moitié la valeur limite annuelle de concentration des particules fines (PM2,5). A titre d’exemple, la Commission proposait que la valeur limite annuelle des PM2,5 passe de 25 µg/m³ [valeur actuelle en vigueur] à 10 µg/m³ en 2030 (soit l’ancienne valeur guide de l’OMS de 2005 et non pas la nouvelle qui est de 5 µg/m³ depuis le 21 septembre 2021) ;
  • à ajouter une valeur limite journalière de concentration pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m³ à ne pas dépasser plus de 18 fois par an (à noter que la valeur guide de l’OMS de 2021 est de 15 µg/m3) ;
  • à ce que les personnes souffrant d’impacts sanitaires de la pollution de l’air puissent avoir droit à une indemnisation, lorsque les règles de qualité de l’air de l’UE ne sont pas respectées ;
  • à ce que les recours en justice, les sanctions effectives et l’information publique soient clarifiés ;
  • à renforcer le rôle des administrations locales pour le suivi et la modélisation de la qualité de l’air.

 

La proposition de directive a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294).

Le Conseil de l’UE est parvenu à une orientation générale (position commune) sur la proposition de directive le 9 novembre 2023.

Les deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) sont parvenus à un accord politique provisoire le 20 février 2024. Le texte de compromis qui en a résulté a été approuvé par le Comité des représentants permanent (Coreper) le 8 mars 2024 et approuvé par la Commission Environnement du Parlement européen le 11 mars 2024. 

 

 

Bilan de la qualité de l’air en France en 2022 : trois polluants posent toujours problème (NO2, PM10 et surtout l’ozone)

Le 19 décembre 2023, le Ministère de la Transition Ecologique (MTE) a publié son bilan annuel de la qualité de l’air extérieur en France pour l’année 2022 et les principales tendances observées sur la période 2000-2022 pour les 12 polluants réglementés : dioxyde de soufre (SO2) ; dioxyde d’azote (NO2) ; ozone (O3) ; particules (PM10 et PM2,5) ; monoxyde de carbone (CO) ; benzène (C6H6) ; plomb (Pb), arsenic (As), cadmium (Cd), nickel (Ni), hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), principalement le benzo[a]pyrène (B[a]P).

 

Messages clés du bilan 2022

 

La qualité de l’air s’est globalement améliorée sur la période 2000-2022

Le MTE souligne que la baisse des émissions de polluants atmosphériques, amorcée il y a plusieurs années à la suite de la mise en place de stratégies et plans d’actions, a permis une amélioration globale de la qualité de l’air. Les concentrations moyennes annuelles de polluants diminuent et les dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air pour la protection de la santé affectent des zones moins étendues et moins nombreuses. La qualité de l’air fluctue également du fait des conditions météorologiques qui peuvent être favorables à la dispersion atmosphérique ou, à l’inverse, engendrer l’accumulation de polluants dans l’air, notamment lors d’épisodes de pollution.

 

Concentrations des polluants SO2, NO2, PM10 et PM2,5 en fond urbain

Les concentrations moyennes annuelles de fond en SO2 en milieu urbain ont fortement baissé depuis plusieurs années. Des fluctuations peuvent être observées d’une année à l’autre, mais concernent des concentrations très faibles. Les concentrations moyennes annuelles de fond en NO2, PM10 et PM2,5 (sur la période 2009-2022 pour les PM2,5) ont également diminué, bien que plus modérément. Une légère augmentation des concentrations est observée pour les PM10 et les PM2,5 entre 2020 et 2022, mais les niveaux de 2022 restent stables par rapport à 2019.

Les concentrations moyennes annuelles en fond urbain sont de 15 µg/m3 en 2022 pour le NO2, de 16 µg/m3 pour les PM10 et de 10 µg/m3 pour les PM2,5. Concernant le NO2, la baisse des concentrations mesurées en fond urbain s’accentue entre 2019 et 2022. Pour les PM10 et les PM2,5, malgré une tendance globale à la baisse, des variations interannuelles sont enregistrées, leur présence dans l’air étant à la fois liée aux émissions anthropiques et aux émissions naturelles (brumes de sable notamment), à la formation de particules secondaires dues aux émissions de précurseurs gazeux tels que le NH3, aux conditions météorologiques et au transport à longue distance de polluants.

 

Concentrations d’O3 en fond urbain

Contrairement aux autres polluants, les concentrations moyennes en O3 en fond urbain suivent une tendance à la hausse sur l’ensemble de la période 2000-2022, avec des niveaux particulièrement élevés en 2003, de 2018 à 2020 et en 2022, années marquées par d’importants épisodes de canicule. Les concentrations maximales sont généralement observées en milieu rural, compte tenu des mécanismes de formation de ce polluant secondaire.

 

Concentrations des polluants SO2, NO2, PM10 et PM2,5 à proximité du trafic routier

Des tendances à la baisse sont constatées à proximité du trafic routier pour le NO2, les PM10 et les PM2,5 et le CO. Il en est de même pour les concentrations annuelles de SO2 à proximité d’industries. Sur l’ensemble des stations du territoire national, les concentrations moyennes annuelles sont deux fois plus élevées à proximité du trafic routier qu’en fond urbain pour le NO2, 1,3 fois pour les PM10 et 1,3 fois pour les PM2,5. Pour le SO2, les valeurs maximales sont mesurées à proximité d’industries et sont en moyenne annuelle 1,4 fois plus élevées que celles mesurées en fond urbain.

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.15).

 

Tendances d’évolution des concentrations des polluants réglementés sur la période 2000-2022

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).

 

Dépassement des normes réglementaires de qualité de l’air : évolution 2000-2022

Malgré l’amélioration globale de la qualité de l’air, des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air, fixées pour la protection de la santé humaine au niveau européen par l’annexe VII.B (pour l’O3) et par l’annexe XI (pour le SO2, le NO2, le CO, le benzène, le plomb et les PM10) de la directive 2008/50/CE (dont la révision est en cours de finalisation), et transposées en droit français à l’article R. 221-1 du Code de l’Environnement, subsistent à court terme (épisodes de pollution notamment) et à long terme dans certaines zones du territoire.

Le non-respect des normes réglementaires de qualité de l’air concerne principalement le NO2 (valeur limite de concentration), l’O3 (valeur cible) et les PM10 (valeurs limites de concentration) et dans une moindre mesure les PM2,5 (valeur limite de concentration) sur la période 2000-2022. Celles-ci font l’objet d’une préoccupation particulière compte tenu de leurs multiples effets sur la santé qui peuvent intervenir à de faibles niveaux de concentrations.

Les dépassements sont notamment localisés dans les agglomérations, mais sont également fréquents en milieu rural pour l’O3. Depuis 2011, le pourcentage d’agglomérations ne respectant pas les normes réglementaires en NO2 a diminué de façon continue, après avoir connu des fluctuations plus marquées au cours de la décennie précédente (voir graphique 3 ci-dessous). L’année 2020 a connu une baisse importante du pourcentage d’agglomérations avec des dépassements de normes qui résulte des teneurs particulièrement faibles mesurées cette année-là, en lien avec les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En 2022, le pourcentage d’agglomérations concernées par des dépassements est de 2,4%, contre 2,9% en 2021, et reste nettement inférieur à ceux observés dans la décennie 2000 (12 à 26% des agglomérations en dépassement selon les années sur la période 2000-2010). Les grandes agglomérations (plus de 250 000 habitants), et dans une moindre mesure, celles de taille moyenne (50 000 à 250 000 habitants), sont les plus concernées par ces dépassements, le plus souvent sur des stations situées à proximité du trafic routier. L’ampleur de ces dépassements a significativement baissé.

 

Lire nos articles sur les contentieux national et européen :

Au niveau national

Dépassement des valeurs limites pour le NO2 : le Conseil d’État condamne l’État une nouvelle fois à verser deux astreintes (5 M€ chacune), réduites de moitié cette fois, publié le 24 février 2024,

Dépassement des valeurs limites pour le NO2 : le Conseil d’État condamne l’Etat à verser deux astreintes de 10 M€, publié le 18 oct. 2022,

Dépassement des valeurs limites NO2 et PM10 : le Conseil d’État condamne l’Etat à verser une astreinte de 10 M€, publié le 24 août 2021

NO2 et PM10 : le Conseil d’Etat ordonne au Gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air d’ici 6 mois sous peine d’une amende de 10 M€, publié le 16 juillet 2020

NO2 et PM10 : le Conseil d’Etat enjoint le Gouvernement de prendre des mesures de réduction, publié le 1er sept. 2017

Au niveau européen

Qualité de l’air : la Commission remet la France en demeure sur les dépassements des valeurs limites de NO2, publié le 13 février 2024

Après le NO2, les PM10 : la France condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air, publié le 12 mai 2022

NO2 : la Commission demande formellement à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE sur le non-respect de la directive sur la qualité de l’air dans 12 zones, publié le 4 décembre 2020

Après le NO2, les PM10 : la France de nouveau saisie devant la CJUE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air, publié le 10 novembre 2020

Dépassement des valeurs limites de concentration de NO2 : la France condamnée par l’UE , publié le 25 octobre 2019

 

En outre, les évaluations réalisées par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) permettent de constater la baisse importante du nombre de personnes exposées à ces dépassements dans les zones qui font l’objet de contentieux aux niveaux européen et national (voir liens ci-dessus). Le pourcentage d’agglomérations ne respectant pas les normes réglementaires fixés pour la protection de la santé pour les PM10 est également en forte diminution depuis 2011, après des fluctuations assez marquées entre 2007 et 2010 (voir graphique 3 ci-dessous) : alors que 19% des agglomérations présentaient des dépassements en 2011, 1,2% sont dans cette situation en 2022. Ce pourcentage était même nul en 2020 avec des teneurs historiquement faibles qui s’expliquent notamment par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En début de période, les agglomérations de taille moyenne et grande sont les plus touchées par le non-respect de ces normes réglementaires. Depuis 2014, aucune différence notable dans la taille des agglomérations concernées n’est constatée. La majorité des stations de mesure impliquées se situent à proximité du trafic routier ou en fond urbain. En ce qui concerne les PM2,5, aucune agglomération n’a enregistré de dépassement de la norme réglementaire fixée pour la protection de la santé à long terme depuis 2015.

Si les concentrations maximales d’O3 sont souvent observées en milieu rural, des dépassements de la valeur cible pour la protection de la santé touchent également les agglomérations. Sur la période 2000-2022, le pourcentage d’agglomérations avec des dépassements de la valeur cible en moyenne triennale connaît des fluctuations assez marquées, en lien notamment avec les conditions climatiques (voir graphique 3 ci-dessous). Les proportions les plus élevées sont observées dans la première moitié des années 2000 avec 66% des agglomérations concernées par des dépassements. Ce pourcentage se réduit ensuite pour fluctuer entre 14 et 23% en moyenne triennale dans la première moitié de la décennie 2010. Il remonte ensuite significativement en fin de période, tiré par les niveaux élevés de concentrations observés entre 2018 et 2020, années marquées par des épisodes importants de canicule. En 2022, les conditions météorologiques sont également favorables à la formation de ce polluant. Le pourcentage d’agglomérations en dépassement de la valeur cible en moyenne sur 2020-2022 est cependant faible avec 12% des agglomérations concernées. Ce pourcentage est tiré à la baisse par les faibles niveaux d’O3 mesurés en 2021. Contrairement au NO2 et aux PM10, les agglomérations les plus touchées sont celles de moyenne et de petite taille (moins de 50 000 habitants).

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.16).

 

Nombre d’agglomérations avec des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air en 2022

En 2022, parmi les 12 polluants faisant l’objet de normes réglementaires aux niveaux national et européen pour la protection de la santé humaine, quatre présentent des dépassements de ces normes (NO2, O3, PM10 et nickel).

Les agglomérations affectées par des dépassements pour ces polluants se situent dans l’est, le sud et le sud-est de la France métropolitaine, l’Ile-de-France, les Hauts-de-France et Mayotte (voir carte ci-dessous).

Le nombre d’agglomérations ou la norme réglementaire en O3 fixée pour la protection de la sante est dépassée en moyenne triennale est important sur la période 2020-2022 (20 agglomérations). Ces agglomérations se situent dans les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est. Quelques dépassements sont également mesurés hors agglomération dans ces mêmes zones.

Pour le NO2, le nombre d’agglomérations présentant des dépassements des normes réglementaires de qualité de l’air en 2022 est le deuxième plus faible jamais mesuré après 2020. Quatre agglomérations sont concernées : Lyon, Paris, Perpignan et Strasbourg.

Pour les PM10, les agglomérations qui ne respectent pas les normes réglementaires fixées pour la protection de la santé sont au nombre de deux en 2022 : Mamoudzou (Mayotte) et Marseille – Aix-en-Provence.

Pour le Ni, la norme réglementaire fixée pour la protection de la sante est dépassée dans l’agglomération de Béthune et est mesurée sous influence industrielle. Cette situation perdure depuis plusieurs années avec une concentration annuelle de 29 ng/m3 en 2016, de 35 ng/m3 en 2017, de 46 ng/m3 en 2018, de 78 ng/m3 en 2019, de 85 ng/m3 en 2020, de 76 ng/m3 en 2021 et de 58 ng/m3 en 2022, alors que la norme réglementaire est fixée à 20 ng/m3 en moyenne annuelle. L’industriel concerné a réalisé des études relatives à la connaissance et la maîtrise des émissions diffuses et canalisées de Ni de son site et met en place un plan d’action visant à réduire ses émissions. La mise à jour du volet sanitaire de l’étude d’impact est en cours d’instruction par les services concernés.

 

Agglomérations présentant des dépassements de normes réglementaires de qualité de l’air fixés pour la protection de la santé, en 2022 (en moyenne sur la période 2020-2022 pour l’O3)

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).

 

 

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.26).

 

 

Dépassement des valeurs guides de l’OMS

Le 22 septembre 2021, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a publié ses nouvelles lignes directrices (appelées également valeurs guides) relatives à la qualité de l’air (air quality guidelines). Il s’agit de la troisième mise à jour des lignes directrices de l’OMS (lire notre article).

Pour les PM2,5, les PM10, le NO2 et l’O3, les valeurs guides 2021 de l’OMS sont dépassées dans de nombreuses agglomérations en France, alors que les dépassements des normes réglementaires de l’UE actuellement en vigueur sont plus limités. Ainsi en 2022, 97% des agglomérations ont dépassé les valeurs guides de l’OMS pour les PM2,5, 95% pour l’O3, 82% pour le NO2 et 72% pour les PM10 (voir schéma 4 ci-dessous). Pour les normes réglementaires européennes, ce pourcentage s’élève respectivement à 0, 12, 2 et 1%. Pour le SO2, la valeur guide de l’OMS est dépassée pour 3% des agglomérations alors que les normes réglementaires de l’UE ne sont pas dépassées. Pour le CO, aucun dépassement n’est constaté, que ce soit pour la valeur guide de l’OMS ou la norme réglementaire européenne.

Source : MTE, 19 décembre 2023 (p.7).

 

En savoir plus

Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2022

Anses (2023). Note d’appui scientifique et technique relative au « bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2022 »

Dépassement des valeurs limites pour le NO2 : le Conseil d’État condamne l’État une nouvelle fois à verser deux astreintes (5 M€ chacune), réduites de moitié cette fois

Dans une décision rendue le 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat a condamné l’Etat à payer deux astreintes (amendes) de 5 M€ chacune pour la période du juillet 2022 à juillet 2023 (soit plus de 54 000 € par jour) au motif que les valeurs limites de concentration (VLC), fixées pour le NO2 par la directive 2008/50/CE (annexe XI) et transposées en droit français à l’article R. 221-1 du Code de l’Environnement, restent dépassées de manière significative dans les zones urbaines de Paris et de Lyon et que les mesures de réduction des émissions de NOx déjà prises ou prévues dans ces deux zones ne permettront pas de ramener les concentrations de NO2 en dessous des VLC dans les délais les plus courts possibles. Ainsi, le Conseil d’Etat juge qu’au regard de la situation à Paris et à Lyon, les mesures prises par le Gouvernement à ce jour pour améliorer la qualité de l’air dans ces deux zones n’ont pas été suffisantes pour considérer que les décisions du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 (voir encadré « contexte » ci-dessous) sont intégralement exécutées.

Par un courrier du 18 avril 2023, le Conseil d’Etat avait demandé au Ministre de la Transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prises par les services de l’Etat pour assurer l’exécution intégrale de ses deux premières décisions, du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020. Ces éléments ont été fournis le 5 mai 2023. Le 9 octobre 2023, le rapporteur public du Conseil d’Etat, Stéphane Hoynck, a présenté ses conclusions lors d’une séance publique.

Après analyse des nouveaux éléments fournis par le Ministère de la Transition écologique, et suivant les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’État a condamné l’Etat, le 24 novembre 2023, à payer deux astreintes, minorées cette fois par rapport à celles fixées par la décision du 10 juillet 2020 (10 M€ par semestre jusqu’à la date de l’exécution de cette décision), soit de 5 M€ pour le second semestre 2022 et de 5 M€ pour le premier semestre 2023 (la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023), soit un montant total de 10 M€.

Cette nouvelle décision intervient après plus de 10 ans d’avertissements de la Commission européenne sur les dépassements des VLC applicables au NO2 et la condamnation de la France, en 2019, par la Cour de Justice de l’UE (voir encadré en fin d’article).

 

Contexte :  : le Conseil d’État et sa quatre décisions précédentes : étapes clés du contentieux

Le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative publique française. Il est notamment le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations.

 

Première décision du Conseil d’Etat : 2017

Saisi en 2015 initialement par l’association Les Amis de la Terre-France (rejointe par plus de cinquante autres requérants, dont France Nature Environnement, Greenpeace et Notre Affaire à tous), le Conseil d’État avait enjoint le Premier Ministre et le Ministre de la Transition Ecologique de l’époque, par décision du 12 juillet 2017, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient élaborés et mis en œuvre, pour chacune des 12 zones dans lesquelles les valeurs limites de concentration (VLC) étaient encore dépassées en 2015, des plans « qualité de l’air » permettant de ramener, dans le délai le plus court possible, les concentrations de NO2 et de PM10 en dessous des VLC fixées par la directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air [2008/50/CE] (annexe XI) et ce, avant le 31 mars 2018 (lire notre article sur cette première décision).

 

Deuxième décision du Conseil d’Etat : 2020

Après avoir constaté que le Gouvernement n’avait toujours pas pris les mesures permettant de respecter les VLC applicables au NO2 et aux PM10, le Conseil d’État lui avait enjoint, par une nouvelle décision du 10 juillet 2020, d’agir dans un délai de six mois, sous peine d’une astreinte (amende) de 10 M€ par semestre de retard (lire notre article sur cette deuxième décision). Le Conseil d’État avait en effet constaté que les VLC restaient toujours dépassées dans neuf zones administratives de surveillance en 2019 : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le NO2, Fort-de-France pour les PM10, et Paris pour le NO2 et les PM10. Le Conseil d’État pointait par ailleurs le fait que les feuilles de route élaborées par le Gouvernement pour ces zones (lire notre article) ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs (sauf pour la Vallée de l’Arve).

Le Conseil d’État avait conclu que, hormis pour la vallée de l’Arve, l’État n’avait pas pris des mesures suffisantes dans les zones encore en dépassement (huit en tout donc) pour que sa décision du 12 juillet 2017 puisse être jugée comme ayant été pleinement exécutée. En conséquence, le Conseil d’État avait décidé d’infliger à l’État une astreinte (amende) de 10 M€ par semestre (soit plus de 54 000 € par jour) tant qu’il n’aura pas pris, avant le 10 janvier 2021, les mesures qui lui ont été ordonnées. Enfin, le Conseil d’État avait ordonné au Premier Ministre de lui communiquer, avant le 10 janvier 2021, copie des actes justifiant des mesures mises en œuvre pour exécuter sa première décision du 12 juillet 2017.

 

Demandes quant à l’exécution de cette deuxième décision : 2021

Le 11 janvier 2021, soit le lendemain de l’échéance imposée par sa décision du 10 juillet 2020 au Gouvernement, le Conseil d’Etat avait demandé à la Ministre de la Transition écologique de porter à sa connaissance les mesures prise par les services de l’Etat pour assurer l’exécution de cette décision.

Après avoir reçu, le 26 janvier 2021, du Ministère de la Transition écologique (MTE) un mémoire précisant les mesures prises depuis juillet 2020 pour améliorer la qualité de l’air dans les zones visées et sur le territoire national en général (mémoire suivi d’observations supplémentaires du MTE le 19 février 2021), le Conseil d’État avait indiqué dans un communiqué, publié le 22 février 2021, les suites qu’il comptait donner à ce contentieux et a précisé le calendrier en ce sens (lire notre article). Le lendemain, le Conseil d’Etat avait également transmis le mémoire et les observations du MTE aux associations requérantes (les Amis de la Terre-France et d’autres ONG), afin qu’elles puissent formuler leurs commentaires.

Par mémoire remis le 25 mars 2021, l’association Les amis de la terre France et les autres ONG requérantes avaient notamment demandé au Conseil d’Etat de constater que les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 du Conseil d’Etat n’avaient pas été pleinement exécutées au terme du délai fixé par la décision du 10 juillet 2020.

 

Troisième décision : 2021 (lire notre article)

Dans une décision rendue le 4 août 2021, le Conseil d’Etat avait condamné l’Etat à payer une astreinte (amende) de 10 M€ pour le premier semestre 2021 au motif que les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la qualité de l’air dans les zones en dépassement des valeurs limites de concentration du NO2 et des PM10 n’étaient pas suffisantes pour considérer que la décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017 a été intégralement exécutée.

Comme le soulignait le Conseil d’Etat lui-même, le montant de 10 M€ est « le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’Etat à exécuter une décision prise par le juge administratif ». Par ailleurs, le Conseil d’Etat justifiait cette astreinte, « compte tenu du délai écoulé depuis sa première décision, de l’importance du respect du droit de l’UE, de la gravité des conséquences en matière de santé publique et de l’urgence particulière qui en résulte » (source : Conseil d’Etat, communiqué du 10 juillet 2020).

 

Quatrième décision : 2022 (lire notre article)

Dans une décision rendue le 17 octobre 2022, le Conseil d’Etat avait condamné l’Etat à payer deux astreintes (amendes) de 10 M€ chacune pour la période du juillet 2021 à juillet 2022 (soit plus de 54 000 € par jour) au motif que les mesures prises par le Gouvernement à ce jour pour améliorer la qualité de l’air dans les zones en dépassement des valeurs limites de concentration du NO2 n’étaient pas suffisantes pour considérer que les décisions du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017 et du 20 juillet 2020 ont été intégralement exécutées.

Selon le Conseil d’Etat, les données de concentrations de NO2 et des PM10 montraient que la situation s’était globalement améliorée mais qu’elle restait fragile ou mauvaise dans quatre zones (Toulouse, Paris, Lyon, Aix-Marseille). A noter que la zone de Grenoble ne présentait plus de dépassement des valeurs limites de concentration pour le NO2 et que la zone de Paris ne présentait plus de dépassement des valeurs limites de concentration pour le PM10.

 

 

Que retenir de la nouvelle décision ?

 

Evolution des concentrations en PM10

Par sa décision du 17 octobre 2022, le Conseil d’Etat avait retenu que la zone de Paris était la seule zone où des dépassements des valeurs limites de concentration (VLC) en PM10 (voir encadré ci-dessous) continuaient d’être relevées et où les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 ne pouvaient donc être considérées comme exécutées. Le Conseil d’Etat avait néanmoins constaté qu’aucun dépassement n’y avait été observé en 2021. Il résulte de l’instruction qu’aucun dépassement n’a été observé non plus en 2022 pour cette même zone, confirmant donc la situation constatée depuis 2020. Compte tenu de ces différents éléments, et alors que la situation d’absence de dépassement dans la zone de Paris peut désormais être considérée comme consolidée, selon le Conseil d’Etat, la décision du 12 juillet 2017 doit donc désormais être jugée comme étant exécutée, en ce qui concerne le respect des taux de concentration en PM10.

 

Evolution des concentrations en NO2

Il résulte de l’instruction qu’en ce qui concerne les taux de concentration en NO2, sur les quatre zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant pour lesquelles les décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 n’avaient pas été considérées comme exécutées par la décision du 17 octobre 2022, la zone de Toulouse et celle de Marseille-Aix ne présentent plus, en 2022, de dépassements de la VLC annuelle en PM10 (40 μg/m3voir encadré ci-dessous). Toutefois, la zone de Marseille-Aix connaît encore une station de mesure, celle de Marseille Rabatau, pour laquelle a été constatée en moyenne sur l’année civile une valeur à 39 μg/m3, soit juste en-dessous de la VLC annuelle de 40 μg/m3. Pour les deux autres zones concernées, celles de Paris et de Lyon, si la moyenne annuelle des concentrations en NO2 constatée a globalement diminué dans toutes les stations de mesure en 2022 par rapport à 2019, la VLC annuelle de 40 µg/m3 a été dépassée pendant la période considérée dans huit stations de mesure de la zone de Paris (avec des valeurs atteignant 52 μg/m3 dans deux stations, celle de l’autoroute A1 à Saint-Denis et celle du boulevard périphérique Est), et dans une station de mesure de la zone de Lyon (avec une valeur de 47 μg/m3 relevée à la station de Lyon périphérique, en baisse par rapport à celle constatée pour cette station en 2021 et se rapprochant donc de la VLC de 40 μg/m3).

 

Dans ces conditions, en ce qui concerne les taux de concentration en NO2, la décision du 12 juillet 2017 ne peut être considérée comme étant exécutée désormais que pour la seule zone de Toulouse. En raison de la persistance d’une valeur très proche de la VLC, la situation à Marseille-Aix ne peut pas être considérée comme suffisamment consolidée et les zones de Lyon et de Paris connaissent encore des dépassements significatifs pour ce polluant.

 

PM10 et NO2 : quelles sont les valeurs limites de concentration et autres obligations à respecter ?

Les Etats membres (EM) ne doivent pas dépasser les VLC fixées pour les PM10 et le NO2 dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations (article 13.1 de la directive 2008/50/CE).

 

PM10

Les VLC fixées pour les PM10 par la directive 2008/50/CE sont :

  • 40 µg/m3 en moyenne annuelle,
  • 50 µg/m3 en moyenne journalière, à ne pas dépasser plus de 35 fois par année civile [ annexe XI].

 

Les VLC pour les PM10 sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2005 et devaient donc être respectées à cette échéance (cf. article 13 et annexe XI de la directive). Cependant, la directive autorisait les Etats membres à reporter ce délai jusqu’au 11 juin 2011 à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi pour la zone de dépassement des VLC à laquelle le report de délai s’appliquerait et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais (article 22.2).

 

NO2

Les VLC fixées pour le NO2 par la directive 2008/50/CE sont :

  • 40 µg/m3 en moyenne annuelle,
  • 200 µg/m3 en moyenne horaire, à ne pas dépasser plus de 12 fois par année civile [ annexe XI].

 

Les VLC pour le NO2 sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2010 et devaient donc être respectées à cette échéance. Cependant, la directive autorisait les Etats membres à reporter ce délai jusqu’au 1er janvier 2015 au plus tard à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi pour la zone de dépassement des VLC à laquelle le report de délai s’appliquerait (article 22.1).

La directive 2008/50/CE (article 23) prévoit que, lorsque dans une zone ou agglomération donnée, les concentrations de polluants dépassent la valeur limite ou la valeur cible fixée aux annexes XI [SO2, NO2, PM10, CO, plomb, benzène] et XIV [PM2,5], majorée de toute marge de dépassement autorisée, les EM sont tenus d’établir des plans relatifs à la qualité de l’air pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante.

Ces plans doivent prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible (article 23.1). Le contenu minimal de ces plans est fixé en annexe (annexe XV, section A et article 24). Les EM concernés devaient soumettre ces plans à la Commission le plus rapidement possible, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

 

 

Les mesures adoptées

Puisque des dépassements des VLC persistent pour le NO2 pour les deux zones de Lyon et de Paris, le Conseil d’Etat s’est ensuite attaché à apprécier si des mesures mises en oeuvre depuis l’adoption de la décision du 17 octobre 2022 sont de nature à ramener, dans le délai le plus court possible, les concentrations de ce polluant en deçà de la VLC dans les zones présentant encore un dépassement ou sont de nature à consolider la situation pour les zones présentant des taux de concentrations très proches de cette VLC.

 

Marseille-Aix

Il résulte de l’instruction que le plan de protection de l’atmosphère (PPA) révisé a été approuvé en mai 2022 et qu’il comporte notamment des mesures de réduction des émissions de polluants ciblant les transports, et en particulier le transport maritime et le transport routier en milieu urbain. Un ensemble de mesures spécifiques a été mis en oeuvre ou est prévu pour limiter les émissions de polluants produites par les navires (notamment le déploiement des bornes électriques sur les quais afin que les navires soient alimentés en électricité et qu’ils ne produisent plus d’émissions lorsqu’ils sont à quai ou encore la réduction de la vitesse de navigation aux abords et dans le port). Par ailleurs, une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m – lire notre article) couvrant le centre-ville élargi de Marseille a été instaurée le 1er septembre 2022 et l’interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit’Air 4 (lire notre brève) est effective sur la zone couverte par la ZFE-m depuis septembre 2023, celle des véhicules comportant une vignette Crit’Air 3 étant prévue à compter de septembre 2024. Selon le Conseil d’Etat, ces différentes mesures de réduction apparaissent comme suffisamment précises et détaillées pour envisager que le respect des VLC en NO2, déjà constaté dans cette zone en 2022, se poursuivra. Elles peuvent ainsi être considérées comme assurant, dans la zone visée, une correcte exécution de la décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017.

 

Lyon 

Le Ministre fait état de la révision du PPA, adoptée le 24 novembre 2022 et de nouvelles mesures de restriction de la circulation dans le cadre de la ZFE-m de la Métropole de Lyon, avec l’interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit’Air 4 à compter du 1er janvier 2024, et celle des véhicules comportant une vignette Crit’Air 3 à compter du 1er janvier 2025. Par ailleurs, il a été décidé par la Métropole du Grand Lyon que la ZFE-m serait étendue à compter du 1er janvier 2024 aux voies rapides, incluant ainsi la station pour laquelle persiste un dépassement (Lyon périphérique). Si ces mesures sont susceptibles de permettre de ramener le niveau de concentration en NO2 en dessous de la VLC pour l’ensemble des stations de mesure à Lyon, en raison du dépassement encore significatif constaté en 2022, la situation ne peut, en l’état, être considérée comme garantissant que les VLC applicables au NO2 seront effectivement respectées à Lyon dans le délai le plus court possible.

 

Paris

Le Ministre fait valoir que la révision du PPA est en cours d’adoption, que l’enquête publique doit avoir lieu en novembre 2023 et que l’approbation du PPA révisé devrait intervenir début 2024[1]. Toutefois, ce PPA révisé, qui ne devrait de toute façon pas avoir un effet immédiat et sensible sur la pollution de l’air, n’est pas encore en vigueur, alors même que la zone de Paris est en situation de dépassement significatif des VLC en NO2 depuis de nombreuses années. En outre, il résulte de l’instruction que l’interdiction de circulation des véhicules comportant une vignette Crit’Air 3, qui devait intervenir au 1er juillet 2023, a été repoussée par la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2025. Dans ces conditions, aucune mesure nouvelle de réduction des émissions de NOx de nature à réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en NO2 dans la zone de Paris n’a été mise en œuvre depuis la précédente décision du Conseil d’Etat (du 17 octobre 2022). Par ailleurs, il a été indiqué au cours de l’instruction, qu’en l’état, il n’est pas attendu que les VLC soient respectées dans toutes les stations de mesure en Ile-de-France avant 2030.

Par ailleurs, le Ministre invoque aussi des mesures de portée plus générale, relatives au secteur des transports (l’appui aux collectivités territoriales pour la création et l’évolution des ZFE-m, notamment par la mise en place d’un fonds d’accélération de la transition écologique, le « fonds vert » ; l’aide à l’acquisition de véhicules moins émetteurs ; le soutien au déploiement de bornes de recharges électriques ou relatives au secteur du bâtiment, comme l’interdiction d’installation de nouvelles chaudières à fioul ou à charbon ; l’adoption du plan de sobriété énergétique,…). Toutefois, s’il peut être raisonnablement attendu des effets positifs de telles mesures sur les niveaux de concentration en NO2 dans l’air ambiant, les impacts concrets de ces mesures générales, valables pour l’ensemble du territoire national, ne sont pas déterminées pour les zones de Lyon et de Paris. Ainsi, la contribution de ces mesures à l’objectif de réduire, dans ces zones, la durée des dépassements des VLC pour le NO2 à la période la plus courte possible ne peut, en l’état, être tenue pour suffisamment établie.

Si les différentes mesures mises en avant par le Ministre devraient permettre de poursuivre l’amélioration de la situation constatée à ce jour par rapport à 2021, les éléments fournis ne permettent pas d’établir que les effets des différentes mesures adoptées permettront de ramener, dans le délai le plus court possible, les niveaux de concentration en NO2 en deçà des VLC fixées par la directive 2008/50/CE pour ce polluant dans les zones de Lyon et de Paris. Par conséquent, l’Etat ne peut être considéré comme ayant pris des mesures suffisantes pour assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces deux zones.

 

 

Conclusion

Le Conseil d’Etat conclut que sa décision du 12 juillet 2017 est exécutée en ce qui concerne les dépassements des VLC pour les PM10 et, en ce qui concerne le NO2, pour toutes les zones énumérées par la décision du 10 juillet 2020 à l’exception de celles de Lyon et de Paris.

 

La condamnation

Le Conseil d’Etat souligne qu’étant donné, d’un côté, la durée de la période de dépassement des VLC dans les zones de Lyon et de Paris, durée qui ne cesse de s’accroître (et tout particulièrement dans la zone de Paris), et de l’autre côté, les améliorations constatées depuis l’intervention des décisions antérieures, et notamment la réduction du nombre des zones concernées par les dépassements et la baisse globale, tant du nombre des stations de mesure constatant des dépassements que de l’importance de ces dépassements, il y a lieu de minorer de moitié le montant des deux astreintes, pour la période du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023.

Ainsi, conformément à sa décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’État condamne l’État au paiement d’une première astreinte pour le deuxième semestre 2022 (juillet – décembre 2022) et une 2e astreinte pour le premier semestre 2023 (janvier – juillet 2023), leur montant étant fixé à 5 M€ chacune, soit 10 M€ au total.

Les deux astreintes seront réparties entre l’association Les Amis de la Terre-France (qui avait initialement saisi le Conseil d’État) et plusieurs organismes et associations œuvrant dans le domaine de la qualité de l’air pour le solde, de la façon suivante :

 

Réactions

Le même jour de l’adoption de la nouvelle décision du Conseil d’Etat, le 24 novembre 2023, le MTE a publié un communiqué, en déclarant notamment « Pour la première fois depuis le début de ce contentieux, le Conseil d’Etat n’a pas condamné l’Etat au montant maximal d’astreinte qu’il avait fixé [par sa décision du 10 juillet 2020], tenant ainsi compte de l’amélioration de la qualité de l’air : absence de dépassement pour les particules fines, retour sous les valeurs limites dans plusieurs zones, diminution de la durée et de l’ampleur du dépassement des valeurs limites et diminution du nombre de personnes exposées à des dépassements pour les agglomérations au-dessus des valeurs limites (notamment pour les agglomérations parisienne et lyonnaise) ».

 

Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement, a également publié le 24 novembre 2023 son analyse de la nouvelle décision du Conseil d’Etat. Il observe que c’est la troisième fois que le Conseil d’Etat procède à la liquidation de l’astreinte prononcée par la décision du 10 juillet 2020 (après la première liquidation provisoire de 10 M€ pour un semestre de retard infligée par la décision du 4 août 2021 et la deuxième liquidation provisoire de 20 M€ pour deux semestres de retard infligée par la décision du 17 octobre 2022). Avec la nouvelle décision du 24 novembre 2023, le Conseil d’Etat a donc réduit de moitié le montant de l’astreinte par semestre de retard, de 10 à 5 M€. En tenant compte de cette nouvelle décision, l’Etat aura donc, pour l’heure, été condamné à verser une astreinte totale de 40 M€ en raison de cinq semestres de retard (2,5 ans) dans l’exécution de la décision du 12 juillet 2017.

Quant à l’utilité de ce contentieux au regard du but poursuivi, selon Arnaud Gossement, le bilan est complexe à établir. D’une part, ce contentieux a été engagé en 2015 (voir notre article pour une chronologie détaillée du contentieux entre l’ONG Les Amis de la Terre et l’Etat jusqu’à la première décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017) et il est regrettable que, huit ans plus tard, l’Etat n’ait pas encore complètement exécuté la décision du Conseil d’Etat du 12 juillet 2017 et pris toutes les mesures utiles de nature à faire enfin cesser les dépassements et risques de dépassement des VLC applicables au NO2 et aux PM10. D’autre part et malgré ce délai, il semble toutefois que le souci constant du Conseil d’Etat de procéder à l’exécution de ses décisions du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020 ait au moins contribué à une amélioration de la situation, c’est à dire à une réduction des concentrations en NO2 et en PM10 en-deçà des VLC et à l’adoption de nouvelles mesures. Arnaud Gossement souligne qu’il est donc possible que ce contentieux et sa médiatisation aient contribué à ce que l’Etat agisse plus fermement. Reste que certaines mesures prises – comme la création de ZFE-m – sont aujourd’hui contestées et pourraient donc à l’avenir être remises en cause.

 

Prochaines étapes

Le Conseil d’Etat réexaminera en 2024 les mesures mises en œuvre par l’Etat à partir du deuxième semestre 2023 (juillet 2023 – janvier 2024).

 

La France aussi condamnée par la Cour de Justice de l’UE sur le non-respect de la directive 2008/50/CE

A noter enfin que la France fait l’objet de deux contentieux avec l’UE sur le non-respect de la même directive 2008/50/CE pour dépassement des valeurs limites de concentration de NO2 et de PM10.

En savoir plus sur la procédure d’infraction de l’UE et ses quatre étapes (voir premier encadré de notre article).

 

Le cas d’infraction sur le NO2

Le 24 octobre 2019, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour :

  • dépassement de manière systématique et persistante la VLC annuelle pour le NO2 depuis le 1erjanvier 2010 dans 12 agglomérations et zones de qualité de l’air françaises, et en dépassant de manière systématique et persistante la VLC horaire pour le NO2 depuis le 1er janvier 2010 dans deux agglomérations et zones de qualité de l’air françaises. La CJUE souligne que ce faisant, la France a continué de manquer, depuis cette date, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XI (voir encadré plus loin), et ce depuis l’entrée en vigueur des valeurs limites le 1erjanvier 2010 ;
  • manquement, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui incombent à la France en vertu de l’article 23.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XV, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.

La Commission européenne a formellement demandé au Gouvernement français, le 3 décembre 2020, d’exécuter l’arrêt rendu par la CJUE le 24 octobre 2019. Par ailleurs, elle lui a donné un délai de deux mois pour répondre aux préoccupations qu’elle a soulevées (soit jusqu’au 3 février 2021). À défaut, cette dernière pourrait renvoyer l’affaire devant la CJUE et proposer que des sanctions financières soient infligées à la France.

Le 7 février 2024, la Commission européenne a annoncé, dans un communiqué, avoir adressé un avertissement formel à la France, sous forme de lettre de mise en demeure complémentaire, pour non-exécution de l’arrêt de la CJUE, rendu le 24 octobre 2019 (lire notre article). La Commission relance ainsi le contentieux, en cours avec la France sur la mise en œuvre de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air, et tout particulièrement sur le non-respect des VLC que la directive a fixées pour le NO2 (contentieux en cours depuis 2015).

Dans cette lettre de mise en demeure complémentaire, la Commission souligne que depuis l’arrêt du 24 octobre 2019, la France a pris certaines mesures et que de nouveaux plans relatifs à la qualité de l’air ont été adoptés dans certaines zones de mesure de la qualité de l’air afin de renforcer les actions existantes. Toutefois, la France ne s’est toujours pas conformée à l’arrêt de la CJUE en ce qui concerne les valeurs limites annuelles de NO2 dans quatre zones de mesure de la qualité de l’air : Paris, Lyon, Strasbourg et Marseille-Aix. Quatorze ans après le délai fixé par la directive et plus de quatre ans après l’arrêt de la Cour de justice, les mesures adoptées jusqu’à présent n’ont pas permis de résoudre efficacement la question. La France dispose à présent d’un délai de deux mois (jusqu’au 7 avril 2024 donc) pour répondre et remédier aux manquements constatés par la Commission. En l’absence de réponse satisfaisante, la Commission pourrait décider de saisir la CJUE, avec une demande d’infliger des sanctions financières.

Lire notre article sur la condamnation de la France par la CJUE le 24 oct. 2019.

Lire notre article sur la demande formelle de la Commission à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE du 24 oct. 2019

Lire notre article sur la lettre de mise en demeure complémentaire adressée par la Commission à la France

 

Le cas d’infraction sur les PM10

Le 28 avril 2022, la France a été condamnée par la Cour de Justice de l’UE (CJUE) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour :

  • dépassement de manière systématique et persistante la VLC journalière pour les PM10 depuis le 1erjanvier 2005 dans l’agglomération et la zone de qualité Paris et, depuis le 1erjanvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse, dans l’agglomération et la zone de qualité Martinique/Fort-de-France. La France a ainsi manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XI « dépassement de manière systématique et persistante» de la valeur limite de concentration (VLC) journalière pour les PM10 ;
  • manquement, dans ces deux zones depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui incombent à la France en vertu de l’article 23.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XV, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.

Cet arrêt est la conséquence de la procédure d’infraction lancée en 2009 par la Commission européenne contre la France (lire notre premier article sur le sujet publié le 1er mars 2013 et notre deuxième article sur le sujet publié le 1er juillet 2015).

Lire notre article « Après le NO2, les PM10 : la France condamnée par la Cour de Justice de l’UE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air »

 

 

En savoir plus :

 

Deux autres contentieux liés à la pollution de l’air

 

Pollution de l’air par les pesticides

Le Conseil d’Etat a adopté une décision le 13 octobre 2023 rejetant une requête du Collectif des maires antipesticides qui avait demandé au Conseil d’Etat d’enjoindre à la Ministre de la Transition écologique de prendre toutes les mesures utiles pour réglementer et protéger la population contre la pollution de l’air par les pesticides, dans un délai de six mois.

 

Pollution de l’air et santé humaine

Par deux décisions du 16 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris a reconnu la responsabilité de l’État du fait de troubles respiratoires subis par des enfants en raison de sa carence fautive en matière de lutte contre la pollution atmosphérique. Ainsi, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État à indemniser des enfants victimes de la pollution de l’air. Sur la base des résultats d’une expertise ordonnée par jugement avant-dire droit, et en s’appuyant sur l’interprétation, par la Cour de Justice de l’UE, de la directive 2008/50/CE, le tribunal a reconnu un lien de causalité entre la pollution de l’air et les dommages corporels des victimes. Malgré une indemnisation symbolique, cette décision constitue le premier cas de réparation des préjudices subis par des particuliers liés à la pollution de l’air (source : Dalloz Actualité du 5 juillet 2023).

Voir les décisions : TA Paris, 4e sect. – 2e ch., 16 juin 2023, n° 2019924  |  TA Paris, 4e sect. – 2e ch., 16 juin 2023, n° 2019925.

 

 

[1] En réalité, l’enquête publique concernant le projet de révision du PPA sur l’ensemble du territoire de la région d’Île-de-France, organisée par le Préfet de la région d’Ile-de-France, Préfet de Paris, n’a pas eu lieu en novembre 2023, mais se tiendra du 26 février au 10 avril 2024. Ce report de trois mois de la tenue l’enquête publique aura pour conséquence un report de l’adoption du PPA révisé. Celle-ci n’interviendra probablement pas avant l’été 2024.