Promouvoir la durabilité dans les carrières : le rôle du Citepa dans le projet ROTATE

Le Citepa est partenaire du projet européen ROTATE, financé par l’UE, qui vise à fournir des solutions environnementales qui contribueront à faciliter la création de synergies entre divers secteurs industriels liés à l’exploitation minière et aux carrières. Les objectifs de ROTATE sont les suivants : stimuler l’efficacité des sites d’extraction, améliorer la circularité et la valorisation des déchets, développer des processus durables tout au long de la chaîne de production des mines et des carrières, et améliorer la sensibilisation sociale à l’importance de ce secteur stratégique et à son engagement en faveur de la durabilité. En atteignant ces objectifs, ROTATE cherche également à garantir un approvisionnement durable en matières premières essentielles pour l’industrie de l’UE.

Nos collègues Natalia Sirina-Leboine et Rania Kamar ont représenté le Citepa lors de la réunion annuelle du projet à Stavanger en Norvège. Au cours de l’événement, les dernières avancées en matière d’estimation des émissions pour les carrières ont été présentées, car elles constituent un élément crucial de la réduction de l’impact environnemental des activités d’exploitation des carrières. La réunion a été une plateforme de collaboration importante, où les responsables des groupes de travail ont défini les étapes à venir, et nous avons été inspirés par l’engagement collectif en faveur de la durabilité et de la réduction de l’empreinte carbone dans le secteur de l’exploitation des carrières. La visite de la carrière de Velde, l’un des sites pilotes avec un exemple remarquable d’utilisation circulaire de l’eau et d’extraction durable, a constitué une partie importante de la réunion annuelle. Le travail d’équipe et la coordination entre tous les partenaires sont essentiels, et nous sommes impatients de voir l’impact que nous aurons ensemble au cours de la seconde moitié du projet !

Directive NEC-2 : la Commission lance une consultation publique en vue de sa révision

Le 3 septembre 2024, la Commission européenne a lancé une consultation publique ouverte en ligne sur l’évaluation de la directive dite NEC-2 (directive (UE) 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques – voir encadré en fin d’article).

Objet de la consultation publique

La Commission vise à recueillir l’avis des parties prenantes et des citoyens sur la directive, sa mise en œuvre et les progrès réalisés pour atteindre les objectifs et engagements fixés par cet acte législatif. Concrètement, le but de la consultation est :

  • d’évaluer si la directive contribue de façon efficace à la réalisation de ses objectifs et engagements,
  • d’évaluer la pertinence de cette directive, compte tenu de l’évolution de la situation, notamment des progrès scientifiques et techniques et de la mise en œuvre d’autres politiques de l’UE en matière de climat et d’énergie,
  • de clarifier les éventuels obstacles à la mise en œuvre de la directive et d’examiner les possibilités de simplification et de réduction des coûts associés à la mise en œuvre.

La date limite de réponse est le 26 novembre 2024 (voir lien de la consultation publique).

L’évaluation de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11 (voir encadré en fin d’article), la Commission doit procéder à un réexamen (review) de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

La Commission a lancé début 2024 les travaux d’examen de la directive NEC-2. Elle réalisera son évaluation en suivant les lignes directrices du programme « Mieux légiférer », (qu’elle a publiées le 3 novembre 2021). L’évaluation déterminera dans quelle mesure la directive a atteint son objectif de protection de la santé humaine et de l’environnement en réduisant les émissions nationales des cinq polluants atmosphériques visés par la directive (SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5).

Elle tiendra également compte des objectifs en matière de qualité de l’air fixés dans le plan d’actions « Zéro pollution », présenté par la Commission le 12 mai 2021 (lire notre article). En outre, l’évaluation déterminera si la directive s’est avérée cohérente avec la politique de l’UE en matière de qualité de l’air, si elle y a contribué et si elle a créé des synergies avec d’autres politiques de l’UE.

L’évaluation comporte également une consultation ciblée des parties prenantes visant à recueillir les avis d’un public d’experts sur des questions spécifiques. Cette consultation a été lancé le 3 septembre 2024. Elle contient des questions plus spécifiques posées à différents groupes de parties prenantes, notamment les États membres et les autorités compétentes, les organisations de la société civile, les parties prenantes internationales, les représentants du secteur industriel, ainsi que la communauté scientifique. La date limite de réponse est le 26 novembre 2024.

Par ailleurs, la Commission organise un atelier d’une journée pour les parties prenantes, prévu le 14 octobre 2024 à Bruxelles. Il permettra aux parties prenantes de donner leur avis sur le fonctionnement et la mise en œuvre de la directive. La date limite pour s’inscrire à l’atelier est le 9 septembre 2024.

Enfin, la Commission a fait appel à un bureau de consultants pour réaliser une étude spécialisée afin d’étayer l’évaluation ainsi que les consultations publiques et ciblées des parties prenantes.

La Commission prévoit d’achever le réexamen de la directive NEC-2 en 2025 en amont des négociations dans le cadre de la CEE-NU visant à réviser le Protocole de Göteborg sur la réduction de l’acidification, l’eutrophisation et la formation de l’ozone troposphérique. Ce Protocole, adopté en 1999, puis révisé une première fois en 2012, constitue la base juridique de la directive NEC-2.

La mise en œuvre de la directive NEC-2

Rapport de la Commission européenne

Conformément à l’article 11 de la directive NEC-2, la Commission européenne a publié le 30 juillet 2024 son 2e rapport de mise en œuvre de la directive NEC-2 (réf. COM(2024) 348 final) qui évalue les progrès réalisés depuis la publication du premier rapport (réf. COM(2020) 266 final du 26 juin 2020). S’appuyant sur les données fournies par les Etats membres au titre de la directive (les inventaires d’émissions communiqués par les Etats membres en 2023, données 2021), le 2e rapport montre que 10 Etats membres (Autriche, Bulgarie, Danemark, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal et Suède) ne respectent pas leurs engagements de réduction pour le NH3.

Dans son rapport, la Commission souligne que « le seul polluant qui s’avère particulièrement problématique reste le NH3, pour lequel les perspectives de réalisation des engagements de réduction des émissions prévus dans la directive demeurent sombres » (source : COM(2024) 348 final, p.23).

Selon le rapport, la difficulté principale rencontrée par les États membres est celle de réduire les émissions de polluants provenant des principales sources d’émission : l’agriculture (NH3) ; la combustion provenant du secteur résidentiel-tertiaire, et des transports routiers (PM2,5) ; ainsi que l’utilisation industrielle de solvants (COVNM).

La publication de la quatrième édition du rapport « Perspectives en matière d’air propre » (« Clean Air Outlook ») est prévue pour la fin de l’année 2024 (lire notre article sur la 3e édition, publiée le 8 décembre 2022), complétera le présent rapport en fournissant des informations sur la trajectoire en matière de conformité. Le rapport « Perspectives en matière d’air propre » s’inscrit dans le cadre du programme Air pur pour l’Europe (publié par la Commission le 18 décembre 2013) qui prévoit une mise à jour tous les deux ans des données sur lesquelles a reposé l’étude d’impact de la directive (UE) 2016/2284 pour suivre et évaluer le progrès accompli vers la réalisation de ses objectifs.

Plus spécifiquement, les « Perspectives en matière d’air propre » de 2024 fourniront une évaluation analytique détaillée sur la question de savoir dans quelle mesure les États membres, et l’UE dans son ensemble, sont en voie de respecter les obligations en matière de réduction des émissions établies par la directive et d’améliorer la qualité de l’air, réduisant ainsi les incidences sur la santé humaine et l’environnement.

Analyse de l’Agence européenne pour l’Environnement

De son côté, l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE ou EEA en anglais) a publié, le 25 juin 2024, sa 3e évaluation annuelle des progrès accomplis par les Etats membres pour respecter leurs engagements de réduction des émissions des cinq polluants visés par la directive NEC-2. Cette note d’analyse (Briefing) est basée sur les données d’émission pour l’année 2022, dernière année pour laquelle les Etats membres ont rapporté leurs émissions (en mars 2024).

Selon la note d’analyse de l’AEE, en 2022, 16 États membres (dont la France) ont respecté leurs engagements nationaux respectifs de réduction des émissions pour la période 2020-2029 pour chacun des cinq principaux polluants atmosphériques, tandis que 11 États membres n’ont pas respecté leurs engagements pour au moins l’un des cinq principaux polluants atmosphériques.

Comme l’avait souligné la Commission dans son rapport publié le 30 juillet 2024 (voir plus haut), la réduction des émissions de NH3 reste le plus grand défi : neuf États membres doivent réduire leurs niveaux d’émission en 2022 pour respecter leurs engagements de réduction pour la période 2020-2029. Le secteur agricole est la principale source, responsable de 93% des émissions totales de NH3. Dans de nombreux États membres, les émissions de NH3 n’ont que légèrement diminué depuis 2005 et ont même augmenté dans certains cas.

Réaliser de nouvelles réductions pour 2030 et au-delà constituera un défi de taille pour la quasi-totalité des États membres de l’UE et pour la quasi-totalité des polluants atmosphériques. Le taux de réduction des émissions de certains polluants est en train de se stabiliser. Le SO2 constitue une exception : 22 États membres (dont la France) respectent déjà l’engagement de réduction pour 2030.

Les émissions des principaux polluants atmosphériques ont continué à diminuer, maintenant la tendance observée depuis 2005 et ce, malgré une augmentation du produit intérieur brut au cours de la même période.

La directive NEC-2

La directive (UE) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (dite NEC 2) (lire notre dossier de fond sur le sujet) est venue réviser la directive 2001/81/CE relative aux plafonds d’émission nationaux, dite directive NEC 1. La directive NEC 2 étend la période de la directive NEC 1 de 2020 initialement à 2030 et au-delà. De plus, elle aligne le droit de l’UE sur les engagements découlant de la révision du Protocole de Göteborg adoptée le 4 mai 2012 (lire notre article sur le sujet). Entrée en vigueur : 31 décembre 2016, Date limite de transposition : 1er juillet 2018 (date à laquelle la directive NEC 1 a été abrogée).*

Les engagements nationaux de réduction

La directive NEC 2 oblige les Etats membres à limiter leurs émissions anthropiques annuelles de cinq polluants : SO2, NOx, NH3, COVNM et PM2,5 conformément aux engagements nationaux de réduction fixés à l’annexe II de la directive (article 4). Ces engagements portent sur deux échéances : 2020 et 2030. Cela signifie que les engagements 2020 doivent être respectés sur l’ensemble de la période 2020-2029 (au moins).

Contrairement à la première directive NEC (directive 2001/81/CE), ces engagements ne sont pas des plafonds (en kt), mais des objectifs relatifs de réduction (en % par rapport à l’année de référence 2005). A noter qu’afin de garantir la continuité dans l’amélioration de la qualité de l’air, les plafonds d’émission nationaux établis par la directive 2001/81/CE ont continué de s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2019.

Les Etats membres doivent également prendre les mesures nécessaires visant à limiter leurs émissions anthropiques des cinq polluants de l’année 2025. Le niveau indicatif de ces émissions est déterminé par une trajectoire de réduction linéaire entre leurs niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2020 et les niveaux d’émission définis par les engagements de réduction des émissions pour 2030. La directive autorise les Etats membres à suivre une trajectoire de réduction non linéaire si celle-ci est plus efficace d’un point de vue économique ou technique, et à condition qu’à partir de 2025, elle converge progressivement vers la trajectoire de réduction linéaire et ne compromette pas les engagements de réduction des émissions pour 2030.

Engagements nationaux de réduction fixés pour la France (année de référence : 2005) (cf. annexe II)

En France, ces engagements ont été repris dans le plan national de réduction des émissions de polluants (PREPA), adopté le 10 mai 2017 (lire notre article sur le sujet).

Les programmes nationaux de lutte contre la pollution de l’air

Les Etats membres sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre un programme national de lutte contre la pollution de l’air, (National Air Pollution Control Programme ou NAPCP), dont le contenu minimal est défini à l’annexe III. Les Etats membres devaient soumettre leur premier programme national avant le 1er avril 2019. Celui-ci est à mettre à jour au minimum tous les quatre ans par la suite (article 6). La France a transmis (avec six mois de retard) son premier NAPCP en octobre 2019.

Conformément à l’article 6 de la directive NEC 2, les Etats membres devaient soumettre leur deuxième NAPCP au plus tard le 1er avril 2023 (voir p.6 de notre dossier de fond sur la directive NEC 2). La France a soumis son 2e NAPCP le 24 mai 2023.

Rapport de la Commission

Au plus tard le 1er avril 2020 et tous les quatre ans par la suite, la Commission doit présenter un rapport au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la directive (article 11), et notamment une évaluation de sa contribution à la réalisation des objectifs généraux de la directive (cf. article 1er). Ce rapport évalue en particulier :

▪     les progrès accomplis dans la réalisation des engagements de réduction des émissions et, le cas échéant les raisons de leur non-respect) et en matière des niveaux de qualité de l’air ambiant conformément aux lignes directrices relatives à la qualité de l’air établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (lire notre article) ;

▪     l’identification des mesures supplémentaires nécessaires au niveau de l’UE et des Etats membres pour atteindre les objectifs précités ;

▪     les résultats de l’examen par la Commission des programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique (cf. article 6) et de leurs mises à jour conformément à l’article 10.

Réexamen et révision de la directive NEC-2

Sur la base des rapports visés à l’article 11, la Commission doit procéder à un réexamen de la directive NEC-2 au plus tard le 31 décembre 2025 afin de maintenir les progrès accomplis pour atteindre les objectifs généraux de la directive (article 13), en particulier en tenant compte des progrès scientifiques et techniques, ainsi que de la mise en œuvre des politiques « climat-énergie » de l’UE.

Le cas échéant, la Commission présente des propositions législatives concernant les engagements de réduction des émissions de polluants pour la période post-2030.

Spécifiquement concernant le NH3, la directive oblige la Commission, dans le cadre de son réexamen, d’évaluer entre autres :

▪     les données scientifiques les plus récentes,

▪     les mises à jour du document d’orientation de la CEE-NU de 2014 pour la prévention et la réduction des émissions de NH3 provenant des sources agricole (cf. Décision 2012/11, ECE/EB/AIR/113/Add.1.) et le code-cadre de bonnes pratiques agricoles pour réduire les émissions NH3 de la CEE-NU, tel que révisé en dernier lieu en 2014 (cf. Décision ECE/EB.AIR/127, paragraphe 36, point e).

En savoir plus

Communiqué de la Commission sur le lancement de la consultation publique

La consultation publique

La page du site de la DG Environnement consacrée à la directive NEC-2

La page du site de la DG Environnement consacrée aux NAPCP

La page du site de la DG Environnement consacrée au réexamen/à l’évaluation de la directive NEC-2

Communiqué de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Note d’analyse de l’AEE (publiée le 25 juin 2024)

Voir données d’émission par Etat membre 2005-2022 (data viewer, page interactive).

Voir l’outil de suivi des politiques et mesures mises en place pour réduire les émissions de polluants atmosphériques (mise à jour le 22 février 2024)

Dans un contexte d’incertitude sur la SFEC, la France transmet la version revue de son plan national énergie climat à la Commission

Le 10 juillet 2024, le gouvernement a officiellement transmis à la Commission européenne le Plan national énergie-climat (PNEC, en anglais National Climate and Energy Plan ou NECP, outil de planification stratégique, mis à jour tous les 10 ans, permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront leurs objectifs climat et contribueront à atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050, voir encadré en fin d’article) de la France, sur la base de la première version transmise le 11 novembre 2023 et des recommandations de la Commission qui avaient suivi.

Cette transmission, dépassant de plus d’une semaine l’échéance fixée au 30 juin 2024, intervient alors que la publication des documents clés de la Stratégies Française Energie Climat (SFEC) est en suspens (voir plus bas). Et, surtout, elle intervient dans un contexte politique très incertain depuis la dissolution de l’Assemblée nationale (9 juin 2024) et les élections législatives anticipées (30 juin et 7 juillet 2024) ayant vu le parti gouvernemental perdre sa majorité, suivi par une période d’attente de nomination d’un nouveau Premier Ministre.

 

Version provisoire et recommandations de la Commission

Le premier NECP de la France avait été publié le 1e avril 2020 par la Commission, relatif à la période 2021-2030 et à la compatibilité des mesures planifiées par la France avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE. La France avait présenté son projet de mise à jour de son NECP le 11 novembre 2023, publié par la Commission le 21 du même mois. La Commission européenne avait ensuite publié, le 18 décembre 2023, l’évaluation des projets de mise à jour des NECP de tous les Etats membres, dont celui de la France.

Parmi les recommandations sur le volet atténuation, plusieurs portaient sur une demande de hausse d’ambition sur le déploiement des énergies renouvelables (EnR), notamment de revoir fortement à la hausse, en la portant à au moins 44%, la part des EnR qu’elle vise à atteindre à titre de contribution à l’objectif contraignant de l’UE en matière d’EnR à l’horizon 2030 fixé par la directive RED III (directive (UE) 2023/2413 sur la promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ; mais aussi de fournir un plan à long terme pour le déploiement des énergies renouvelables à horizon 2040, entre autres (lire notre article pour un résumé plus détaillé des recommandations).

 

 

Contenu du PNEC

Le reflet d’une politique climat dont l’actualisation est en suspens

Le PNEC se base sur les travaux de concertation et de construction de la prochaine SFEC qui inclut la mise à jour des principaux documents de planification de la politique nationale de transition écologique même si ceux-ci ne sont pas finalisés, voire sont en suspens :

  • la loi de programmation énergie-climat (LPEC), qui devait initialement être adoptée avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, conformément à l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et à l’article L. 100-1 A du Code de l’énergie. Plusieurs fois reportée, un projet de loi a été proposé, puis fortement modifié, avant d’être abandonné, comme l’a confirmé, Roland Lescure l’ancien Ministre de l’Industrie et de l’Energie, dans un entretien au Figaro du 10 avril 2024 ;
  • la mise à jour de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3), attendue d’ici 2024, devant proposer de nouveaux budgets carbone en cohérence avec l’objectif de l’UE de -55% d’ici 2030 ;
  • la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont la 3e version est aussi attendue courant 2024 ;
  • le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), initialement aussi attendu en 2024.

Depuis, la dissolution de l’Assemblée nationale et les résultats des élections législatives anticipées du 7 juillet 2024 ont mis en suspens ces dossiers. Compte tenu de cette situation, le PNEC mis à jour précise qu’il reflète les objectifs fixés à date jusqu’en 2030 (et jusqu’en 2035 pour le volet énergétique) ; et que les trajectoires au-delà de 2030 devront être actualisées (par exemple à l’occasion du rapport biennal d’avancement) après publication de ces documents de programmation.

 

Réduction des émissions brutes de 50% entre 1990 et 2030

En attendant la future publication de la SNBC-3 qui proposera une mise à jour des prochains budgets carbone, le PNEC indique les valeurs issues du scénario de référence (dit AMS, Avec Mesures Supplémentaires) utilisé pour la conception de la SNBC-3, plus ambitieux que celui de la SNBC-2. Ce scénario permet de fournir des données indicatives de ces prochains budgets.

Figure 1. Emissions de GES brutes (hors puits de carbone du secteur UTCATF), trajectoire indicative pour la future SNBC-3 et budgets préliminaires pour la SNBC-3 en comparaison avec ceux de la SNBC-2. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 56

 

Selon ces valeurs indicatives, la réduction des émissions brutes de GES (c’est-à-dire hors puits de carbone du secteur UTCATF) serait de 50% entre 1990 et 2030 pour atteindre 271 Mt CO2e à cet horizon.

Le tableau ci-dessous présente les valeurs indicatives pour les prochains budgets carbone attendus dans la SNBC-3, déclinées par secteur, et leur comparaison aux valeurs de la SNBC-2 en vigueur.

 

 

 

Figure 2. Valeurs des estimations préliminaires prochaine SNBC-3 indiquées dans le PNEC. Valeurs arrondies au million de tonne près. Source : tableau de la DGEC reproduit dans la PNEC, p.56-57 Juillet 2024. Bâtiments : Une note du PNEC précise que la cible brute en 2030 pourrait atteindre 268 Mt CO2 si un scénario permettait de respecter la cible proposée pour le secteur des bâtiments dans le cadre des travaux de la planification écologique (32 Mt). A noter que dans les annonces faites en mai 2023, la cible pressentie pour les bâtiments était de 30 Mt.

 

Prudence sur l’évolution du puits de carbone

Dans ses recommandations, la Commission européenne demandait à la France d’établir une trajectoire de hausse du puits de carbone et de définir des mesures supplémentaires pour y parvenir, afin d’atteindre objectif national UTCATF défini par le règlement (UE) 2018/841.

Le PNEC mis à jour reste cependant prudent, tenant compte de « l’évolution défavorable des paramètres essentiels de la forêt française que sont la mortalité et l’accroissement biologique ». En effet, le puits de carbone net du secteur UTCATF a fortement diminué ces dernières années (voir le chapitre UTCATF du rapport Secten). Le PNEC indique la valeur provisoire, obtenue pour 2030 sur la base de projections, d’un niveau équivalent à la valeur de 2022, soit environ -18 Mt CO2e. ; au lieu de -44 Mt CO2e comme prévu initialement par la SNBC-2. L’ambition étant d’atteindre la cible de -31 Mt CO2e à cette échéance, le PNEC note cet écart et souligne de fortes incertitudes sur ces projections.

 

Figure 3. Bilan net du secteur UTCATF (puits de carbone), projections provisoires, cible 2030 de la SNBC-2 et niveau provisoire indiquée dans le PNEC d’après le scénario AMS. Source : PNEC, Juillet 2024, p. 65

 

Des objectifs sur les énergies renouvelables replacés dans la cadre plus large des énergies décarbonées, incluant le nucléaire

Alors que la Commission recommandait de revoir à la hausse les objectifs sur le déploiement des énergies renouvelables, le PNEC réaffirme les ambitions déjà indiquées dans la version précédente du PNEC, à savoir celles de la PPE-2 (2e Programmation pluriannuelle de l’énergie) sur la période 2019-2028. Concernant la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC considère que l’objectif de 23% fixé à la France pour l’année 2020 par la directive 2009/28/CE modifiée sur la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables (EnR), sera atteinte, quatre ans après, en 2024.

Plutôt que de proposer un nouvel objectif sur la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, le PNEC met en avant non pas les énergies renouvelables seules mais les énergies décarbonées, incluant donc le nucléaire, comme moyen de contribuer aux objectifs d’atténuation de l’UE. Le PNEC indique ainsi un objectif de 58% d’énergie décarbonée dans la consommation finale d’énergie en 2030, et 71% en 2035. Atteindre cette trajectoire passe par le renforcement de la production nucléaire (lire notre article sur la loi sur l’accélération du nucléaire) et le développement des énergies renouvelables (lire notre article sur la loi accélération des EnR). Enfin, la consommation finale brute d’énergie renouvelable de la France en 2030, d’après le scénario de la SFEC, est estimée à environ 570 TWh.

 

Les NECP

Les Plans nationaux énergie-climat (dont leur nom officiel est Plans nationaux intégrés énergie-climat, PNIEC, au titre de l’article 3 du règlement (UE) 2018/1999 ; mais le terme Plan national énergie climat, PNEC, est davantage utilisé.) doivent être soumis par les Etats membres conformément à l’obligation établie par le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (articles 3 et 4) (lire notre article). Ces NECP sont décennaux, à compter de la période 2021-2030. Les Etats membres devaient soumettre à la Commission leur projet de premier NECP avant le 31 décembre 2018, et la version définitive au 31 décembre 2019 (article 9). Ils devront soumettre leur 2e plan d’ici le 1er janvier 2029, et ainsi de suite.

Les NECP sont le principal outil de planification stratégique permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de l’union de l’énergie et resteront sur la bonne voie pour atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Ils contribuent à la prévisibilité des investissements à court, moyen et long terme et constituent un outil essentiel pour mobiliser les investissements massifs nécessaires pour atteindre cet objectif collectif.

Les NECP doivent comporter une description :

▪     des objectifs nationaux et des contributions nationales définis au titre de l’Union de l’énergie (réduction des émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables et efficacité énergétique),

▪     des politiques et mesures prévues ou adoptées pour les mettre en œuvre.

Le règlement 2018/1999 (annexe I) établit un modèle de NECP pour garantir une présentation harmonisée entre les Etats membres en vue de faciliter leur évaluation.

Les versions définitives de ces premières NECP avaient été rendues publiques par la Commission le 1er avril 2020.

Le 17 septembre 2020, la Commission avait publié une évaluation, à l’échelle de l’UE, des premières NECP. L’évaluation de la Commission montrait que l’UE était sur la bonne voie pour dépasser son objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 40% d’ici à 2030, en particulier grâce aux progrès en cours dans le déploiement des EnR dans toute l’UE. La Commission concluait que l’UE devrait accroître davantage l’efficacité énergétique et la part des EnR. Voir le détail de cette évaluation globale dans notre article.

Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a publié les évaluations individuelles des NECP de chacun des 27 Etats membres. Il s’agissait d’analyser les trajectoires et les ambitions de chaque État membre par rapport aux objectifs actuels en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 (lire notre article).

Au plus tard le 30 juin 2023, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2033, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre est tenu de soumettre à la Commission un projet de mise à jour de son NECP (cf. article 14 du règlement (UE) 2018/1999).

Au plus tard le 30 juin 2024, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2034, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre soumet à la Commission la version définitive de la mise à jour de son NECP.

Le 18 décembre 2023, la Commission européenne a publié une évaluation globale, à l’échelle de l’UE, des projets de mise à jour des NECP des 21 Etats membres qui avaient soumis les leurs à l’échéance prévue. Parallèlement à cette évaluation globale, la Commission a publié des évaluations individuelles et des recommandations par pays pour ces 21 États membres (voir JOUE du 7 mars 2024). Ces recommandations portent sur les éléments actuellement manquants qui devraient figurer dans les versions définitives de mise à jour des NEPC afin d’aider les États membres à atteindre les nouveaux objectifs climat-énergie résultant du paquet « Fit for 55 » [Ajustement à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 – lire notre article] et du dispositif REPowerEU – lire notre article). Lire notre article pour plus de détails sur ces évaluations et notamment sur l’évaluation de la Commission et ses recommandations à l’attention de la France.

 

 

En savoir plus

Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC), juin 2024

Page de la Commission européenne consacrée aux PNEC 

 

Emissions industrielles : publication du règlement sur le nouveau portail européen en remplacement du registre E-PRTR

Le 2 mai 2024, le règlement (UE) 2024/1244 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 (JOUE L du 2 mai 2024) établit, d’une part, un portail sur les émissions industrielles, et d’autre part, des règles sur la notification des données environnementales des installations industrielles. Ce nouveau règlement vient remplacer et abroger le règlement (CE) n°166/2006 établissant le registre européen des rejets et transferts de polluants (dit E-PRTR – voir encadré ci-dessous).

 

Contexte

L’E-PRTR a été formellement établi par le règlement (CE) n° 166/2006 adopté en 2006, et mis en ligne le 9 novembre 2009. Le registre couvre 91 polluants émis dans l’air, l’eau et les sols (énumérés à l’annexe II) relevant de 65 domaines d’activité (énumérées à l’annexe I) par environ 30 000 installations industrielles au sein de 33 pays européens [UE-27 + Royaume-Uni, Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse et Serbie]. Chaque année, les États membres transmettent à la Commission un rapport contenant les données d’émission communiquées par les exploitants d’établissements industriels sur les rejets et les transferts de chaque établissement (au titre de l’article 7 du règlement E-PRTR). Les données sont ensuite publiées par la Commission sur un site web public, avec l’appui de l’Agence européenne pour l’environnement. Le registre permet donc au public d’accéder à ces informations environnementales clés afin de se renseigner sur les émissions industrielles au niveau local, sur les installations émettrices et sur l’évolution de ces émissions.

 

Le 5 avril 2022, la Commission a présenté une proposition de directive révisant la directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (directive dite IED adoptée en 2010) (lire notre article), et une proposition parallèle et complémentaire de modification du règlement relatif au registre européen des rejets et des transferts de polluants (lire notre article).

 

Les négociations entre les deux co-législateurs (Parlement européen et Conseil de l’UE) sur les deux propositions législatives, qui sont étroitement liées l’une à l’autre, ont débuté le 19 juillet 2022. Après trois cycles de négociations, un accord provisoire en trilogue (réunissant des représentants des deux co-législateurs et de la Commission européenne) a été conclu sur les deux dossiers législatifs le 28 novembre 2023.

 

Le texte de compromis de chacune des deux propositions législatives a été formellement adopté par les co-législateurs : le 12 mars 2024 par le Parlement européen et le 12 avril 2024 par le Conseil de l’UE. Le texte définitif ainsi adopté de la nouvelle directive IED devrait être publié très prochainement au JOUE. Celui du nouveau règlement établissant le portail sur les émissions industrielles a donc été publié au JOUE L du 2 mai 2024 et fait l’objet du présent article.

 

Le principal objectif global du nouveau règlement et de la future directive IED est d’avancer vers la réalisation de l’ambition de l’UE d’atteindre un niveau de zéro pollution en 2050 conformément à son plan d’actions adopté le 12 mai 2021 (lire notre article), en permettant au public d’accéder à un ensemble de données plus intégrées et cohérentes sur les principales émissions environnementales générées par les installations industrielles.

Plus spécifiquement, le nouveau règlement vise à :

  • améliorer la transparence des données et l’accès public aux informations sur les émissions industrielles via la création du nouveau portail sur les émissions industrielles, formalise par le nouveau règlement et lancé en juin 2021  ;
  • améliorer les synergies en matière de communication d’informations réalisées au titre de la directive IED ;
  • faciliter la participation du public au processus décisionnel en matière d’environnement, y compris l’identification des sources de pollution ;
  • élargir le champ d’application sectoriel et renforcer la précision du rapportage afin de mieux soutenir la mise en œuvre de la directive IED ;
  • améliorer la capacité à répondre aux nouvelles exigences futures en matière de rapportage sur les polluants et les activités émettrices ;
  • fournir des information sur la consommation, par le secteur industriel, de l’énergie, de l’eau et des matières premières afin de suivre les progrès accomplis vers une économie circulaire et efficace dans l’utilisation des ressources.

 

Le Conseil et le Parlement ont introduit une clause de réexamen générale afin d’évaluer les activités et les polluants couverts par le règlement, ainsi que les seuils applicables figurant à l’annexe I (en ce qui concerne les activités devant être notifiées au-delà des seuils fixés) et à l’annexe II (en ce qui concerne les polluants devant être notifiés au-delà des seuils fixés).

Les co-législateurs ont convenu de fixer l’entrée en vigueur du règlement à 2028, afin de laisser aux États membres suffisamment de temps pour s’adapter aux nouvelles règles.

 

En savoir plus

Règlement (UE) 2024/1244 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 concernant la notification des données environnementales des installations industrielles et la création d’un portail sur les émissions industrielles et abrogeant le règlement (CE) n°166/2006

Proposition de règlement E-PRTR (COM(2022) 157 final) (en français)

Document de travail de la Commission accompagnant la proposition (SWD(2022)113 final)

Etude d’impact finale remise à la Commission en février 2022 par un consortium de cabinets de consultants européens dans le cadre de la révision du règlement existant (publié le 13 mai 2022)

Etude d’impact initiale (septembre 2020)

La page du site de la DG Environnement consacrée au registre E-PRTR

 

 

 

DG Environnement : les dossiers prioritaires et les initiatives prévues pour les 2e, 3e et 4e trimestres 2024

Début mai 2024 mais en date du 4 mars 2024, la DG Environnement (DG ENVI) de la Commission européenne a publié un plan de gestion (Management Plan) pour l’année 2024. Ce document présente les dossiers prioritaires et les initiatives prévues pour le 2e, 3e et 4e trimestres 2024.

La DG ENVI souligne que ces dernières années, elle a présenté un grand nombre de propositions visant à atteindre les objectifs ambitieux fixés dans le pacte vert européen (European Green Deal – lire notre dossier de fond) et ses stratégies sectorielles. En 2024, ses deux principales priorités seront :

  • de piloter les négociations interinstitutionnelles en vue de transformer les propositions législatives en cours de discussion en actes législatifs (au premier rang desquelles la finalisation de la future directive sur la qualité de l’air, texte formellement adopté par le Parlement européen depuis la rédaction du plan de gestion – lire notre article), et
  • de mettre en œuvre la législation déjà adoptée. L’examen à mi-parcours du 8e programme d’action pour l’environnement (2021-2030 – lire notre article) devrait permettre d’évaluer les progrès accomplis.

 

Sur le sujet pollution de l’air, les initiatives non législatives prévues par le plan de gestion 2024 de la DG ENVI sont les suivants, regroupés par trimestre :

 

2e trimestre

  • rééxamen (fitness check) sur l’application du principe pollueur-payeur (suite à la consultation publique sur le sujet mené du 12 mai au 4 août 2023 – lire notre article).

 

3e trimestre

  • évaluation de la directive 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (directive dite NEC 2lire notre dossier de fond sur la directive et notre dossier de fond sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la directive).

 

4e trimestre

  • mise à jour des besoins en investissements pour la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe (European Green Deal) ;
  • bilan de la mise en œuvre du plan d’actions zéro pollution du 12 mai 2021 (lire notre article)
  • 4e édition du rapport biennal « Perspectives air propre» (lire notre article sur la 3e édition).

 

D’autres initiatives non assorties d’échéance précise

  • lancement de la procédure législative sur la proposition de règlement relatif à un cadre de surveillance pour des forêts européennes résilientes (Forest Monitoring Law), présentée le 23 octobre 2023 ;
  • lancement des travaux d’élaboration de recommandations (guidelines) sur la gestion durable des forêts;
  • mise en place du Centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles (Innovative Centre for Industrial Transformation and Emissions ou INCITE – voir encadré ci-dessous) et ce, suite à l’adoption formelle, par les co-législateurs de la nouvelle directive sur les émissions industrielles (directive dite IED) (adoption formelle par le Parlement européen le 12 mars 2024 et par le Conseil de l’UE le 12 avril 2024).

 

A noter enfin que les dossiers et initiatives portant sur le climat et l’énergie ne sont pas traités par la DG ENVI, mais par la DG Climat

 

Centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles

Dans le cadre de la nouvelle directive IED, formellement adoptée mais non encore publiée au JOUE, l’article 27 bis établit les dispositions suivantes :

 

§ 1)  La Commission établit et gère un centre d’innovation pour la transformation et les émissions industrielles (ci-après dénommé «centre» ou «Incite»).

 

§ 2) Le centre collecte et analyse des informations sur les techniques novatrices, y compris les techniques émergentes et transformatrices qui contribuent, entre autres, à réduire au minimum la pollution, à la décarbonation, à l’utilisation efficace des ressources, à l’économie circulaire, et sur les techniques utilisant des produits chimiques moins nombreux ou plus sûrs, en rapport avec les activités relevant du champ d’application de la présente directive, et caractérise leur niveau de développement ainsi que leurs performances environnementales. La Commission tient compte des conclusions du centre lors de l’élaboration du programme de travail pour l’échange d’informations visé à l’article 13, paragraphe 3, point b), ainsi que lors de l’élaboration, de la révision et de la mise à jour des documents de référence MTD.

 

§ 3) Le centre est assisté par :

  • des représentants des États membres,
  • des institutions publiques pertinentes,
  • des instituts de recherche pertinents,
  • des organismes de recherche et de technologie,
  • des représentants des secteurs industriels et des agriculteursconcernés,
  • des fournisseurs de technologies,
  • des organisations non gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection de la santé humaine ou de l’environnement,
  • la Commission.

 

§ 4) Le centre rend ses conclusions publiques, sous réserve des restrictions prévues à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2003/4/CE.

 

La Commission adopte un acte d’exécution fixant les modalités nécessaires à la mise en place et au fonctionnement du centre. Cet acte d’exécution est adopté en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 75, paragraphe 2.

 

 

En savoir plus

Plan de gestion de la DG ENVI

Programme de travail 2024 de la Commission européenne (réf. COM(2023) 638 final du 17 octobre 2023)

Annexes à ce programme de travail

 

Le Parlement européen adopte formellement la nouvelle directive sur la qualité de l’air

Le 24 avril 2024, le Parlement européen, réuni en séance plénière, a formellement adopté le texte de compromis final issu de l’accord politique provisoire conclu le 20 février 2024 entre les représentants du Parlement européen et le Conseil de l’UE dans le cadre de négociations en trilogue avec les représentants de la Commission, sur la proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air.

Des normes de qualité de l’air renforcées

Les nouvelles règles approuvées par le Parlement européen révisent les normes de qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés : valeurs limites de concentration (le type de norme la plus contraignante), valeurs cibles, objectifs à long terme, etc. (voir tableau ci-dessous). Ces normes sont à respecter au 1er janvier 2030. Ainsi, la nouvelle directive fixe des valeurs limites de concentration plus strictes par rapport à celles fixées par la directive 2008/50/CE, qui sont actuellement en vigueur, pour plusieurs polluants, dont les particules fines (PM2,5, PM10), le NO2 et le SO2. Pour les deux polluants ayant la plus forte incidence sur la santé humaine, les PM2,5 et le NO2, les valeurs limites annuelles doivent être réduites de plus de moitié, passant respectivement de 25 µg/m³ à 10 µg/m³ et de 40 µg/m³ à 20 µg/m³. A noter néanmoins que ces deux nouvelles valeurs limites de concentration européennes sont deux fois plus élevées que les valeurs guides de l’OMS (2021) pour ces deux polluants (respectivement 5 µg/m³ et 20 µg/m³). Si les normes fixées par la nouvelle directive pour les trois métaux lourds (arsenic, cadmium et nickel), ainsi que pour les HAP (BaP), sont les mêmes que celles établies par la directive 2004/107/CE, la nouvelle directive renforce le type de norme qui s’applique à ces quatre polluants : anciennement des valeurs cibles, elles sont devenues des valeurs limites de concentration, c’est-à-dire le type de norme de qualité de l’air la plus contraignante.

La nouvelle directive prévoit également plus de points de prélèvement de la qualité de l’air dans les villes. Les normes de qualité de l’air seront réexaminées d’ici le 31 décembre 2030 et au moins tous les cinq ans par la suite, et plus souvent si de nouvelles évolutions scientifiques, telles que les lignes directrices révisées de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de qualité de l’air, le justifient.

 

Les nouvelles normes de qualité de l’air pour la protection de la santé humaine
fixées par la nouvelle directive révisant la directive 2008/50/CE et comparaison avec les valeurs guides de l’OMS (2021)

* valeurs cibles (et non valeurs limites) fixées par la directive 2004/107/CE (toutes les autres normes ayant été fixées par la directive 2008/50/CE)

** à atteindre en 2050 et non 2030.

Sources : texte final de la nouvelle directive tel qu’adopté par le Parlement européen, directives 2008/50/CE (annexe VII [ozone], annexe XI [PM10, NO2, SO2, CO, benzène et plomb] et annexe XIV [PM2,5]) et 2004/107/CE (annexe I) et OMS, 2021.

 

Flexibilités

La nouvelle directive prévoit un certain nombre de flexibilités : ainsi, les États membres pourront demander le report de l’échéance de 2030 pour atteindre les valeurs limites de qualité de l’air de 10 ans au maximum (soit jusqu’en 2040), si des conditions spécifiques sont remplies, notamment lorsque les réductions nécessaires ne peuvent être réalisées qu’en remplaçant une partie considérable des systèmes de chauffage domestique existants qui sont à l’origine des dépassements de pollution.

 

Indices de qualité de l’air

La nouvelle directive établit des dispositions pour rendre les indices de qualité de l’air, actuellement fragmentés dans l’ensemble de l’UE, comparables, clairs et accessibles au public. Ces indices fourniront également des informations sur les symptômes associés aux pics de pollution de l’air et sur les risques pour la santé associés à chaque polluant, y compris des renseignements adaptés aux groupes vulnérables.

 

Plans relatifs à la qualité de l’air et feuilles de route sur la qualité de l’air

Les Etats membres devront établir et mettre à jour des plans relatifs à la qualité de l’air pour les zones dans lesquelles les concentrations dans l’air ambiant des polluants visés dépassent les valeurs limites de concentration et, le cas échéant, les valeurs cibles pour l’ozone. Ces plans relatifs à la qualité de l’air sont obligatoires pour les Etats membres en dépassement.

Par ailleurs, tous les États membres devront élaborer d’ici le 31 décembre 2028 des feuilles de route sur la qualité de l’air qui définissent des mesures à court et à long terme pour se conformer aux nouvelles normes (valeurs limites et le cas échéant les valeurs cibles) pour 2030.

 

Prochaines étapes

Le texte final doit maintenant être formellement adopté par l’autre co-législateur, le Conseil de l’UE avant d’être publié au JOUE. Il entrera en vigueur 20 jours après la date de publication. Les Etats membres auront alors deux ans pour transposer en droit national les dispositions législatives, réglementaires et administratives de la nouvelle directive.

 

En savoir plus

Communiqué du Parlement européen

Texte de compromis final sur la proposition de directive tel qu’adopté par le Parlement européen (en français)

Parlement européen : Revision of EU air quality legislation – setting a zero pollution objective for air, Briefing (note d’analyse), avril 2024

La page du site de la DG Environnement dédiée à la problématique « air »

La page du site de la DG Environnement dédiée spécifiquement à la qualité de l’air (qui comporte une section sur la révision de la directive 2008/50/CE).

 

La proposition de directive révisant la directive 2008/50/CE

Aujourd’hui, la législation européenne en matière de qualité de l’air est constituée de quatre actes législatifs dont deux directives qui établissent les règles de surveillance, de gestion et d’évaluation de la qualité de l’air pour les 12 polluants réglementés, y compris les normes de qualité de l’air qui leur sont applicables (valeurs limites de concentration, valeurs cibles, objectifs de qualité,…) :

  • directive 2008/50/CE a fixé les normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration) pour huit polluants dits réglementés (SO2, NO2, PM10, PM2,5, CO, benzène, plomb et ozone). Ces normes ont été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002) ;
  • directive 2004/107/CE (arsenic, cadmium, nickel et HAP (benzo[a]pyrène ou B[a]P)).

 

Ces normes de qualité de l’air (et surtout les valeurs limites de concentration, VLC), aujourd’hui en vigueur dans l’UE, ont donc été définies il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2004).

La proposition de la Commission du 26 octobre 2022 (lire notre article) (réf. COM(2022) 542 final et étude d’impact) révise et fusionne les deux directives précitées et a pour objectif d’aligner plus étroitement les normes de l’UE en matière de qualité de l’air sur les valeurs-guides (lignes directrices ou guidelines) de l’Organisation mondiale de la santé (lire notre article).

 

Plus spécifiquement, la proposition visait :

  • à fixer des normes de qualité de l’air intermédiaires pour 2030, « mieux alignées avec les valeurs-guides de l’OMS», sans toutefois atteindre leur niveau ;
  • à mettre l’UE sur une trajectoire pour atteindre « zéro-pollution » au plus tard en 2050 (lire notre article), en synergie avec la politique climat vers la neutralité carbone à cette même échéance ;
  • à effectuer un réexamen régulier des normes de qualité de l’air pour les réévaluer au regard des dernières avancées scientifiques et technologiques ;
  • à baisser de plus de moitié la valeur limite annuelle de concentration des particules fines (PM2,5). A titre d’exemple, la Commission proposait que la valeur limite annuelle des PM2,5 passe de 25 µg/m³ [valeur actuelle en vigueur] à 10 µg/m³ en 2030 (soit l’ancienne valeur guide de l’OMS de 2005 et non pas la nouvelle qui est de 5 µg/m³ depuis le 21 septembre 2021) ;
  • à ajouter une valeur limite journalière de concentration pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m³ à ne pas dépasser plus de 18 fois par an (à noter que la valeur guide de l’OMS de 2021 est de 15 µg/m3) ;
  • à ce que les personnes souffrant d’impacts sanitaires de la pollution de l’air puissent avoir droit à une indemnisation, lorsque les règles de qualité de l’air de l’UE ne sont pas respectées ;
  • à ce que les recours en justice, les sanctions effectives et l’information publique soient clarifiés ;
  • à renforcer le rôle des administrations locales pour le suivi et la modélisation de la qualité de l’air.

 

La proposition de directive a été soumise aux deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) pour examen et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire, prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 289 et 294).

Le Conseil de l’UE est parvenu à une orientation générale (position commune) sur la proposition de directive le 9 novembre 2023.

Les deux co-législateurs (Conseil de l’UE et Parlement européen) sont parvenus à un accord politique provisoire le 20 février 2024. Le texte de compromis qui en a résulté a été approuvé par le Comité des représentants permanent (Coreper) le 8 mars 2024 et approuvé par la Commission Environnement du Parlement européen le 11 mars 2024. 

 

 

Justice climatique : dans un arrêt « historique », la Cour européenne des droits de l’homme condamne la Suisse pour son action climat insuffisante

Le 9 avril 2024, dans un jugement qualifié d’« historique » par de nombreux observateurs (voir plus loin) pour la justice climatique, la Cour européenne des droits de l’homme ou CEDH (voir encadré ci-dessous) a condamné la Suisse pour son action climat insuffisante suite à une requête introduite par l’association de femmes seniors suisses pour le climat (Verein KlimaSeniorinnen Schweiz) et par quatre femmes suisses à titre individuel. Ainsi, dans cette affaire, la CEDH a statué pour la première fois en matière de changement climatique, en reliant de ce fait le climat aux droits de l’homme. Cet arrêt pourrait constituer un précédent juridique pour de futures requêtes internationales.

 

Cour européenne des droits de l’homme et Convention européenne des droits de l’homme

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

Instituée en 1959 et basée à Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH ou European Court of Human Rights, ECHR, en anglais) est une juridiction internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme (voir plus loin).

Depuis 1998, la CEDH siège en permanence et peut être saisie directement par les particuliers. Elle a examiné des centaines de milliers de requêtes depuis sa création. Ses arrêts, qui sont contraignantes pour les Etats concernés, conduisent les gouvernements à modifier leur législation et leur pratique administratives dans de nombreux domaines (source : CEDH).

A noter que les arrêts de la CEDH ne permettent ni d’annuler, ni de modifier automatiquement les décisions prises par les juridictions françaises mais ils peuvent entraîner un réexamen des décisions émanant des juridictions nationales (source : vie-publique.fr).

La CEDH est le bras judiciaire du Conseil de l’Europe (principale organisation de défense des droits humains du continent, créé le 5 mai 1949). Ainsi, elle veille au respect des droits de l’homme de 700 millions d’européens dans les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont ratifié la Convention européenne des droits de l’homme (source : CEDH).

 

La Convention européenne des droits de l’homme

La Convention européenne des droits de l’homme est un traité international en vertu duquel les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe garantissent les droits fondamentaux, civils et politiques, non seulement à leurs ressortissants, mais aussi à toutes les personnes relevant de leur juridiction. Adoptée le 4 novembre 1950 à Rome, la Convention est entrée en vigueur en 1953. La Convention garantit notamment :

  • le droit à la vie (article 2),
  • le droit à un procès équitable (article 6),
  • le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8),
  • la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9),
  • la liberté d’expression (article 10).

 

L’article 46 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que les arrêts rendus par la CEDH ont une « force contraignante » et doivent donc être exécutés par les Etats qui sont parties : « 1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties« .

 

A noter enfin que la Convention n’établit pas de dispositions explicites relatives à l’environnement ou au changement climatique. Cependant, un groupe de travail sur l’environnement, le Comité directeur pour les droits humains (CDDH-ENV), a été mis en place en avril 2021 au sein du Conseil de l’Europe. Il a élaboré une recommandation non-contraignante (réf. recommandation CM/Rec(2022)20) aux États membres sur les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Le Comité des Ministres reconnaît que « les mesures pour faire face à la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de biodiversité et de la pollution sont essentielles à une meilleure jouissance des droits de l’homme » et que « la vie et le bien-être sur notre planète dépendent de la capacité collective de l’humanité à garantir à la fois les droits de l’homme et un environnement propre, sain et durable pour les générations actuelles et futures ». Des discussions ont été menées de façon informelle sur la question de reconnaître le droit à un environnement sain dans le cadre du Conseil de l’Europe et de ses 46 Etats membres. Elles n’ont, pour l’instant, pas abouti à des propositions concrètes (par exemple via une proposition de protocole à la Convention en ce sens (source : Climate Home News, « Pressure builds on Council of Europe to put right to healthy environment in law », 3 mai 2023).

 

Bref historique de la requête

Dans cette affaire (réf. n° 53600/20), la première requérante est l’association de droit suisse, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, qui a été créée pour promouvoir et mettre en œuvre des mesures effectives de protection du climat pour le compte de ses membres, à savoir plus de 2 500 femmes âgées de 64 ans et plus. Les autres requérantes sont quatre femmes, toutes adhérentes de l’association et âgées de plus de 80 ans, qui se plaignent de problèmes de santé exacerbés lors des vagues de chaleur, affectant considérablement leur vie, leurs conditions de vie et leur bien-être. La plus âgée des quatre, née en 1931, est décédée au cours de la procédure devant la CEDH. Le premier recours des requérantes (saisine du Conseil fédéral suisse) remonte au 25 novembre 2016.

 

Premier grief : violation des articles 2 et 8

Les requérantes considèrent que les autorités suisses, malgré les obligations que leur impose la Convention européenne des droits de l’homme (voir encadré ci-dessus), ne prennent pas des mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique. Plus précisément, les requérantes se plaignent de divers manquements des autorités suisses relativement à l’atténuation du changement climatique qui, selon-elles, ont des conséquences négatives sur leur vie, leurs conditions de vie et leur santé. Elles reprochent à la Confédération suisse d’avoir manqué à l’obligation que lui impose la Convention européenne des droits de l’homme de protéger de manière effective la vie (article 2) et d’assurer le respect de leur vie privée et familiale, y compris de leur domicile (article 8). À cet égard, elles prétendent que l’État n’a pas adopté une législation appropriée, ni mis en place des mesures adéquates et suffisantes pour atteindre les objectifs nationaux suisses en matière de lutte contre le changement climatique, comme le prévoient ses engagements internationaux.

 

Deuxième grief : violation de l’article 6 § 1

Elles affirment en outre n’avoir pas eu accès à un tribunal au sens de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, soutenant que les juridictions suisses n’ont pas répondu de manière adéquate à leurs demandes et ont rendu des décisions arbitraires et attentatoires à leurs droits civils, en ce qui concerne le manquement de l’État à prendre les mesures nécessaires pour faire face aux effets néfastes du changement climatique.

 

Troisième grief : violation de l’article 13

Enfin, les requérantes se plaignent d’une violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un recours effectif), soutenant qu’elles n’avaient pas disposé d’un recours interne effectif relativement à leurs griefs tirés des articles 2 et 8 de la Convention.

 

Suite des évènements après la saisine de la CEDH

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 26 novembre 2020. Le 17 mars 2021, elle a été communiquée au gouvernement suisse, assortie de questions posées par la CEDH. Par ailleurs, la chambre a décidé de réserver à cette requête un traitement prioritaire, comme le permet l’article 41 du règlement de la CEDH.

Une audience s’est déroulée en public le 29 mars 2023.

 

L’arrêt de la CEDH et ses motifs

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges (dont le Français Mattias Guyomar). Cet arrêt est définitif, c’est-à-dire qu’il n’est pas susceptible d’appel. Dans son arrêt, la CEDH souligne, à la majorité de seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, et, à l’unanimité, violation de l’article 6 § 1 (accès à un tribunal).

 

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme

Aux termes de l’article 8.1, « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». La CEDH juge indirectement, même si le sujet de l’environnement ou du climat n’est pas explicitement évoqué à l’article 8 de la Convention, que celui-ci consacre un droit à une protection effective, par les autorités de l’État, contre les effets néfastes graves du changement climatique sur la vie, la santé, le bien-être et la qualité de vie. Dans ce contexte, le devoir primordial d’un État qui est partie à la Convention est d’adopter, et d’appliquer concrètement, une réglementation et des mesures aptes à atténuer les effets actuels et futurs, potentiellement irréversibles, du changement climatique. Cette obligation découle du lien de causalité existant entre le changement climatique et la jouissance des droits garantis par la Convention, et du fait que l’objet de la Convention, instrument de protection des droits de l’homme, appelle à interpréter et appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les garanties concrètes et effectives. La CEDH souligne qu’elle n’est compétente que pour interpréter les dispositions de la Convention et de ses Protocoles. Elle note toutefois que, conformément aux engagements internationaux pris par les États membres, spécifiquement au titre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et de l’Accord de Paris, et étant donné les informations scientifiques incontestables fournies, en particulier, par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), les États doivent mettre en place la réglementation et les mesures nécessaires pour prévenir une augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère et une élévation de la température moyenne de la planète à des niveaux qui pourraient avoir des répercussions graves et irréversibles sur les droits de l’homme protégés par l’article 8. Le respect effectif de ces droits exige des États qu’ils prennent des mesures pour réduire leurs niveaux d’émission de GES afin d’atteindre la neutralité climatique (zéro émission nette), en principe au cours des trois prochaines décennies. À cet égard, il faut que les États mettent en place des objectifs et calendriers pertinents, lesquels doivent faire partie intégrante du cadre réglementaire interne et servir d’assise aux mesures d’atténuation.

La CEDH conclut que la Confédération suisse a manqué aux obligations que la Convention lui imposait, découlant de l’article 8, d’élaborer et d’adopter un cadre réglementaire fixant les objectifs requis en matière de lutte contre le changement climatique. Le processus de mise en place du cadre réglementaire interne pertinent a comporté de graves lacunes, notamment un manquement des autorités suisses à quantifier, au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, la Suisse n’a pas atteint ses objectifs nationaux passés de réduction des émissions de GES. Tout en reconnaissant que les autorités nationales jouissent d’une importante marge d’appréciation quant à l’application d’une législation et de mesures, la CEDH constate que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile et de manière appropriée afin de concevoir, élaborer et mettre en œuvre la législation et les mesures pertinentes.

 

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme

La CEDH estime dans son arrêt que l’article 6 § 1 de la Convention s’applique au grief de l’association requérante qui concerne la mise en œuvre effective des mesures d’atténuation prévues par le droit interne en vigueur. Elle constate que les juridictions suisses n’ont pas expliqué de façon convaincante pourquoi elles ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé des griefs de l’association requérante. Selon la CEDH, ces juridictions n’ont pas tenu compte des données scientifiques incontestables concernant le changement climatique et n’ont pas pris au sérieux les griefs formulés.

 

L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme

La CEDH estime que les requérants n’ont pas de grief défendable sous l’angle de l’article 13 et que celui qu’elles ont présenté est incompatible avec les dispositions de la Convention et doit être rejeté en application de l’article 35 § 4 de la Convention.

 

L’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme

Enfin, constatant cependant que les quatre requérantes individuelles ne remplissent pas les critères relatifs à la qualité de victime aux fins de l’article 34 de la Convention, la CEDH déclare leurs griefs irrecevables. Elle considère en revanche que l’association requérante, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, est habilitée à agir en justice face aux menaces liées au changement climatique au sein de l’État défendeur, pour le compte de personnes souhaitant faire valoir de manière défendable que leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie tels que protégés par la Convention se trouvent exposés à des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au phénomène en question.

 

Reconnaissance des travaux scientifiques du Giec

Pour parvenir aux conclusions dans son arrêt à l’encontre de la Suisse, la CEDH s’appuie sur des études et rapports établis par des organes internationaux compétents au sujet d’impacts environnementaux sur les individus. Spécifiquement sur la question du changement climatique, la CEDH souligne l’importance particulière des rapports établis par le Giec et la méthodologie exhaustive et rigoureuse utilisée pour les réaliser. En citant les rapports du Giec et la grande qualité de ces travaux, l’arrêt reconnaît à plusieurs endroits la réalité scientifique du risque climatique. Cet arrêt confirme donc l’importance, la pertinence et la portée des rapports d’évaluation du Giec, et par extension, le consensus scientifique sur le changement climatique, ses impacts graves sur la santé humaine et le fait que l’enjeu climatique relève de l’urgence.

 

Prochaines étapes et mécanisme de suivi

Tout État défendeur reconnu responsable d’une violation de la Convention européenne des droits de l’homme est tenu de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres (l’instance de décision du Conseil de l’Europe), les mesures générales et/ou, le cas échéant, individuelles à inscrire dans son cadre juridique interne afin de mettre un terme à la violation constatée par la CEDH et de redresser la situation. Dans certaines affaires, la Cour a jugé utile d’indiquer le type de mesures, individuelles et/ou générales, que l’État concerné pourrait prendre pour mettre fin au problème à l’origine du constat de violation.

En l’espèce, étant donné la complexité et la nature des questions en jeu, la CEDH constate qu’elle ne saurait se montrer précise ou prescriptive quant aux mesures à mettre en œuvre pour se conformer de manière effective à son arrêt du 9 avril 2024. Compte tenu de la marge d’appréciation qui est accordée à l’État dans le domaine en question, elle estime que la Confédération suisse, avec l’assistance du Comité des Ministres (voir paragraphe précédent), est mieux placé qu’elle pour déterminer précisément les mesures à prendre. C’est donc au Comité des Ministres qu’il appartient de vérifier, à partir des informations fournies par l’État défendeur, que les mesures visant à assurer que les autorités nationales se conforment aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme, telles que clarifiées dans l’arrêt, ont été adoptées.

 

 

Les deux autres affaires sur lesquelles la CEDH a statué le 9 avril 2024

Le 9 avril 2024, la Grande Chambre de la CEDH a également statué sur deux autres affaires, les jugeant irrecevables :

  • l’affaire Carême c. France concerne la plainte d’un ancien résidant et maire de la commune de Grande-Synthe (Damien Carême) qui soutient que l’action de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique est insuffisante, dénonçant à cet égard une violation de l’obligation de garantir le droit à la vie et le respect de la vie privée et familiale. La CEDH a déclaré irrecevable la requête en raison du défaut de qualité de victime du requérant selon l’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme (voir encadré ci-dessous);
  • l’affaire Duarte Agostinho et autres c. Portugal et 32 autres Etats concerne les effets actuels et les graves effets futurs du changement climatique, que les requérants attribuent aux États défendeurs, qui, selon eux, ont des effets sur leur vie, leur bien-être, leur santé mentale et les agréments de leur foyer. Quant à la juridiction extraterritoriale des États défendeurs autre que le Portugal, la CEDH a conclu au terme de son examen qu’il n’existait dans la Convention aucun fondement propre à justifier qu’elle étende la juridiction extraterritoriale de la manière demandée par les requérants. Les requérants n’ayant exercé aucune voie de droit disponible au Portugal pour faire valoir leurs griefs, il s’ensuit que le grief dirigé par les requérants contre le Portugal est également irrecevable pour non-épuisement des voies de recours nationaux. La CEDH a donc déclaré irrecevables les requêtes introduites contre le Portugal et les autres États.

 

 

Conséquences de cet arrêt en Europe

Voir encadré en fin d’article sur la hausse des contentieux climat dans le monde.

 

Sur la forme

En droit international, les arrêts de la CEDH ont une valeur contraignante et s’imposent aux Etats concernés qui doivent s’y conformer. C’est l’État en question (la Suisse en l’occurrence ici) qui est responsable de l’exécution des arrêts de la CEDH. L’État doit s’assurer que les violations de la Convention constatées par la CEDH prennent fin et qu’elles ne se reproduiront plus (source : CEDH, Questions-réponses, voir question n°37). L’arrêt du 9 avril 2024 est donc contraignant pour la Suisse.

Ni les arrêts rendus par la Grande Chambre de la CEDH, ni ses décisions d’irrecevabilité (dont celles portant sur les deux autres affaires – voir plus haut), ne peuvent faire l’objet d’appel. Ils sont donc définitifs (source : CEDH, Questions-réponses, voir question n°31).

A noter qu’en cas de non-respect de l’exécution d’un arrêt de la CEDH, aucune sanction ne sera prononcée, ni par la CEDH, ni par le Comité de Ministres du Conseil de l’Europe.  

 

Sur le fond

Avec cet arrêt, la CEDH confirme que la protection du climat constitue un droit humain.

Cet arrêt ne concerne pas uniquement la Suisse : il est de portée universelle. Il pourrait notamment faire jurisprudence dans tous les 46 Etats membres du Conseil de l’Europe qui ont les mêmes obligations en matière de droits de l’homme. L’arrêt pourrait ainsi accentuer la pression sur les Gouvernements des 45 autres Etats membres pour qu’ils renforcent leur action climat nationale. Il pourrait inciter d’autres ONG à saisir la CEDH, en introduisant des requêtes contre l’inaction climatique d’autres Etats qui sont parties à la Convention européenne des droits de l’homme, à l’instar de celle de l’association Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et ce, sur la base des principes énoncés dans l’arrêt du 9 avril 2024. Si l’arrêt renvoie la responsabilité de l’action climat directement au Gouvernement suisse il s’adresse indirectement à tous ces Etats, leur rappelle que le changement climatique menace de fait les droits humains et pas uniquement l’environnement, et leur rappelle leurs responsabilités dans l’action climat, en insistant sur leur rôle incontournable en la matière.

Des organes judiciaires nationaux (cours ou tribunaux) ont déjà relié le climat aux violations des droits de l’homme mais c’est la première fois qu’une cour internationale a statué sur la question de savoir si le manque d’action climat constitue une violation des droits de l’homme. C’est donc la première fois qu’une cour internationale dédiée à la protection des droits de l’homme a directement confirmé le droit à la protection du climat, en établissant un lien direct entre droits de l’homme et protection du climat.

 

Conséquences de cet arrêt au-delà de l’Europe

L’arrêt de la CEDH pourrait avoir un impact sur l’issue des contentieux climat en cours auprès de trois juridictions internationales :

 

Cour internationale de Justice

La Cour Internationale de Justice (CIJ) a été saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies, AGNU (cf. résolution réf. A/RES/77/276 adoptée lors de sa 77e session le 29 mars 2023) pour donner un avis consultatif sur les obligations des Etats à l’égard du changement climatique.

Concrètement, l’AGNU demande à la CIJ, par rapport notamment à la Convention Climat, à l’Accord de Paris et au principe de prévention des dommages significatifs à l’environnement :

  • quelles sont, en droit international, les obligations qui incombent aux États en ce qui concerne la protection du système climatique contre les émissions anthropiques de GES ?
  • lorsque les États, par leurs actions ou inaction, ont causé des dommages significatifs au système climatique, quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations à l’égard :
    • des États, notamment des petits États insulaires qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou particulièrement touchés par les effets néfastes des changements climatiques ou qui sont particulièrement vulnérables à ces effets ?
    • des peuples et des individus des générations présentes et futures touchés par les effets néfastes des changements climatiques ?

C’est le Vanuatu, petit Etat insulaire du Pacifique sud, au nord de la Nouvelle Calédonie, qui est à l’origine de cette initiative inédite lancée en 2019.

La CIJ devrait se prononcer sur cette requête courant 2024.

Lire notre article « Justice climatique : l’Assemblée générale de l’ONU demande un avis à la Cour Internationale de Justice sur les obligations des Etats en matière d’action climat », publié le 16 mai 2023.

 

Cour interaméricaine des droits de l’homme

Les Gouvernements du Chili et de la Colombie ont saisi le 9 janvier 2023 la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Inter-American Court of Human Rights ou I/ACHR) d’une requête d’avis consultatif concernant l’urgence climatique et les droits humains. Concrètement, ces deux Etats ont demandé à l’IACHR de clarifier la portée des obligations des États, à titre individuel et collectif (responsabilités partagées), de répondre à l’urgence climatique dans le cadre du droit international des droits de l’homme.

 

Tribunal international du droit de la mer

Le 12 décembre 2022, la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international, soutenue par Antigua-et-Barbuda et Tuvalu, a sollicité l’avis du Tribunal international du droit de la mer (International Tribunal for the Law of the Sea ou ITLOS) sur une question juridique concernant la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS – voir texte de la Convention), adoptée en 1982, et qui définit un régime de droit mondial pour les océans et les mers de la planète et établit les règles détaillées sur toutes les utilisations des océans et l’accès à leurs ressources. La question juridique posée à l’ITLOS était : Quelles sont les obligations spécifiques des États parties à l’UNCLOS, y compris au titre de la partie XII (protection et préservation du milieu marin) ?

  1. prévenir, réduire et maîtriser la pollution du milieu marin en ce qui concerne les effets délétères qui résultent ou sont susceptibles de résulter du changement climatique, y compris le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer, ainsi que l’acidification des océans, qui sont induits par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ?
  2. de protéger et de préserver le milieu marin face aux effets du changement climatique, y compris le réchauffement des océans et l’élévation du niveau de la mer, ainsi que l’acidification des océans ?

 

Réactions vis-à-vis de l’arrêt de la CEDH

Citée par Les décideurs juridiques, l’ancienne Ministre de l’Environnement, Corinne Lepage, avocate associée chez Huglo-Lepage (qui représente la commune de Grande-Synthe dans l’affaire contre le Gouvernement français pour insuffisance des mesures de réduction des émissions de GES – lire notre article), souligne l’importance de la décision : « C’est la première fois qu’une juridiction internationale reconnaît que la carence climatique d’un État porte atteinte aux droits humains. Cela avait déjà été consacré par des juridictions nationales, au Montana (Etats-Unis) ou en Allemagne (voir encadré en fin d’article), mais jamais par une juridiction internationale ».

L’arrêt de la CEDH contre la Suisse pourrait ouvrir la porte à la justice climatique, mais elle le fait à des conditions très strictes. Selon Corinne Lepage, « la Cour rappelle les conditions très rigoureuses quant à la particularité du dommage climatique et à la situation du requérant ». Pour pouvoir se prévaloir de la qualité de victime d’un grief climatique, la Cour indique dans sa décision sur la Suisse qu’il faut démontrer qu’on est « personnellement et directement touché par l’action ou l’inaction des pouvoirs publics ». Deux critères rentrent en ligne de compte : « une exposition de manière intense aux effets néfastes du changement climatique” et un “besoin impérieux d’assurer la protection individuelle du requérant ».

Corinne Lepage précise par ailleurs que “la Cour étend un peu sa jurisprudence sur la recevabilité des associations », car même si elle exclut les actions des particuliers, elle juge opportun d’autoriser une association à agir en justice « compte tenu de la nature particulière du changement climatique, sujet de préoccupation pour l’humanité tout entière, et de la nécessité de favoriser la répartition intergénérationnelle de l’effort » aux termes de l’arrêt.

La CEDH a procédé à un examen extrêmement minutieux de la politique climat menée par la Suisse pour arriver à la conclusion qu’il y avait un manquement à ses obligations en matière de climat. Selon Corinne Lepage, c’est aussi en cela que la décision est historique : la CEDH a reconnu pour la première fois que la carence climatique d’un État portait atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

(Source : Décideurs juridiques, « Justice climatique devant la CEDH : la Suisse condamnée, les requêtes françaises et portugaises rejetées », 10 avril 2024).

 

Quant à l’avocat spécialisé en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, il qualifie l’arrêt de « révolutionnaire » et « historique », notamment car il fait un pont entre droits de l’homme et changement climatique (source : tweet du 9 avril 2024). L’arrêt étend les droits de l’homme à la protection du climat. « Ce qui est fondamental, c’est que la CEDH étend les droits de l’homme à la question climatique », indique Arnaud Gossement, cité par Le Monde. Un « nouveau droit est clairement défini » : celui des individus à être protégés par les Etats contre les effets néfastes du dérèglement climatique, dont la menace est maintenant reconnue par la CEDH. Ce lien avait déjà été établi par des juridictions nationales, comme aux Pays-Bas ou en Belgique, mais jamais au niveau international (source : Le Monde, « La condamnation suisse par la CEDH, une étape « historique » dans la lutte contre le changement climatique », 11 avril 2024).

La CEDH a considéré, dans l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz, que la Suisse doit réduire davantage ses émissions de GES afin de défendre les droits de l’homme. Arnaud Gossement considère fondamental la reconnaissance du droit des individus à une protection effective des Etats contre le changement climatique, au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon lui, « le contentieux climat va s’enrichir d’une nouvelle question : celle du respect de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme mais le niveau d’exigence et de rigueur des requêtes devra être très élevé [pour qu’elles soient jugées recevables par la CEDH] et le juge national devra d’abord être saisi » (source : Arnaud Gossement cité dans actu-environnement du 9 avril 2024).

Arnaud Gossement ajoute qu’en vertu de cet arrêt, la Cour affirme que « tout Etat ne doit pas se limiter à de grands objectifs [en matière de lutte contre le réchauffement climatique et d’adaptation] mais doit se doter d’un droit complet s’agissant des moyens pour les atteindre » (source : tweet du 9 avril 2024).

 

Enfin, Laurence Burgorgue-Larsen, professeure de droit public à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, citée par Reporterre souligne que « Si elle resserre la notion de victime directe, la Cour reconnaît de l’autre côté la qualité pour agir des associations, le fait qu’elles puissent saisir la CEDH. C’est énorme et c’était loin d’être gagné d’avance. Ça ouvre la porte aux associations pour d’autres contentieux […] ». Sur le fond, donc, la CEDH acte qu’elle est compétente pour juger des enjeux climatiques, et que les responsables du dérèglement du climat, États comme entreprises, pourraient être condamnés au motif de l’atteinte aux droits humains (source : Reporterre, « Climat : pourquoi la condamnation de la Suisse est un « coup de tonnerre », 9 avril 2024).

 

En savoir plus

Communiqué de la CEDH sur l’affaire Verein KlimaSeniorinnen Schweiz contre Suisse en français et en anglais

Communiqué de la CEDH sur l’affaire Damien Carême contre France en français et en anglais

Communiqué de la CEDH sur l’affaire Duarte Agostinho contre Portugal et 32 autres Etats en français et en anglais

Arrêt de la CEDH en français

Résumé juridique de l’affaire

Questions-réponses sur l’arrêt et les décisions rendus dans les trois affaires concernant le changement climatique

CEDH : La CEDH en 50 questions, 2021

Les enjeux des trois affaires, blog d’Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement, 5 avril 2024 (donc publié avant l’arrêt et les deux décisions)

 

Forte hausse des contentieux climat dans le monde

Au niveau mondial

Au niveau mondial, le nombre de contentieux climat est en forte hausse ces dernières années. Selon le troisième rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) présentant un état des lieux des contentieux liés au climat dans le monde (Global Climate Litigation Report : 2023 Status Review), publié le 27 juillet 2023, les contentieux liés au climat sont en progression, tant en ce qui concerne le nombre d’actions en justice intentées, que le nombre de pays concernés. Ainsi, le nombre total des contentieux climatiques a plus que doublé depuis la première édition de ce rapport (2017), passant de 884 en 2017 à 1 550 en 2020 pour atteindre 2 180 en 2022.

Les contentieux climat peuvent exercer une pression sur les gouvernements pour qu’ils renforcent leur ambition et action climat. Puisque l’Accord de Paris ne prévoit pas de dispositif de sanctions juridiques à l’encontre des Etats qui ne mettent pas en œuvre leurs contributions nationales (NDC) ou qui ne respectent pas les objectifs de réduction qu’ils se sont fixés (voir p.16 de notre dossier spécial sur la COP-21), de plus en plus, la société civile (les instituts de réflexion, les ONG, les médias, les citoyens en tête) guette, suit de près et évalue en détail les NDC (qui sont en libre accès sur le site de la CCNUCC), les progrès réalisés par les Etats pour atteindre leurs objectifs et demandent des comptes à leurs Gouvernements. La transparence met en jeu la crédibilité et la réputation de chaque Etat vis-à-vis des autres Etats (pression des pairs) et vis-à-vis de l’opinion publique (pression de celle-ci). Ainsi, la pratique de montrer du doigt un pays retardataire (« name and shame« ), voire d’en faire l’objet d’une censure internationale, fait de plus en plus office de « sanction » (à défaut de sanctions juridiques) et devrait encourager les pays à respecter leurs engagements.

Lire notre article « Les contentieux liés au climat ont plus que doublé dans le monde entre 2017 et 2022 : un outil clé contre l’inaction des Etats, des collectivités et des entreprises vers la justice climatique », publié le 21 août 2024.

 

France

La France connaît surtout deux contentieux climat :

« L’affaire du siècle »

L’affaire du siècle est une action en justice portée aujourd’hui par trois ONG requérantes (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France), mettant l’Etat en cause pour inaction climatique, en particulier concernant le non-respect du premier budget carbone (2015-2018) de la SNBC-1. A cette fin, en mars 2019, elles ont saisi le tribunal administratif de Paris. C’est la première fois que la question de la responsabilité de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique était posée au juge.

Le tribunal administratif de Paris a rendu un premier jugement le 3 février 2021, condamnant ainsi l’Etat à réparer le préjudice moral des associations à hauteur d’un euro symbolique, « compte tenu des carences fautives de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés » (lire notre article).

Le 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rendu un 2e jugement enjoignant à l’Etat de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. A cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018 – valeurs ajustées en 2018), soit 15 Mt CO2e « et sous réserve d’un ajustement au regard des données estimées du Citepa au 31 janvier 2022 », soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard. Il n’assortissait pas, « à ce stade », cette injonction d’une astreinte (lire notre article).

Le 14 juin 2023, les trois organisations requérantes de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) ont déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris. Ils affirmaient ainsi que l’État n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique et demandaient donc au tribunal d’exiger de l’État qu’il prenne des mesures supplémentaires et de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (lire notre article).

Le 3 novembre 2023, les trois organisations requérantes ont remis aux juges deux nouveaux rapports visant à démontrer que les baisses d’émissions de GES mises en avant par le Gouvernement sont liées à des facteurs conjoncturels (lire notre article).

Le 22 décembre 2023, par un jugement (réf. n°2321828/4-1), le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d’astreinte présentée par les trois associations requérantes pour assurer l’exécution de son jugement rendu le 14 octobre 2021. Le nouveau jugement précise que si l’Etat n’a pas complètement réparé, à la date du 31 décembre 2022, le préjudice écologique résultant du dépassent du budget carbone pour la période 2015-2018, le rythme de réduction des émissions de GES constaté et le plafond indicatif fixé pour 2023 ne rendent pas nécessaire le prononcé de mesures d’exécution supplémentaires (mesure d’injonction ou d’astreinte).

Le 22 février 2024, s’opposant à ce dernier jugement du tribunal administratif de Paris, les trois organisations requérantes ont annoncé qu’elles allaient se pourvoir en cassation devant la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’Etat.

 

Grande-Synthe

Fin 2018, la commune de Grande-Synthe (Nord), et son maire de l’époque, Damien Carême, ont saisi le Conseil d’Etat, en déposant une requête contre le Gouvernement au motif de l’insuffisance des mesures de réduction des émissions de GES mises en œuvre pour respecter les objectifs nationaux de la France à l’horizon 2030. Le Conseil d’Etat a rendu une décision inédite le 1erjuillet 2021 (lire notre article | lire également notre dernier article sur ce sujet publié le 11 mai 2023)

 

Allemagne 

Quatre plaintes avaient été déposées par des associations environnementales, au motif que les objectifs de réduction nationaux des émissions de GES fixés (objectif de -55% entre 1990 et 2030 et trajectoire de réduction fixés dans la loi fédérale sur la protection du climat du 12 décembre 2019 (Bundes-Klimaschutzgesetz ou KSG)) ne permettait pas de lutter suffisamment contre le réchauffement climatique, en vertu de la Constitution allemande (Grundgesetz, article 20a). Dans un jugement rendu le 29 avril 2021, la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Bundesverfassungsgericht) a alors partiellement fait aboutir ces plaintes, en rejetant le 29 avril 2021, les objectifs de la loi climat en statuant que cette loi n’était « pas conforme aux droits fondamentaux » des jeunes générations, et qu’elle reportait de trop gros efforts à la période post-2030. Elle a ainsi demandé au Gouvernement de renforcer l’action pré-2030. Six jours plus tard, le 5 mai 2021, le gouvernement allemand, via le Ministre des Finances et la Ministre de l’Environnement, a annoncé, rehausser son objectif 2030 de -55% à -65%, fixer un objectif intermédiaire de -88% pour 2040 et viser la neutralité carbone dès 2045 et non plus en 2050. Un projet de loi modifiant la loi fédérale sur la protection du climat pour fixer formellement ces nouveaux objectifs de réduction (base 1990) a été présenté en Conseil des Ministres le 12 mai 2021 (lire notre article).

 

Pays-Bas 

Un groupe environnemental néerlandais, la Fondation Urgenda, et 900 citoyens néerlandais ont intenté un procès au gouvernement néerlandais pour l’obliger à faire davantage pour prévenir le changement climatique mondial. Le 24 juin 2015, le tribunal de grande instance (District Court en anglais ou Gerechtshof en néerlandais) de La Haye a ordonné à l’État néerlandais de réduire, d’ici à 2020, ses émissions de GES de 25% par rapport au niveau de 1990, estimant que l’objectif de réduction existant du Gouvernement néerlandais (-17%) était insuffisant pour que l’État apporte sa juste contribution à l’objectif mondial de +2°C. Le tribunal a conclu que l’État a le devoir de prendre des mesures de réduction en raison de « la gravité des conséquences du changement climatique et du risque élevé qu’il se produise ». Il s’agit de la première décision au monde d’un tribunal qui ordonne à un État de réduire les émissions de GES pour des raisons autres que des obligations issues d’un acte législatif ou réglementaire. Cette décision a ainsi imposé une obligation juridique au Gouvernement de réduire les émissions du pays.

Le Gouvernement néerlandais a ensuite soumis 29 motifs d’appel, suite à quoi Urgenda a introduit un appel incident.

Le 9 octobre 2018, la Cour d’appel de La Haye a confirmé le jugement du tribunal de grande instance, concluant qu’en ne réduisant pas les émissions de GES d’au moins 25 % d’ici fin 2020, le Gouvernement néerlandais agit illégalement en violation de son devoir de diligence en vertu des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). La Cour a reconnu la demande d’Urgenda au titre de l’article 2 de la CEDH, qui protège le droit à la vie, et de l’article 8 de la CEDH, qui protège le droit à la vie privée, à la vie familiale, au domicile et à la correspondance. La Cour a déterminé que le Gouvernement néerlandais a l’obligation, en vertu de la CEDH, de protéger ces droits contre la menace réelle du changement climatique.

Le 12 avril 2019, le Gouvernement néerlandais a fait appel (appel en cassation) de la décision auprès de la Cour suprême (Hoge Raad) des Pays-Bas qui a examiné l’appel le 24 mai 2019. Le 13 septembre 2019, l’avocat et le procureur général (des officiers judiciaires indépendants) ont émis un avis formel recommandant à la Cour suprême de confirmer la décision.

Le 20 décembre 2019, la Cour suprême des Pays-Bas a confirmé la décision au regard des articles 2 et 8 de la CEDH.

Voir les étapes clés de ce recours en plus grand détail (source : base de données du Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment).

 

Belgique

Le 17 juin 2021, le tribunal de 1ère instance en Belgique a jugé que l’État fédéral belge n’a pas agi de manière suffisamment prudente et diligente concernant la lutte contre le changement climatique et qu’il a dès lors enfreint l’article 1382 du Code civil sur le devoir de diligence responsable (voir jugement). Le tribunal a également considéré que les droits à la vie et à la vie privé des plaignants, protégés par les articles 2 et 8 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), étaient violés. Cependant, et au nom du principe de la séparation de pouvoirs, le tribunal a estimé qu’il n’était pas de sa compétence d’enjoindre au gouvernement d’agir de manière concrète (source : IDDRI, 30 juin 2021).

 

En savoir plus

  • PNUE (2023). Global Climate Litigation Report: 2023 Status Review. 27 juillet 2023. Consulter le communiqué et le rapport
  • Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment/Columbia Law School/Centre for Climate Change Economics and Policy (2021). Global Trends in Climate Change Litigation : 2023 snapshot. 29 juin 2023. Consulter le communiqué, les messages clés, le rapport et la présentation(slides)

 

 

 

 

 

SEQE-UE : guide du Citepa pour faciliter la demande d’allocation de quotas à titre gratuit

Le Citepa a élaboré un guide de lecture du fichier de demande d’allocation de quotas à titre gratuit pour la période [2026-2030] dans le cadre de la 4ème période du SEQE-UE (le « NIM 2024 »), en collaboration avec la Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC). Le « NIM 2024 » doit être transmis par les exploitants concernés avant le 30 mai 2024. Ce guide a pour objectifs de fournir les clés de compréhension des nouveautés règlementaires et des attendus pour la collecte des données en vue de la seconde période d’allocation [2026-2030], de faciliter le remplissage du fichier « NIM 2024 » par les exploitants et de faciliter l’instruction des dossiers par l’autorité compétente. Il s’attache à présenter le formulaire révisé NIM 2024 en détaillant les nouveautés par rapport aux règles d’allocation de la période [2021-2025]. Des illustrations de ce formulaire sont présentées tout au long du guide, ainsi que des liens vers les textes réglementaires et guides de la Commission européenne.

Le guide de lecture est disponible sur le site « Marchés du carbone » du MTECT.

 

SEQE : publication des données vérifiées des émissions de GES pour 2023 (données provisoires)

La Commission européenne a rendu publiques, le 3 avril 2024, les données vérifiées provisoires des émissions de gaz à effet de serre déclarées pour 2023 des installations visées par le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre (GES) dans l’UE-27 (+ Norvège, Liechtenstein et Islande, soit UE-27+3). A ce stade, il s’agit de données vérifiées mais qui restent brutes, incomplètes et donc préliminaires.

La Commission devrait publier d’ici le 15 mai 2024 les données définitives relatives à 2023.

 

Les émissions de GES visées par le SEQE, tous secteurs confondus

D’après la Commission, les émissions de GES des installations fixes (installations de production d’électricité et de chaleur, et industrie manufacturière) et des exploitants aériens (vols des compagnies aériennes à destination et en provenance des pays de l’Espace économique européen (EEE) et vols à destination de la Suisse et du Royaume-Uni[1] visés par le SEQE ont connu une baisse de 15,5% en 2023 par rapport aux niveaux de 2022. Il s’agit de la baisse la plus forte enregistrée depuis le lancement du SEQE en 2005. Les émissions de GES de ces deux grands secteurs relevant du SEQE se situent désormais à un niveau de 47% en dessous des niveaux de 2005, et sont donc en bonne voie pour atteindre l’objectif de l’UE de -62% d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2005 – lire notre article et voir considérant (39) de la directive (UE) 2023/959 du 10 mai 2023 modifiant la directive Quotas de base 2003/87/CE).

 

Les émissions de GES du secteur de la production d’électricité

La Commission souligne que le moteur principal de cette forte baisse entre 2022 et 2023 est la décarbonation du secteur de la production de l’électricité. Ses émissions de GES ont ainsi diminué de 24% en 2023 par rapport aux niveaux de 2022. Cette baisse s’explique par une hausse importante de la production d’électricité d’origine renouvelable (essentiellement via les énergies éolienne et solaire) et une baisse de celle à base de charbon et de gaz. La Commission note par ailleurs que du fait des conditions météorologiques plus favorables, la production d’électricité d’origine hydraulique et nucléaire a également contribué à cette baisse d’émissions de GES, bien que dans une moindre mesure.

 

Les émissions de GES du secteur de l’industrie manufacturière

La Commission observe une réduction d’environ 7% du secteur de l’industrie manufacturière en 2023 par rapport aux niveaux de 2022. Cette réduction est liée à la fois à une diminution de la production manufacturière et à des gains en matière d’efficacité énergétique, principalement dans deux sous-secteurs : les cimenteries et la sidérurgie.

 

Les émissions de GES de l’aviation

Contrairement à l’évolution observée dans les deux grands secteurs d’installations fixes visées par le SEQE (voir les deux paragraphes précédents), les émissions de GES du secteur de l’aviation, elles, ont augmenté d’environ 10% en 2023 par rapport à 2022. Cela s’explique par la poursuite de l’effet rebond à la suite de l’effondrement du trafic aérien pendant la pandémie de Covid-19.

 

En savoir plus

Communiqué de la Commission du 3 avril 2024

Voir la page du site de la DG CLIM (rubrique Documentation > Phase IV (2021-2030) > Reports, vers le bas de la page) où est téléchargeable le fichier Excel avec les émissions vérifiées de GES des installations du SEQE en 2023 (données brutes) « Verified emissions for 2023 »)

Lire l’analyse de Carbon Pulse (payante).

 

 

[1] Les vols en provenance de la Suisse ou du Royaume-Uni vers l’EEE ne sont pas soumis au SEQE-UE : la Suisse dispose de son propre système SEQE suisse (CH-ETS) bien que celui-ci soit couplé à celui de l’UE. Les vols au départ de la Suisse sont pris en compte dans le système national CH-ETS. De même, les vols au départ du Royaume-Uni vers l’EEE sont soumis au système du Royaume-Uni (UK-ETS), qui s’applique aux exploitants aériens pour les vols décollant du Royaume-Uni vers le Royaume-Uni et vers l’EEE (source : MTE, Section Information sur le champ géographique d’application pour le SEQE-UE Aviation).

 

Villes et climat : le label européen « Villes neutres pour le climat » décerné à 23 villes, dont Lyon et Marseille

Le 21 mars 2024, la Commission européenne a annoncé que 23 villes en Europe (dont deux en France) ont obtenu le label de la mission de l’UE «100 villes neutres pour le climat et intelligentes» (voir encadré ci-dessous). Cette mission vise à aider les villes européennes à devenir neutres pour le climat afin d’améliorer la qualité de l’air, de rendre les transports plus sûrs et de réduire la congestion routière et la pollution sonore.

 

Mission de l’UE : villes neutres pour le climat et intelligentes

Cette mission fait partie des cinq missions qui relèvent du programme de recherche et innovation Horizon Europe pour la période 2021-2027. Une deuxième mission porte sur l’adaptation (Adaptation au changement climatique : soutenez au moins 150 régions et communautés européennes pour qu’elles deviennent résilientes au changement climatique d’ici 2030).

 

Ces missions visent à apporter des solutions concrètes aux cinq problématiques sur lesquelles elles portent. Elles viennent soutenir les priorités de la Commission européenne, et notamment, en ce qui concerne l’environnement, le pacte vert pour l’Europe (Green Deal – lire notre dossier de fond).

 

Les missions de l’UE constituent un effort coordonné de la Commission pour mettre en commun les ressources nécessaires en termes de politiques et de réglementations, ainsi que d’autres activités sur le terrain. Elles visent également à mobiliser et à activer les acteurs publics et privés, tels que les États membres de l’UE, les autorités régionales et locales, les instituts de recherche, les agriculteurs et les gestionnaires des terres, les entrepreneurs et les investisseurs, afin de créer un impact concret et durable, et d’adopter de nouvelles solutions et approches.

 

Le label reconnaît les plans conçus par des villes pour parvenir à la neutralité climatique dès 2030 (alors que l’objectif pour l’ensemble de l’UE et d’y parvenir d’ici 2050 – lire notre article) et a pour but de faciliter l’accès aux financements publics et privés en vue de la réalisation de cet objectif. La Commission souligne que le label d’une mission de l’UE est une étape essentielle dans les travaux des villes. Il atteste ainsi la bonne élaboration des « Climate City Contracts » (contrats « ville climat »), qui rendent compte de la vision globale des villes en matière de neutralité climatique. Ces contrats « ville climat » constituent l’élément central de la mission que chaque ville participante essaie d’élaborer et de mettre en œuvre. Ils comprennent :

  • une partie dédiée aux principaux engagements,
  • un plan d’actions en matière de neutralité climatique,
  • une stratégie d’investissement en faveur de la neutralité climatique.

Ces contrats sont créés par les villes en collaboration avec les acteurs locaux, y compris le secteur privé et les citoyens, avec l’appui de la plateforme Mission Cities pour la mise en œuvre de la mission (gérée par le projet NetZeroCities).

Les 23 villes ayant reçu ce label le 21 mars 2024 sont : Ioánnina, Kalamata, Kozáni, Thessalonique (Grèce), Heidelberg (Allemagne), Louvain (Belgique), Espoo, Lahti, Lappeenranta, Tampere, Turku (Finlande), Barcelone, Séville (Espagne), Pécs (Hongrie), Malmö (Suède), Guimarães, Lisbonne (Portugal), Florence, Parme (Italie), Marseille, Lyon (France), Limassol (Chypre) et Izmir (Turquie).

Un nouveau soutien sera notamment octroyé par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement (BEI). La Commission et la BEI ont annoncé, le 21 mars 2024, un accord visant à compléter les services de conseil financier proposés spécifiquement par la BEI aux villes qui participent à la mission de l’UE, et notamment à celles qui ont reçu le label d’une mission de l’UE. Des services tels que le mécanisme européen d’assistance technique pour les projets énergétiques locaux (ELENA) et l’assistance conjointe à la préparation de projets dans les régions européennes (JASPERS) sont complétés par un financement de près de 19 M€, qui sera accessible aux villes participant à la mission par l’intermédiaire d’un point de contact central à la BEI.

La Commission indique que courant 2024, elle lancera la plateforme « Cities Mission Capital Hub ». Cette initiative aidera les villes ayant reçu le label d’une mission de l’UE à préparer des projets d’investissement, leur fournira des conseils impartiaux en ce qui concerne les meilleures solutions de financement, en étroite collaboration avec les services de conseil existants, et les mettra en relation avec des investisseurs. Cette plateforme devrait également établir, à partir des stratégies d’investissement des villes, une série concrète de besoins en produits et en services par secteur, afin que l’industrie puisse mieux évaluer la demande et que les grandes et petites entreprises de l’UE renforcent leur compétitivité.

A noter que les premières villes avaient soumis leur « contrat ville climat » à la Commission au printemps 2023. Le 12 octobre 2023, la Commission avait décerné le label à une première série de 10 villes : Sønderborg (Danemark), Mannheim (Allemagne), Madrid, Valence, Valladolid, Vitoria-Gasteiz et Saragosse (Espagne), Klagenfurt (Autriche), Cluj-Napoca (Roumanie) et Stockholm (Suède).

Enfin, la Commission s’attend à ce qu’une trentaine de contrats « ville climat » supplémentaires soient soumis pour examen en avril 2024.

 

Villes et climat : le Giec prévoit de publier un rapport spécial en 2027

Dans le cadre de son 7e cycle d’évaluation (2023-2029), le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit de publier en 2027 un rapport spécial sur le climat et les villes. Un rapport spécial du Giec est un rapport portant sur une question ou un sujet spécifique, tel que celui sur le réchauffement à +1,5°C, publié le 8 octobre 2018 (lire notre dossier de fond). Ce futur rapport spécial sur le climat et les villes avait été décidé lors de sa 43e session (avril 2016) et reconfirmé lors de sa 60e session (16-20 janvier 2024 à Istanbul), laquelle a lancé concrètement le 7e cycle d’évaluation et a défini le programme et la structure scientifiques des travaux à réaliser pour ce nouveau cycle.

 

 

En savoir plus

Communiqué de la Commission du 21 mars 2024

Fiche d’information de la Commission du 28 février 2024 : « Cities on a journey to climate neutrality »

Autres sources utiles

C40 Cities

Energy Cities

ICLEI – Local Governments for Sustainability