Le 24 janvier 2019, la Commission a demandé à la France et à la Suède [car alors sans gouvernement] , d’aligner leur réglementation en matière de qualité de l’air sur la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant. Selon la Commission, la France et la Suède présentent des lacunes en ce qu’elles n’ont pas transposé plusieurs dispositions de la directive dans leur réglementation nationale, notamment l’obligation de prendre des mesures appropriées pour écourter le plus possible les périodes de dépassement des normes de qualité de l’air (article 23 – voir encadré ci-dessous ).
Les périodes de dépassement
La directive 2008/50/CE ( article 23 ) prévoit que, lorsque dans une zone ou agglomération donnée, les concentrations de polluants dépassent la valeur limite ou la valeur cible fixée aux annexes XI [SO 2 , NO 2 , PM 10 , CO, plomb, benzène] et XIV [PM2,5], majorée de toute marge de dépassement autorisée, les états membres (EM) sont tenus d’établir des plans relatifs à la qualité de l’air pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante.
Ces plans doivent prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Le contenu minimal de ces plans est fixé en annexe ( annexe XV, section A et article 24 ) . Les EM concernés devaient soumettre ces plans à la Commission le plus rapidement possible, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.
La Commission a donc adressé des lettres de mise en demeure [première étape de la procédure d’infraction formelle – voir encadré ci-dessous] à la France et à la Suède. Celles-ci disposent de deux mois pour répondre aux arguments de l’exécutif européen. A défaut, la Commission pourrait décider de leur adresser un avis motivé [2e étape] .
La procédure d’infraction de l’UE : modalités générales
En tant que “gardienne” des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).
En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE ( article 258 ) , la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :
PM 10 et NO 2 : procédures d’infraction contre la France
Deux autres procédures d’infraction ont été engagées contre la France et ce, pour non-respect des valeurs limites de concentration (VLC) :
Le 17 mai 2018, la Commission européenne a saisi la CJUE contre la France et cinq autres Etats membres (lire notre article sur ce sujet) pour :
Ces procédures sont toujours en cours d’instruction.
(1) Voir ED n°168 p.I.119.
Le 29 octobre 2018, l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) a publié son bilan annuel 2018 de la qualité de l’air en Europe. Ce rapport, qui couvre la période 2000-2016, évalue les progrès accomplis par les Etats membres vers le respect des normes en matière de qualité de l’air fixées par les directives 2008/50/CE(1) et 2004/107/CE(2). Il fournit également les derniers résultats et estimations concernant les impacts de la pollution de l’air sur la santé humaine et les écosystèmes. Le rapport couvre les polluants suivants : PM10, PM2,5, ozone (O3), NO2, benzo[a]pyrène (B[a]P), SO2, CO, métaux lourds et benzène.
PM10 et PM 2,5 : en 2016, dans une grande partie de l’UE, les concentrations de ces deux polluants continuent de dépasser, d’une part, les valeurs limites de concentration (VLC) journalières [fixées par les deux directives précitées] et, d’autre part, les valeurs guides pour la qualité de l’air (AQG) fixées par l’OMS [Organisation Mondiale de la Santé].
Pour les PM10, 19% des stations de mesure ont enregistré des concentrations au-dessus de la VLC journalière [50 µg/m3] en 2016 dans 27 pays européens dont 19 Etats membres (EM) [y compris la France]. 97% de ces stations étaient soit de type urbain (87%), soit périurbain (10%). La valeur guide annuelle de l’OMS pour les PM10 [20 µg/m3], elle, a été dépassée en 2016 à 48% de toutes les stations de mesure [situées dans 35 des 39 pays européens couverts (dont la France)].
Quant aux PM2,5, en 2016, des dépassements de la VLC annuelle [25 µg/m3] ont été relevés dans 5% des stations de mesure dans huit pays européens dont quatre EM [Croatie, Italie, République tchèque, Pologne]. Dans 97% des cas, ces dépassements ont eu lieu dans les zones urbaines ou périurbaines. La valeur guide annuelle de l’OMS pour les PM2,5 [10 µg/m3] a été dépassée en 2016 à 68% de toutes les stations de mesure [situées dans 32 des 37 pays européens couverts (dont la France)].
Ozone (O3) : en 2016, 17% des stations de mesure ont enregistré des dépassements de la valeur cible pour la protection de la santé [120 µg/m3 (maximum journalier de la moyenne sur 8h, à ne pas dépasser plus de 25 jours/an)] et ce, dans 19 pays européens dont 14 EM [y compris la France]. En 2015, le pourcentage était de 41% et de 11% en 2014, ce qui reflète la forte variabilité interannuelle des concentrations d’O3. NO2 : 12% des stations de mesure ont observé des dépassements de la VLC annuelle [40 µg/m3] en 2016 dans 23 pays européens dont 19 EM [y compris la France]. 88% de ces dépassements ont été relevés dans les stations à proximité du trafic routier.
L’AEE a estimé le pourcentage de la population urbaine de l’UE exposée, sur la période 2014-2016, aux concentrations de six polluants [dont les PM10, les PM2,5 et l’O3] supérieures aux normes fixées par la directive 2008/50/CE et l’OMS). Lesdonnées pour ces trois polluants figurent dans le tableau suivant :
a : VLC contraignante (article 16, annexe XIV.E) b: VLC contraignante (article 13, annexe XI.B) c: VLC contraignante (article 17, annexe VII.B).
Source : AEE, 29/10/2018 (p.7).
Sur la base des VLC de l’UE, entre 13 et 19% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC journalière pour les PM10 a été dépassée sur la période 2014-2016. Sur la base des valeurs guides de l’OMS, ce pourcentage atteint entre 42 et 62%.
Quant aux PM2,5, si seulement 6 à 8% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC annuelle a été dépassée sur 2014-2016, ce pourcentage atteint 74 à 85% sur la base de la valeur guide de l’OMS.
En 2016, le pourcentage de la population urbaine de l’UE exposée aux concentrations dépassant les VLC et les valeurs guides de l’OMS a été le plus faible depuis 2000 pour les PM10 et depuis 2006 pour les PM2,5, ce qui indique donc une tendance à la baisse.
Enfin, pour l’O3, la quasi-totalité de la population urbaine de l’UE (95 à 98%) habite dans les zones où la valeur guide de l’OMS est dépassée, pourcentage qui n’a guère évolué depuis 2000.
(1) Voir ED n°168 p.I.119. (2) Voir ED n°154 p.I.187.
Le 30 janvier 2019, un rapport conjoint sur la qualité de l’air, coordonné par les Cours des comptes des Pays-Bas et de la Pologne, a été publié. Le rapport conjoint est une synthèse de 16 audits réalisés par la Cour des comptes européenne (CCE – voir encadré ci-dessous) et les Cours des comptes nationales de 15 pays [dont huit états membres de l’UE]. Les 15 pays concernés sont : Albanie, Bulgarie, Espagne, Estonie, Géorgie, Hongrie, Israël, Kosovo, Moldavie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Suisse et la République de Macédoine du Nord.
L’objet de l’audit conjoint était de déterminer si les Gouvernements nationaux de ces 15 pays mettent en œuvre des actions visant à améliorer la qualité de l’air. L’audit conjoint a mis en exergue de forts contrastes entre les 15 pays : d’un côté, l’Estonie qui respecte toutes les normes de qualité de l’air et de l’autre, la Pologne et la Bulgarie, qui ont tous les deux été condamnées par la Cour de Justice de l’UE (lire notre article sur le sujet.) pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air.
Audit de la Cour des comptes européenne (2018)
La contribution de la CCE à ce nouveau rapport conjoint était un audit approfondi de la politique de l’UE en matière de lutte contre la pollution de l’air, et notamment de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air. Il a été publié le 11 septembre 2018 (lire notre article sur le sujet.).
Sur la base des résultats de leur audit conjoint, les Cours des comptes des Pays-Bas et de la Pologne concluent :
Enfin, l’audit formule six recommandations :
La DG Mobilité et Transports de la Commission européenne a publié un tableau de bord d’indicateurs sur les transports en classant les Etats membres les uns par rapport aux autres. Parmi les thèmes couverts figurent l’Union de l’énergie et l’innovation où sont présentés des graphiques sur la part de lignes ferroviaires électrifiées, la part d’énergies renouvelables dans la consommation des carburants, la part du marché des voitures électriques, etc. Voir tableau de bord général et zoom sur la France concernant l’Union de l’énergie et l’innovation.
Publication par Airparif et l’Université londonienne King’s College London des résultats d’une étude conjointe qu’ils ont réalisées sur l’impact des mesures de réduction de la pollution du trafic routier à Paris et à Londres sur la qualité de l’air pendant la période 2005-2016. Voir communiqués d’Airparif et de King’s College London.
Publiée dans la revue scientifique “Environmental Pollution“, l’’étude s’intéresse spécifiquement à la part de la pollution liée au trafic routier. Les modèles utilisés ont été choisis pour analyser les évolutions des niveaux de pollution : d’une part, les oxydes d’azote (NOx), dont le dioxyde d’azote (NO2) en raison de leur forte présence dans les émissions du trafic routier et d’autre part, les particules (PM10 et PM2.5), dont le trafic est également une source importante. Les résultats fournissent des éclairages utiles pour les décideurs politiques. Ils montrent, par exemple, l’impact de la diésélisation du parc durant la période 2005-2009 dans les deux villes sur l’augmentation des niveaux de NO2. A l’inverse, l’incidence de la norme Euro V pour les véhicules lourds est positive avec l’observation d’une diminution de la pollution pour les deux polluants. Les résultats fournissent des éléments précis pour comprendre pourquoi certaines actions comme la zone de faible émission de Londres, bien qu’ayant permis une amélioration de la qualité de l’air, n’a pas permis d’atteindre les objectifs escomptés sur les concentrations de polluants dans l’air ambiant. Les auteurs de l’étude souligne donc le besoin d’adéquation entre les normes euros et les émissions en conditions réelles (source : Airparif).
Règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’union de l’énergie (JOUE L 328 du 21/12/2018). Ce règlement clé du paquet climat-énergie 2030 centralise les obligations en matière de planification, de déclaration et de surveillance dans le cadre de la législation climat-énergie de l’UE pour renforcer la cohérence et améliorer le coût-efficacité de ces obligations. Ce mécanisme de gouvernance est notamment basé sur trois principaux éléments :
Règlement (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (EnR). Cette refonte de la directive 2009/28/CE(11) fixe un objectif collectif contraignant d’au moins 32% d’EnR dans la consommation finale brute d’énergie de l’UE d’ici 2030.
Contrairement à la période 2013-2020 [directive 2009/28/CE], il n’y a plus d’objectifs nationaux contraignants formels mais à partir du 1er janvier 2021, la part des EnR dans la consommation finale brute d’énergie ne doit pas être inférieure à des “niveaux de référence” nationaux en 2030 [qui sont en fait les anciens objectifs pour 2020 (voir art. 3.4 et annexe I)]. Les EM doivent toutefois fixer eux-mêmes [art. 3.2] des “contributions nationales” afin de respecter collectivement l’objectif global de 32% de l’UE.
Par ailleurs, le texte fixe des sous-objectifs pour le secteur des transports [art. 25]. Dans chaque EM :
(11) Voir SD’Air n°172 p.83.
Publication au JOUE (C 77) d’une communication de la Commission du 19 février 2019 établissant des orientations pour aider les Etats membres à élaborer leurs programmes nationaux de lutte contre la pollution atmosphérique au titre de la directive (UE) 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques (articles 6 et 10) (dite directive NEC II). Les Etats membres doivent soumettre leur programme au plus tard le 1er avril 2019.