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Climat Climat
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CCNUCC et Accord de Paris
Publié le 18 novembre 2025

Diplomatie climatique : la position de la France dans le cadre de la COP30

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 18/11/2025
Réf . : 2025_11_24

D.R.

Dix ans après l’Accord de Paris, la France continue à chercher à jouer un rôle moteur au sein de la diplomatie climatique européenne et mondiale. La délégation française à Belém est la sixième la plus importante de la COP30 avec 530 personnes, un signe fort de mobilisation – le Brésil, pays hôte, comptant sans surprise le plus de représentants (3805) devant la Chine (789).

La France, par la voix de sa délégation, a réaffirmé son attachement au multilatéralisme mis à mal notamment par le retrait des États-Unis. La toute nouvelle ministre de la Transition écologique Monique Barbut a fait le déplacement à Belém, où elle est arrivée mardi 18 novembre 2025. Cette ancienne présidente de WWF France dispose d’années d’expérience en matière de diplomatie environnementale. Elle a notamment occupé la fonction de secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, de 2013 à 2019. Son titre complet intègre d’ailleurs les négociations internationales sur le climat et la nature.

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« Message fort » sur l’Accord de Paris

D.R.

La COP30 se tient dix ans après l’Accord de Paris, ce qui est « l’occasion pour la France d’envoyer un message fort sur le rôle clé que [cet accord] a joué dans la diminution de la trajectoire des émissions », fait-on valoir au ministère français de la Transition écologique (MTE). Il y a dix ans, la planète se dirigeait vers une hausse des températures de 4°C d’ici la fin du siècle. Désormais, la trajectoire est plus proche d’une hausse de 2,3°C encore trop élevée, mais c’est la première fois dans l’histoire moderne que la courbe est en train de s’infléchir, explique-t-on de même source. L’Accord de Paris a notamment favorisé le développement soutenu des énergies renouvelables, des énergies à la fois propres et moins onéreuses (voir encadré). Pour autant, la COP30 ouvre une nouvelle page de mise en œuvre plus complexe que la décennie précédente.

Autre motif de satisfaction d’ordre règlementaire, « la grande majorité des textes d’application de l’Accord de Paris a été adoptée », rappelle-t-on au MTE. Ainsi à Bakou (Azerbaïdjan), lors de la COP 29, les objectifs financiers ont été précisés et les règles sur l’article 6 qui organise les échanges de crédit carbone entre les États ont été définies. La présidence brésilienne de la COP30 cherche à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris en stimulant l’action et les changements structurels.

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2000 milliards de dollars d’investissements dans les énergies renouvelables au plan mondial

L’essentiel de la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui a eu lieu depuis l’Accord de Paris provient de l’assainissement des sources d’énergie mondiales. Cette année, 95% des nouvelles capacités mondiales étaient renouvelables.

« En 2015, année de l’accord de Paris, 2000 milliards de dollars avaient été investis dans l’énergie à l’échelle mondiale dont la moitié dans les combustibles fossiles et l’autre moitié dans les énergies renouvelables. Ce montant se monte aujourd’hui à 3000 milliards de dollars par an avec toujours 1000 milliards de dollars pour les combustibles fossiles, mais les énergies renouvelables s’adjugent désormais 2000 milliards de dollars », a précisé à cet égard Ursula von der Leyen à l’occasion du débat qui a eu lieu le 13 novembre en séance plénière du Parlement européen sur les conclusions de la réunion du Conseil européen du 23 octobre 2025. Un « changement profond » dont elle s’est félicitée.

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Coopération avec la Chine

En dépit « des tensions commerciales » qui se font jour, le MTE souligne l’importance de « développer et intensifier le dialogue avec la Chine sur la baisse des émissions [de gaz à effet de serre] ». À cet égard, la France a signé une déclaration conjointe sur le changement climatique avec la Chine – qui est aussi le premier pays émetteur au monde au point d’être responsable de 30% des émissions actuelles selon le PNUE -, déclaration qui porte sur « des sujets d’intérêt commun et de collaboration, comme les émissions de méthane ». Les deux pays affirment également leur attachement à la parole scientifique et à la connaissance scientifique sur le climat.

Compte tenu de la mise en retrait des États-Unis, la Chine qui a beaucoup investi dans les technologies liées à la transition énergétique – panneaux solaires, batteries électriques – a intérêt que l’Accord de Paris continue à être un moteur –, comme c’est celui de l’Union européenne.

La CDN (contribution déterminée au niveau national) présentée par les Chinois avec une fourchette de réduction d’émissions en valeur absolue comprise entre 7 et 10 % d’ici 2035 par rapport à son pic d’émissions, ce qui est en-deçà de la science, a été accueillie avec froideur. Mais contrairement à d’autres nations, les Chinois ont tendance à sous-promettre et à sur-délivrer, rappelle-t-on au MTE.

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Engagement financier

Sur le plan financier, le MTE a précisé qu’en 2024 la France a fourni 7,2 milliards d’euros de financements pour le climat à destination des pays en développement. « À l’approche de la COP30 à Belém, notre objectif reste clair : une finance climat à la fois ambitieuse et équitable, à laquelle tous les pays, tous les acteurs et tous les secteurs qui en ont la capacité doivent contribuer », a déclaré Monique Barbut. En outre, dans le cadre d’un groupe de travail auquel elle participe aux côtés du Kenya, de la Barbade, de l’Espagne, de la Somalie, du Bénin, de la Sierra Leone, d’Antigua-et-Barbuda et de Djibouti, la France a précisé être « résolument engagée à identifier des sources innovantes de financement à des transitions justes et durables ».

La progression des financements dédiés à l’adaptation par rapport à 2023 (3 milliards d’euros en 2024 contre 2,8 milliards en 2023) illustre l’engagement français en faveur des populations les plus vulnérables au changement climatique, fait encore valoir le ministère.

Concernant la protection des forêts et la mise en place du Fonds pour les forêts tropicales (TFFF), qui vise à lever un capital initial de 25 milliards de dollars, avec un objectif à plus long terme de 125 milliards de dollars, la France semble toutefois avoir fait preuve de prudence puisqu’elle a indiqué, comme le précise le site officiel de la COP30, que, « sous certaines conditions, elle envisagerait d’engager jusqu’à 500 millions d’euros d’ici 2030 ». À titre de comparaison, la Norvège, pays producteur de pétrole, s’est engagée à verser 3 milliards de dollars au cours des dix prochaines années sous réserve de conditions spécifiques, tandis que le Brésil et l’Indonésie ont reconfirmé leurs engagements de 1 milliard de dollars.

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Soutien à la sortie du charbon…

La France se mobilise pour la transition hors du charbon. À Glasgow, lors de la 3e COP en 2021, le Pacte de Glasgow pour le climat (décision 1/CP.26, 2021) avait constitué une grande avancée car il citait – pour la première fois dans une décision de la COP – le charbon (« élimination progressive du charbon… »). Dans ce cadre, avait été lancé le Just Energy Transition Partnership avec plusieurs pays (Afrique du Sud, Indonésie, Sénégal, Vietnam), assorti d’engagements forts des pays du G7 et des banques multilatérales de développement.

Mais il est nécessaire d’aller plus loin et plus vite car de nouvelles capacités de charbon arrivent sur le marché, explique-t-on au MTE. À cet égard, la France préside avec l’Indonésie une commission pour la transition hors du charbon et entre « dans des phases très opérationnelles pour trouver des solutions très concrètes de retrait anticipé des centrales à charbon ». « Tout ce que nous pouvons faire pour accompagner nos partenaires dans la transition en dehors du charbon est une priorité pour la France », souligne-t-on encore au MTE. Avec comme idée sous-jacente, l’idée que personne ne doit avoir à choisir entre sortie de la pauvreté et lutte contre le changement climatique.

Aujourd’hui, un grand nombre de pays voient un intérêt économique dans cette transition, les énergies renouvelables étant plus compétitives que le charbon.

 

Et à l’« opérationnalisation » de la sortie des énergies fossiles

La France se mobilise à Belém pour élargir une coalition d’États afin de mettre en place une « opérationnalisation » de la sortie des énergies fossiles. La délégation française organise ainsi une table ronde sur l’opérationnalisation du paragraphe 28 du Global Stocktake (bilan mondial de l’action climat) (voir encadré ci-dessous). La France cherche également à œuvrer pour faire contribuer l’industrie numérique à l’effort de financement de la lutte contre le changement climatique.

À cet égard, le troisième volet de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la stratégie nationale bas carbone en attente de publication prévoient de ramener la consommation française d’énergie fossile  de 58 % en 2023 à 42 % en 2030 puis 30 % en 2035. Une première étape vers une sortie progressive des énergies fossiles.

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Le paragraphe 28 du Global Stocktake (bilan mondial de l’action climat)

À Dubaï, en décembre 2023, les négociations dans le cadre de la phase politique du Bilan mondial de l’action climat ont abouti à la décision 1/CMA.5 comme précisé dans le Guide des négociations.

Cette décision a fixé plusieurs objectifs notamment dans le cadre d’un paquet sur la transition énergétique pour accélérer les mesures d’atténuation des pays.

Ainsi [§ 28] la CMA invite les Parties à contribuer à huit efforts mondiaux dont :

– [§ 28a] tripler la capacité mondiale de production des énergies renouvelables et doubler le taux annuel moyen mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique d’ici 2030 ;

– [§ 28b] accélérer les efforts en vue de la réduction progressive de l’électricité produite à partir du charbon sans captage/stockage du CO2 ;

– [§ 28d] assurer une transition pour s’éloigner des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, d’une manière juste, ordonnée et équitable de manière à atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 ;

– [§ 28e] accélérer les technologies à zéro émission nette ou à faibles émissions, y compris les énergies renouvelables, le nucléaire, les technologies de réduction et d’élimination, comme le captage et le stockage du CO2, en particulier dans les secteurs où il est difficile de réduire les émissions, et la production d’hydrogène à faible teneur en carbone ;

– [§ 28f] accélérer une réduction forte des émissions de GES hors CO2, en particulier les émissions de méthane, d’ici 2030 ;

– [§ 28h] éliminer progressivement les subventions inefficaces aux combustibles fossiles qui ne ciblent pas la précarité énergétique, ni les transitions justes.

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Mobilisation sur la réduction des émissions de méthane

La France a participé le 17 novembre 2025 à une réunion ministérielle à Belém sur le méthane aux côtés de nombreux pays en insistant sur la nécessité d’un plan d’action ou de travail pour accélérer les réductions des émissions de méthane. Celles-ci continuent en effet à augmenter en dépit des engagements qui avaient été pris à la COP28 à Dubaï de les réduire de 30 % d’ici à 2030.

La France organisera en 2026 en marge du G7 « une réunion de suivi des engagements pour obtenir des résultats concrets d’ici à la COP31 en passant en mode projet et en travaillant à débloquer les projets et les financements nécessaires », précise la délégation française à Belém. Pour rappel, 70 % des émissions de méthane pourraient être évitées selon l’Agence internationale de l’énergie (lire notre article).

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Engagement en faveur du développement des énergies renouvelables

La France co-préside avec l’Inde l’Alliance solaire internationale, une initiative qui rassemble 120 pays. Les deux pays travaillent en partenariat sur la diffusion de l’énergie solaire, avec des réflexions sur les chaînes de valeur requises pour faire fonctionner les centrales solaires, les minerais critiques nécessaires à la production des panneaux solaires et des batteries ou encore sur la formation des techniciens et ingénieurs. Ces collaborations opérationnelles contribuent à l’atteinte des objectifs du bilan mondial de l’action climat, qui vise notamment le triplement des énergies renouvelables.

Ainsi la délégation française à la COP30 a animé un « side event » (évènement organisé en parallèle des négociations), pour annoncer l’ouverture d’un centre de formation de techniciens au Sénégal sur les panneaux solaires qui permettra au pays de disposer des compétences techniques pour les réparer et les entretenir.

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Pour en savoir plus

La France poursuit son engagement financier en faveur de l’action climatique mondiale en 2024

COP30 – dossier de presse du ministère français de la Transition écologique

Plus de 5,5 milliards de dollars annoncés pour le Fonds pour la forêt tropicale (TFFF) dont 53 pays approuvent la déclaration de lancement

PNUE Emissions Gap Report 2024, 24 oct. 2024

Notre guide des négociations pour mieux comprendre la COP-30 – Citepa

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