Agnès Pannier-Runacher lance une charte pour une utilisation responsable des crédits carbone
Par : Sophie Sanchez
Déclaration d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique
« Face à l’urgence climatique, la coopération internationale est plus essentielle que jamais. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, il faut mobiliser tous les leviers disponibles. Les entreprises ont un rôle clé à jouer dans cette dynamique : en finançant des projets à fort impact dans les pays en développement, elles contribuent à la construction d’un marché carbone crédible, solidaire et économiquement efficace, en complément de leurs propres efforts de décarbonation. Je leur réitère mon appel : engagez-vous ! »
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© Unsplash – Projeto cafe gato mourisco
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À l’occasion du Sommet ChangeNOW, qui s’est déroulé le 24 avril 2025, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique a lancé une charte sur les crédits carbone afin de concrétiser l’engagement de la France en vertu de l’article 6 de l’Accord de Paris.
Le ministère précise dans un communiqué que cette « charte pour l’utilisation des crédits carbone dans le cadre de l’accord de Paris et avec un haut degré d’intégrité » s’inscrit dans la continuité de l’accord conclu lors de la COP29, la conférence internationale sur le climat à Bakou (Azerbaïdjan) qui a eu lieu en novembre 2024, et vise à garantir l’intégrité des crédits carbone, et ainsi éviter les erreurs du passé.
L’accord conclu à Bakou a en effet jeté « les bases d’un marché carbone international plus intègre, en renforçant les coopérations entre États via des mécanismes comme les crédits carbone ». Pour rappel, ces crédits permettent de financer, dans les pays en développement, des projets concrets pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou absorber du CO₂.
Le ministère précise que 17 entreprises françaises d’envergure internationale se sont engagées en faveur d’une utilisation responsable des crédits carbone. « Cette mobilisation marque une étape forte en faveur d’un marché carbone international plus exigeant, solidaire et crédible », se félicite le communiqué.
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Contexte
Mécanisme d’attribution de crédits de l’Accord de Paris (Article 6.4)
L’adoption des normes fondamentales du Mécanisme d’attribution de crédits de l’Accord de Paris (Article 6.4) lors de la COP 29 à Bakou a marqué « un nouveau départ pour les marchés du carbone » : elles établissent une référence mondiale qui vise à garantir la plus haute intégrité des crédits carbone, et un cadre qui fournit, pour l’attribution de crédits, une référence alignée sur l’Accord de Paris en termes de gouvernance, de méthodologies, de transparence et de prévention des risques pour tous les marchés de crédits carbone.
Pour rappel, les mécanismes de compensation carbone volontaire avaient été remis en cause notamment après une enquête du journal The Guardian sur Verra, qui était le principal certificateur de crédits carbone au monde (lire notre article).
Le mécanisme de l’article 6.4 contribue aussi systématiquement au financement de mesures d’adaptation au profit des pays en développement les moins avancés et les plus vulnérables, y compris les petits États insulaires en développement (PEID). Les marchés de crédits carbone peuvent jouer un rôle positif en facilitant la réduction et l’absorption des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, notamment grâce à des mesures d’atténuation fondées sur les terres, en aidant à atteindre des émissions mondiales nettes zéro d’ici à 2050 et en contribuant à la protection et à la restauration de la nature. Bien qu’ils soient encore relativement restreints, ces marchés ont le potentiel de se développer et de canaliser des quantités importantes de ressources privées pour soutenir la transition et lutter contre le changement climatique, à condition que les bonnes incitations du côté de la demande et les garde-fous du côté de l’offre soient mis en place.
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Engagements structurants
Ce faisant, la charte mise en place par le ministère français de la Transition écologique repose sur deux engagements structurants :
- d’une part, s’inscrire dans « une stratégie de neutralité carbone validée et ambitieuse »,
- et d’autre part, « recourir uniquement à des crédits carbone à haute intégrité », alignés sur les standards définis par l’article 6.4 de l’Accord de Paris.
La charte encadre ainsi strictement les pratiques de contribution climatique, en s’assurant qu’elles viennent en appui – et non en substitution – des efforts réels de décarbonation.
Ainsi les entreprises signataires s’engagent à « respecter et promouvoir les principes suivants » :
- La décarbonation d’abord : s’engager à atteindre l’objectif Net Zero en cohérence avec l’Accord de Paris :
Les signataires s’engagent à « veiller à ce que la décarbonation soit toujours prioritaire. Toute pratique de compensation carbone doit être mise en œuvre uniquement par des entreprises qui ont établi une trajectoire et des objectifs nets zéro à l’échelle mondiale, validés par une institution indépendante comme étant conformes à l’Accord de Paris et qui sont sur la voie d’atteindre leurs objectifs ».
Sur cette base, les signataires s’engagent à
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- Donner la priorité à [leurs] propres réductions d’émissions, en établissant des rapports clairs sur les trois champs d’application (autrement dit les trois scopes), en publiant un plan d’action assorti d’un calendrier pour la transition climatique, en décrivant comment les actifs, les opérations, les modèles d’entreprise et de gouvernance seront orientés vers les objectifs de zéro net dans les champs d’application 1 à 3 ;
- Utiliser les crédits carbone non pas comme un substitut mais seulement comme un complément à [la] trajectoire de réduction des émissions brutes, afin de traiter les émissions restantes et les émissions résiduelles pour atteindre le zéro net ;
- Divulguer publiquement et expliquer comment cette utilisation soutient un objectif de zéro net d’ici 2050 au plus tard, conformément à l’objectif de l’accord de Paris ;
- Déclarer les émissions brutes en séparant toute utilisation de crédits carbone.
Ces engagements peuvent prendre en compte des outils d’acheteurs internationalement reconnus tels que ceux développés par l’Initiative volontaire pour l’intégrité des marchés du carbone (Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative – VCMI).
- Choisir des crédits carbone à haute intégrité, conformes aux normes de l’article 6.4 :
Les signataires s’engagent à veiller à ce que les crédits carbone utilisés respectent les principes d’intégrité environnementale les plus stricts, énoncés dans les principes du marché du carbone de haute intégrité du G7 et dans l’appel à l’action pour des marchés du carbone, notamment en ce qui concerne l’alignement des niveaux de crédits sur les normes de l’Accord de Paris.
De fait, en juin 2023 au Japon en Italie, lors des sommets des Chefs d’État et de gouvernement du G7, ces derniers ont « [réaffirmé] le rôle important que jouent les marchés du carbone dont l’intégrité est élevée et la tarification du carbone pour encourager la réduction des niveaux d’émission de façon efficace sur le plan économique, stimuler l’innovation et permettre une transition vers la neutralité climatique, grâce à une utilisation optimale d’une série de leviers pour imposer un prix du carbone. »
Dans le cadre de la charte française, il s’agit ainsi de veiller à ce que les mécanismes répondent aux principes suivants :
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- Additionnalité : assurer que le projet ne pourrait pas exister sans la finance carbone,
- Permanence : prévenir la réversibilité des bénéfices climatiques,
- Prévention des fuites de carbone : éviter les déplacements d’émissions vers d’autres pays,
- Prévention de la double comptabilité : s’assurer que chaque tonne est revendiquée une seule fois,
- Vérification indépendante : confirmer l’impact réel.
Ainsi les signataires s’engagent à « donner la priorité aux crédits carbone générés par des projets de haute qualité améliorant la transition climatique de l’économie du pays hôte avec des co-bénéfices positifs en termes de biodiversité et de développement durable ».
Sur cette base, ils s’engagent à n’utiliser à des fins de compensation et de contribution que des crédits carbone alignés sur l’ambition et les principes requis dans le cadre du mécanisme de l’article 6.4, ainsi que des crédits générés à partir de normes approuvées dans le cadre des Principes fondamentaux du carbone du Conseil de l’intégrité pour les marchés volontaires du carbone (ICVCM).
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17 entreprises signataires
Les dix-sept premières entreprises signataires de la « Charte pour l’utilisation des crédits carbone dans le cadre de l’accord de Paris et avec un haut degré d’intégrité » sont, comme précisé au Citepa par le ministère de la Transition écologique :
– Beko,
– Reforest’Action,
– Cap Gemini (TBC),
– Stock CO2,
– Schneider Electric,
– EcoAct,
– Ardian,
– Sysfarm,
– FDJ,
– Ecotree,
– Lidl,
– La Belle Forêt,
– Emergent Climate,
– aDryada,
– Cnaught,
– France Valley,
– Climate Impact Partners,
– IETA,
– Renovall.
Le ministère de la Transition écologique, sollicité par le Citepa, précise que toute entreprise française ou étrangère peut souscrire. Il s’agit d’un engagement volontaire, qui ne suppose pas un contrôle de l’État français. « Concrètement, ce n’est pas l’État français qui vérifiera que le crédit carbone a été bien utilisé pour construire un projet à l’autre bout de la planète, mais il sera garant de la méthode et garant du process », a, à cet égard, expliqué Agnès Pannier-Runacher. En revanche, de futurs événements pourront être organisés pour animer la communauté des entreprises engagées (notamment lors de la COP30).
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En savoir plus
Consultez le communiqué de presse sur le lancement de la charte : ChangeNOW 2025 – Lancement de la charte sur les crédits carbone | Ministères Aménagement du territoire Transition écologique
Retrouvez l’annexe en anglais qui présente la charte : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/Annex_the_pledge_Charte_credits_carbone_ChangeNOW%202025.pdf
À propos des marchés du carbone de haute intégrité du G7, retrouvez le Communiqué des chefs d’État et de gouvernement du G7 – La France au Japon
Retrouvez notre article sur Les mécanismes de compensation carbone volontaire remis en cause après une enquête sur Verra, principal certificateur de crédits carbone au monde – Citepa