Climat : les Vingt-Sept ont adopté une simple « déclaration d’intention » concernant la réduction de leurs émissions de GES d’ici à 2035
Par : Sophie Sanchez
D.R.
Alors que s’est tenue le 24 septembre 2025 à New York le « sommet sur le climat », en marge de la 80e Assemblée générale des Nations unies, les Vingt-Sept ne sont pas parvenus à s’accorder sur un objectif contraignant de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2035.
Toutes les Parties à l’Accord de Paris devaient présenter, avant cette Assemblée générale, un nouvel objectif climatique pour l’horizon 2035 afin de contribuer à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique. Ces « contributions déterminées au niveau national » (CDN en français, NDC en anglais) – en l’occurrence la CDN 2035 – devaient être communiquées en prévision de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP 30) qui aura lieu au Brésil en novembre 2025.
Mais le document approuvé par les ministres de l’Environnement réunis à Bruxelles jeudi 18 septembre 2025 n’est qu’une simple « déclaration d’intention » sur la CDN de l’UE pour l’après-2030 et non un engagement ferme, assorti en outre d’un « objectif indicatif » de réduction d’émissions.
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Sommet sur le climat
La réunion spéciale de haut niveau sur l’action climatique est censée servir de plateforme aux dirigeants mondiaux pour présenter leurs nouveaux plans nationaux (CDN/NDC) en matière de climat en amont de la COP. Ces nouveaux plans devaient refléter des mesures audacieuses et « ouvrir la voie à un avenir juste, résilient et sobre en carbone », selon les termes de l’ONU.
Mais le 19 septembre 2025, António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a tiré la sonnette d’alarme. L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle est « sur le point de s’effondrer », a-t-il indiqué. « Nous avons absolument besoin que les pays arrivent […] avec des plans d’action climatiques totalement alignés avec l’objectif de 1,5 °C, qui couvrent toute leur économie et toutes les émissions de gaz à effet de serre », a-t-il poursuivi, cité par l’AFP.
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Objectif 2040 et jalon 2035
Au titre de l’Accord de Paris, chaque pays doit fournir tous les cinq ans aux Nations unies un objectif chiffré de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, ainsi qu’un plan pour y parvenir. La CDN de l’Union européenne (UE) doit donc être mise à jour.
La Commission européenne a confirmé le 2 juillet 2025 un objectif de réduction d’émissions de 90 % pour 2040 (lire notre article). Pour en déduire une cible intermédiaire cohérente pour 2035, il aurait fallu que les États membres s’accordent au préalable sur cette échéance.
Mais la proposition a rencontré des résistances. L’Union européenne est profondément divisée sur l’intensité des efforts nécessaires pour continuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Une dizaine d’États, dont l’Allemagne, l’Autriche, le Danemark et l’Espagne, sont favorables à l’objectif d’une réduction de 90 % des émissions par rapport à 1990. Mais un deuxième ensemble de pays dont l’Italie, la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque a fait blocage. Courant septembre 2025, un groupe de 15 pays réuni à l’ambassade de Pologne à Bruxelles avait d’ailleurs lancé, selon le site Euractiv, un appel demandant plus de temps afin d’examiner la proposition pour 2040.
Le Danemark, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, a recherché activement des compromis mais les discussions étaient dans l’impasse.
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Position de la France
Dans ce contexte, le positionnement adopté par la France a suscité de vives critiques du Haut Conseil pour le climat. Dans un communiqué publié dès le 5 septembre 2025 rappelant « l’importance d’un engagement ambitieux de l’Europe pour 2040 », le HCC avait précisé que l’exécutif avait proposé le report du débat – initialement prévu mi-septembre lors du Conseil Environnement réunissant les Ministres de l’Environnement des Vingt-Sept – à la fin octobre à l’occasion du Conseil européen qui réunit les chefs d’État et de gouvernement. Ce faisant, la France a « pris le risque d’entraîner une perte de crédibilité internationale de l’Union européenne » et « un blocage institutionnel ». Les décisions du Conseil européen sont en effet prises à l’unanimité alors que la majorité qualifiée suffisait pour le Conseil des ministres de l’Environnement.
« Face aux feux de forêts, vagues de chaleur et inondations qui frappent l’Europe, l’urgence climatique n’est plus théorique. Retarder l’adoption d’objectifs ambitieux reviendrait à fragiliser la sécurité, l’économie et la santé de millions d’Européens. La France, qui a porté l’Accord de Paris en 2015, a une responsabilité particulière : défendre une décision ambitieuse afin de préserver l’héritage de Paris et assurer à l’UE un rôle de leader dans la diplomatie climatique mondiale », ajoutait le HCC.
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Compromis a minima
De fait, les Vingt-Sept ont adopté un compromis a minima sans objectif contraignant. Copenhague a réussi à poser le principe d’un « objectif indicatif » de réduction des émissions de GES, en l’occurrence une fourchette large comprise entre – 66,25 % et – 72,5 % d’ici 2035. Le haut de la fourchette correspond à un cap à – 90 % pour 2040. Le bas de la fourchette avait été proposé par la Pologne.
Désormais la décision sur 2040 est transférée au Conseil européen, prévu les 23-24 octobre 2025. Toutefois, selon le site d’information Euractiv, « il n’y a pas encore de consensus sur la question de savoir si les chefs de gouvernement doivent discuter ou décider de l’ambition climatique de l’Union européenne ou laisser cette question au niveau ministériel. L’accord conclu jeudi 18 septembre suggère que le Conseil européen devrait fournir des orientations et des priorités politiques générales ».
Il reste que passé cette réunion, vu que la COP 30 débutera le 10 novembre, les ministres de l’Environnement pourraient n’avoir que deux semaines pour convoquer une réunion d’urgence afin de régler la question du jalon intermédiaire à 2035.