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Carbone suie : 2e GES en termes de forçage climatique – résultats d’une étude internationale

  • Réf. : 2013_02_a7
  • Publié le: 1 février 2013
  • Date de mise à jour: 24 juin 2019
  • International

Le 15 janvier 2013, les résultats d’une évaluation scientifique approfondie pour cerner le rôle du carbone suie (black carbon ou BC) dans le système climatique ont été publiés dans la revue Journal of Geophysical Research: Atmospheres. L’évaluation a été réalisée par une équipe internationale de 31 chercheurs sous la direction de Tami C. Bond de l’Université d’Illinois à Urbana Champaign (Etats-Unis). Parmi les chercheurs contributeurs figurent :

Cette évaluation constitue une analyse complète et quantitative du rôle du carbone suie dans le système climatique et examine l’efficacité d’un ensemble d’options pour réduire ses émissions. Elle analyse les principaux aspects liés au forçage climatique (voir encadré ci-dessous) qui résultent des émissions de carbone suie.

Forçage climatique – forçage radiatif : définition

Le forçage radiatif (appelé parfois forçage climatique) est une mesure d’un déséquilibre du bilan énergétique du système Terre-atmosphère (exprimée en watt par mètre carré ou W/m2) à la suite, par exemple, d’une modification des concentrations atmosphériques de CO2 ou d’une variation du débit solaire. Il constitue donc un indice de l’importance de ce déséquilibre en tant que mécanisme potentiel du changement climatique. Le système climatique réagit au forçage radiatif de façon à rétablir l’équilibre énergétique. Un forçage radiatif positif a tendance à réchauffer la surface du globe tandis qu’un forçage radiatif négatif a tendance à la refroidir. (Source : GIEC, 1997 et 2007(1)).

Selon les chercheurs, les émissions mondiales totales de carbone suie s’élèveraient à environ 7,5 Mt par an en 2000 (fourchette d’incertitude comprise entre 2 et 29 Mt). Sur ce total, 4,8 Mt (soit 64%) proviendraient de la combustion liée à l’énergie, les feux ouverts (forêts, prairies et résidus agricoles) représentant le solde. En Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine, 70% des émissions totales de carbone suie proviendraient des moteurs diesel du transport routier et des engins mobiles non routiers alors qu’en Asie et en Afrique, la contribution de la combustion des combustibles solides dans le secteur résidentiel (charbon et biomasse) serait de 60 à 80%.

L’évaluation fait ressortir que le forçage climatique total du carbone suie (incluant tous les mécanismes de forçage : effets directs et indirects [interactions avec les nuages et réduction de l’albédo de la neige et de la glace]) depuis l’ère industrielle (1750-2005) serait de +1,1 W/m2. Quant au forçage radiatif direct du carbone suie sur la même période, il serait de 0,71 W/m2. Cette valeur est plus du double de l’estimation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son 4e rapport d’évaluation (dit 4AR, 2007) qui était de +0,34 W/m2 (source : GIEC/4AR/WG1, chapitre 2, tableau 2.13, p.207).

Selon l’étude, à titre de comparaison, le forçage radiatif (dont les effets indirects) des émissions des deux principaux gaz à effet de serre (GES) (CO2 et CH4) étaient en 2005 respectivement de +1,56 W/m2 et +0,86 W/m2. En d’autres termes, selon ces résultats, le carbone suie serait donc le 2e GES en termes de forçage climatique après le CO2. Les chercheurs mettent en avant que leur estimation du forçage climatique total du carbone suie (+1,1 W/m2) incorpore non seulement les sources de combustion de combustibles fossiles et de la biomasse (biocarburants et feux ouverts), mais aussi les effets sur les nuages. Les chercheurs reconnaissent cependant que les connaissances sur ce dernier facteur sont encore insuffisantes. Le GIEC n’avait pas explicitement pris en compte ce dernier paramètre dans son 4e rapport.

L’étude souligne les fortes incertitudes quant au forçage climatique net des sources d’émission de carbone suie qui sont en grande partie liées aux connaissances insuffisantes sur les interactions des nuages, tant avec le carbone suie qu’avec le carbone organique (OC), substance émise en même temps que le carbone suie. Il importe donc d’améliorer les connaissances de l’impact du carbone suie sur les nuages.

L’étude pointe également la sous-estimation actuelle des émissions de carbone suie provenant de la combustion aussi bien des combustibles fossiles que de la biomasse. Ce constat vaut tout particulièrement pour l’Asie et l’Afrique.

Pouvoir de réchauffement global : définition

Pour pouvoir comparer les effets sur le climat des émissions des divers GES entre eux, le GIEC a mis au point un indice, le pouvoir de réchauffement global (PRG). C’est le forçage radiatif cumulé entre le moment présent et un horizon de temps donné (en général 20, 100 ou 500 ans) induit par une quantité de gaz émise au moment présent, exprimé par rapport à un gaz de référence, en l’occurrence le CO2.

Le PRG vise à mesurer la part relative, dans les effets radiatifs, des différents GES. Par construction, le PRG du CO2 est donc 1. Les valeurs de PRG utilisées aujourd’hui dans le cadre des inventaires nationaux d’émission de GES sont encore celles définies dans le 2e rapport d’évaluation du GIEC (1995). (Source : CITEPA/GIEC, 1995).

Quant au pouvoir de réchauffement global (PRG) (voir encadré ci-dessus) du carbone suie, les chercheurs l’estiment à 900 sur 100 ans (tous les mécanismes de forçage compris). A noter que le GIEC n’a pas explicitement donné de valeur PRG pour le carbone suie dans son 4e rapport. Le GIEC a fourni des valeurs PRG sur 20, 100 et 500 ans pour les principaux GES. Le PRG du carbone suie décroît avec le temps en raison de sa courte durée de vie dans l’atmosphère (3 à 8 jours [source : PNUE, 2011]) par rapport au CO2.

Les émissions de carbone suie et de CO2, à PRG équivalent sur 100 ans, ont des impacts différents sur le climat, la température et les précipitations, ainsi que sur le moment où ces impacts surviennent. Etant donné ces différences, les chercheurs soulèvent la question de l’opportunité d’utiliser une seule unité de mesure pour comparer l’impact climatique du carbone suie et des GES à longue durée de vie.

Enfin, les chercheurs ont analysé les options de réduction des émissions de carbone suie et ils concluent que la réduction des émissions provenant des moteurs diesel des véhicules semble constituer le levier le plus efficace pour atténuer le forçage climatique à court terme. La réduction des émissions de la combustion des combustibles solides dans le secteur résidentiel pourrait également induire une atténuation du forçage radiatif net. L’effet net d’autres sources, comme des petites chaudières au charbon dans le secteur industriel et les navires, dépend de la teneur en soufre des combustibles utilisés.    

(1) Voir ED n°162 p.III.24.

  • wiley.com/doi/10.1002/jgrd.50171/pdf (voir pp.278 et 284)
  • ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/wg1/ar4-wg1-chapter2.pdf (valeurs de forçage radiatif du 4AR – voir tableau 2.13, p.207)
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