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SEQE : le Parlement européen rejette la proposition de la Commission de geler 900 millions de quotas à mettre aux enchères (backloading)

  • Réf. : 2013_05_a1
  • Publié le: 1 mai 2013
  • Date de mise à jour: 24 juin 2019
  • UE

Le 16 avril 2013, le Parlement européen (PE), réuni en séance plénière, a rejeté la proposition de modification du calendrier de mise aux enchères dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de gaz à effet de serre de l’UE, présentée par la Commission européenne le 12 novembre 2012 (voir encadré ci-contre). La proposition a été rejetée à une majorité serrée (334 voix pour le rejet, 315 contre et 63 abstentions).

Plutôt que de rejeter définitivement la proposition, les eurodéputés ont accepté de la renvoyer en Commission de l’Environnement (ENVI) du PE où elle devrait faire l’objet de nouveaux débats avant de revenir, en principe, en séance plénière. En clair, la proposition a été politiquement rejetée mais elle est toujours formellement ouverte. La Commission de l’Environnement (ENVI) du PE dispose de deux mois pour annoncer sa stratégie.

Ce vote serré illustre à quel point les avis sur cette question divergent au sein du PE. Le 19 février 2013, la Commission ENVI du PE avait approuvé la proposition par 38 voix pour, 25 voix contre et 2 abstentions.

Objet de la proposition

La proposition de la Commission vise à modifier le règlement (UE) n° 1031/2010 relatif au calen-drier et à la gestion de la mise aux enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre (GES)(1).

Concrètement, la proposition prévoit le gel (« backloading » en anglais) de 900 millions de quotas à mettre aux enchères au cours des trois premières années (2013-2015) de la 3e période du SEQE (2013-2020) pour les reporter sur 2019-2020, sans pour autant modifier le volume total de quotas prévu pour la mise aux enchères sur l’ensemble de la 3epériode.

Cette intervention sur le marché du carbone de l’UE vise à rectifier à court terme le déséquilibre persistant entre l’offre et la demande de quotas, caractérisé par un surplus total cumulé d’environ 1,4 milliard de quotas à la fin de la 2e période (source : Commission européenne SWD(2012) 234 du 25/07/12(2)). Ce déséquilibre entrave le bon fonctionnement du SEQE dans sa transition vers la 3e période.

La proposition de gel des quotas constitue une première étape, en attendant la réforme structurelle de fond du SEQE proposée par la Commission dans son rapport sur l’état du SEQE publié le 14 novembre 2012.


Contexte du rejet du PE
: la Commission ENVI du PE avait voté des amendements clés au texte initial :

  • la Commission européenne « peut, dans des circonstances exceptionnelles« , adapter le calendrier des enchères à condition qu’une étude d’impact montre que les secteurs concernés ne seront pas confrontés à un « risque significatif » de délocalisation des entreprises en dehors de l’UE. La Commission européenne ne doit effectuer qu’une seule adaptation de ce genre;
  • la modification du calendrier de la mise aux enchères devrait être considérée comme une action à court terme plutôt qu’une mesure structurelle visant à remédier aux déséquilibres du SEQE et ne devrait pas nuire ni à la stabilité ni à la prévisibilité de celui-ci.

Dans un communiqué publié le 19 février 2013, l’Association internationale pour l’échange de quotas d’émission (IETA) a salué l’aval de la proposition par la Commission ENVI du PE, déclarant que celle-ci a envoyé un signal politique fort en faveur d’une amélioration structurelle du SEQE.

Dans un vote non contraignant, la proposition avait été rejetée, le 24 janvier 2013, par la Commission de l’Industrie, de la Recherche et de l’Energie (ITRE) du PE. C’est en effet la Commission ENVI qui est chef de file sur ce dossier, la Commission ITRE ne pouvant qu’exprimer un simple avis. Ces deux votes contradictoires montrent les profondes divergences d’opinion et ont préfiguré le résultat serré du vote du PE en plénière le 16 avril 2013.

Le 26 février 2013, la Commission ENVI a décidé de ne pas donner mandat au rapporteur du texte (et par ailleurs son Président), l’eurodéputé allemand Matthias Groote, pour négocier un accord de 1ère lecture avec le Conseil (procédure accélérée) avant le vote en plénière.

Chute du prix des quotas de CO2 après le vote en plénière

Le 16 avril 2013, aussitôt connu le résultat du vote du PE en plénière, le prix des quotas de CO2 dans le cadre du SEQE a chuté de 45% par rapport au prix de la veille (en passant de 4,72 €/tonne à 2,63 €/t, minimum historique) pour s’établir en fin de journée à
3,18 €/t. Le lendemain du vote, le 17 avril 2013, le prix a atteint son deuxième plus bas niveau historique de
2,80 €/t. Cette réaction immédiate du marché de carbone de l’UE montre à quel point son niveau de crédibilité est tombé après le vote du PE. (
Source : Point Carbon/MEDEF, avril 2013)

Les eurodéputés qui s’opposent à la proposition de gel des quotas appellent à une réforme plus profonde du SEQE, redoutant qu’une intervention sur l’offre de quotas n’affaiblisse la confiance des agents économiques qui participent au système. Certains craignent également qu’une hausse du prix des quotas ne diminue la compétitivité du secteur industriel de l’UE, déjà confronté à la crise économique persistante, et que cette hausse ne se répercute sur les factures énergétiques des ménages.

De l’autre côté, les eurodéputés qui soutiennent la proposition estiment que le surplus de quotas qui inonde le marché actuellement (estimé à environ 1,4 milliard de quotas à la fin de la 2e période – voir encadré p.1) doit être corrigé pour permettre au SEQE, pierre angulaire de la politique climat de l’UE, de fonctionner comme initialement prévu. Ils soulignent en outre qu’une hausse du prix des quotas aidera à catalyser la transition de l’UE vers une économie sobre en carbone en stimulant l’investissement et l’innovation technologique.

Réactions : réagissant au rejet du texte, Matthias Groote a déclaré : « c’est le début de la renationalisation de la politique climat.
Le rejet de la proposition affaiblit le
[SEQE], et met en danger nos objectifs climat »
(Source : communique du PE du 16/04/13).

Suite au vote, la Commissaire européenne à l’action climat, Connie Hedegaard, a souligné que la Commission « regrette » le rejet mais reste « convaincue que le gel des quotas aiderait à rétablir à court terme la confiance dans le SEQE, en attendant une décision sur des mesures structurelles à plus long terme« . Elle a ajouté que « cette mesure a été conçue pour rééquilibrer l’offre et la demande et pour réduire la volatilité des prix sans impact significatif sur la compétitivité » (Source : déclaration du 16/04/13).

Perspectives : la Commission va maintenant réfléchir aux prochaines étapes pour doter l’UE d’un SEQE fort. Quoi qu’il en soit, la position du Conseil sur ce dossier sera un facteur décisif : Mme Hedegaard attend qu’il se prononce. Dans le cadre de la procédure de codécision, le Conseil poursuit ses travaux en vue d’arrêter sa position commune et, à cette fin, a prévu deux réunions du Groupe de travail Environnement. La Présidence irlandaise du Conseil compte poursuivre les discussions entre les Etats membres afin de les conclure rapidement. Ce ne sera pas tâche facile car la Présidence devra composer avec un Conseil plutôt divisé sur la question, la Pologne étant tête de l’opposition.

Le 7 mai 2013, dans une déclaration publiée suite à une réunion à Londres convoquée à l’initiative du Royaume-Uni, les Ministres de l’Environnement et/ou du Climat de neuf Etats membres (Royaume-Uni, France, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark, Portugal, Finlande, Slovénie) ont appelé le Conseil et le Parlement européen à parvenir, d’ici juillet 2013 au plus tard, à un accord sur la proposition.

Enfin, toujours le 7 mai 2013, Matthias Groote a annoncé que la Commission ENVI a décidé de se prononcer une nouvelle fois sur le dossier le 19 juin 2013 et de soumettre à nouveau le rapport à la plénière du PE de juillet 2013.

(1) Voir SD’Air n°177 p.69. (2)Voir SD’Air n°183 p.151.

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