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COP-21: Succès indéniable grâce à l’habileté de la Présidence et à la volonté de la quasi-totalité des Etats d’aboutir à un accord. Décryptage de l’Accord de Paris.

  • Réf. : 2016_01_a1
  • Publié le: 1 janvier 2016
  • Date de mise à jour: 31 mai 2019
  • International

Le texte adopté à Paris [en vertu de la CCNUCC] revêt la forme juridique d’un accord [et non d’un protocole comme l’aurait souhaité l’UE]  : un texte de 12 pages composé d’un préambule et 29 article s. Décryptage des articles clés :

Article 2 – Objet (limite de la hausse des températures)

  • «  limiter la hausse de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels et poursuivre l’action menée pour limiter la hausse à 1,5°C «  [la référence à 1,5°C sous forme « d’aspiration » a été incluse pour répondre à la revendication portée par les 43 pays vulnérables réunis au sein du Forum de la vulnérabilité climatique (CVF)] .

Article 2 – Différenciation

Article 3 – Ambition et efforts collectifs

  •  » toutes les Parties doivent engager et communiquer des efforts ambitieux – via des contributions déterminées au niveau national  » (NDC) [approche ascendante et non descendante comme dans le cadre du Protocole de Kyoto] en vue d’atteindre l’objet de l’accord [ article 2];
  •  » les efforts de toutes les Parties représenteront au fil du temps une progression , tout en reconnaissant la nécessité d’aider les pays en développement  » (PED).

Article 4 – Objectifs collectifs (atténuation)

  •  » parvenir à un pic des émissions dans les meilleurs délais  » [aucune échéance n’est fixée] , étant entendu que le pic prendra plus de temps pour les PED » ;
  • « réaliser des réductions rapidement par la suite conformément aux meilleures connaissances scientifiques disponibles de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques de GES et les absorptions par les puits au cours de la 2 e moitié du 21 e siècle [neutralité des émissions] , sur la base de l’équité et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté  » ;

Affaiblissement de l’objectif d’atténuation

Des options proposant des objectifs d’atténuation chiffrés cohérents avec la science ou plus concrets en termes qualitatifs, qui figuraient dans les deux versions précédentes du projet d’accord, ont été supprimées dans la version finale :

Options de la version du 9 déc. [indiquées entre crochets] :

  • réductions rapides [après le pic] comprises entre [40 et 70%] [70 et 95%] d’ici 2050 (base 2010) vers la réalisation de zéro émissions nettes de GES [d’ici 2100] [après 2050] ( fourchettes de réduction préconisées par le GIEC [AR5] ),
  • transformation sobre en carbone vers [la neutralité climatique] [la décarbonisation] au cours du 21e siècle,

Formulation de la version du 10 déc.  :

    • réductions rapides [après le pic] vers la neutralité des émissions de GES dans la 2e moitié du siècle.
  •  » chaque Partie établit communique et actualise ses [NDC] successives tous les cinq ans et chaque nouvelle NDC repré-entera une progression [en termes d’ambition] par rapport à la précédente et correspondra au niveau d’ambition le plus élevé possible » [ sans possibilité de retour en arrière par rapport à leurs engagements précédents. Le mécanisme de révision à la hausse est donc juridiquement contraignant];
  •  » les pays développés devraient continuent de montrer la voie en fixant des objectifs de réduction en chiffres absolus. Les [PED] devraient continuer d’accroître leurs efforts d’atténuation, et sont encouragés à passer progressivement à des objectifs de réduction eu égard aux contextes nationaux différents  » [convergence des obligations de réduction donc];
  •  » les pays développés doivent fournir aux PED un soutien financier pour l’application de [cet] article  » ;
  • les NDC sont consignées dans un registre public tenu par le Secrétariat de la CCNUCC ;
  • toutes les Parties communiquent des stratégies à long terme de développement à faibles émissions de GES [d’ici 2020*] .

* échéance figurant dans la décision et non dans l’accord

  • toutes les Parties communiquent des stratégies à long terme de développement à faibles émissions de GES [d’ici 2020*] .

Article 5 – Renforcement des puits et déforestation

  •  » les Parties devraient prendre des mesures pour conserver et […] renforcer les puits et réservoirs de GES […] , notamment les forêts « . Les Parties sont  » invitées  » à mettre en œuvre le cadre existant [mécanisme REDD+ (réduction des émissions résul-tant de la déforestation/dégradation des forêts dans les PED)] .

Article 9 – Financement

  •  » les pays développés doivent continuer de montrer la voie, en fournissant des ressources financières pour venir en aide aux PED aux fins tant de l’atténuation que de l’adaptation , en visant à parvenir à un équilibre entre [ces deux volets] » ;
  • « les autres Parties [sous-entendu les grands pays émergents] sont invitées à fournir ou à continuer de fournir ce type de soutien à titre volontaire « ;

Affaiblissement de l’article 9

Sous la pression des Etats-Unis, notamment, la référence au  » plancher  » à relever de 100 Md$/an, figurant dans le projet d’accord dans sa version du 10 décembre , a été supprimée et transférée à la décision [qui a une valeur juridique moins forte que l’Accord de Paris (dans la mesure où elle est déclaratoire et non obligatoire)] . La référence à un nouvel objectif quantifié collectif à fixer par la CMA [Conférence des Parties à l’Accord de Paris, organe de prise de décision de l’accord (cf. article 16)] a aussi été supprimée et transférée à la décision avec l’ajout d’une échéance : « avant 2025« .

Article 13 – Transparence

  • afin de renforcer la confiance mutuelle et de promouvoir une mise en œuvre efficace, il est créé un  » cadre de transparence renforcé  » des mesures et du soutien qui tient compte des capacités différentes des Parties [différenciation] ;
  • le cadre de transparence des mesures vise à fournir une vue d’ensemble claire des mesures [de réduction] mises en œuvre et des progrès accomplis par chaque Partie pour respecter sa NDC, afin d’étayer le bilan mondial [ article 14];
  • chaque Partie fournit régulièrement un rapport national d’inventaire des émissions et absorptions de GES et les informations nécessaires au suivi des progrès qu’elle a accomplis dans la mise en œuvre et la réalisation de sa NDC ;
  • les pays développés et les autres Parties qui apportent un soutien devraient communiquer des informations sur ce soutien fourni aux PED [ressources financières, transfert de technologies et renforcement des capacités];
  • les PED devraient communiquer des informations sur le soutien dont ils ont besoin et qu’ils ont reçu .

Article 14 – Bilan mondial (Global stocktake)

  • la CMA effectuera en 2023 , puis tous les cinq ans , un bilan mondial de la mise en œuvre de l’accord pour évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet de l’accord ( article 2 ) et de ses objectifs à long terme ;
  • les résultats du bilan mondial éclairent et guident les Parties dans l’actualisation [révision] et le renforcement de leurs mesures et de leur soutien.

Article 15 – Mise en œuvre et respect de l’accord

  • un mécanisme pour faciliter la mise en œuvre et promouvoir le respect des dispositions de l’accord est institué ;
  • ce mécanisme, constitué d’un comité d’experts, est axé sur la facilitation, fonctionne d’une manière transparente, non accusatoire et non punitive, et tient compte de la situation et des capacités respectives des Parties.

Article 16 – CMA (organe de prise de décision)

  • la Conférence des Parties à la CCNUCC agit comme réunion des Parties à l’accord de Paris (dénommée la CMA). C’est la CMA qui prendra les décisions au titre de l’accord.

Article 20 – Signature de l’accord

  • l’accord est ouvert à la signature et soumis à la ratification des états et des organisations d’intégration économique régionale [l’UE] qui sont Parties à la Convention. Il sera ouvert à la signature du 22 avril 2016 au 21 avril 2017.

Article 21 – Entrée en vigueur

  • 30 jours après ratification par 55 Parties à la CCNUCC représentant au moins 55% des émissions mondiales de GES.

Complexification des conditions d’entrée en vigueur

Dans sa version du 9 décembre, les conditions d’entrée en vigueur étaient plus simples : « 30 jours après ratification par [50] [60] Parties à la CCNUCC » sans référence à une part en pourcentage des émissions mondiales de GES.

Sachant que l’UE et ses 28 membres constituent 29 Parties, cette formulation simple aurait pu permettre une entrée en vigueur rapide de l’accord. Une référence à une part en pourcentage des émissions rend l’entrée en vigueur plus compliquée et plus lente dans la mesure où sur cette base, l’accord nécessite la ratification de grands pays émetteurs [l’UE ne représentant plus que 9% des émissions de GES (en 2012, source : JRC/PBL, 2014 )] .

A noter par ailleurs que les conditions d’entrée en vigueur établies dans l’accord final sont similaires à celles du Protocole de Kyoto : 90 jours après ratification par au moins 55 Parties à l’annexe I représentant au total 55% des émissions totales de CO2 de ces Parties en 1990 . Cette condition complexe est une des raisons pour lesquelles le Protocole de Kyoto n’est entré en vigueur que huit ans (2005) après son adoption (1997).

Points clés de la décision

L’Accord de Paris est accompagné d’une décision qui formalise l’adoption , par les Parties de la COP, de l’Accord de Paris. Celui-ci figure en annexe à la décision.

La décision établit également les modalités de mise en œuvre de l’accord et des procédures et dispositifs pour préparer cette mise en œuvre. En voici les points clés :

  • création d’un nouveau groupe de travail ad hoc sur l’accord de Paris (APA) chargé de préparer l’entrée en vigueur de l’accord et la première réunion du CMA. L’APA doit commencer ses travaux en 2016 [ 16-26 mai, puis 7-18 nov. 2015 ]  ;
  • le Secrétariat à la CCNUCC est chargé de mettre à jour le rapport de synthèse évaluant l’impact agrégé des INDC soumises et de le publier au plus tard le 2 mai 2016;
  • lancement d’un dialogue dit de facilitation entre les Parties pour faire le point en 2018 sur les efforts collectifs consentis par les Parties en vue d’atteindre l’objectif à long terme [ article 4 de l’accord] et d’éclairer l’élaboration des NDC ;
  • le GIEC est invité à réaliser un rapport spécial pour présentation en 2018 [avant son 6e rapport d’évaluation prévu vers 2020] sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5°C et les trajectoires d’évolution des émissions mondiales de GES associées ;
  • les Parties doivent soumettre leur 1 er NDC [au titre de l’accord] au moment de déposer leur instrument de ratification ;
  • les Parties ayant soumis une INDC assorti d’un calendrier jusqu’à 2025 [Etats-Unis, Brésil,…] sont priées instamment de soumettre une nouvelle NDC d’ici 2020, puis tous les cinq ans ;
  • les Parties ayant soumis une INDC avec un calendrier jusqu’à 2030 [la plupart] sont priées d’ici 2020 de l’actualiser et de soumettre une NDC tous les cinq ans par la suite ;
  • le APA doit formuler des recommandations sur les caractéristiques des NDC [nouveau pas vers une méthodologie plus harmonisée] pour examen et adoption par la CMA à sa 1ère réunion [a priori 2021];
  • les pays développés doivent poursuivre leur objectif collectif actuel de mobilisation de soutien financier [100 Md$/an] jusqu’en 2025;
  • avant 2025 , la CMA fixe un nouvel objectif chiffré collectif [pour le post-2025] à partir du niveau plancher de 100 Md $/an ;
  • mise en place d’une Initiative de renforcement des capacités pour la transparence afin de développer les capacités institutionnelles et techniques avant et après 2020. Cette initiative aidera les PED à répondre en temps voulu aux critères renforcés de transparence [ article 13 de l’accord;
  • les acteurs non étatiques sont invités à amplifier leurs efforts de réduction, et à faire état de ces efforts via le portail des acteurs non étatiques pour l’action climatique ( NAZCA ).

Avancées de l’Accord

  • premier accord universel engageant toutes les Parties dans la transition vers une économie à faibles émissions de GES ;
  • inscription de l’objectif de 2°C dans un instrument juridique international [jusque-là, seuls l’accord de Copenhague de 2009 (texte non formellement approuvé par la COP faute de consensus) et la décision 1/CP.16 (adoptée à la COP-16 (Cancún, 2010) le reconnaissaient];
  • une référence à l’objectif symbolique et politique de 1,5°C même s’il sera très difficile, voire impossible de l’atteindre, au regard des projections d’émissions mondiales de GES en 2050 ;
  • une définition plus dynamique de la différenciation reflé- tant la réalité économique actuelle des pays émergents ;
  • le principe selon lequel les futures NDC doivent aller au-delà des engagements de réduction déjà souscrits [dynamique de renforcement progressif des objectifs nationaux au fil du temps];
  • le mécanisme de révision quinquennale à la hausse des NDC destiné à renforcer l’ambition de l’accord au fil du temps, ce qui lui confère un caractère dynamique  ;
  • un système de transparence différencié [de type MRV] , plus robuste que le système actuellement en place, pour suivre, évaluer et vérifier la performance des Parties : émissions de GES, politiques et mesures « climat » mises en œuvre, progrès vers la réalisation de leurs objectifs de réduction et soutien financier fourni [pays industrialisés] et reçu [PED];

Transparence – obliger les Etats à rendre des comptes

Avec les NDC, le système MRV établi constitue un des piliers de l’accord. Il va obliger tous les Gouvernements à rendre des comptes [principe appelé  » accountability « ] quant au respect de leurs engagements de réduction fixés au niveau national et ce, dans une démarche ascendante mais transparente [à la diffé-rence du Protocole de Kyoto, basé sur une approche descendante] . Ce nouveau système va ainsi mettre chaque pays devant ses responsabilités individuelles vis-à-vis de l’effort collectif.  

  • parité juridique entre les deux volets de la lutte contre le changement climatique : atténuation et adaptation;
  • financement : nouvel objectif chiffré au-dessus de 100 Md $/an, à fixer avant 2025 pour la période post-2025 ;
  • l’Accord engage une dynamique pour aligner les flux financiers dans tous les pays avec des trajectoires de développement à faibles émissions de GES . C’est un signal clair et fort au secteur privé et surtout aux investisseurs.

Faiblesses de l’Accord

Prochaines étapes

La COP-21 constitue à la fois la fin d’un processus et le début d’un autre pour mettre en place le nouveau régime établi par l’Accord de Paris. Même si celui-ci n’entrera pas en vigueur avant 2020, la décision adoptée prévoit que les Parties peuvent provisoirement appliquer l’Accord de Paris, sans attendre son entrée en vigueur (cf. paragraphe 5) .

L’Accord de Paris constitue ainsi un socle sur lequel les Etats vont mettre en place, avec tous les acteurs de la société (collectivités, villes, secteur privé, ONG et citoyens), la transition vers la décarbonisation mondiale.

(1) Voir CDL n°185 p.2.

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