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Evaluation de la Cour des Comptes sur les politiques air

  • Réf. : 2016_02_a2
  • Publié le: 1 février 2016
  • Date de mise à jour: 31 mai 2019
  • France

Le rapport pointe un manque de politique structurée visant tous les secteurs et préconise une politique intégrée air et climat. Les conclusions sont très critiques. Le CITEPA publie les points que la Cour des Comptes juge clés.

Le 21 janvier 2016, la Cour des Comptes a publié un rapport d’évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air en France métropolitaine. Il s’appuie à plusieurs reprises sur les données d’émission du CITEPA.

Historique et méthodologie

Ce rapport a été établi à la demande du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale [décision du 2 octobre 2014]. Le 7 octobre 2014, celle-ci a sollicité l’appui de la Cour des Comptes pour réaliser cette mission. Celle-ci a lancé l’évaluation en février 2015. Dans le cadre de l’enquête, de nombreux experts ont été auditionnés [cf annexe n° 21], dont Nadine Allemand, directrice adjointe du CITEPA [le 22 octobre 2015]. Au-delà des actions menées par les pouvoirs publics dans le contexte réglementaire, la Cour des Comptes a examiné plus particulièrement les mesures prises dans le cadre de la gestion des pics de pollution de mars 2014 et de mars 2015, ainsi que les Plans de protection de l’atmosphère [PPA (lire notre article sur ce sujet)] de l’Ile-de-France, de la vallée de l’Arve, des Bouches du Rhône, de Haute Normandie et de la région grenobloise, ces régions présentant des caractéristiques de pollution atmosphérique très différentes.

Conclusions (voir pp. 7-8 et pp.113-114 du rapport)

Parmi les conclusions principales, les auteurs soulignent que « les choix des mesures qui sont régulièrement annoncées, sans forcément être concrétisées, se font sans fondement scientifique solide« . […] « Depuis cinq ans, les plans nationaux d’amélioration de la qualité de l’air se sont succédé sans évaluation [a posteriori du rapport coût/bénéfices] des mesures mises en place« . De même, « les dépenses consacrées par les administrations publiques à cette question ne sont pas bien recensées [et ne sont pas suivies] ». Si « plusieurs mesures mises en place ont eu des effets notables » [comme le dispositif de surveillance de la qualité de l’air ou la réduction des émissions de polluants dans le secteur industriel], selon le rapport, « il n’existe pas encore de politique structurée, [visant] tous les secteurs [émetteurs], accompagnée d’une communication claire« . Il existe plutôt un « empilement de dispositifs hétérogènes [depuis les années 1980], dont tous n’ont pas pour objectif explicite et premier l’amélioration de la qualité de l’air. L’objectif de lutte contre la pollution entre d’ailleurs parfois en contradiction avec  [ceux de la politique climat]. L’accent mis sur la réduction des émissions de CO2 a ainsi conduit à favoriser certaines technologies qui émettent des polluants atmosphériques nocifs à court terme [NOx et PM10/PM2,5] : c’est le cas en particulier des mesures prises pendant des années en faveur du diesel ou du chauffage au bois« .

Pour les auteurs, « la mise en cohérence de ces deux politiques [air et climat] est [donc] une urgence« .

Cette approche intégrée est celle suivie par le CITEPA depuis plus de 20 ans [à commencer par le programme CORINAIR en 1994] dans le cadre de l’estimation des émissions de polluants et de GES et de la réalisation des inventaires d’émission.

Les auteurs du rapport soulignent également :

  • que « des efforts restent à consentir pour prendre en compte [dans le dispositif de surveillance de la qualité de l’air] des polluants dont la nocivité a été identifiée plus récemment [pesticides, particules ultrafines]« ;
  • qu’alors qu’ils « représentent une part croissante dans les émissions de certains polluants, les secteurs résidentiel-tertiaire et agricole restent peu concernés par les mesures de réduction« ;
  • que sauf dans les secteurs de l’industrie et de la production d’énergie, le principe « pollueur-payeur » (PPP) n’est pas appliqué ou n’est appliqué que partiellement. « Les outils utilisés sont surtout réglementaires. Ils comportent peu d’incitations financières spécifiques en dehors de celles visant à limiter les émissions liées au chauffage des particuliers« . L’application du PPP à tous les secteurs « permettrait de financer les actions d’adaptation des outils de production et des modes de transport« ;
  • qu’alors que la pollution de l’air est un problème de dimension essentiellement locale qui nécessite des réponses concertées entre tous les responsables de terrain, la répartition des compétences provoque des tensions. Encore trop d’inter-ventions au niveau national perturbent les mesures prises au plan local par les préfets ou les collectivités. Ces interventions ont pu retarder ou limiter la mise en œuvre d’outils efficaces, notamment en cas de pics de pollution« . Selon le rapport, « il faut donc que l’Etat fixe un cadre clair et donne des outils spécifiques mais qu’il laisse ensuite les acteurs locaux prendre les mesures les mieux adaptées aux situations rencontrées« .

D’après la Cour des Comptes, « la lutte contre la pollution de l’air passe par une implication beaucoup plus forte de tous les agents économiques, y compris les particuliers« . Il faudrait également promouvoir « des changements de comportement individuel, surtout en matière de transport et de consommation d’énergie« .

Enfin, la Cour des Comptes formule 12 recommandations en direction de trois Ministères :

Ministère de l’Agriculture

Ministère de l’Environnement

  • mesurer l’impact des actions mises en œuvre pour lutter contre la pollution de l’air dans le cadre des plans nationaux, des plans locaux, ainsi que lors des pics de pollution,
  • harmoniser les calendriers des plans nationaux, des schémas régionaux et des plans locaux de lutte contre la pollution de l’air, afin que le cadre de l’action locale soit mieux défini,
  • chiffrer dans les plans nationaux et locaux les financements associés aux mesures prévues,
  • mettre en œuvre un financement du réseau de surveillance de la qualité de l’air conforme au principe « pollueur-payeur » pour tous les secteurs économiques,
  • rendre obligatoire la surveillance par les AASQA de la présence dans l’air des pesticides les plus nocifs,
  • taxer le gazole et l’essence en fonction de leurs externalités négatives respectives [polluants atmosphériques et GES], afin de rééquilibrer la fiscalité pesant sur ces deux carburants,
  • compte tenu de la suppression de l’écotaxe [annoncée le 9 octobre 2014], revoir les taux de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers afin de mieux prendre en compte l’impact des émissions des poids lourds sur la pollution de l’air,
  • identifier par une pastille les véhicules selon leurs émissions de polluants, afin de pouvoir mettre en place rapidement des mesures de restriction de circulation,
  • suivre l’ensemble des crédits affectés non seulement à la surveillance mais aussi aux mesures d’amélioration et de recherche en matière de qualité de l’air,
  • améliorer l’information du Parlement en complétant l’annexe « jaune » « Protection de la nature et de l’environnement« , qui accompagne chaque année le projet de loi de finances, par des indicateurs relatifs à la qualité de l’air.

Ministère de la Santé

  • mettre en place un partage de l’information à des fins épidémiologiques entre les services de la médecine du travail, les agences régionales de santé et les cellules interrégionales d’épidémiologie.


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