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COP-23 : résultats et bilan

  • Réf. : 2017_12_a1
  • Publié le: 1 décembre 2017
  • Date de mise à jour: 29 mai 2019
  • International

La 23e Conférence des Parties à la Convention Climat (COP-23) s’est tenue du 6 au 18 novembre 2017 à Bonn, sous Présidence des Iles Fidji.

Contexte et déroulement de la Conférence

La Conférence de Bonn est intervenue dans un contexte marqué, en amont, par une dynamique politique et diplomatique moins forte qu’aux périodes pré-COP-22 et pré-COP-21. Par ailleurs, de fortes incertitudes planaient en amont de la COP-23 quant au comportement qu’allait adopter l’équipe de négociation des Etats-Unis depuis l’annonce de leur retrait de l’Accord de Paris (lire notre article sur ce sujet).

En 2017, les émissions repartent à la hausse (GCP)

Le 13 novembre 2017, l’initiative internationale de recherche Global Carbon Project (GCP) a publié ses données provisoires d’émission de CO2 pour l’année 2017. Ainsi, après trois années de stabilisation (2014-2016), les émissions de CO2 devraient repartir à la hausse en 2017 (+2%) pour atteindre 36,8 GtCO2 (contre 36,3 GtCO2 en 2016). Selon ces nouvelles estimations, elles devraient connaître une très légère baisse dans l’UE (-0,2%) [0,3% entre 2015 et 2016] et aux Etats-Unis (-0,4%) [2,1% entre 2015 et 2016] alors qu’elles devraient augmenter notamment en Chine (+3,5%) [0,3% entre 2015 et 2016] et en Inde (+2%) [+4,5% entre 2015 et 2016].

Comme tous les ans, la conférence s’est articulée autour de plusieurs sessions de négociations qui se sont déroulées en parallèle :

  • 7-15 nov. : sessions techniques au sein du groupe de travail sur l’Accord de Paris (APA) [chargé de définir les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris],
  • 6–18 nov. : sessions techniques au sein des deux enceintes permanentes : la 23e Conférence des Parties (COP-23) à la Convention Climat (CCNUCC) et la 13e Réunion des Parties (CMP-13) au Protocole de Kyoto,
  • 7-14 nov. : 47èmes sessions techniques des deux organes subsidiaires de la CCNUCC : SBSTA [conseil scientifique et technologique] et SBI [mise en œuvre],
  • 15-18 nov. : 2e partie de la 1ère session de la Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-1-2),
  • 15-16 nov. : segment de haut niveau rassemblant 25 Chefs d’Etat et de Gouvernement, ainsi qu’une centaine de Ministres des 197 Parties à la CCNUCC. Ils ont prononcé chacun une allocution.

La Présidence marocaine de la COP a pris fin à l’ouverture de la COP-23. Les Iles Fidji détiennent désormais la Présidence jusqu’à l’ouverture de la COP-24 [3 déc. 2018 – voir p.3].

Le premier jour à la COP-23. © IISD/ENB | Kiara Worth.

Résultats obtenus dans le cadre des négociations

Au total, 29 décisions ont été adoptées : 22 par la COP-23 et 9 par la CMP-13.

Le résultat principal est la décision 1/CP.23, appelée « La dynamique des Iles Fidji pour la mise en œuvre », composée de trois chapitres :

I. Mise en œuvre de l’Accord de Paris

Il s’agit du programme de travail de Paris pour que les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris [modalités, procédures et lignes directrices ou « MPG »] soient finalisées pour adoption à la COP-24 [cf. décision 1/CP.22].

L’annexe I de la décision énumère l’ensemble des volets de ce programme [dont les six volets dont l’APA est responsable : contributions nationales (NDC), adaptation, transparence, bilan mondial, comité de mise en œuvre, questions diverses].

Les négociations au sein de l’APA ont débouché sur une série de notes informelles pour chacun de ces six volets [voir ces notes en cliquant sur : NDC,adaptation, transparence, bilan mondial, comité de mise en œuvre, questions diverses]. Les Parties disposent désormais d’une base de négociation informelle pour finaliser les règles en 2018 sur ces six volets.

Les délégués en petit comité (« huddle« ) lors des négociations du groupe de travail APA le 15 novembre. © IISD/ENB | Kiara Worth.

Des progrès notables ont été enregistrés sur les volets transparence et bilan mondial. En revanche, c’est sur le volet NDC que les progrès ont été les plus modestes, alors que les NDC sont à la base du nouveau régime multilatéral climat post-2020. Si la note informelle témoigne de la volonté des co-facilitateurs de refléter intégralement les différents points de vue des Parties, le volume du document [180 pages] montre qu’il existe encore de fortes divergences d’opinion sur la structure des NDC, les modalités de leur communication et de leur mise à jour. En particulier, les discussions ont fait ressortir un manque de consensus sur la prise en compte de la différenciation [entre pays industrialisés et pays en développement (PED)], la flexibilité et le champ d’application.

II. Dialogue de Talanoa (TD 2018)

La décision 1/CP.21 [§ 20] prévoyait un dialogue de facilitation entre les Parties pour évaluer en 2018 les efforts de réduction collectifs et renforcer le niveau d’ambition via les NDC. La décision 1/CP.23 vient concrétiser ce point d’étape, désormais appelé dialogue de Talanoa. L’annexe II définit ses caractéristiques. Le TD 2018 sera mené tout au long de l’année 2018, en appliquant le principe de Talanoa, pratique traditionnelle fidjienne basée sur un dialogue inclusif, participatif et transparent. Le TD 2018 sera structuré autour de trois questions : où en sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Comment y aller ?

Le TD 2018 sera composé d’une phase préparatoire [avant COP-24] avec participation des Etats et des acteurs non-étatiques [villes, régions, entreprises,…], ainsi que d’une phase politique [à la COP-24] avec les Ministres. Les deux phases seront menées conjointement par les Présidences de la COP-23 et de la COP-24 [Pologne]. Les résultats de cet exercice devraient orienter les Parties dans l’élaboration de leur prochaine NDC, à soumettre d’ici 2020.

III. Ambition/action pré-2020 – le point de blocage

La COP-23 a surtout été marquée par le retour d’un sujet inattendu car non inscrit formellement à son ordre du jour : l’ambition et la mise en œuvre à court terme, à savoir avant 2020. Les PED ont reproché aux pays industrialisés d’avoir réalisé des progrès insuffisants pour respecter leurs engagements pré-2020 [pris à Copenhague à la COP-15 (2009) et confirmés à Cancún à la COP-16 (2010)], tant du point de vue du financement fourni [objectif de 100 Md$/an d’ici 2020], que de la réduction des émissions [voir engagements pré-2020 des pays annexe I].

En effet, plusieurs grands pays émetteurs de l’annexe I de la CCNUCC ne vont sans doute pas atteindre leurs objectifs de réduction 2020 (voir graphique p.1). L’Iran, au nom de la coalition dite « LMDC » [Like-Minded Developing Countries (PED partageant le même avis), groupe de pays dominé par la Chine et l’Inde], a demandé à la Présidence fidjienne d’ajouter le sujet « pré-2020 » à l’ordre du jour formel de la COP-23, mettant ainsi la pression sur les pays industrialisés pour qu’ils renforcent leur ambition et qu’ils accélèrent leur action pré-2020 au lieu de focaliser tous leurs efforts sur le post-2020.

Réduction des émissions

Les PED ont exhorté les pays industrialisés à ratifier, sans plus tarder, l’amendement de Doha de 2012 établissant la 2e période d’engagement du Protocole de Kyoto [2013-2020], toujours pas en vigueur faute d’un nombre suffisant de ratifications [95 sur les 144 nécessaires (au 7 déc. 2017)].

Lors du segment de haut niveau, le 15 novembre, le Secrétaire-Général de l’ONU, Antonio Guterres, a recommandé de réaliser des réductions supplémentaires d’au moins 25% d’ici 2020 (base 1990), et il a annoncé qu’il convoquerait un sommet climat en septembre 2018 afin de mobiliser la dynamique politique au plus haut niveau.

Financement

Les PED ont vivement critiqué le manque d’ambition en matière de soutien financier fourni. Cependant, c’est surtout la question de l’article 9 § 5 de l’Accord de Paris qui a provoqué l’ire des PED à la COP-23.

Article 9 § 5 : « Les pays développés communiquent tous les deux ans des informations quantitatives et qualitatives sur le financement fourni aux
[PED] ». Cette disposition vise à améliorer la prévisibilité des flux du soutien financier Nord-Sud.

Bien que la COP doive définir des recommandations pour mettre en œuvre cet article [cf. § 55 de la décision 1/CP.21], les pays développés ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas aborder cette question à la COP-23. Ce refus a donc ravivé les divisions Nord-Sud, ce qui renvoie à la question de la responsabilité historique des émissions de GES.

La Présidence a finalement décidé de ne pas ajouter le sujet pré-2020 à l’ordre du jour mais au bout d’intenses négociations, les pays développés ont fini par accepter de faire des concessions : ainsi, l’ambition et l’action pré-2020 constituent un des trois volets de la décision 1/CP.23 (voir p.2), ce qui représente une victoire importante pour les PED.

Dans le cadre du compromis négocié :

  • deux bilans [stocktakes] formels vont être dressés : à la COP-24 [2018], puis à la COP-25 [2019], pour évaluer les progrès des pays développés dans la réalisation de leurs engagements de réduction et de financement pré-2020,
  • le dialogue de Talanoa prendra également en compte les efforts pré-2020 des Parties.

Nouvelles initiatives annoncées

Dans la zone « Bonn » dédiée à l’action des acteurs non-étatiques, plusieurs initiatives ont été lancées, au premier rang desquelles une alliance pour la sortie du charbon (« Powering Past Coal« ). Cette initiative conjointe du Canada et du Royaume-Uni regroupe 25 membres dont 19 Etats [y compris la France] et plusieurs collectivités infranationales [au Canada et aux Etats-Unis] qui s’engagent à éliminer pro-gressivement, et selon leur propre calendrier, les centrales à charbon existantes sans captage et stockage du CO2.

Bilan

Même si la COP-23 était une COP technique de transition, des avancées non négligeables ont été enregistrées, notamment sur l’élaboration de l’ensemble des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris.

Conscients que la finalisation de ces règles demandera encore beaucoup de travail, les négociateurs ont prévu dans la décision 1/CP.23 la possibilité de tenir une session supplémentaire [APA, SBSTA, SBI] avant la COP-24.

Enfin, deux grandes tendances générales ont caractérisé les négociations à Bonn :

  • l’absence de leadership politique global : aucune Partie n’a cherché à reprendre le rôle moteur abandonné par les Etats-Unis : l’UE est restée très discrète du fait de ses divisions internes et la Chine, plutôt attentiste, a néanmoins joué un rôle de leader des PED, en montrant sa détermination à faire entendre leurs exigences, notamment sur le dossier pré-2020 ;
  • la résurgence des clivages et de la méfiance Nord-Sud, surtout au sujet du manque d’ambition pré-2020 des pays industrialisés. Bonn a ainsi vu la première remise en cause du consensus délicatement dégagé à la COP-21. Le compromis final sur le pré-2020 représente un regain de force des PED menés par la coalition LMDC.

Perspectives

L’année 2018, et surtout la COP-24 [3-14 décembre 2018 à Katowice, Pologne], s’annonce décisive pour la concrétisation de l’Accord de Paris car ses règles définitives de mise en œuvre devront y être adoptées par les Parties. Comme la COP-21, Katowice sera donc une COP à forts enjeux politiques. D’ici là, le groupe de travail APA aura la lourde tâ;che de transformer la série de notes informelles établies à Bonn en textes de négociation formelle. En outre, le rapport spécial du GIEC [SR1.5 : impacts d’une hausse supérieure à 1,5°C et trajectoires d’émission associées], dont la publication est prévue début octobre 2018, éclairera et guidera les travaux de la COP-24, et en particulier le dialogue de Talanoa.

Enfin, plusieurs événements clés, à commencer par le « One Planet Summit » [financement des actions climat] convoqué par le Président de la République le 12 décembre 2017 à Paris, devraient insuffler une nouvelle dynamique politique de haut niveau à l’action climat mondial en 2018, en vue de renforcer l’ambition en matière de réduction des émissions et de soutien financier international, tant à court qu’à moyen et à long terme

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