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NO2 : la Commission demande formellement à la France d’exécuter l’arrêt de la CJUE sur le non-respect de la directive sur la qualité de l’air dans 12 zones

  • Réf. : 2020_12_a08
  • Publié le: 4 décembre 2020
  • Date de mise à jour: 7 décembre 2020
  • France
  • UE

Le 3 décembre 2020, la Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu’elle a formellement demandé à la France d’exécuter l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 24 octobre 2019 (affaire n° C-636/18).

Lire notre article « Dépassement des valeurs limites de concentration de NO2 : la France condamnée par l’UE ».

Lire notre article  » Après le NO2, les PM10 : la France de nouveau saisie devant la CJUE pour non-respect de la directive sur la qualité de l’air »

Dans son arrêt du 24 octobre 2019, la CJUE a constaté que la France n’avait pas respecté les valeurs limites applicables aux concentrations de dioxyde d’azote (NO2) dans 12 agglomérations et zones de qualité de l’air et n’avait pas veillé à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible, comme exigé par la directive 2008/50/CE. Ces agglomérations et zones sont Marseille, Toulon, Paris, Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse, Reims, Grenoble, Strasbourg, Lyon, Nice et l’ancienne Vallée de l’Arve Rhône-Alpes (qui forme désormais deux zones distinctes : la Vallée de l’Arve et la Vallée du Rhône).

La Commission indique dans son communiqué qu’elle reconnaît les efforts consentis par les autorités françaises pour améliorer la qualité de l’air. Toutefois, à l’exception de la zone de Clermont-Ferrand, ces efforts ne sont pas encore suffisants pour limiter autant que possible les dépassements dans le temps. La Commission a donc demandé à la France, via une lettre de mise en demeure, procédure formelle prévue par le Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 260 – voir encadré ci-dessous, étape 4), d’adopter et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour remédier à la situation et faire en sorte que la période de dépassement soit la plus courte possible.

La France dispose désormais d’un délai de deux mois pour répondre aux préoccupations soulevées par la Commission. À défaut, cette dernière pourrait renvoyer l’affaire devant la CJUE et proposer que des sanctions financières soient infligées à la France (pour comprendre les quatre étapes de la procédure d’infraction de l’UE, voir encadré ci-dessous).

 

 

Qu’est-ce que la procédure d’infraction de l’UE ?

En tant que « gardienne » des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).

En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 258), la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :

Etape 1 : mise en demeure

La Commission envoie une lettre de mise en demeure [demande d’informations] à l’EM (article 258).

Etape 2 : avis motivé

Si la Commission n’est pas satisfaite des informations reçues et conclut que l’EM ne s’acquitte pas de ses obligations juridiques, elle peut ensuite lui envoyer un avis motivé [demande formelle de s’y conformer] (article 258).

Etape 3 : saisine de la CJUE (assignation devant la CJUE) + arrêt contraignant

Si l’EM ne s’y conforme toujours pas, la Commission peut alors décider de saisir la CJUE (article 258) qui, si elle le juge nécessaire, rend un arrêt contraignant.

Etape 4 : 2e saisine de la CJUE + sanctions financières

Si malgré ce 1er arrêt, la Commission estime que l’EM n’a pas pris les mesures pour exécuter l’arrêt de la CJUE, elle peut, après avoir mis cet EM en demeure de présenter ses observations, saisir une 2e fois la CJUE, en lui demandant d’imposer des sanctions financières sur la base d’un montant proposé par la Commission (article 260). Ces sanctions financières peuvent prendre la forme, via un 2e arrêt de la CJUE, d’une somme forfaitaire et/ou une indemnité journalière (astreinte), à dater du 2e arrêt de la CJUE jusqu’à ce qu’il soit mis un terme à l’infraction. Ces sanctions financières sont calculées en tenant compte de l’importance des règles violées et de l’incidence de l’infraction sur les intérêts généraux et particuliers ; de la période pendant laquelle le droit de l’UE n’a pas été appliqué et de la capacité de paiement de l’Etat membre, garantissant l’effet dissuasif de l’amende. Dans son 2e arrêt, la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission.

 

 

A noter que la France n’est pas le seul Etat-membre visé par cette nouvelle série de décisions de la Commission relatives aux procédures d’infraction, dont celles concernant la qualité de l’air. Trois autres EM sont également visés sur le sujet de la qualité de l’air :

 

Bulgarie

Dans le cas de la Bulgarie, la Commission va plus loin que celui sur France car elle a décidé, le 3 décembre 2020, de saisir la CJUE d’un recours contre la Bulgarie pour non-respect de l’arrêt de la Cour du 5 avril 2017 constatant que la Bulgarie avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la législation de l’UE relative à la qualité de l’air ambiant (directive 2008/50/CE) (4e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus).

 

 

Arrêt contre la Bulgarie : une première

Le 5 avril 2017, la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre de la Bulgarie pour non-respect des valeurs limites de concentration (VLC) applicables aux PM10. Il s’agit de la première fois que la CJUE avait rendu un jugement contre un EM pour non respect de la législation de l’UE sur la qualité de l’air (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus).

Ce cas a créé un précédent car le 22 février 2018, la CJUE a rendu un 2e arrêt, à l’encontre de la Pologne, pour non-respect des VLC des PM10 sur la période 2007-2015, pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement des VLC, et pour transposition incomplète de la directive 2008/50/CE (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus).

Faisant suite à ces arrêts, la France a été condamnée, le 24 octobre 2019, par la CJUE pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour dépassement de manière systématique et persistent des VLC pour le NO2 (lire notre article sur le sujet). (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus).

 

En particulier, la Bulgarie n’a pas respecté de manière systématique et continue les valeurs limites de concentration fixées pour les PM10 et n’a pas adopté les mesures appropriées pour limiter autant que possible la période de dépassement. Étant donné qu’il s’agit d’une saisine de la CJUE faisant suite au non-respect d’un arrêt antérieur qu’elle a rendu, cette saisine peut entraîner des sanctions pour la période écoulée entre le premier arrêt et la mise en conformité.

Afin de se conformer à l’arrêt, la Bulgarie doit adopter et mettre en œuvre une série de mesures législatives et administratives. Les données fournies par la Bulgarie, couvrant les années 2015 à 2019, confirment que la violation systématique et continue constatée par la CJUE persiste. Plus de trois ans après l’arrêt, la Bulgarie n’est pas encore parvenue à garantir que toutes ses zones et agglomérations établies en matière de qualité de l’air respectent les valeurs limites fixées dans la directive. C’est en Bulgarie que sont enregistrés certains des plus importants dépassements dans l’UE des valeurs limites annuelles et journalières pour les PM10, avec les risques qui en découlent pour la santé de sa population. Voir communiqué sur la Bulgarie.

 

Grèce

La Commission européenne a également décidé le 3 décembre 2020 de saisir la CJUE d’un recours contre la Grèce relatif à la mauvaise qualité de l’air due à des niveaux élevés de PM10 (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus) En cas de dépassement des valeurs limites fixées par la directive 2008/50/CE, les États membres sont tenus d’adopter des plans relatifs à la qualité de l’air pour veiller à ce que des mesures appropriées soient prises pour que la période de dépassement soit la plus courte possible.

La Grèce n’a pas respecté les valeurs limites journalières applicables aux concentrations de PM10 qui sont juridiquement contraignantes depuis 2005. La Grèce a manqué à l’obligation lui incombant de faire en sorte que la période de dépassement soit la plus courte possible et n’a pas pris de mesures adéquates pour réduire les concentrations de PM10 dans l’agglomération de Thessalonique. Les données fournies par la Grèce confirment les dépassements systématiques dans l’agglomération de Thessalonique en 14 ans depuis 2005 (toutes les années à l’exception de 2013). En 2019, dernière année pour laquelle des données sont actuellement disponibles, des dépassements supérieurs à la valeur limite de concentration ont été enregistrés pendant 67 jours. La Commission estime que les efforts déployés jusqu’à présent par les autorités grecques ont été insatisfaisants et insuffisants. Voir communiqué sur la Grèce.

 

Autriche

Enfin, la Commission a décidé le 3 décembre 2020 d’adresser un avis motivé (2e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus) à l’Autriche au sujet de lacunes dans la transposition des règles de l’UE relatives aux méthodes de référence, à la validation des données et à l’emplacement des points de prélèvement pour l’évaluation de la qualité de l’air ambiant (directive (UE) 2015/1480). La Commission souligne que des méthodes de référence, une validation des données et un emplacement des points de prélèvement corrects sont fondamentaux pour établir des données fiables. En l’absence de celles-ci, avertit la Commission, il est impossible d’évaluer la qualité de l’air ambiant. En particulier, la législation autrichienne ne prévoit pas de mise à jour correcte de la documentation des mesures. En outre, certaines parties de la législation de l’UE sur la qualité de l’air transposée en droit national autrichien ne couvrent pas l’ozone. L’Autriche dispose à présent d’un délai de deux mois pour remédier à la situation, en améliorant sa méthodologie d’évaluation de la qualité de l’air ambiant. À défaut, la Commission pourrait décider de saisir la CJUE.

 

En savoir plus

Communiqué de la Commission (voir section 1. Environnement, rubrique Qualité de l’air)

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