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Directive IED : la Commission lance une procédure d’infraction contre la France sur le droit d’antériorité

  • Réf. : 2022_08_b10
  • Publié le: 25 août 2022
  • Date de mise à jour: 18 août 2022
  • France
  • UE

Le 15 juillet 2022, la Commission européenne a formellement demandé à la France d’aligner sa réglementation nationale sur certaines dispositions législatives de la directive IED (directive 2010/75/UE) relative aux émissions industrielles et de la directive MCP (directive (UE) 2015/2193) (voir encadré en fin d’article). Concrètement, la Commission a décidé de lancer la première étape de la procédure d’infraction (voir encadré ci-dessous), en adressant une lettre de mise en demeure à la France pour non-respect de la directive IED (voir décision de la Commission) et plus précisément pour non-respect de certaines obligations qui incombent à la France au titre de cette directive.

A noter que la France fait déjà l’objet d’une procédure d’infraction concernant la directive MCP pour transposition incorrecte en droit national des dispositions législatives de celle-ci (lettre de mise en demeure envoyée à la France par la Commission le 21 septembre 2021 – lire notre article). La France avait alors deux mois pour rectifier la situation, faute de quoi, la Commission pouvait décider de lancer la 2e phase de la procédure d’infraction (envoi d’un avis motivé, 2e étape de la procédure d’infraction). Pour l’instant, il n’y a pas eu de nouvelles communications publiques à ce propos.

 

Qu’est-ce que la procédure d’infraction de l’UE ?

En tant que « gardienne » des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).

En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 258), la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :

  • la Commission envoie une lettre de mise en demeure [demande d’informations] à l’EM,
  • si elle n’est pas satisfaite des informations reçues et conclut que l’EM ne s’acquitte pas de ses obligations juridiques, elle peut ensuite lui envoyer un avis motivé [demande formelle de s’y conformer],
  • si l’EM ne s’y conforme toujours pas, la Commission peut alors décider de l’assigner devant la CJUE qui, si elle le juge nécessaire, rend un arrêt contraignant,
  • si malgré ce 1er arrêt, l’EM ne remédie toujours pas au problème, la Commission peut saisir une 2e fois la CJUE, en lui demandant d’imposer des sanctions financières [somme forfaitaire et/ou indemnité journalière], via un 2e arrêt [où la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission].

Ces sanctions financières sont calculées en tenant compte :

  • de l’importance des règles violées et de l’incidence de l’infraction sur les intérêts généraux et particuliers,
  • de la période pendant laquelle le droit de l’UE n’a pas été appliqué,
  • de la capacité de paiement de l’Etat membre, garantissant l’effet dissuasif de l’amende.

Dans son 2e arrêt, la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission.

 

Toutes les installations visées par la directive IED situées dans un Etat membre de l’UE doivent fonctionner dans le cadre d’une autorisation et respecter les conditions qui y sont fixées (émissions dans l’air et l’eau, utilisation efficace d’énergie, gestion des déchets, etc.). Il en va de même pour celles couvertes par la directive MCP.

Or, selon la Commission, la législation française, en vertu du « droit d’antériorité », exempte, sous certaines conditions, certaines installations de l’exigence de disposer d’une autorisation. En effet, le droit d’antériorité, parfois appelé « droits acquis » dans le passé, est un principe clé établi dans la législation française sur les installations classées, et désormais inscrit à l’article L.513-1 du Code de l’Environnement. Conformément à cet article, les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration, à la seule condition que l’exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l’année suivant l’entrée en vigueur du décret.

En conséquence, la Commission considère que ce principe du « droit d’antériorité » est incompatible avec les dispositions des directive IED et MCP et a donc envoyé une lettre de mise en demeure à la France.

 

Prochaines étapes

La France dispose désormais de deux mois pour y répondre et remédier aux manquements relevés par la Commission. En l’absence de réponse satisfaisante, la Commission pourrait décider d’émettre un avis motivé (2e étape de la procédure d’infraction).

 

En savoir plus

Communiqué de la Commission

Page du site de la DG Environnement dédiée aux émissions industrielles (directive IED)

Page du site de la DG Environnement dédiée à l’évaluation et à la révision de la directive IED

Page du site de la DG Environnement consacrée à la directive MCP.

 

Les directives IED et MCP

La directive IED

La directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (directive IED) est le principal instrument mis en place au niveau de l’UE pour maîtriser et atténuer les incidences des émissions industrielles sur l’environnement et la santé humaine. La directive IED réglemente quelque 50 000 grandes installations industrielles dans un large éventail de secteurs agro-industriels : centrales électriques ; raffineries ; production d’acier, de métaux non ferreux, de ciment, de chaux, de verre, de produits chimiques, de pâte à papier et de papier, de produits alimentaires et de boissons ; traitement et l’incinération des déchets ; élevage intensif de porcs et de volailles. La directive IED a pour objectif général de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, d’éliminer les émissions dans l’air, l’eau et le sol dues aux activités industrielles.

 

La directive IED s’applique aux activités industrielles émettrices visées aux chapitres II à VI du texte :

  • les installations relevant de l’ancienne directive IPPC (2008/1/CE) : cf. annexe 1,
  • les grandes installations de combustion (GIC) relevant de l’ancienne directive GIC (2001/80/CE) : cf. annexe V,
  • les installations d’incinération et de co-incinération de déchets relevant de l’ancienne directive Incinération (2000/76/CE) : annexe VI,
  • les installations et les activités utilisant des solvants organiques relevant de l’ancienne directive COV (1999/13/CE) : annexe VII,
  • les installations produisant du dioxyde de titane relevant de trois anciennes directives en la matière (78/176/CEE, 82/833/CEE, 92/112/CEE) : cf. annexe VIII.

 

La directive IED vise à faire en sorte que les émissions industrielles soient traitées via une approche intégrée et réduites au minimum. Les installations concernées doivent obtenir des autorisations délivrées par les autorités nationales sur la base de conditions fondées sur les meilleures techniques disponibles (MTD). Afin de garantir une approche comparable dans toute l’UE, des documents de référence sur les MTD (les “BREF”) sectoriels sont élaborés dans le cadre d’un processus participatif associant toutes les parties prenantes. Ainsi, une évaluation technico-économique est réalisée au niveau de l’UE par un groupe de travail technique composé de représentants de la Commission, des États membres, de l’industrie et de la société civile. Les chapitres sur les conclusions relatives aux MTD de chaque BREF sont adoptés en tant qu’actes d’exécution de la Commission servant de base pour fixer les conditions d’autorisation.

 

La directive MCP

La directive MCP relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des installations de combustion de taille moyenne (directive (UE) 2015/2193), adoptée le 25 novembre 2015, vise à réduire les risques potentiels pour la santé humaine et l’environnement. A cette fin, elle établit les règles visant à contrôler les émissions atmosphériques de dioxyde de soufre (SO2), d’oxydes d’azote (NOx) et des poussières (particules) en provenance des installations de combustion de taille moyenne (medium combustion plants ou MCP en anglais), ainsi que les règles visant à surveiller les émissions de monoxyde de carbone (CO).

 

La directive définit une MCP comme étant une installation où sont oxydés des combustibles en vue d’utiliser la chaleur ainsi produite, dont la puissance thermique nominale totale est égale ou supérieure à 1 MW et inférieure à 50 MW, quel que soit le type de combustible utilisé.

 

Cette législation vise ainsi à combler le vide réglementaire qui subsistait entre les grandes installations de combustion (de plus de 50 MW) couvertes par la directive IED et les appareils plus petits, comme les chauffages et les chaudières, régis par la directive dite Ecoconception (directive 2009/125/CE).

 

Les Etats membres de l’UE doivent veiller à ce que :

  • toutes les nouvelles installations de combustion de taille moyenne, c’est-à-dire celles mises en service après le 19 décembre 2018 disposent d’une autorisation ou soient enregistrées ;
  • d’ici au 1erjanvier 2024, toutes les installations existantes dont la puissance (ou capacité) thermique nominale totale est supérieure à 5 mégawatts (MW) disposent d’une autorisation ou soient enregistrées ;
  • d’ici au 1erjanvier 2029, toutes les installations existantes dont la puissance thermique nominale totale est inférieure ou égale à 5 MW disposent d’une autorisation ou soient enregistrées.

 

La législation fixe des valeurs limites d’émission par catégorie de combustible.

 

Ces valeurs limites sont entrées en vigueur le 20 décembre 2018 pour les installations nouvelles et d’ici 2025 ou 2030 pour les installations existantes, selon leur taille. Les exploitants d’installation doivent surveiller les émissions. Les Etats membres doivent mettre en place un système efficace d’inspection pour vérifier la conformité avec les valeurs limites d’émissions.

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