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Pertes et préjudices liés au dérèglement climatique : première réunion du Comité chargé de mettre en place le fonds dédié aux pays victimes

  • Réf. : 2023_03_a05
  • Publié le: 28 mars 2023
  • Date de mise à jour: 5 avril 2023
  • International

Le nouveau Comité de transition (Transitional Committee) pour les pertes et préjudices, dont la mise en place avait été décidée lors de la COP-27 fin 2022 (voir encadre contexte en fin d’article), a tenu sa première réunion à Louxor, Egypte du 27 au 29 mars 2023. Le principal enjeu pour ce Comité est de concrétiser l’opérationnalisation du nouveau fonds pour les pertes et préjudices (également décidée lors de la COP-27) afin qu’il ne reste pas une coquille vide.

 

Composition du Comité de transition

La composition de ce Comité, qui devait être décidée avant le 15 décembre 2022, a pris du retard en raison de la nomination tardive des trois membres provenant du groupe régional Asie-Pacifique des pays membres de l’ONU. En effet, sur les cinq groupes régionaux (les quatre autres sont : Afrique ; Amérique latine et Caraïbes ; Europe de l’Ouest et autres [Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande,…] ; Europe de l’Est), celui d’Asie-Pacifique a été le dernier à nommer ses membres du fait d’un manque de consensus entre les différents pays d’Asie sur le choix des trois membres représentant leur région. Ils ont fini par trouver un compromis mi-mars 2023, en nommant des représentants de six pays qui se partageront la participation aux trois réunions prévues du Comité cette année : l’Inde, les Philippines et l’Arabie saoudite vont partager un siège alors que la Chine, la Corée du Sud et le Pakistan vont partager l’autre. Le 3e membre de ce groupe, un représentant de la Présidence de la COP-28 (Emirats arabes unis), n’a pas fait l’objet du désaccord entre les pays de la région.

 

Les enjeux

Pour l’instant, il y a tout simplement un accord de principe sur la création du fonds pour les pertes et préjudices conclu au terme de la COP-27 : tout reste à construire. Cela implique donc surtout de décider :

  • qui sera bénéficiaire de ce fonds ?
  • « les pays les plus vulnérables » (position de l’UE, des Etats-Unis et des pays vulnérables [petits Etats insulaires [groupe de négociation AOSIS] et pays les moins avancés), ou
  • tous les pays en développement, dont en priorité les pays vulnérables (position de la Chine notamment).

L’UE est formelle : les pays ayant un niveau élevé de revenus propres ne doivent pas être éligibles (notamment les pays du Golfe avec leurs revenus provenant de l’exportation de pétrole : Arabie saoudite, Qatar, Koweït,…) ;

  • quel sera le montant du soutien financier à fournir par les contributeurs ?
  • le soutien financier sera-t-il apporté sous forme de dons et/ou de subventions plutôt que des prêts et ce, pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires ?
  • qui va contribuer à ce fonds ?
  • une obligation pour les pays industrialisés et les pays à revenu élevé (toujours classés « pays en développement en vertu de la CCNUCC, annexe I), comme la Chine, l’Israël, la Corée du Sud, l’Arabie saoudite, le Qatar,… ? (position de l’UE) ? ou
  • une obligation uniquement pour les pays industrialisés (en raison de leur responsabilité historique des émissions) et une contribution des autres pays sur une base volontaire (position de la Chine) ?

Lors de la COP-27, la Chine s’est montrée intransigeante, en insistant sur le fait qu’elle soit toujours un pays en développement et qu’à ce titre, elle n’a pas d’obligation de fournir de l’aide financière aux pays vulnérables.

Cette question renvoie directement au problème de la division binaire du monde en deux catégories établie par la Convention Climat en 1992 (et confirmé en 1997 par le Protocole de Kyoto), basée sur la croissance économique des pays en 1992 (il y a 30 ans donc) et au principe des responsabilités communes mais différenciées (CBDR, cf. article 3.1 de la Convention).

Aujourd’hui, certains des pays en développement, notamment les grands pays émergents (Chine, Brésil, Arabie saoudite et Inde) ont un PIB plus élevé et sont de grands émetteurs de GES.

L’Accord de Paris a tenté d’assouplir la différenciation établie par la CCNUCC pour la rendre plus dynamique, sans établir de référence aux pays annexe I ou hors annexe I. Il se réfère uniquement aux pays développés et pays en développement (lire la section 2.5.4 sur la différenciation dans notre dossier de fond sur la COP-21 et l’Accord de Paris, p.20).

 

Le sujet des pertes et préjudices et la création du Comité de transition

Le sujet des pertes et préjudices

Le sujet des pertes et préjudices, très clivant entre pays du Nord et pays du Sud, constitue le troisième volet de l’action climat, après l’atténuation et l’adaptation. Ce sont les pertes et dommages irréversibles induits par le changement climatique qui dépassent les capacités des sociétés et des écosystèmes à s’y adapter, ainsi qu’aux impacts socio-économiques qui en résultent.

Ce sujet est étroitement lié, d’une part, à la question très controversée de la responsabilité historique des émissions de GES qui incombe en premier lieu aux pays industrialisés, et d’autre part, à la question de la justice climatique. C’est bien évidemment un sujet très cher aux pays vulnérables (dont les petits Etats insulaires) qui sont les moins responsables du changement climatique (ils y ont contribué le moins), qui sont en première ligne face aux impacts du changement climatique et qui sont les moins bien équipés pour y faire face.

 

La création du Comité de transition

Lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat à Charm el-Cheikh (6-20 novembre 2022), la COP-27 et la CMA-4 (4e réunion des Parties à l’Accord de Paris) ont décidé de mettre en place de « nouvelles modalités de financement » pour aider les pays en développement particulièrement vulnérables, en fournissant et en aidant à mobiliser des ressources nouvelles et additionnelles (paragraphe 2 de la décision conjointe COP/CMA, adoptée à Charm el-Cheikh).

Dans ce contexte, la COP-27 et la CMA-4 ont établi un fonds spécifique dédié aux pertes et préjudices, et un comité de transition pour rendre ce fonds opérationnel. Ce Comité est :

  • composé de 24 membres (dont 14 membres des pays en développement [trois membres du groupe régional Afrique de l’ONU, trois membres du groupe régional Asie-Pacifique, trois membres du groupe régional Amérique latine et Caraïbe, deux membres des petits Etats insulaires, deux membres des pays les moins avancés, et un membre d’un pays en développement n’entrant pas dans une des catégories précitées [en l’occurrence l’Arménie]), ainsi que 10 membres des pays industrialisés [dont Jean-Christophe Donnellier de la France], donc une majorité des pays en développement) à nommer au plus tard le 15 décembre 2022 ( annexe de la décision conjointe COP/CMA). Voir liste complète des 24 membres ;
  • chargé de formuler des recommandations en ce sens pour examen et adoption lors de la COP-28 et de la CMA-5 (30 nov.-13 déc. 2023) (paragraphes 3 et 4 de la décision conjointe COP/CMA).

La décision conjointe COP/CMA adoptée à Charm el-Cheikh a établi en son annexe le cahier des charges (Terms of reference) du nouveau Comité de transition. Ainsi, le Comité doit se réunir au moins trois fois en 2023 et achever ses travaux de préparation du fonds dédié aux pertes et préjudices à la Conférence des Nations Unies sur le climat à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023 (COP-28 et CMA-5). L’objectif affiché est donc que le fonds spécifique pertes et préjudices soit opérationnel à la COP-28.

Il s’agit d’une très grande avancée sur le dossier pertes et préjudices au sein des négociations climat de la CCNUCC : depuis plus de 30 ans, les petits Etats insulaires demandent la mise en place d’un mécanisme de financement en faveur des pays vulnérables pour les aider à faire face aux des dégâts provoqués par le changement climatique. La toute première référence au sujet des pertes et préjudices dans les négociations climat internationales remonte à….1991, soit un an avant l’adoption de la CCNUCC (source : Carbon Brief, 27/09/22). Selon certaines ONG, cette avancée constitue un pas de géant vers plus de justice climatique.

 

 

En savoir plus

La page du site de la CCNUCC consacrée au Comité de transition

Les membres du Comité de transition

Ordre du jour de la première réunion

Programme global (overview schedule)

Programme de travail du Comité de transition, 29 mars 2023 (document publié au terme de sa première réunion)

Modalités de travail du Comité de transition (document publié le 28 mars 2023)

Rapport de synthèse initial sur les dispositions existantes en matière de financement des pertes et préjudices et sur les sources de financement innovantes (25 mars 2023)

Note informelle du Président de la COP-27 et du Secrétaire exécutif de la CCNUCC : Travaux du Comité de transition sur la concrétisation et la mise en œuvre des nouvelles modalités de financement des pertes et préjudices et sur le fonds dédié (créé sur le principe lors de la COP-27), 23 mars 2023

Ces deux documents précités ont alimenté les discussions lors de la première réunion du Comité de transition.

 

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