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Réduction des émissions mondiales de CH4 du secteur de la production des combustibles fossiles : l’AIE publie une feuille de route

  • Réf. : 2023_10_a04
  • Publié le: 16 octobre 2023
  • Date de mise à jour: 16 octobre 2023
  • International

Le 11 octobre 2023, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et la Coalition pour le climat et l’air propre (CCAClire notre article), une feuille de route pour réduire les émissions de méthane (CH4). Le CH4 est le deuxième plus important gaz à effet de serre (GES) après le CO2 (voir encadré en fin d’article pour plus d’informations scientifiques).

La nouvelle feuille de route de l’AIE s’appuie sur les résultats de la mise à jour de sa « feuille de route zéro émission nette : une trajectoire mondiale pour garder l’objectif de +1,5°C à portée de main », publiée le 26 septembre 2023 (voir communiqué, synthèse et rapport).

 

Méthodologie

La nouvelle feuille de route visant spécifiquement le CH4 examine les projections en matière de demande de combustibles fossiles à partir de trois scénarios de l’AIE :

  • scénario des politiques déclarées (Stated Policies Scenario ou STEPS ;
  • scénario des engagements annoncés (Announced Pledges Scenario ou APS) ;
  • scénario zéro émission nette d’ici 2050 (Net Zero Emissions Scenario ou NZE).

 

Elle évalue les trajectoires possibles des émissions de CH4 en fonction de l’évolution de l’utilisation des combustibles fossiles, dont une trajectoire sans efforts explicites pour réduire les émissions de CH4, et une trajectoire avec la mise en œuvre intégrale de toutes les mesures de réduction des émissions de CH4 à la disposition du secteur de la production des combustibles fossiles.

 

Messages clés

  • sur la base des trajectoires actuelles, les émissions totales de CH4 d’origine anthropique pourraient connaître une hausse allant jusqu’à 13% entre 2020 et 2030, alors que dans un scénario compatible avec l’objectif de +1,5°C, elles doivent baisser entre 30 et 60% au cours de cette période ;
  • des réductions rapides des émissions de CH4 issues de la combustion des combustibles fossiles via des mesures de réduction ciblées – parallèlement à de fortes réductions des émissions de CO2 – sont essentielles pour atteindre les objectifs climat mondiaux. Sans action ciblée sur le CH4, même en réduisant fortement l’utilisation des combustibles fossiles, l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe dépassera probablement +1,6°C d’ici 2050 ;
  • plus de 75% des émissions de CH4 issues des activités de production de pétrole et de gaz et 50% des émissions issues des activités liées aux mines de charbon peuvent être réduites aujourd’hui, en mettant en œuvre des techniques de réduction existantes, en grande partie à faibles coûts ;
  • c’est dans le secteur de la production de pétrole et de gaz que le plus grand nombre de techniques de réduction disponibles et ayant un bon rapport coût-efficacité peuvent être mises en œuvre pour réduire les émissions de CH4;
  • les réductions des émissions de CH4 provenant de la combustion des combustibles fossiles devront probablement représenter la moitié de la réduction des émissions totales de CH4 issues des activités humaines nécessaire jusqu’en 2030 pour limiter le réchauffement à +1,5°C ;
  • une réduction immédiate et ciblée du CH4 dans le secteur des combustibles fossiles permettrait d’éviter près d’un million de décès prématurés dus à l’exposition à l’ozone, 90 millions de tonnes de de pertes de récoltes dues à l’ozone et au dérèglement climatique, et environ 85 milliards (Md) d’heures de travail perdues en raison de l’exposition à la chaleur d’ici à 2050. Au total, cela représente environ 260 Md$ de bénéfices économiques directs ;
  • il faut mettre en place des cadres réglementaires appropriés et accroître fortement les investissements dans la réduction des émissions de CH4 provenant de la production de combustibles fossiles. Le coût total pour déployer toutes les stratégies d’atténuation des émissions de CH4 disponibles dans le secteur pétrolier et gazier d’ici 2030, à savoir environ 75 Md$, représente moins de 2% du revenu net de ce secteur en 2022. La plupart des mesures peuvent et doivent être financées par l’industrie elle-même.

 

En savoir plus

AIE : The Imperative of Cutting Methane from Fossil Fuels – An assessment of the benefits for the climate and health. Consulter le communiqué et le rapport.

 

Contexte scientifique : le méthane et l’effet de serre

Le méthane est un puissant gaz à effet de serre, un forceur climatique à courte durée de vie (SLCF – lire notre article sur le sujet) (comme le carbone suie, l’ozone troposphérique et certaines espèces d’HFC), ainsi qu’un précurseur d’ozone troposphérique (comme les NOx, les COVNM et le CO). Il est ainsi concerné à la fois par les problématiques de changement climatique et de pollution atmosphérique.

Selon l’édition 2022 du Bulletin annuel sur les GES publié le 26 octobre 2022 par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), le CH4 est le deuxième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 16% en 2021, après le CO2 (66%) et avant le N2O (7%). En 2021, les concentrations moyennes mondiales de CH4 dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés jamais enregistrés depuis l’époque préindustrielle (1750) : 1 908 parties par milliard (ppb), soit +162% depuis 1750 (729 ppb).

Par rapport aux principaux gaz à effet de serre (CO2, N2O, HFC, PFC, SF6, NF3), le CH4 a une durée de vie dans l’atmosphère courte. Ainsi, dans son 6e rapport d’évaluation (2021), le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) l’estime à 11,8 ans (voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran]), soit une légère réévaluation à la baisse de son estimation de 12,4 ans indiquée dans son 5e rapport d’évaluation (2013) (voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). C’est pour cette raison que le CH4 fait partie de la catégorie des forceurs climatiques à courte durée de vie.

Quant à la valeur PRG (pouvoir de réchauffement global lire l’encadré dans notre article) du CH4, elle diffère sensiblement selon que le PRG soit considéré sur 20 ans ou sur 100 ans. Sur 100 ans, le 6e rapport d’évaluation l’estime à 27,9 ans (contre 28 ans dans le 5e rapport). Cependant, sur 20 ans, le PRG du CH4 est beaucoup plus important : 81,2 dans le 6e rapport (contre 84 dans le 5e rapport) (sources : AR6, voir tableau 7 SM7 p.1842 [page à l’écran] ; AR5, voir chapitre 8, appendice 8.A, tableau 8.A.1 pp.732). Autrement dit, le CH4 a un effet sur le climat beaucoup plus fort à court terme (20 ans) qu’à long terme (100 ans).

Dans son résumé à l’intention des décideurs du premier volume de 6e rapport d’évaluation (AR6), consacré aux sciences du climat et publié le 9 août 2021, le Giec souligne que les concentrations atmosphériques de CH4 en 2019 étaient les plus hautes depuis au moins 800 000 ans et que des réductions rapides, fortes et soutenues de CH4 limiteraient le réchauffement résultant de la baisse des émissions d’aérosols et amélioreraient la qualité de l’air (lire notre dossier de fond).

Dans son résumé à l’intention des décideurs du 3e volume de l’AR6, consacré à l’atténuation et publié le 4 avril 2022, le Giec souligne que pour respecter l’objectif de +1,5°C, les émissions mondiales de CH4 doivent être réduites de 34% d’ici 2030 et de 45% d’ici 2050. Pour respecter l’objectif de +2°C, elles doivent baisser de 24% d’ici 2030 et de 37% d’ici 2050 (lire notre dossier de fond).

 

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