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Journée d’études 2023 du Citepa – La Sobriété au cœur de la Transition

Rétrospective de la journée d’études 2023 du Citepa sur le thème de la sobriété au cœur de la transition qui s’est tenue le mercredi 15 novembre 2023, de 9h à 13h dans les locaux d’AREP, à Paris.

 

La sobriété est aujourd’hui mise en avant comme un des leviers incontournables de la transition écologique. Mais qu’entend-on réellement par sobriété ? Plusieurs définitions sont proposées et les implications et conséquences environnementales, économiques et sociales de la sobriété pour la transition font débat. La Journée d’études 2023 du Citepa a permis, à travers les interventions de Philippe Bihouix (AREP), Jérôme Boutang (Citepa), Selma Mahfouz (France Stratégie), Mickaël Thiery (Ministère de la Transition Ecologique), Jean-Baptiste Léger (MEDEF) et Éric Trevoizan (FEDENE), d’enrichir le débat autour des questions suivantes : la sobriété nécessaire est-elle une sobriété individuelle ou systémique, organisée collectivement ? Quel est le rôle des entreprises, de l’Etat dans la sobriété ? Comment passer d’une sobriété subie, conjoncturelle à une sobriété volontaire, pérenne ? Dans une société de consommation, comment inciter positivement à la modération de nos consommations, énergétiques et matérielles ? Quelle place a réellement la sobriété dans la stratégie de décarbonation de la France, à côté de l’efficacité énergétique et des investissements bas-carbone ? Peut-on mener une politique de sobriété sans coercition ? 

 

Le programme et les présentations

 

Programme Présentations

Les participants

Philippe Bihouix

 

Philippe Bihouix, Architecture Recherche Engagement Post-carbone (AREP)

Directeur général d’AREP, agence pluridisciplinaire filiale du groupe SNCF, Philippe Bihouix a travaillé comme ingénieur-conseil ou dirigeant dans différents secteurs industriels, notamment les transports, l’énergie et la construction. Depuis plus de 15 ans, il explore les enjeux liés à la transition énergétique, à la consommation de ressources non renouvelables et aux enjeux technologiques associés, notamment à travers des ouvrages comme L’Âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable (Le Seuil, 2014), Le bonheur était pour demain. Les rêveries d’un ingénieur solitaire (Le Seuil, 2019).

Selma Mahfouz

 

Selma Mahfouz, Inspection générale des finances

Après un poste à l’INSEE et cinq années au Fonds monétaire international, à Washington, Selma Mahfouz a rejoint en 2002 la Direction générale du Trésor du ministère des Finances, où elle a été chef du bureau des prévisions pour la France, puis sous-directrice des politiques sociales et de l’emploi. De 2008 à 2012, elle a travaillé au Conseil d’orientation des Retraites, avant de rejoindre le cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la santé. De 2013 à 2016, elle a été directrice adjointe de France Stratégie. Elle a ensuite été directrice de la direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares) au ministère du Travail de 2016 à 2021, avant d’être nommée à l’Inspection générale des finances. Elle est coauteur, avec Jean Pisani-Ferry, d’un livre sur les erreurs de politique économique, A qui la faute, Fayard, 2016. Elle est également rapporteure du rapport de Jean Pisani-Ferry sur « Les incidences économiques de l’action pour le climat », remis à la première ministre en mai 2023.


Mickaël Thiery

Mickaël Thiery, Ministère en charge de l’écologie (DGEC)

Mickaël THIERY, ingénieur des Ponts, des Eaux et des Forêts, est sous-directeur de l’Action climatique (SDAC) à la Direction générale de l’Energie et du Climat (DGEC). Sa sous-direction élabore la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et en réalise le suivi. Elle est impliquée dans les enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre des différents secteurs de l’économie et de développement des capacités d’absorption/stockage de CO2 dans les milieux naturels (puits forestiers en particulier) et à partir de solutions technologiques. Elle est en charge des négociations et de la mise en oeuvre de plusieurs textes européens : les marchés du carbone ETS, MACF, le partage de l’effort ESR, le volet durabilité de la biomasse de la RED, LULUCF, … La SDAC s’occupe également de la révision du plan d’adaptation au changement climatique (PNACC). Précédemment, de 2016 à 2021, Mickaël THIERY était en poste à la Direction de l’Habitat de l’Urbanisme et des Paysages où il a notamment travaillé sur la RE2020, les aides à la rénovation énergétique des logements et le DPE. Diplômé comme docteur en génie Civil de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, il a réalisé des recherches de 2001 à 2013 dans le domaine des matériaux de construction sur leur durabilité et leur éco-conception.


Jean-Baptiste Léger

Jean-Baptiste Léger, Mouvement des Entreprises de France (MEDEF)

Jean-Baptiste Léger est actuellement Responsable du Pôle Transition écologique du MEDEF. Ingénieur de formation, il débute sa carrière chez PepsiCo en tant que responsable des affaires publiques et durabilité. En 2017, il rejoint les rangs de Dalachaux Group et y occupe le poste de responsable responsabilité sociale des entreprises (RSE) et communication, pendant deux ans. Il devient ensuite, entre 2019 et 2022, directeur RSE et affaires publiques de Lidl France.

Éric Trevoizan, Directeur Relations Interprofessionnelles – Président du SNEC/FEDENE

Ingénieur énergéticien de formation, après une expérience dans l’industrie et notamment en maintenance nucléaire, Éric TREVOIZAN a rejoint le secteur des services à l’énergie. Depuis plus de 20 ans, il a exercé des postes de direction régionale au sein d’ENGIE, puis d’IDEX qu’il a rejoint en 2011, avec notamment la Direction de l’Activité Grands Comptes. 

Aujourd’hui Directeur des Relations Interprofessionnelles chez Idex, il est également Président du Syndicat Efficacité Énergétique au sein de la FEDENE, dont l’activité regroupe 500 adhérents, 60 000 salariés et 11 Milliards d’€ de CA. 

Face aux enjeux écologiques, économiques et réglementaires, il est aujourd’hui en charge de promouvoir l’ensemble des solutions techniques et des acteurs de la chaîne de valeur de la production et des usages de la chaleur. 

Ces solutions et outils s’inscrivent dans la stratégie nationale de rénovation énergétique globale des bâtiments et ainsi que la décarbonation des usages, tous secteurs confondus, au service de la Sobriété, de l’Efficacité Energétique et de la chaleur décarbonée (EnR). 


Jérome Boutang

Jérôme Boutang, Directeur Général du Citepa

Ingénieur agronome, avec un Master 2 en économie, Jérôme Boutang a rejoint le Citepa en 2011 en tant que Directeur général. Il a précédemment travaillé pour l’industrie agro-alimentaire en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis dans la recherche appliquée à la conservation des aliments et les processus enzymatiques, les transferts de technologie entre la R&D et l’industrie, puis en tant que consultant international sur les stratégies de durabilité. Au Citepa, il s’est attaché à accompagner les pays tiers dans la lutte contre le changement climatique et notamment l’Accord de Paris. En France, il s’est intéressé aux outils d’aide à la décision fondés sur les données massives, les méthodes d’évaluation de l’empreinte ainsi qu’aux indicateurs d’atténuation et d’adaptation. Il a été membre du groupe consultatif d’experts (CGE) de la CCNUCC entre 2014 et 2020. En parallèle, au cours des quinze dernières années, il a développé une expertise des biais cognitifs à l’œuvre dans la perception des menaces écologiques et des stratégies d’incitation. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet de la psychologie évolutionniste.

 

Résumé de la conférence

Introduction de J. Boutang (Citepa) : La renaissance de la sobriété.  

La sobriété, modération de la demande, est un changement de paradigme. Axe essentiel de la transition, elle reste pourtant un angle mort de la planification. Le débat sur le lien entre sobriété et croissance et démocratie reste ouvert. 

 

Philippe Bihouix : Les contraintes climatiques et de ressources incitent à la sobriété : doit-on miser sur « l’âge des Low Tech » ?  

La sobriété est un levier incontournable de la transition afin de surpasser les limites des solutions techniques (besoins en extraction de matériaux, recyclage limité, effet rebond…). Pour l’instant, la sobriété reste souvent associée à l’austérité et à une logique de gestes individuels. Pour Philippe Bihouix, il faut aller vers une sobriété plus systémique et plus organisée par la puissance publique (par la loi, la fiscalité…). L’être humain est adaptable et la société est prête pour mettre en œuvre un véritable effort de sobriété. 

 

Jérôme Boutang Comment jouer sur les « Biais de L’Esprit » pour réduire l’empreinte carbone des français ? Résultats de l’expérimentation menée avec le Labo de l’ESSEC et de l’étude Citepa-ABC-Ademe. 

 La sobriété ne signifie pas la même chose pour tous, car l’empreinte des individus varie selon les revenus, comme l’a montré l’enquête récente Citepa-ABC sur l’empreinte individuelle. Or, on ne peut pas demander aux catégories défavorisées, marquées par une sobriété subie, d’être encore plus sobres. La question est de savoir comment inciter à la sobriété sans coercition. Comment arbitrer entre la contrainte et le choix ? Entre la loi, du prix, et le changement des préférences et des valeurs ? Pour inciter les individus à la sobriété, des arguments rationnels ne suffisent pas. Il faut tenir compte de nos biais pour proposer des incitations, des récits et des exemples à suivre. 

 

Mickaël Thiery (MTE/DGEC) Les axes de la prochaine SNBC : actions des pouvoirs publics en faveur de la sobriété. 

 La déclinaison de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) au niveau des territoires et des entreprises intègre la sobriété. Deux grands piliers sont utilisés pour construire cette stratégie : la modélisation et la concertation, notamment sur la sobriété. Après une période de sobriété subie, le défi est d’installer la sobriété dans la durée à travers des mesures dans tous les secteurs (transport, bâtiment, industrie, agriculture…). A plus long terme, l’ambition d’aller vers la neutralité en 2050 et une baisse massive de l’empreinte carbone des français passera par un renforcement des sanctions et une mobilisation des entreprises sur la sobriété.  

 

Selma Mahfouz (France Stratégie) Place, effets économiques et coût des mesures de sobriété.

La sobriété est l’un des trois axes de la transition, avec celui des progrès techniques et la substitution de capital aux énergies fossiles. D’ici 2030, la sobriété ne génère qu’une part minoritaire des réductions d’émission prévues dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (15%). Ce qui est d’abord une contrainte (la sobriété subie) peut ensuite devenir un choix car nos préférences évoluent. Une baisse de la consommation peut se faire sans diminuer le bien-être, en agissant sur nos biais comportementaux et de nos perceptions. 

 

Débat : La sobriété : quels enjeux pour les individus, les entreprises et les pouvoirs publics ?  

Une table ronde a permis aux intervenants de débattre de ce sujet et de faire ressortir des éléments de réflexion stimulants suivants : 

  • Mettre en œuvre la sobriété implique d’embarquer toute la société, et de ne pas uniquement raisonner à l’échelle individuelle. L’Etat a par exemple un rôle à jouer : subventions, critères normatifs (comme le poids des véhicules), commande publique… L’idée est d’embarquer la société dans son ensemble : individus, entreprises, Etat. 
  • Les questions de l’acceptabilité sociale de la sobriété, d’une perte de confort, de liberté ; le lien entre sobriété et décroissance ; les modalités d’incitation à la sobriété dans un cadre démocratique… font encore débat. Il est néanmoins possible de rendre désirable la sobriété via la prise en compte de nos biais comportementaux, et nos biais de perceptions.  
  • Quelle peut-être, et quelle doit être la part de la sobriété dans la transition ? Doit-elle être minoritaire par rapport à d’autres leviers comme l’efficacité énergétique, et l’investissement vers des technologies bas-carbone, vers l’économie circulaire ? Cette question a fait l’objet de débats. Les limites physiques du développement des solutions d’efficacité énergétique et du recyclage ont été mises en avant ; et des cas où les gisements de réduction par la restriction de la consommation sont moins importants que les leviers d’efficacité énergétiques ont aussi été cités. 
  • S’il faut de la sobriété, c’est qu’il faut moins d’ébriété. Dans quels secteurs, et dans quelles fractions de la société doit-on le plus agir ? Si la consommation d’énergie est souvent mise en avant, le débat a rappelé l’importance de raisonner plus largement sur la consommation de ressources au sens large.  
  • A qui faire porter l’effort de sobriété ? l’inégalité de répartition de l’empreinte par individus soulève la question de la répartition de l’effort entre catégories sociales. Les implications d’une lecture de l’empreinte par catégories de revenus, par exemple, ont été débattues. Une mise en garde a été rappelée : pour une partie de la population, la sobriété n’est pas une question de choix individuel, mais de contraintes économiques.  
  • La sobriété est-elle compatible avec l’économie actuelle et le fonctionnement des entreprises ? Sobriété peut être perçue comme synonyme de décroissance, là où des acteurs privés misent sur la croissance de leur activité, et une hausse de la consommation de ce qu’elles produisent. Néanmoins, ce discours a été remis en cause : nombre d’acteurs privés sont prêts à la sobriété sans et n’aspirent pas à une croissance illimitée. 
  • La mise en œuvre de la sobriété implique-t-elle une évolution ou une révolution ? une différence de nature ou de degré par rapport à notre société ? Des évènements récents comme le Covid ont montré comment que si des les comportements pouvaient changer rapidement et comment la société pouvait s’adapter en peu de temps à un nouveau paradigme, cela entrainait cependant des couts économiques, psychologiques et sociaux. 
  • Enfin, on parle souvent de sobriété carbone, la sobriété est pourtant un concept plus large qui s’applique à l’ensemble de notre empreinte environnementale : matières premières, terres, sol, eau… 

 

Cette conférence a été organisée avec le soutien d’AREP et de la FEDENE.

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