La Commission européenne maintient son objectif de réduction de 90 % des émissions nettes de gaz à effet de serre pour 2040, tout en mettant en place des flexibilités
Par : Sophie Sanchez
Avec un trimestre de retard sur le calendrier initialement prévu, la Commission européenne a finalement confirmé le 2 juillet 2025 l’objectif climatique de l’Union européenne (UE) pour 2040, consistant à réduire de 90 % les émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 (1) .
« En maintenant le cap sur la décarbonation, l’UE stimulera les investissements dans l’innovation, créera plus d’emplois et de croissance, renforcera notre résilience aux effets du changement climatique et deviendra plus indépendante sur le plan énergétique », fait valoir le communiqué.
La Commission précise que le détail de l’objectif climatique pour 2040 confirme qu’une réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre est à la fois nécessaire et réalisable, à condition que les politiques de réduction soient pleinement mises en œuvre et que les investissements augmentent. Dans le même temps, la transition permettrait de réaliser d’importantes économies à long terme sur les importations de combustibles fossiles et de réduire les dommages liés au climat.
« Alors que les citoyens européens ressentent de plus en plus l’impact du changement climatique, ils attendent de l’Europe qu’elle agisse. L’industrie et les investisseurs se tournent vers nous pour définir une direction prévisible du voyage. Aujourd’hui, nous montrons que nous maintenons fermement notre engagement à décarboner l’économie européenne d’ici à 2050. L’objectif est clair, le parcours est pragmatique et réaliste », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, prenant de ce fait le contre-pied de la politique menée outre-Atlantique par Donald Trump (lire notre article).
De fait, l’exécutif européen fait valoir que l’action pour le climat en Europe rencontre un soutien populaire. Au vu de l’Eurobaromètre 2025 sur le climat, publié le 30 juin 2025, 85 % des citoyens de l’UE considèrent le changement climatique comme un problème grave et 81 % soutiennent l’objectif de l’UE de devenir neutre pour le climat d’ici à 2050.
(1) Les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) se réfèrent à la quantité totale de GES émise, moins les émissions absorbées par des puits de carbone, comme les forêts.
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Contexte
En matière climatique, l’UE et ses États membres se sont engagés à faire de l’UE le premier continent neutre pour le climat d’ici à 2050 (c’est-à-dire zéro émission nette), autrement dit d’abaisser considérablement les émissions de gaz à effet de serre et de parvenir à réaliser une compensation intégrale des émissions résiduelles. Mais les Vingt-sept doivent se mettre d’accord sur les étapes pour y parvenir et les nombreuses transformations que cela implique dans l’industrie comme dans le quotidien des Européens : électrification des voitures, sortie progressive des énergies fossiles, rénovation énergétique des bâtiments….
Pour y parvenir, la loi européenne sur le climat a établi un premier objectif intermédiaire visant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 55 % d’ici à 2030 (lire notre article).
La loi sur le climat impose, en outre, à la Commission de proposer un objectif intermédiaire pour 2040 afin de poursuivre la trajectoire convenue vers la neutralité climatique. Cette proposition est nécessaire à la suite du premier bilan mondial de l’Accord de Paris, qui a eu lieu en décembre 2023.
Aussi la Commission a proposé le 2 juillet 2025 une modification de la loi européenne sur le climat [règlement (UE) 2021/1119 – lire notre article], fixant à 90 % pour 2040 l’objectif de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre.
- L’exécutif européen souligne à cet égard l’intérêt d’une « définition immédiate de l’objectif climatique à l’horizon 2040 » qui donne « un signal fort de stabilité et de prévisibilité à l’industrie et aux investisseurs européens ». Cet objectif favorisera « la mise en place des politiques et investissements nécessaires pour faire en sorte que la transition vers la neutralité climatique aille de pair avec une économie forte et stable, une industrie compétitive et des emplois à l’épreuve du temps en Europe », argumente la Commission alors que, de fait, le « backlash écologique [retour de bâton ou recul de l’ambition] » qui a caractérisé le premier semestre 2025 a plongé les entreprises dans une incertitude réglementaire. [
- L’UE se rapproche déjà de la réalisation de ses objectifs en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 et, collectivement, de la réduction contraignante de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (lire notre article). En effet, selon l’évaluation par la Commission des plans nationaux en matière d’énergie et de climat (PNEC) des États membres rendue publique fin mai 2025, la mise en œuvre intégrale de ces plans nationaux définitifs, ainsi que des mesures nationales existantes et de la législation de l’UE déjà en place, permettrait de réduire les émissions nettes de GES d’environ 54 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et d’étendre considérablement les mesures en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Les plans mis à jour montrent également un meilleur alignement sur le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » et une meilleure coordination entre les secteurs.
Au niveau international, l’UE est tenue de présenter une contribution déterminée au niveau national (CDN ou NDC en anglais) actualisée au titre de l’article 4 de l’Accord de Paris, dans la perspective de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP-30) qui se tiendra en novembre 2025 au Brésil. La Commission va maintenant travailler avec la présidence du Conseil pour finaliser la communication de la CDN de l’UE sachant qu’elle précise que celle-ci comprendra un chiffre indicatif pour 2035.
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Flexibilités
La proposition de la Commission qui vise « une trajectoire pragmatique et flexible vers une économie décarbonée » introduit de « nouvelles flexibilités » dans la manière dont les objectifs peuvent être atteints sont introduites.
Il s’agit notamment
- d’un éventuel rôle limité pour les crédits carbone internationaux de haute qualité au cours de la deuxième partie de la décennie 2030-2040,
- de l’utilisation des absorptions permanentes nationales dans le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) et d’une flexibilité accrue entre les secteurs.
La Commission précise qu’elle veillera à ce que ces flexibilités soient prises en compte dans la conception de la législation sectorielle pour l’après-2030.
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- Dans le détail, la Commission souligne tout d’abord que les réductions réelles et rapides des émissions nationales de GES au sein de l’UE doivent rester la pierre angulaire de l’action de l’UE en faveur du climat, complétées par le renforcement des absorptions de carbone, y compris au moyen de solutions naturelles et technologiques.
- Concernant les flexibilités, la proposition de la Commission prévoit donc la possibilité d’une utilisation limitée de crédits carbone internationaux de haute qualité de la part des pays partenaires, assortis d’objectifs et d’une action pour le climat alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris.
- Rappelant que l’article 6 de l’Accord de Paris régit spécifiquement la coopération internationale volontaire en matière d’atténuation, la Commission propose qu’à partir de 2036, une contribution limitée de 3 % des émissions nettes de l’UE de 1990 puisse être utilisée pour atteindre l’objectif de l’UE à l’horizon 2040. En d’autres termes, pour tenter de rallier les États les plus sceptiques comme la Hongrie ou la République tchèque, l’exécutif européen est prêt à introduire de la souplesse dans le calcul et à autoriser les Vingt-sept à prendre en compte l’acquisition de crédits carbone internationaux, à hauteur de 3 % du total, afin de financer des projets vertueux à l’étranger, en dehors du continent ;
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- Avec cet ajout, l’UE fait valoir qu’elle vise à trouver le juste équilibre entre l’action nationale et la coopération internationale ;
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- La Commission précise que « toute utilisation potentielle des crédits carbone internationaux fera l’objet d’une analyse d’impact détaillée et approfondie et de l’élaboration de règles de l’UE fixant quand et comment [ces crédits pourraient être intégrés] dans la législation actuelle ou future de l’UE en matière de climat ». Ces règles comprendraient des critères et des normes d’intégrité solides et élevés, ainsi que des conditions relatives à l’origine, au calendrier et à l’utilisation de ces crédits. Ces crédits internationaux devront provenir d’activités crédibles et transformatrices, telles que le captage et le stockage directs du carbone dans l’air (DACCS) et la bioénergie avec captage et stockage du carbone (BioCCS) dans les pays partenaires dont les objectifs et l’action en matière de climat sont conformes à l’objectif de l’Accord de Paris.
- En second lieu, la Commission propose l’utilisation des absorptions permanentes nationales dans le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE-UE) et d’une flexibilité accrue entre les secteurs.
- En ce qui concerne les absorptions de carbone, tant naturelles qu’industrielles, la Commission observe que celles-ci joueront un rôle de plus en plus important dans la réalisation des objectifs d’émissions nettes de gaz à effet de serre, y compris les absorptions nationales permanentes de carbone dans le cadre du SEQE de l’UE afin de compenser les émissions résiduelles des secteurs difficiles à réduire. Elles sont essentielles pour parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050 et devront être considérablement renforcées d’ici à 2040 ;
- La législation de l’UE comprend déjà des cadres spécifiques visant à renforcer les absorptions, tels que le règlement relatif à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) et le cadre de certification de l’UE en matière d’absorption de carbone.
- À noter, la Commission précise que les spécificités nationales seront prises en compte. « La rentabilité, la simplicité et l’efficacité seront des principes directeurs, tout en garantissant la neutralité technologique et une transition juste et équitable pour tous », détaille le communiqué. Ce faisant, l’exécutif européen reprend le concept de « neutralité technologique » qu’Emmanuel Macron souhaitait voir pris en compte. En effet, le président français a souhaité que Bruxelles mette sur un pied d’égalité l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables au motif que « 97 % de l’électricité française est déjà décarbonée » et a également demandé des garanties sur la décarbonation de l’industrie.
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Calendrier
La Commission espère que les flexibilités promises en 2040 permettront d’obtenir le feu vert, à la majorité qualifiée, des États membres et un vote favorable du Parlement européen sur cet amendement à la loi climat.
De fait, la proposition va à présent être soumise aux deux colégislateurs de l’UE – le Parlement européen et le Conseil – pour négociation et adoption dans le cadre de la procédure législative ordinaire. La discussion informelle entre les ministres de l’Environnement devrait avoir lieu mi-juillet 2025 avant un éventuel vote le 18 septembre 2025, et une transmission du texte au Parlement européen. Bruxelles souhait que l’objectif 2040 soit approuvé avant la conférence climat de l’ONU, ou Conférence des parties (COP30), qui aura lieu en novembre à Belém au Brésil.
Une fois fixé l’objectif climatique pour 2040, la Commission étudierait les moyens de rendre le nouveau cadre d’action pour 2040 plus simple et plus flexible, tout en garantissant le respect des règles et en promouvant la convergence entre les États membres, en tenant compte de leurs spécificités. La future architecture devrait également tenir compte des besoins d’investissement et des possibilités nécessaires pour faire face aux incidences sociales, économiques et environnementales de la transition.
L’objectif proposé pour 2040 fixerait la référence clé pour l’élaboration du cadre d’action en matière de climat au-delà de 2030. Il sera conçu sur la base de consultations spécifiques à la proposition avec les parties prenantes et les citoyens, d’analyses d’impact spécifiques et des enseignements tirés de la mise en œuvre du cadre à l’horizon 2030.
Les textes législatifs existants en matière de climat comprennent des dispositions de réexamen pour 2026. Par conséquent, la Commission fournira de plus amples informations sur le calendrier des propositions figurant dans son programme de travail pour 2026.
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En savoir plus
La loi de l’UE sur le climat ouvre une nouvelle voie vers 2040
EU’s Climate Law presents a new way to get to 2040
Questions et réponses sur la proposition d’objectif climatique de l’UE pour 2040
Questions and answers on the 2040 EU climate target proposal