L’administration Trump 2 : ce qu’il a fait, ce qu’il n’a pas fait et ce qu’il a défait en matière de politique climat
Par : Mark Tuddenham
Aux Etats-Unis, avec l’arrivée au pouvoir du climatosceptique affiché, Donald Trump, le 20 janvier 2025 a vu l’amorce d’un virement à 180° dans la politique climat nationale et internationale menée par l’administration centrale des Etats-Unis, mais pas au niveau de l’ensemble des Etats fédérés, des villes et de certaines entreprises privées. Le Citepa présente dans cet article un panorama de la nouvelle politique « anti-climat » du 47e Président américain et les impacts sur la gouvernance climat internationale, sur le financement climat international et sur le climat lui-même. Il convient de garder à l’esprit que les Etats-Unis sont la première économie mondiale, le premier pays producteur de pétrole (17% du total mondial en 2022, source : AIE), et le 2e pays émetteur de gaz à effet de serre, GES (11% du total des émissions mondiales en 2023) mais ils représentent 20% (un 5e) du total cumulé historique depuis 1850 (source : PNUE, Emissions Gap Report 2024, 24 oct. 2024).
Les premières décisions de l’administration Trump 2
Trump a signé plusieurs décrets présidentiels (Executive Orders) au nom de son administration ayant un impact direct ou indirect sur la politique climat nationale et/ou internationale.
Les Etats-Unis d’abord dans les accords internationaux sur l’environnement
Décret présidentiel du 20 janvier 2025 : « Putting America first in international environmental agreements ». Voici des extraits clés :
- Section 1 – Objet : « ces accords [multilatéraux sur l’environnement] dirigent l’argent des contribuables américains vers des pays qui n’ont pas besoin d’une assistance financière dans l’intérêt du peuple américain et qui ne la méritent pas»
- Section 2 – Politique : « La politique de mon administration est de placer les intérêts des États-Unis et du peuple américain au premier plan lors de l’élaboration et de la négociation de tout accord international susceptible de nuire à l’économie américaine ou de la freiner. Ces accords ne doivent pas imposer un fardeau excessif ou injuste aux États-Unis »
- Section 3 – Mise en œuvre :
- l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU va immédiatement soumettre une notification formelle du retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris,
- l’ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU, en collaboration avec le Secrétaire d’Etat (équivalent du Ministre des Affaires étrangères) et le Ministre du Budget, doit cesser immédiatement ou révoquer tout prétendu engagement financier pris par les États-Unis dans le cadre de la Convention Climat (à savoir le fonds vert pour le climat, le fonds d’adaptation, le fonds pertes et préjudices,…)
- le Plan de financement de l’action climat internationale des États-Unis est révoqué et annulé immédiatement. Tous les fonds gelés seront annulés (montant total fourni en 2024 par les Etats-Unis : 11 Md$).
Trump ne pourra pas lui-même mettre fin à ces financements. Ces propositions d’annulation du financement climat américain doivent toutefois préalablement être votées et approuvées par le Congrès (source : Climate Home News, 21 janvier 2025).
Les Etats-Unis vont donc rejoindre les trois seuls autres Etats à ne pas avoir ratifié l’Accord de Paris : Iran, Libye et Yémen.
Conformément à l’article 28 de l’Accord de Paris, ce 2e retrait des Etats-Unis devient effectif un an seulement après réception par le dépositaire de l’Accord (le Secrétaire général de l’ONU) de la notification écrite transmise par la Partie. En 2017, Trump avait dû attendre quatre ans : en plus de ce délai d’un an, il y avait un premier délai de trois ans après l’entrée en vigueur de l’Accord (4 nov. 2016) avant tout retrait possible.
Ce 2e retrait effectif aura donc un impact potentiellement bien plus dévastateur sur les négociations climat internationales, selon Christian de Perthuis. En outre, une certaine incertitude plane sur un éventuel retrait des USA de la Convention Climat, la législation mère de l’Accord de Paris et à ce titre le traité fondateur de la diplomatie climatique multilatéral. Pour l’instant, Trump ne s’est pas prononcé là-dessus.
Libérer l’énergie américaine
Décret présidentiel du 20 janvier 2025 : « Unleashing American energy ».
Ce décret prévoit le démantèlement du « New Green Deal » et l’ « Inflation Reduction Act » portés par l’administration Biden (notamment le développement des énergies remnouvelables et les aides financières qui leur sont attribuées).
- il a déclaré la guerre contre les éoliennes : examen des pratiques du Gouvernement fédéral en matière d’octroi des autorisations d’exploitation des parcs éoliens,
- il met fin à la promotion des véhicules électriques (« EV mandate »), notamment « en mettant fin aux dérogations des États en matière d’émissions qui ont pour effet de limiter les ventes d’automobiles à essence ; et en envisageant d’éliminer les subventions injustes et les autres distorsions du marché imposées par les pouvoirs publics qui favorisent les VE par rapport à d’autres types de véhicules ».
L’urgence énergétique nationale
Décret présidentiel du 20 janvier 2025 : « Declaring a national energy emergency ».
- « L’intégrité et l’expansion de l’infrastructure énergétique de notre pays – d’un océan à l’autre – est une priorité immédiate et urgente pour la protection de la sécurité nationale et économique des États-Unis ».
Ce décret marque l’officialisation de la relance massive de l’exploration et de l’exploitation (donc la production) du pétrole et du gaz (« Drill baby drill »).
Création du Conseil pour favoriser la domination de l’énergie
Décret présidentiel du 14 février 2025 : « Establishing the National Energy Dominance Council ».
Parmi les membres, ce nouveau conseil compte les Secrétaires d’Etat, du Trésor, de l’Agriculture, des Transports, ainsi que l’administrateur de l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA). Son mandat principal est de conseiller Trump sur la question de savoir « comment produire davantage d’énergie afin de faire dominer l’énergie américaine ». Le conseil est également chargé de conseiller Trump sur la question de savoir « comment améliorer les processus d’autorisation, de production, de la distribution, du transport et de l’exportation de toutes formes d’énergie américaine ». Enfin, le conseil est chargé d’élaborer à l’intention de Trump une stratégie de domination de l’énergie américaine visant à produire davantage d’énergie, assortie d’objectifs à long terme pour parvenir à cette domination.
Agence pour la protection de l’environnement (EPA)
29 janvier 2025, Lee Zeldin a été nommé au poste de directeur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA) . C’est un ardent défenseur des énergies fossiles, il a manifesté une opposition ferme aux politiques climat de Biden, il a soutenu le premier retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris en 2017.
Retrait des Etats-Unis de l’OMS
Décret présidentiel du 20 janvier 2025 : « Withdrawing the United States from the World Health Organization ».
A noter que, jusque-là, les Etats-Unis étaient le 1er pays contributeur au budget de base de l’OMS (467 M$ pour l’exercice 2020-2021 et 618 M$ pour l’exercice 2022-2023, soit 12% du total, source : OMS, 13 déc. 2023). Suite à cette décision, l’OMS prévoit de réduire son budget 2026-2027 de 21% par rapport au budget initialement proposé (source : mail interne OMS, rapporté par Le Monde, 29 mars 2025).
La posture « anti-science » de l’administration Trump 2
Trump qualifie le dérèglement climatique de « scam » (canular) et prend le contre-pied, voire fait fi des acquis scientifiques sur le sujet et des organismes et instituts de recherche de renommée internationale qui constituent des instituts de référence en la matière. L’administration Trump a donc adopté une posture « anti-science », ce qui a eu pour conséquence directe d’inquiéter profondément la communauté scientifique internationale et nationale (américaine).
Les décisions politiques « anti-science » de l’administration Trump 2
Les agences fédérales à la tête de la recherche et de la réglementation sur le climat aux Etats-Unis (NASA, NOAA [Agence nationale d’observation des océans et de l’atmosphère] et son National Weather Service, EPA) subissent de fortes réductions de ressources (humaines, financières, techniques, gel de programmes, déplacements à l’étranger soumis à approbation, au cas par cas, par l’équipe Trump,…) et de périmètres d’action. Cette stratégie, d’une ampleur, d’une rapidité, d’une gravité et d’une brutalité inédites dans une démocratie, aura une incidence directe et concrète sur la capacité de ces instances à remplir leurs mandats et missions, pour la protection de l’environnement et de la santé humaine (par exemple, qualité, fiabilité et disponibilité des prévisions météo). Elle sert entre autres à promouvoir les intérêts du secteur des énergies fossiles aux Etats-Unis.
Un exemple concret de la politique anti-science de l’administration Trump est la 62e session plénière du Giec (IPCC-62) qui a eu lieu à Hangzhou en Chine du 24 février au 1er mars 2025. L’administration Trump n’a pas autorisé la délégation américaine (représentants du département d’Etat [équivalent du Ministère des Affaires étrangères] et scientifiques américains) à participer à l’IPCC-62. C’était surtout le cas pour Kate Calvin, scientifique en chef de la NASA et co-Présidente du 3e groupe de travail (WG III) du Giec consacré à l’atténuation pour son 7e cycle d’évaluation et elle a eu interdiction de parler à la presse. Il s’agit de la toute première fois que les représentants de haut niveau des Etats-Unis étaient absents d’une session plénière du Giec (source : Carbon Brief, 5 mars 2025).
Par ailleurs, l’administration Trump a mis fin au contrat avec l’unité d’appui technique (sorte de cabinet ministériel composé d’une vingtaine d’experts) mis à disposition du WG III par le Département d’Etat américain. Cette unité aide la co-Présidente à assurer la veille sur les travaux scientifiques, à sélectionner les auteurs, à animer des réunions de coordination, à coordonner la rédaction du 3e volet du 7e rapport d’évaluation [AR7] du Giec, etc.). Cette décision pourrait compromettre la réalisation des travaux du WG III, la qualité de leur évaluation et in fine l’élaboration du 3e volet de l’AR7. L’autre co-Présidente du WG III, Joy Pereira (Malaisie), dispose d’une unité d’appui mais ils sont moins nombreux.
Le 10 mars 2025, la NASA a annoncé le licenciement de Kate Calvin et de son unité d’appui technique.
Enfin, des incertitudes planent quant à la question de savoir si l’administration Trump compte retirer les Etats-Unis de l’ensemble du processus du Giec : une décision fédérale en ce sens serait très lourde de conséquences – pour l’instant, l’interdiction de participation est en théorie temporaire.
Les actions « anti-science » de l’administration Trump 2 : Internet pris pour cible
Dans une véritable « purge », des pages web consacrées au climat et à la biodiversité sur des sites clés de l’administration fédérale (Maison blanche, EPA, Ministères des Affaires étrangères, de la Défense, des Transports, etc.) ont été carrément supprimées (selon certaines estimations, au total, 8 000 pages ont été supprimées).
Le 4 février 2025, le quotidien britannique The Guardian a publié un article comparant les pages climat des sites clés de l’administration Trump 2 avant et après son arrivée au pouvoir (source : Guardian, 4 fév. 2025).
La Maison blanche
La page « climat » a disparu même si le lien URL existe encore.
https://www.whitehouse.gov/climatechange
Ministère de la Défense (Department of Defense)
Source : Guardian, 4 fév. 2025.
Ministère des Affaires étrangères (State Department)
Sources : Guardian, 4 fév. 2025 et State Department.
Agence pour la protection de l’environnement (EPA)
Source : Guardian, 4 fév. 2025
Sur certains sites, les références au changement climatique ont été supprimées de la page d’accueil et rangées dans des pages cachées : exemple, le Ministère de l’Energie (Department of Energy). Sur la page « All topics » (tous les sujets), dans le menu de la lettre « C », le sujet « changement climatique » ne figure pas mais la page consacrée au sujet existe encore : elle n’est pas accessible de la page d’accueil (https://www.energy.gov/climate-change) (voir ci-dessous à gauche).
Les réactions de la communauté scientifique internationale et nationale
Selon Valérie Masson-Delmotte, cette nouvelle politique anti-science est « du sabotage ». Celle-ci est également qualifiée « d’obscurantisme » par de nombreux scientifiques dans le cadre d’une tribune parue dans Le Monde du 4 mars 2025.
Le 31 mars 2025, une lettre ouverte au peuple américain a été publiée : elle a été signée par plus de 1 900 scientifiques américains. Les signataires sont des membres élus de l’Académie nationale des Sciences (National Academy of Sciences, NAS, fondée en 1863), et des Académies nationales d’Ingénierie et de Médicine (fondées respectivement en 1964 et 1970, sous l’égide de la NAS). Ces trois institutions comptent plus de 6 800 membres élus au total.
Cette lettre est un appel à l’administration Trump 2 à mettre fin à son « attaque en bloc » contre la science américaine. Voici les messages clés de la lettre :
- « Nous voyons un réel danger avec ce qui se passe actuellement. […] Nous sommes unis en tant que chercheurs dans notre volonté de protéger l’indépendance de la recherche scientifique. Nous envoyons ce SOS pour lancer un avertissement clair : le dispositif scientifique de la nation est en train d’être décimé » ;
- « L’administration réduit le financement des agences scientifiques, met fin aux subventions accordées aux scientifiques, supprime le financement de leurs laboratoires et entrave la collaboration scientifique internationale. Les coupes budgétaires obligent les institutions à interrompre la recherche (y compris les études sur les nouveaux traitements des maladies), à licencier des professeurs et à cesser d’inscrire des étudiants de troisième cycle – le vivier de la prochaine génération de scientifiques» ;
- « La quête de la vérité – la mission de la science – exige que les scientifiques explorent librement de nouvelles questions et fassent part de leurs conclusions en toute franchise, indépendamment des intérêts particuliers» ;
- « L’administration [Trump] se livre à la censure, détruisant cette indépendance. Elle utilise des décrets et des menaces financières pour manipuler les études qui sont financées ou publiées, la manière dont les résultats sont rapportés et les données et résultats de recherche auxquels le public peut avoir accès » ;
- « L’administration bloque la recherche sur des sujets qu’elle juge inacceptables, tels que le changement climatique, ou qui donnent des résultats qu’elle n’apprécie pas, sur des sujets allant de la sécurité des vaccins aux tendances économiques» ;
- « Un climat de peur s’est installé dans la communauté des chercheurs. Les chercheurs, craignant de perdre leur financement ou la sécurité de leur emploi, retirent leur nom des publications, abandonnent des études et réécrivent des propositions de subventions et des documents pour supprimer des termes scientifiquement exacts (tels que « changement climatique ») que les agences signalent comme répréhensibles» ;
- « Bien que certains membres de la communauté scientifique aient protesté bruyamment, la plupart des chercheurs, des universités, des instituts de recherche et des organisations professionnelles ont gardé le silence pour éviter de contrarier l’administration et de mettre en péril leur financement» ;
- « Si le dispositif de recherche de notre pays est démantelé, nous perdrons notre avance scientifique. D’autres pays seront à la pointe du développement de nouveaux traitements des maladies, de sources d’énergie propres et des nouvelles technologies de l’avenir. Il faudra des décennies pour réparer les dommages causés au dispositif de recherche scientifique de notre pays».
L’impact de la politique de l’administration Trump 2 sur la gouvernance climat internationale
La participation aux COP/CMA
Les Etats-Unis pourront toujours participer à la 7e réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-7, à Belém, Brésil du 10 au 21 nov. 2025) en tant que Partie avec son droit de parole et de vote car le retrait américain ne deviendra effectif que le 20 janvier 2026 (un an après la notification). Le rôle de Washington à Belém n’est pas encore clair : les délégués américains vont-ils jouer les trublions ou s’impliquer dans les négociations ? En revanche, à partir de la CMA-8 (2026), les Etats-Unis seront un simple observateur sans droit de parole ni de vote. Quoi qu’il en soit, ils pourront toujours participer aux COP en tant que Partie à la Convention Climat.
A noter que le retrait de l’Accord de Paris signifie que les Etats-Unis n’auront plus d’obligation de soumettre chaque année un inventaire national des émissions de GES (au titre de l’article 13.7(a). En effet, les Etats-Unis n’ont pas soumis leur inventaire national d’émissions de GES à l’échéance du 15 avril 2025 (source : CCNUCC, soumissions d’inventaires nationaux en 2025 par les Parties à l’annexe I, page consultée le 6 mai 2025).
Ambition et action des Parties
La remise en cause par Trump du bien-fondé de l’Accord de Paris pourrait conduire à un effet d’entraînement auprès de certaines autres Parties qui seraient tentées de lui emboîter le pas (par exemple l’Argentine), ainsi que freiner ou réduire l’ambition et/ou l’action climat mondiale. Cela dit, le monde est mieux préparé pour affronter Trump cette fois par rapport à 2016 selon l’ONG américaine Natural Resources Defense Council (NRDC) (source : Climate Home News, 15 jan. 2025).
Quid de la participation des Etats-Unis au G7 et au G20 ?
Lors de la réunion des Ministres des Finances du G20 au Cap (Afrique du Sud, 26-27 février 2025), le Secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, n’y a pas assisté. Il a envoyé un haut fonctionnaire à sa place. Reste à savoir si Trump lui-même va assister au sommet du G7(15-17 juin 2025 à Kananaskis, en Alberta au Canada) et du G20 (22-23 nov. 2025, Johannesburg, Afrique du Sud). Sans participation présidentielle ou ministérielle des Etats-Unis, le G7 et le G20 sont vidés d’une partie importante de leur substance.
L’impact de la politique de l’administration Trump 2 sur le budget de la CCNUCC et sur le financement climat international
Contribution des Etats-Unis au budget de base de la CCNUCC
Au 1er mars 2024, le montant total de la contribution américaine non versée s’élevait à 10,6 M€ sur 2010-2024 dont 7,2 M€ uniquement pour 2024 (plus d’un quart du total de 29,75 M€ dû en 2024 par l’ensemble des Parties) (source : CCNUCC, 1er janvier 2025). Avant la fin de son mandat, l’administration précédente sous Joe Biden a néanmoins versé fin 2024 la contribution due par les Etats-Unis au budget de base de la CCNUCC.
Etat des contributions des Parties au budget de base de la CCNUCC, au 31 déc. 2024
Source : CCNUCC, 1er janvier 2025.
En 2024, les Etats-Unis étaient le 3e pays contributeur au budget de la CCNUCC (budget de base et contributions à titre volontaire) :
Les 5 premiers pays contributeurs au budget de la CCNUCC en 2024
(budget de base et contributions à titre volontaire
Source : CCNUCC/Core budget + CCNUCC/Contributions volontaires,1er janvier 2025.
Financement climat dans le cadre de la CCNUCC
Il existe peu de chances que l’administration Trump 2 honore les engagements précédents pris en termes de contributions nationales au Fonds vert pour le climat (GCF), au Fonds d’adaptation et au Fonds pertes et préjudices :
Fonds vert pour le climat (GCF)
- 1 Md$ : engagement pris par l’administration Obama pour la période 2015-2018,
- 3 Md$ : engagement pris par l’administration Biden pour la période 2024-2027.
Fonds d’adaptation
Fonds pertes et préjudices
- 17,6 M$ : COP-28.
Financement climat public international
Le financement climat public international fourni par les Etats-Unis est resté plutôt stable pendant la Présidence Trump 1 mais il a connu une forte hausse pendant la Présidence Biden, en passant d’environ 1,5 Md$ en 2021 à 9,5 Md$ en 2023 (six fois plus) pour atteindre 11 Md$ en 2024 (estimation) (source : COP29 update : US international public climate finance, Department of State, 18 nov. 2024 via les archives du site).
Financement climat fourni par les Etats-Unis à titre bilatéral et via les banques multilatérales de développement (2015-2022 + estimations pour 2023 et 2024)
Source : Carbon Brief, 10 mars 2025 d’après les rapports biennaux (BR) des USA, le rapport de transparence biennal (BTR) des USA, et le Ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis (DoS).
Sur la base de la contribution américaine de 11 Md$ en 2024, la part des Etats-Unis dans le financement climat international total fourni par les pays industrialisés en 2024 serait de 8% (selon les calculs de Carbon Brief).
La nouvelle politique de Trump de mettre fin à l’aide internationale (USAID), dont celle pour le climat, va compliquer l’atteinte du nouvel objectif de 300 Md$/an fixé à Bakou lors de la CMA-6 (lire notre article).
Financement climat fourni par les pays industrialisés à titre bilatéral et via les banques multilatérales de développement
Source : Carbon Brief, 10 mars 2025.
L’impact de la politique de l’administration Trump 2 sur les émissions nationales de GES et sur le réchauffement
Impact sur les émissions nationales de GES d’ici 2030
Selon les projections de Carbon Brief, site britannique spécialisé sur le climat (publiées le 6 mars 2024), la réélection de Trump pourrait conduire d’ici 2030 à l’émission de 4 Gt CO2e supplémentaires par rapport à la politique de l’administration Biden (soit environ l’équivalent des émissions totales de l’Inde en 2023, source : PNUE, Emissions Gap Report, 24 oct. 2024). A noter que l’objectif de réduction national inscrit dans la NDC-2 des Etats-Unis (soumise en 2021) était de -50 à -52% d’ici 2030 par rapport à 2005.
Source : Carbon Brief, 6 mars 2024.
Impact sur le réchauffement
Selon la mise à jour des projections de réchauffement élaborée par Climate Action Tracker (CAT) et publiée le 14 novembre 2024, l’élection de Donald Trump aurait un impact sur les niveaux de température projetés, mais il n’est pas possible de préciser pas dans quelle mesure. Elle pourrait ajouter :
- +0,04°C de réchauffement d’ici 2100 à la projection de +2,7 °C basée sur les politiques actuelles (en supposant que le recul des politiques se limite aux États-Unis)
- quelque 10èmes de degré par rapport au scénario optimiste de +1,9°C (avec la suppression de l’objectif zéro émission nette des États-Unis) [+0,2°C = 2/10 ; +0,8°C =8/10, etc.]
Cela compromettrait le respect de l’objectif de +1,5°C. Le CAT souligne que plus le recul des politiques au-delà des États-Unis sera important, plus les chances de limiter le réchauffement à +1,5°C seront minces. Quoi qu’il en soit, la communauté internationale poursuivra ses efforts de réduction, avec ou sans Trump, mais le défi devient beaucoup plus difficile et les chances de respecter les objectifs climat seront plus faibles.
Action climat infranationale aux Etats-Unis
Nouveau mouvement « America is all in »
Ce nouveau mouvement est né de la fusion des deux mouvements précédents qui ont vu le jour lors du gouvernement Trump 1 : « We are still in » et « America’s pledge ». Il est mené par le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, le gouverneur de l’Illinois, JB Pritzker, le maire de Cleveland (Ohio), Justin M. Bibb et l’ancienne conseillère climat de la Maison blanche et la 13e administratrice de l’Agence de la protection de l’environnement (EPA), Gina McCarthy.
Ses objectifs
- mobiliser la société américaine, et notamment les acteurs non-étatiques (Etats fédérés, villes, secteur privé,…), pour accroître et renforcer l’action climat au niveau infranational en vue d’accélérer la transition énergétique
- atteindre collectivement les objectifs que le mouvement s’est fixés :
- réduire les émissions de GES de 50% d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 2005),
- atteindre zéro émission nette d’ici 2050.
Membres : qui est « all in » ?
Le mouvement compte 5 000 acteurs non-étatiques à travers les USA, représentant 63% de la population totale et 74% du PIB national. Les membres par catégorie sont : 384 administrations infranationales, 13 nations tribales, 3 007 entreprises, 58 autorités chargées de la protection de la santé, 847 groupes confessionnels, 158 institutions culturelles, 9 Etats fédérés (Washington, Oregon, Californie, Minnesota, New York, Connecticut, Rhode Island, North Carolina, Hawaii + le territoire de Guam), 177 investisseurs, 429 établissements d’enseignement supérieur.
Alliance américaine sur le climat « US Climate Alliance »
Etabli en 2017 (au début de l’administration Trump 1) par les gouverneurs de New York, de la Californie et de Washington, cette alliance compte désormais comme membres 22 Etats fédérés et deux territoires (Puerto Rico et Guam) représentant 55% de la population américaine et 57% du PIB.
Les Etats fédérés américains membres de l’Alliance américaine sur le climat (indiqués par leurs codes)
Objectifs chiffrés fixés
- réduire collectivement les émissions nettes de GES :
- d’au moins 26 à 28 % d’ici à 2025 / 2005
- de 50 à 52 % d’ici à 2030 / 2005, et
- de 61 à 66 % d’ici à 2035 ;
- parvenir collectivement à zéro émission nette dès que possible, et au plus tard en 2050.
Autres engagements pris
- accélérer l’action climat :
-
- atténuation et adaptation : mise en place de politiques nouvelles, mise en œuvre de politiques existantes,
- promouvoir le déploiement des énergies bas-carbone aux niveaux fédéral et des Etats fédérés ;
- suivi et rapportage des progrès accomplis vers la réalisation des objectifs, y compris dans le cadre multilatéral (dont le bilan global de l’Accord de Paris).
Source : US Climate Alliance/GHG targets and governance.
Action mise en œuvre ou prévue par les 24 membres de l’US Climate Alliance : état des lieux
Nombre de membres de l’US Climate Alliance ayant adopté ou prévu d’adopter des politiques climat
Source : US Climate Alliance/GHG targets and governance
Voir base de données des politiques climat mises en place ou prévues par les 24 membres
Mobilisation anti-Trump aux Etats-Unis
Au-delà du domaine de la politique climat, la mobilisation anti-Trump, au sens plus large, commence à s’organiser à travers le pays, à l’instar du nouveau mouvement « 50501 » : 50 Protests, 50 States. 1 movement [50 manifestations, 50 Etats fédérés mais un seul et unique mouvement]. Son objectif premier est de lutter, de façon non-violente, pour maintenir la Constitution et mettre fin à l’abus du gouvernement par décret.
Source : mouvement 50501.
Ce mouvement a organisé et a prévu d’organiser plusieurs manifestations à New York et dans d’autres grandes villes du pays, y compris une grande journée nationale d’action le 1er mai 2025.
Carte des manifestations organisées par le mouvement « 50501 »
Source : mouvement 50501.
En savoir plus
- Carbon Brief : Analysis: Trump election win could add 4bn tonnes to US emissions by 2030, 6 mars 2024
- Climate Home News: Legal experts say Trump could quit Paris pact – but leaving UNFCCC much harder, 4 novembre 2024
- The Guardian: ‘A wrecking ball’: experts warn Trump’s win sets back global climate Election of a ‘climate denier’ to US presidency poses ‘major threat to the planet’, environmentalists say, 6 nov. 2024
- Christian de Perthuis, La réélection de Donald Trump : quelles implications pour les politiques climatiques ? The Conversation, 6 novembre 2024
- Le Monde: L’élection de Donald Trump, un « jour noir pour le climat », 7 novembre 2024
- Carbon Brief :Experts: What does a Trump presidency mean for climate action?, 7 novembre 2024
- Christian de Perthuis, Investiture de Trump : relance pétro-gazière & retrait de l’accord de Paris, 21 janvier 2025
- Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement : Climat : Donald Trump retire les Etats-Unis de l’Accord de Paris mais pas de la Convention des Nations-Unies sur les changements climatiques, 21 janvier 2025
- The Guardian : Scientists brace ‘for the worst’ as Trump purges climate mentions from websites, 4 fév. 2025
- Carbon Brief : Analysis: Nearly a tenth of global climate finance threatened by Trump aid cuts, 10 mars 2025.