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Publié le 22 mai 2025

Roquelaure de la qualité de l’air – Le ministère de la Transition écologique appelle à la « remobilisation »

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 22/05/2025
Réf . : 2025_05_06

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Alors que les députés de la commission spéciale chargée du projet de loi simplification ont fait adopter fin mars 2025 « contre l’avis du gouvernement » des amendements prévoyant la suppression pure et simple des ZFE-m (Zones à faible émission – mobilité – lire notre article), Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, a organisé lundi 12 mai 2025 un « Roquelaure de la qualité de l’air » (du nom de l’hôtel de Roquelaure où se situe le cabinet de son ministère) avec ses collègues François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et Yannick Neuder, ministre de la Santé afin de « sonner la mobilisation générale […] sur cette problématique de santé publique majeure », la pollution de l’air ayant des « conséquences dramatiques pour certains Français ».

De fait, la mortalité liée à la pollution de l’air ambiant reste un risque conséquent en France avec 40 000 décès attribuables chaque année aux particules fines selon Santé publique France. Fardeau en termes de santé publique, la pollution atmosphérique est également un fardeau en termes économiques. Santé publique France évalue ainsi à 130 Md€ par an l’impact économique « uniquement » des PM2,5. À l’inverse, 9,5 Md€ pourraient être économisés chaque année si la valeur-guide de l’OMS de 5 µg/m3 pour les PM2,5 (lire notre article) était respectée en France hexagonale.

Dans ce contexte, le Gouvernement va déposer un amendement afin de « conserver » les ZFE de Paris et de Lyon, qui restent les seules à accuser de manière régulière des dépassements des seuils réglementaires de qualité de l’air.

Agnès Pannier-Runacher a également annoncé

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« Conserver » les ZFE de Paris et de Lyon

Initiées en 2019 et étendues en 2021, les ZFE-m visent à limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires en excluant la circulation des véhicules Crit’Air 3, des voitures Diesel immatriculées avant 2011 (voitures de plus de 14 ans) et des voitures à essence immatriculées avant 2006 (voitures de plus de 19 ans).

Mais certains élus à l’image du député Bartolomé Lenoir (LR, La Creuse), jugent « les ZFE absurdes et injustes » et leur reprochent de créer « une fracture de plus entre la France des métropoles et la France des campagnes », au motif notamment que « le revenu médian n’est que de 19 000 € par an dans la ruralité contre plus de 30 000 € à Paris [or] une voiture neuve coûte en moyenne 34 000 € » (lire notre article).

Déterminée à reprendre la main sur ce dossier, Agnès Pannier-Runacher, qui rappelle que les pathologies liées à la pollution de l’air risquent de s’accentuer avec le changement climatique, « porte une évolution du dispositif [des ZFE] pour simplifier et clarifier les choses ».

Concrètement, l’exécutif va déposer un amendement afin de « conserver » les ZFE de Paris et de Lyon, qui restent les seules à accuser de manière régulière des dépassements des seuils réglementaires de qualité de l’air et qui constituent d’ailleurs des « territoires ZFE ». Les 40 autres agglomérations qui dépassent les valeurs guides de l’OMS, plus exigeantes que les seuils fixés par la directive (UE) 2024/2881 sur la qualité de l’air (lire notre article), resteraient libres de mettre en place de telles zones. Une période d’adaptation serait prévue jusqu’au 31 décembre 2026 pour laisser aux collectivités concernées la possibilité d’adapter le périmètre concerné aux réalités locales.

La loi d’orientation des mobilités, dite loi LOM, prévoit que l’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est obligatoire depuis le 1er janvier 2025 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées en France métropolitaine. Des dérogations sont prévues à cette obligation par le décret d’application (décret n°2020/1138) si la collectivité prouve, par des mesures réalisées ou par de la modélisation conformément à l’article R. 221-3 du code de l’environnement que les concentrations moyennes annuelles en dioxyde d’azote (NO2), sont inférieures ou égales à 10 μg/m3 :

  • sur l’ensemble des stations fixes de mesures de la qualité de l’air de l’agglomération ;
  • ou pour au moins 95 % de la population de chaque commune de l’agglomération.

Les agglomérations qui maintiendront ou créeront une ZFE seront d’ailleurs prioritaires pour que leurs habitants bénéficient du leasing social de véhicules électriques (qui a été interrompu depuis le 15 février 2024 et qui sera relancé à partir de septembre 2025). Enfin, les services travailleront sur un retour de la prime à la conversion pour la loi de finances 2026, qui vise à aider certains ménages à acquérir une voiture peu polluante à condition que l’ancien véhicule Diesel ou à essence soit mis au rebut.

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56 agglomérations risquent d’être en situation de dépassement des valeurs règlementaires en 2030

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De fait, si la qualité de l’air en France s’est « très nettement améliorée » selon le ministère de la Transition écologique, de nouveaux efforts vont devoir être consentis pour respecter les seuils plus sévères qui s’appliqueront à partir de 2030.

« Les émissions de polluants ont fortement diminué ainsi que les concentrations », a fait valoir Diane Simiu, directrice du Climat, de l’Efficacité énergétique et de l’Air à la Direction générale de l’énergie et du climat. Les politiques publiques mises en place pour l’amélioration du chauffage urbain, notamment au bois, le développement des transports en commun ou des pistes cyclables, ont favorisé cette amélioration – 170 projets portés par des collectivités ayant été soutenus entre 2020 et 2024.

De fait, Marc Durif, directeur exécutif du LCSQA (laboratoire central de surveillance de la qualité de l’Air, l‘organisme chargé d’assurer la coordination technique du dispositif de surveillance de la qualité de l’air en France), a précisé que les concentrations de NOx (oxydes d’azote) ont diminué de 68 % entre 1990 et 2022 grâce au renouvellement du parc automobile, à la diminution du nombre de véhicules Diesel, au renouvellement des engins non routiers (agricoles ou du BTP) et à la meilleure maîtrise des émissions industrielles.

En parallèle, sur la même période, les émissions de particules PM2,5, – qui pénètrent profondément dans l’organisme et ont l’impact le plus élevé sur la morbidité -, ont diminué de 64 % grâce aux améliorations intervenues dans les secteurs du chauffage résidentiel et dans l’industrie et à la mise en place des normes Euro pour les véhicules.

Comme l’a relevé le Conseil d’État dans sa décision du 25 avril 2025 (lire notre article), si l’on considère les agglomérations elles-mêmes, plus aucune zone ne dépasse les valeurs limites de concentration pour les particules fines (PM10) et la valeur limite de concentration pour le dioxyde d’azote (NO2) est quasiment respectée à Lyon et proche de l’être à Paris.

Toutefois de nouveaux efforts vont devoir être consentis pour respecter les nouvelles valeurs limites de concentration dans l’air ambiant qui s’appliqueront à partir de 2030 et ce, conformément à la directive (UE)2024/2881 sur la qualité de l’air (lire notre article). L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande en effet depuis 2021 de nouveaux seuils de référence pour plusieurs polluants atmosphériques, dits valeurs-guides (lire notre article), afin de mieux tenir compte de leurs impacts sanitaires au regard des dernières données scientifiques disponibles.

C’est pourquoi les normes européennes qui seront applicables à partir du 1er janvier 2030 ont été significativement renforcées (lire notre article) avec des valeurs limites de concentration et des valeurs cibles plus strictes à par rapport aux règles actuellement en vigueur (fixées par la directive 2008/50/CE, pour plusieurs polluants, dont les particules fines (PM2,5, PM10), le NO2 (dioxyde d’azote) et le SO2 (dioxyde de soufre). Pour les deux polluants ayant la plus forte incidence documentée sur la santé humaine, le PM2,5 et le NO2, les valeurs limites annuelles doivent être réduites de plus de moitié, passant respectivement de 25 µg/m³ à 10 µg/m³ et de 40 µg/m³ à 20 µg/m³. Et d’ici à 2050, elles devront s’aligner sur une valeur plus contraignante telle que recommandée par l’OMS.

Or comme l’a relevé Marc Durif, si on applique les valeurs limites de concentration définies par la directive européenne sur la qualité de l’air ambiant à l’échéance 2030 à la situation actuelle, le nombre d’agglomérations en dépassement des valeurs limites définies par l’OMS passerait :

  • de 3 à 38 pour le NO2 (dioxyde d’azote),
  • de 2 à 19 pour les PM10 (particules de diamètre inférieur à 10 µm),
  • et de 0 à 18 pour les PM2,5 (particules fines, inférieures à 2,5 µm).

Dès lors et de manière globale, le nombre d’agglomérations en situation de dépassement passerait de 5 à 56 en l’état actuel des concentrations qui y sont mesurées, autrement dit sans compter les effets des politiques publiques de réduction d’émissions qui pourront être mises en place d’ici à cette échéance.

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Bénéfices économiques de l’amélioration de la qualité de l’air

En France hexagonale, l’exposition de la population à la pollution de l’air ambiant représente un « impact économique majeur » en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées comme l’a rappelé Sébastien Denys, directeur Santé-Environnement-Travail chez Santé Publique France (lire notre article).

Cet impact est estimé :

  • à 12,9 milliards d’euros en lien avec les PM2,5, soit presque 200 euros par an et par habitant,
  • et à 3,8 milliards d’euros pour le NO2, soit 59 euros par an et par habitant.

À l’inverse, si les valeurs guides de l’OMS étaient respectées, des bénéfices importants seraient enregistrés en matière de santé publique avec des co-bénéfices économiques.

  • Ainsi, si la valeur-guide de l’OMS de 5 µg/m3 pour les PM2,5 était respectée en France hexagonale, les bénéfices annuels en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées en lien avec les PM2,5 s’élèveraient à 9,58 milliards € (valeur 2018), soit 148 euros par habitant et par an.
  • Si la valeur-guide de l’OMS de 10 µg/m3 pour le NO2 était respectée en France hexagonale, les bénéfices annuels en termes de santé et de bien-être pour les maladies étudiées en lien avec le NO2 s’élèveraient à 1,69 milliard €, soit 26 euros par habitant et par an.

La réduction des concentrations en PM2,5 et NO2 à des niveaux équivalents aux valeurs guides de l’OMS permettrait en effet d’éviter la majeure partie de la morbidité attribuable à la pollution atmosphérique d’origine anthropique, à hauteur de 75 % pour les PM2,5 et de près de 50 % pour le NO2.

De son côté, Alain Chabrolle, vice-président du Conseil national de l’Air (CNA) et représentant de FNE Nouvelle Aquitaine au sein de France Nature Environnement, a précisé qu’ « un euro investi dans la directive [européenne] représentera 7 à 10 euros gagnés » du fait des bénéfices sanitaires et des co-bénéfices qui seront générés.

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7,6 Md€ pour la protection de l’air extérieur

Les dépenses annuelles liées à la pollution de l’air pèsent lourd, comme l’a rappelé Diane Simiu, ce qui légitime d’autant plus l’engagement et la vigilance dans ce domaine. En 2022, 7,6 Md€ ont ainsi été consacrés à la protection de l’air extérieur, ce qui représente 12 % des dépenses totales de protection de l’environnement en France (63,7 Md€) et 0,3 % du PIB.

Répartition de la dépense de protection de l’environnement par domaine en 2022

(SDES, compte satellite de l’environnement, 2024)

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En savoir plus

12052025_Roquelaure-QA_DP.pdf

Données | polluants atmosphériques – Citepa

La dépense de protection de l’air extérieur en 2022 | Données et études statistiques

Bilan de la qualité de l’air extérieur en France en 2023 | Données et études statistiques

Zones à faibles émissions (ZFE)

Décret n° 2022-1641 du 23 décembre 2022 relatif aux conditions de l’instauration d’une zone à faibles émissions mobilité dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain – Légifrance

Le Parlement européen adopte formellement la nouvelle directive sur la qualité de l’air – Citepa

La directive européenne sur la qualité de l’air ambiant fixe des objectifs plus stricts pour plusieurs polluants – Citepa

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