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Publié le 21 novembre 2025

La feuille de route mondiale à suivre dans l’énergie pour atteindre le « zéro émission nette » repose sur « quatre piliers centraux largement applicables » – AIE

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 21/11/2025
Réf . : 2025_11_26

Émissions de gaz à effet de serre constantes versus zéro émission nette – Source : AIE, novembre 2025

 

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) l’écrit avec force dans son tout dernier rapport le World Energy Outlook 2025 (WEO), rendu public le 12 novembre 2025, « la source mondiale la plus fiable en matière d’analyse et de projections énergétiques » : le monde s’est écarté de la trajectoire menant à un réchauffement de 1,5 °C sans dépassement ou avec un dépassement faible. En d’autres termes, le monde dépassera 1,5°C de réchauffement dans chacun des trois scénarios d’évolution énergétique qu’elle a élaborés.

Pour autant, l’AIE décrit le scénario Zéro émission nette (NZE en anglais), autrement dit la feuille de route mondiale qu’il faudrait suivre dans l’énergie pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris visant à maintenir le réchauffement « bien en dessous » (« well below ») de 2°C tout au long du XXIᵉ siècle. Les experts de l’AIE soulignent que ce scénario Zéro émission nette mis à jour repose sur « quatre piliers centraux, largement applicables ».

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Trois scénarios, trois trajectoires

Il n’existe pas de scénario unique concernant l’avenir de l’énergie, c’est pourquoi le World Energy Outlook en présente plusieurs, qui permettent d’« explorer les implications des différents choix et voies possibles en s’appuyant sur les données les plus récentes et les plus complètes en matière de politiques, de technologies et de marchés, ainsi que sur une modélisation rigoureuse ».

Ainsi, l’AIE décrit trois scénarios principaux dont aucun ne constitue une prévision, comme le précisent les experts de l’agence. Deux d’entre eux définissent des conditions de départ, puis examinent où elles mènent : le scénario des politiques actuelles et le scénario des politiques annoncées. Le troisième est le scénario « zéro émission nette d’ici 2050 » propre à limiter le réchauffement climatique. Un quatrième scénario sur l’accès universel à l’électricité et à des modes de cuisson propres est également présenté.

Scénarios exploratoires, scénarios normatifs

L’AIE donne une description succincte de chacun des quatre scénarios.

Scénarios exploratoires

Le scénario des politiques actuelles (Current Policies Scenario en anglais) – Ancré dans les lois et mesures adoptées

Le scénario des politiques déclarées (Stated Policies Scenario en anglais) – Une lecture dynamique des orientations politiques actuelles.

Scénarios normatifs

Le scénario Access – Une feuille de route pour l’accès universel à l’électricité et à des modes de cuisson propres.

Le scénario « Zéro émission nette d’ici 2050 » (Net Zero Emissions by 2050 Scenario ou NZE en anglais) – Une voie mondiale pour limiter le réchauffement à 1,5 °C..

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L’AIE précise que le WEO-2025 n’inclut pas les engagements annoncés, qui modélise un avenir pour le système énergétique dans lequel les principaux objectifs nationaux en matière d’énergie et de climat, tels que les contributions déterminées au niveau national (CDN), sont pleinement et intégralement atteints dans les délais prévus. L’évaluation de la nouvelle série de CDN qui devaient être présentées en 2025, couvrant généralement la période allant jusqu’en 2035, sera réalisée ultérieurement.

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Besoin croissant en services énergétiques

Ces scénarios couvrent un large éventail de trajectoires, mettant en évidence différentes opportunités et vulnérabilités, mais ils présentent des éléments communs.

Parmi les nombreuses tendances communes à tous les scénarios présentés figure, à mesure que les économies se développent et que les populations et les revenus augmentent, le besoin croissant en services énergétiques au cours des prochaines décennies, avec une demande en hausse pour la mobilité, le chauffage, la climatisation, l’éclairage et d’autres usages domestiques et industriels, ainsi que pour les services liés aux données et à l’intelligence artificielle.

Au-delà de cela, quatre autres points communs se dégagent :

  • la nature changeante de la sécurité énergétique,
  • l’approvisionnement en minéraux critiques constituant une vulnérabilité aiguë ;
  • l’avènement de l’ère de l’électricité ;
  • le déplacement du centre de gravité du système énergétique vers l’Inde et d’autres économies émergentes au-delà de la Chine ;
  • et le rôle croissant des énergies renouvelables, accompagné du retour de l’énergie nucléaire.

L’AIE relève notamment qu’un groupe d’économies émergentes, mené par l’Inde et l’Asie du Sud-Est et rejoint par des pays du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique latine, va de plus en plus façonner la dynamique du marché de l’énergie dans les années à venir. Collectivement, ils prennent le relais de la Chine, qui représentait la moitié de la croissance mondiale de la demande de pétrole et de gaz et 60 % de la croissance de la demande d’électricité depuis 2010, même si aucun pays ou groupe de pays n’est en mesure de reproduire la croissance énergétique intensive de la Chine.

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Croissance des énergies renouvelables plus rapide que toute autre source d’énergie majeure dans tous les scénarios

L’électricité est au cœur des économies modernes, et la demande en électricité croît beaucoup plus rapidement que la consommation énergétique globale dans tous les scénarios du WEO-2025, précisent les experts de l’AIE. Les investisseurs réagissent à cette tendance : les dépenses consacrées à l’approvisionnement en électricité et à l’électrification des utilisations finales représentent déjà la moitié des investissements énergétiques mondiaux actuels. Pour l’instant, l’électricité ne représente qu’environ 20 % de la consommation finale d’énergie à l’échelle mondiale, mais elle est la principale source d’énergie pour des secteurs représentant plus de 40 % de l’économie mondiale et la principale source d’énergie pour la plupart des ménages.

Bien que le rythme varie selon les différents scénarios du WEO, les énergies renouvelables connaissent une croissance plus rapide que toute autre source d’énergie majeure dans tous les scénarios, avec en tête l’énergie solaire photovoltaïque. Il convient de noter que la nouvelle analyse du WEO-2025 cartographie la nouvelle géographie de la demande par rapport à la répartition des ressources énergétiques mondiales, montrant que d’ici 2035, 80 % de la croissance de la consommation mondiale d’énergie se produira dans des régions bénéficiant d’un ensoleillement de haute qualité.

Un autre élément commun à tous les scénarios est le regain d’intérêt pour l’énergie nucléaire, avec une augmentation des investissements tant dans les centrales traditionnelles à grande échelle que dans les nouvelles conceptions, notamment les petits réacteurs modulaires. Après plus de deux décennies de stagnation, la capacité nucléaire mondiale devrait augmenter d’au moins un tiers d’ici 2035.

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Les quatre piliers à appliquer pour limiter le réchauffement de la planète

Le scénario « zéro émission nette d’ici 2050 » décrit une voie à suivre pour réduire les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) liées à l’énergie à zéro d’ici 2050, tout en reconnaissant que chaque pays aura sa propre trajectoire.

Ce scénario est la feuille de route mondiale qu’il faudrait suivre dans l’énergie pour atteindre les objectifs de la COP28, à savoir doubler l’efficacité énergétique et tripler la capacité des énergies renouvelables d’ici 2030, et respecter l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement « bien en dessous » (« well below ») de 2 °C tout au long du XXIᵉ siècle.

Ce scénario NZE mis à jour repose sur quatre piliers centraux, largement applicables : l’électrification par les énergies propres, l’efficacité énergétique, les carburants à faibles émissions et la réduction des émissions de méthane.

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Indicateurs clés pour les transitions énergétiques dans le scénario Zéro émission nette – Source : AIE, novembre 2025

 

Dans le scénario NZE, la capacité installée des énergies renouvelables est multipliée par près de quatre d’ici 2035 par rapport au niveau actuel. Le nucléaire et les autres technologies à faibles émissions contribuent de plus en plus, tandis que la demande d’électricité augmente pour représenter un tiers de la consommation énergétique totale. L’efficacité énergétique progresse d’environ 4 % par an d’ici 2035, soit le double du rythme de 2022. Les carburants durables – y compris les biocarburants liquides, les biogaz, l’hydrogène à faibles émissions et les carburants à base d’hydrogène – sont largement déployés : leur utilisation est multipliée par plus de quatre d’ici 2035 par rapport aux niveaux actuels. Les émissions de méthane sont réduites de plus de 80 % d’ici 2035.

Le scénario NZE atteint les objectifs de la COP28, à savoir doubler l’efficacité énergétique et tripler la capacité des énergies renouvelables d’ici 2030, et respecte l’objectif de l’Accord de Paris de maintenir le réchauffement bien en dessous de 2 °C tout au long du XXIᵉ siècle.

Dans ce scénario, les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO₂) liées à l’énergie passent de 38 gigatonnes (Gt) en 2024 à environ 18 Gt en 2035, soit une réduction de près de 55 %.

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La nécessaire augmentation des investissements dans le secteur de l’énergie

Dans le scénario NZE, les investissements dans le secteur de l’énergie augmentent pour atteindre environ 4 800 milliards de dollars par an au cours de la prochaine décennie, contre 3 300 milliards aujourd’hui. Alors que ces investissements initiaux sont réalisés, les économies liées à la baisse des prix des carburants et aux gains d’efficacité énergétique permettent aux ménages de supporter des coûts pour les services énergétiques comparables à ceux d’aujourd’hui jusqu’en 2035, et encore plus bas à plus long terme. Les pays importateurs de carburants en bénéficient également, leurs factures d’importation étant réduites d’environ deux tiers.

L’électricité joue un rôle plus important pour répondre à la demande énergétique, ce qui souligne l’importance de la sécurité électrique et la nécessité de chaînes d’approvisionnement sécurisées et diversifiées pour les minéraux critiques et les technologies énergétiques.

Le monde s’est écarté de la trajectoire menant à un réchauffement limité à 1,5 °C, sans dépassement ou avec un dépassement faible. Source : AIE, novembre 2025

Pour autant le scénario NZE actualisé reflète le fait que le dépassement de 1,5 °C est désormais inévitable : en effet, dans ce scénario, les températures augmentent d’environ 1,65 °C par rapport aux niveaux préindustriels avant de redescendre à 1,5 °C d’ici 2100. Pour ramener le réchauffement en dessous de 1,5 °C, il est nécessaire de réduire immédiatement les émissions et de recourir à l’élimination du dioxyde de carbone. « [Le] recours aux technologies d’élimination du CO₂ de l’atmosphère est indispensable pour ramener le réchauffement en dessous de 1,5 °C », précisent ainsi les auteurs du rapport qui rappellent toutefois que ces technologies sont coûteuses et non éprouvées à grande échelle et appellent à « une action immédiate pour réduire les émissions peut limiter l’ampleur des éliminations nécessaires ».

Vulnérabilité des systèmes énergétiques du monde entier

Le secteur de l’énergie devra se préparer aux risques sécuritaires liés à la hausse des températures, mais il est encore possible d’éviter les pires conséquences climatiques, précise l’AIE.

Dans le même temps, les systèmes énergétiques du monde entier sont aujourd’hui confrontés aux effets du changement climatique, ce qui souligne la nécessité urgente de renforcer la résilience face à l’augmentation des risques liés aux conditions météorologiques, ainsi qu’aux cyberattaques et autres activités malveillantes. Les perturbations des infrastructures énergétiques critiques en 2023 ont touché plus de 200 millions de foyers dans le monde, précise le rapport. Les lignes électriques se sont révélées particulièrement vulnérables, les dommages causés aux réseaux de transport et de distribution représentant environ 85 % des incidents.

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Pour en savoir plus

As risks multiply in a world thirsty for energy, diversification and cooperation are more urgent than ever – News – IEA

Net Zero Emissions by 2050 – World Energy Outlook 2025 – Analysis – IEA

CCNUCC et Accord de Paris Energie