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Comptabilisation des émissions de GES : remise du rapport Havard

  • Réf. : 2010_05_a1
  • Publié le: 1 mai 2010
  • Date de mise à jour: 24 mai 2019
  • France

Le 3 mars 2010, le député Michel Havard a remis au Président de la République son rapport de mission sur l’obligation d’élaborer un bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES), prévue par le projet de loi Grenelle 2 (article 26). Par lettre en date du 19 août 2009, le Président a confié à Michel Havard une mission exploratoire sur la mise en œuvre de cette obligation de connaissance et d’estimation des émissions de GES. L’objet principal de la mission était donc d’identifier les conditions permettant de faciliter et de stimuler la réalisation effective de ces bilans des émissions de GES et de formuler des recommandations pratiques en ce sens.

Methodologie

Pour réaliser sa mission, M. Havard a procédé, de septembre à décembre 2009, à des auditions des principaux acteurs concernés – dont le CITEPA par les dispositions de l’article 26 du projet de loi. Ont notamment été examinés :

  • les objectifs de l’obligation prévue par l’article 26,
  • les conditions d’éligibilité des catégories d’acteurs concernés,
  • la nature de l’obligation elle-même par catégorie d’acteurs, ainsi que les sanctions en cas de manquement,
  • l’architecture d’ensemble des inventaires réalisés,
  • le rôle de l’Etat dans la mise en œuvre des dispositions par les divers acteurs (entreprises, collectivités, établissements publics),
  • les conditions de mise à disposition des différentes méthodes existantes et nouvelles et éventuelles recommandations.

Le rapport s’attache d’abord à identifier les objectifs des dispositions de l’article 26, puis présente un état des lieux des bilans existants, les différents périmètres de comptabilisation et les divers outils avant de formuler plusieurs recommandations.

Objectifs de l’article 26

Le rapport identifie trois principaux objectifs :

  • objectif général: mobiliser les principaux acteurs français sur les objectifs de réduction des émissions de GES pour la France à l’horizon 2020 (-14%(3), base 1990, pour les secteurs hors système communautaire d’échange de quotas d’émission, ainsi que les réductions par les secteurs visés par celui-ci pour la période 2013-2020 découlant du plafond qui sera imposé à la France au titre de la directive 2009/29/CE(4)). L’objectif à long terme (division par quatre des émissions de GES d’ici 2050) n’est pas cité. L’article 26 doit donc être considéré comme un outil essentiel pour réaliser ces objectifs, et pour mobiliser et inciter les acteurs publics et privés à agir ;
  • objectifs spécifiques pour les entreprises et établis-sements publics: la réalisation d’un bilan des émissions de GES leur permettra de prendre conscience de leur consommation d’énergie et des émissions produites par leurs activités, de leur faciliter l’identification de voies d’amélioration, et de faciliter la mise en œuvre d’actions visant la réduction des émissions par une meilleure efficacité énergétique et un recours accru aux énergies renouvelables.

Le rapport soulève la question de savoir si le périmètre du bilan doit limiter l’évaluation aux seuls procédés de fabrication (tel que présenté dans l’exposé des motifs) ou s’il doit englober les émissions directes et indirectes afin de donner à l’entreprise une vision globale des actions qu’elle peut engager (optimisation des transports, efficacité énergétique des bâtiments, éco-conception des produits, utilisation rationnelle de l’énergie dans les procédés de fabrication, etc.).

La réponse devra tenir compte de cinq impératifs : opérationnalité, simplicité de réalisation, cohérence, comparabilité et additionnalité.

  • objectifs spécifiques aux collectivités locales: en tant qu’acteurs de la politique locale, les collectivités ont un rôle capital à jouer dans la réduction des émissions de GES.

L’article 26 du projet de loi Grenelle 2

Le projet de loi portant engagement national pour l’environnement (dit Grenelle 2)(1) doit permettre d’atteindre les objectifs fixés par la loi Grenelle 1, adoptée le 3 août 2009(2). Il s’agit donc de l’instrument d’application concrète des engagements du Grenelle de l’Environ-nement, dont ceux dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Ce texte pose, dans son article 26, comme obligation nouvelle la réalisation d’un bilan des émissions de GES pour :

  • les collectivités territoriales (régions, départements, communautés urbaines, communautés d’agglomération, communes, communautés de communes, etc.) de plus de 50 000 habitants, ainsi que les établissements publics employant plus de 250 personnes,
  • les entreprises qui emploient plus de 500 personnes « exerçant leur activité dans un secteur fortement émetteur« .

Ce bilan, qui doit être rendu public, est mis à jour au moins tous les cinq ans. Il doit avoir été établi pour le 1er janvier 2011. Enfin, ces bilans doivent servir d’appui à l’élaboration des Schémas Régionaux du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE), prévus par ce même projet de loi (article 23). Ceux-ci devront fixer les orientations pour les régions visant à réduire leurs émissions de GES à l’horizon 2020 et 2050.

Le projet de loi Grenelle 2 est actuellement en discussion en commission à l’Assemblée nationale après avoir été adopté par le Sénat le 8 octobre 2009. L’examen du texte par l’Assemblée nationale dans son ensemble est prévu du 4 au 7 mai 2010.

 

Etat des lieux concernant les bilans d’emissions de GES

Le rapport souligne l’importance de bien définir le concept de « bilan des émissions de GES » et de savoir ce que recouvre l’obligation prévue par l’article 26. Il fait ensuite un tour d’horizon des référentiels, méthodes, contenus et périmètres possibles afin de pouvoir formuler des recommandations précises sur l’obligation issue de l’article 26.

Les principaux référentiels internationaux :

  • les outils élaborés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) (facteurs d’émission, etc.) ;
  • la norme d’évaluation et de notification, le Protocole GES (GHG Protocol), défini en 2001 et actualisé en 2006 par le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) ;
  • le cadre normatif d’évaluation formalisé en 2006 au travers la série de normes ISO 14064;

Ces démarches visent à assurer la cohérence et la crédibilité des données, à en permettre la comparabilité et à en faciliter la gestion. Le rapport relève que le GHG Protocol est le principal référentiel utilisé par les entreprises françaises ayant une dimension internationale.

Les différents périmètres de comptabilisation : Le GHG Protocol et la norme ISO 14064 définissent trois périmètres, l’objectif d’évaluation déterminant le périmètre le plus approprié :

  • périmètre 1: les émissions directes (liées aux sources),
  • périmètre 2: les émissions indirectes liées à la production d’électricité, de chaleur et de vapeur achetées et consommées par l’entreprise,
  • périmètre 3: les autres émissions indirectes (extraction/production de combustibles, transports, activités sous-traitées, ramassage de déchets, etc.).

Les différents outils

Le rapport passe en revue les différents outils existants sur le marché pour réaliser l’évaluation et le suivi des émissions :

  • le Bilan Carbone® mis au point par l’ADEME (versions Entreprise et Collectivités). Il reste l’outil le plus utilisé en France ;
  • l’inventaire national spatialisé (INS), en cours de mise à jour par le CITEPA, propose une spatialisation des émissions dans l’air à l’échelle du km2. Il devrait être rendu public par le MEEDDM fin 2010.

Sur ce volet, le rapport conclut que le choix d’un outil d’évaluation des émissions de GES dépend des objectifs poursuivis par l’utilisateur.

Recommandations

  • supprimer la limitation de l’obligation aux « secteurs fortement émetteurs » et confirmer l’obligation de réaliser des bilans aux entreprises de plus de 500 salariés de tous les secteurs d’activités ;
  • confirmer le seuil de 500 salariés et rendre obligatoire la réalisation de bilans au niveau de chaque unité identifiée par un numéro SIREN. Cette obligation ne vaut que pour les seules entités juridiques ayant leur siège en France.

Sur cette base, au total seraient donc éligibles près de 3 000 acteurs publics et privés à mobiliser : 2 460 entreprises privées, 448 collectivités et 100 établissements publics ;

  • comptabiliser au moins les émissions de CO2. Dautres GES pourront être pris en compte si les émissions sont significatives. Pour le premier bilan, ce choix sera à laisser à la liberté de l’entreprise ;
  • indiquer dans le décret d’application que les bilans à réaliser doivent respecter la norme ISO 14064 et/ou le GHG Protocol;
  • les entreprises et les établissements publics doivent réaliser le bilan de leurs émissions directes et de leurs principales émissions indirectes, en s’en tenant uniquement à celles dont ils sont directement responsables et sur lesquelles ils peuvent agir (notamment les transports et les achats) ;
  • le bilan que devront réaliser les collectivités de plus de 50 000 habitants est un bilan de type organisationnel, c’est-à-dire qu’il couvre les activités relevant des domaines de compétences de ces collectivités. Il prend en compte les émissions directes et indirectes et donne lieu à la mise en place d’un plan d’actions (Plan Climat Energie Territorial) ;
  • la réalisation des bilans territoriaux est confiée à une autorité régionale dont les missions sont de réaliser et de mettre à jour ces bilans avec une méthode compatible avec la réalisation de l’inventaire national (assurée par le CITEPA). Le bilan territorial régional constitue une annexe du Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Energie ;
  • favoriser l’organisation de la profession pour assurer un niveau de qualification satisfaisant et former une partie du personnel des entreprises, des établissements publics et des collectivités concernées.

Le rapport estime qu’aujourd’hui, environ 150 à 200 bureaux d’études sont réellement capables de réaliser correctement les bilans. Par ailleurs, selon le rapport, le coût d’un bilan peut être estimé entre 15 000 € pour les petites entités et 100 000 € pour les plus importantes. Il souligne néanmoins que la réalisation du premier bilan est la plus onéreuse car au préalable, il faut mettre en place un système de collecte de données ;

  • fixer une première phase de réalisation des bilans et des plans d’actions au 31 décembre 2012, soit deux ans après l’échéance du 1er janvier 2011 prévue par le projet de loi Grenelle 2. Etant donné le nombre d’entités obligées de réaliser un bilan (3 000 – voir plus haut) et le décalage dans le temps de l’entrée en vigueur de la loi, cette dernière échéance apparaît irréaliste, eu égard au nombre de prestataires en mesure de fournir ce service ;
  • fixer une périodicité de trois ans entre chaque bilan, et non « au moins tous les cinq ans », ce délai étant, selon le rapport, trop long car le bilan doit être considéré comme un outil de pilotage.
  • obligation de publicité pour les bilans des émissions de GES réalisés par les collectivités publiques visées ;
  • pour les entreprises et les établissements publics, il sera indiqué « ‘avant le 31 décembre 2012, les textes [d’application] préciseront les conditions de publicité ». En effet, pour plusieurs raisons, au premier rang desquelles les questions de confidentialité des procédés, les auteurs du rapport sont très réservés sur l’idée d’une publicité systématique de l’intégralité du bilan réalisé par les entreprises ;
  • l’obligation de réaliser des bilans des émissions de GES et de leur plan d’actions est réputée accomplie dès lors qu’ils sont transmis à la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL(5)) du siège de l’obligé concerné ;
  • les premiers bilans et les premiers plans d’actions seront transmis avant le 31 décembre 2012;
  • prévoir fin 2011 un rappel de l’obligation par courrier aux acteurs concernés, effectuer un rappel par courrier pour les retardataires et prévoir une sanction financière (dont le montant reste à définir) ;
  • créer dès 2010 un pôle de coordination national des inventaires et bilans des émissions de GES et polluants atmosphériques locaux. Ses missions seront celles du SNIEPA, avec notamment la validation de l’inventaire national, la coordination des méthodes de calcul avec la mise en place de trois groupes (Bâtiment, Energie, Transports) pour viser une convergence entre ces méthodes, et la vérification de la cohérence des comptages territoriaux.


(1)
Voir SD’Air n°170 p.67. (2) Voir SD’Air n°172 p.9. (3) Voir SD’Air n°172 p.63. (4) Voir SD’Air n°172 p.72. (5) Voir SD’Air n° 170 p.61.

  • Rapport établi par Michel Havard, Député du Rhône, avec l’assistance de Jean-Claude Gazeau, IGPEF, décembre 2009
  • Jean-Claude.Gazeau@developpement-durable.gouv.fr (pour le rapport)
  • assemblee-nationale.fr/13/dossiers/engagement_environnement.asp
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