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La révolution copernicienne des incertitudes du 5e rapport du GIEC

  • Réf. : 2013_12_a2
  • Publié le: 1 décembre 2013
  • Date de mise à jour: 25 juin 2019
  • International

Le 1er volume du 5ème rapport du GIEC publié le 27 septembre 2013 (lire notre article sur ce sujet) montre à la fois les progrès importants accomplis dans la compréhension des sciences du climat et la difficulté des experts à communiquer en termes simples les enjeux majeurs.

En effet, deux types d’incertitude coexistent dans le rapport. D’un côté, l’incertitude découlant de la plausibilité des hypothèses socio-économiques à l’appui de chaque scénario de concentrations de gaz à effet de serre envisagé (quatre scénarios dits RCP(1)), et de l’autre, le degré de confiance accordé aux projections climat issues de ces mêmes modèles.

Aucune probabilité n’est attachée à ces RCP, ils sont juste considérés comme plausibles par le GIEC. Quel que soit le scenario adopté, les actions d’atténuation ne se différencient pas en termes d’effet climatique durant les 20 prochaines années. Il est probable (« likely« ) que les températures à la surface du globe avant 2035 soient de 1°C supérieures à celles de l’ère préindustrielle. C’est seulement à moyen et à long terme que les scénarios aboutissent à des impacts climatiques significativement différents et toujours à des hausses de températures supérieures ou égales à 2°C.

En ce qui concerne les résultats des simulations du climat effectuées à partir d’une cinquantaine de modèles climatiques, le GIEC a tenté de faire un véritable effort de pédagogie. Les résultats des modèles climatiques sont hautement significatifs, ainsi par exemple :

  • le forçage radiatif résultant de l’évolution des concentrations de CO2, de CH4, de N2O et d’halocarbures (CFC, halons, HFC, PFC,…) serait de 2,83 W/m2 en 2011 (« very high confidence« ), ce qui représente +6% par rapport aux calculs effectués en 2005, essentiellement en raison de la hausse des concentrations de CO2 dans l’air depuis huit ans ;
  • le forçage radiatif du seul CH4 serait maintenant supérieur à celui de tous les composés hydrogénés et fluorés (« very likely« ).

Une révolution copernicienne silencieuse est donc à l’œuvre dans ce rapport, qui permet de mettre en perspective les résultats de Varsovie et la responsabilité de la COP-21 en 2015, au regard des enjeux. L’incertain provient dorénavant davantage de la vraisemblance de chaque scenario que de la faible incertitude des projections climat issues des modèles ! La conférence de Varsovie qui vient de s’achever montre que tous les gouvernements n’acceptent pas encore de consentir à de vrais efforts socio-économiques. C’est le cas notamment du pays le plus émetteur de CO2 la Chine (27% des émissions mondiales de CO2(2)), dont les perspectives de croissance de 8% par an devraient se traduire mécaniquement par des hausses d’émissions significatives de CO2.

En clair, l’enjeu ne réside plus dans la démonstration d’un effet de serre largement de nature anthropogénique, mais dans la capacité de la communauté internationale à mettre en œuvre les réformes nécessaires à l’atténuation climatique. Cette capacité dépend de mesures techniques/ organisationnelles et de l’acceptabilité des gouvernements et des citoyens vis-à-vis des efforts demandés. En somme, l’incertitude ne tourne plus autour des causes et des effets anthropogéniques de l’effet de serre, mais autour des scénarios de mesures de réduction des émissions.

Jérôme BOUTANG, Directeur Général, CITEPA


(1)
Representative Concentration Pathways ou trajectoires d’évolution du bilan radiatif de la terre associés à des scénarios anthropiques d’émissions de gaz à effet de serre couplés à ceux du changement d’utilisation des terres, selon S. Planton et al., « Les nouveaux scénarios climatiques du GIEC », Revue Pollution Atmosphérique, juin 2013, p. 32.

(2) Selon le Global Carbon Projet, émissions de CO2 de la Chine en 2012 = 9 628 Mt ; total monde 35 444 MtCO2.

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