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Rapport du HCC : la France devrait tripler son rythme annuel de réduction des émissions de GES d’ici 2025

  • Réf. : 2019_06_a1
  • Publié le: 25 juin 2019
  • Date de mise à jour: 21 janvier 2020
  • France

La mise à jour de l’inventaire national Secten, élaboré par le Citepa, montre que si les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France ont baissé de 17% entre 1990 et 2017, elles ont connu une légère hausse sur la période 2014-2017 (+2,1%). Selon les pré-estimations provisoires pour 2018 (à considérer avec précaution), les émissions sont reparties à la baisse en 2018 (-4,2%). Le premier rapport du Haut Conseil pour le Climat (HCC) souligne que la neutralité GES visée dans le projet de Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisée, et fixée par le projet de loi énergie-climat (en discussion), est cohérente avec les objectifs de l’Accord de Paris et techniquement réalisable, mais implique une transition énergétique profonde de l’économie et de la société. Le HCC souligne en effet que le rythme annuel de réduction des émissions de GES (-1,1%) observé au cours du 1er budget carbone (2015-2018) devrait tripler d’ici 2025 (-3,3%) afin de respecter les 2e et 3e budgets carbone inscrits dans le projet de SNBC révisée et donc de suivre la trajectoire de baisse des émissions nécessaire pour s’engager vers la neutralité GES en 2050.

Autorité d’évaluation indépendante (voir encadré ci-dessous), le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a remis son premier rapport au Premier Ministre le 25 juin 2019.

Contexte

Présidé par la climatologue Corinne Le Quéré, le HCC est composé de 10 autres membres, spécialistes des sciences du climat, de l’économie, de l’agronomie et de la transition énergétique [dont Michel Colombier (co-fondateur et directeur scientifique de l’IDDRI), Benoît Leguet (directeur général d’I4CE), Valérie Masson-Delmotte (chercheuse à l’Institut Pierre Simon-Laplace et vice-Présidente du groupe de travail I du GIEC) et Laurence Tubiana (Présidente et directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat et ancienne ambassadrice de la France pour les négociations climat) Voir tous les membres]. Placé auprès du Premier Ministre, le HCC est chargé d’apporter un éclairage sur la politique climat du Gouvernement. Ainsi, le HCC doit rendre chaque année un rapport sur :

  • le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES),
  • la mise en œuvre des politiques et mesures publiques climat,
  • la durabilité économique, sociale et environnementale de ces politiques et mesures,
  • une mise en perspective des engagements et actions de la France par rapport à ceux d’autres pays.

Dans son rapport annuel, le HCC doit formuler des recommandations et des propositions pour améliorer l’action de la France.

Annoncé le 27 novembre 2018 par le Président de la République le HCC sera formellement institué par la future loi énergie-climat (voir notre article sur le sujet), actuellement en discussion à l’Assemblée nationale (cf. article 2).

Le HCC doit remplacer le Comité d’experts pour la transition énergétique (CETE) dans ses missions d’évaluation de la politique climat française et de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) (voir notre article sur le sujet).

Le décret n°2019-439 du 14 mai 2019 (JO du 15) établit les modalités d’organisation et de fonctionnement du HCC.

A noter enfin que le HCC s’inspire de son équivalent au Royaume-Uni, la Commission sur le Changement Climatique (CCC), organisme indépendant créé par la loi sur le changement climatique (2008).

Dans son premier rapport, le HCC conclut qu’avec le projet de loi énergie-climat et le projet de Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisée (lire notre article sur le sujet) en cours d’élaboration, la France propose de se fixer des objectifs pertinents de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

En effet, la neutralité carbone en 2050 visée par ces projets est cohérente avec les objectifs de l’Accord de Paris et avec le niveau de réduction d’émissions de GES nécessaire pour respecter l’objectif de 1,5°C si les autres pays s’engagent à des niveaux équivalents en fonction de leurs circonstances particulières (responsabilité historique, contexte socio-économique, etc.). D’après le HCC, cette neutralité carbone en 2050 est techniquement réalisable mais implique une transformation profonde de l’économie et de la société à grande échelle.

Le rôle du Citepa

Pour réaliser ses analyses, le HCC s’est très largement appuyé sur les données d’émission de GES élaborées par le Citepa pour le MTES dans le cadre du système d’inventaire national.

 

Cependant, souligne le HCC, le rythme de cette transformation est insuffisant, car les politiques de transition, d’efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique. Ainsi, le 1er budget carbone fixé en 2015 (voir notre article sur le sujet) et couvrant la période 2015-2018 a été dépassé [de 62 Mt CO2e (hors UTCATF), soit +3,5%], et la réduction réelle des émissions de GES, de 1,1% par an en moyenne sur cette période par rapport à 2011-2014, est quasiment deux fois trop lente par rapport à la trajectoire anticipée par la SNBC 1 (-1,9%). Ce rythme devrait tripler d’ici 2025 (-3,3%) pour respecter les engagements nationaux inscrits dans le projet de SNBC révisée. Le HCC pointe deux secteurs qui ont accumulé des retards importants par rapport à la trajectoire de la SNBC 1 : résidentiel-tertiaire (bâtiments) [écart de +16%] et transports [+9%].

Si l’on considère les émissions par GES, ceux qui dépassent leur budget de la SNBC 1 sont le CO2 [+5%] et les HFC [+1%]. Le HCC conclut que tant que la SNBC restera à la périphérie des politiques publiques, les budgets carbone fixés et la neutralité carbone ont peu de chances d’être atteints. La transition vers une économie bas-carbone doit désormais être au cœur des politiques, en cohérence avec la transition engagée par l’UE. Ce premier rapport du HCC souligne les bases à mettre en place pour assurer dans la durée la trajectoire bas-carbone de la France. Il apporte un cadre qui devrait permettre au Gouvernement de mettre en œuvre les actions nécessaires à l’échelle locale, régionale, nationale et européenne.

Le HCC formule sept recommandations au Gouvernement qui visent à mettre en cohérence l’action de la France avec ses engagements pour le climat :

  • assurer la compatibilité des lois et grands projets nationaux avec la SNBC,
  • renforcer dès à présent les instruments des politiques climatiques,
  • identifier et mettre en place les changements structurels nécessaires pour préparer l’économie et la société françaises à la neutralité carbone,
  • assurer une transition juste,
  • articuler la SNBC à toutes les échelles,
  • évaluer systématiquement l’impact en émissions de GES des politiques et mesures,
  • renforcer le projet de SNBC révisée.

En outre, le HCC formule des recommandations spécifiques sur le projet de SNBC révisée :

  • inscrire le niveau des budgets carbone dans la législation [loi] plutôt qu’un simple texte réglementaire [décret] afin de le figer,
  • revoir à la baisse le niveau du 2e budget carbone [2019-2023] en cohérence avec la trajectoire à long terme et les dernières données d’émissions [2017 et pré-estimations provisoires pour 2018],
  • intégrer les émissions provenant des secteurs du transport aérien et maritime international [actuellement estimées mais comptabilisées hors total, conformément aux spécifications de la CCNUCC] dans l’objectif de neutralité carbone de la France,
  • élaborer des propositions complémentaires sur les émissions de GES importées,
  • clarifier et inscrire dans la future loi énergie-climat le non-recours aux crédits internationaux pour atteindre la neutralité carbone en 2050,
  • mieux expliciter dans la SNBC 2 les objectifs par GES, notamment par secteur.

Enfin le HCC formule des recommandations spécifiques sur le projet de loi d’orientation des mobilités [adopté le 18 juin 2019 par l’Assemblée nationale en 1ère lecture (voir texte)] et l’évolution de la taxe carbone. Ce rapport fait suite à l’avis sur le projet de SNBC révisée rendu par l’Autorité environnementale le 6 mars 2019 et à l’avis sur la SNBC remis par le CESE [Conseil économique, social et environnemental] le 30 avril 2019.

 

Projet de SNBC révisée : avis de l’Autorité environ-nementale et du CESE

L’Autorité environnementale (Ae), au sein du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), pointe notamment les lacunes de l’évaluation environnementale du projet de la SNBC révisée. L’Ae fait plusieurs recommandations pour corriger ces lacunes et pour améliorer la prise en compte de l’environnement et la capacité de la SNBC à atteindre ses objectifs propres.

Elle recommande notamment de mettre en place un mécanisme de compensation des émissions de GES, d’assurer une meilleure compatibilité entre la SNBC et les plans et programmes ayant une incidence significative sur les émissions de GES, de prendre en compte les impacts de la production de biomasse sur l’usage des sols et le cycle de l’azote. L’Ae recommande également d’inscrire dans la SNBC la part des crédits de la recherche sur l’énergie à consacrer à la recherche pour la transition énergétique et de fournir une méthode pour tenir les trajectoires dans les différents secteurs. Voir avis de l’Ae.

Quant au CESE, il souligne que l’objectif de neutralité carbone visé par le projet de SNBC révisée n’a de sens que si les moyens sont pris pour accélérer la transition énergétique dès les prochaines années. Or, selon le CESE, sur ce plan, le projet de SNBC révisée reste très imprécis ou insuffisant, surtout dans le domaine de la rénovation des logements et du tertiaire. En outre, l’accompagnement des évolutions importantes prévues pour l’agriculture et la forêt en vue de la neutralité carbone reste à définir. Le CESE préconise donc :

  • d’engager des moyens à la hauteur des enjeux,
  • de définir un cadre clair et stable, favorable à la transition énergétique,
  • de réformer la gouvernance pour une meilleure appropriation. Voir avis et synthèse du CESE.

 

En première réaction au rapport, le Premier Ministre a souligné dans un communiqué que « l’action menée doit […] être amplifiée au regard de l’urgence [climatique] ». Le Gouvernement a désormais six mois à compter de la date de remise du rapport pour y répondre devant le Parlement et le CESE, c’est-à-dire avant le 25 décembre 2019. Voir en annexe du rapport les tableaux de données synthétisant les résultats des analyses du HCC.

A noter enfin que dans son rapport remis au Gouvernement britannique le 2 mai 2019, la Commission du Changement Climatique (CCC) du Royaume-Uni recommande de fixer un objectif de neutralité carbone d’ici 2050. La CCC souligne que cet objectif est réalisable avec des technologies existantes mais que les politiques climat existantes ne suffiront pas pour l’atteindre.

 

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