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La fin du charbon en Pologne prévue en 2049

  • Réf. : 2020_10_b02
  • Publié le: 7 octobre 2020
  • Date de mise à jour: 7 octobre 2020
  • UE

Le 8 septembre 2020, la Pologne a annoncé une mise à jour de sa stratégie énergétique à horizon 2040, visant le développement de l’énergie nucléaire (vers une capacité de 6 à 9 GW) et de l’éolien (construction de 8 à 11 GW offshore). Ainsi, la part du charbon dans la production d’électricité, actuellement à 75%, atteindrait 37% à 56% en 2030 et 11 à 28% en 2040. A noter, par ailleurs, que c’est la Pologne qui bénéficiera le plus du Fonds de Transition Juste (prévu dans le cadre du Green Deal européen). Ce Fonds vise les territoires les plus en difficultés économique et socialement face à la transition énergétique, avec une allocation de 2 Mds €, soit 27% du total). Lire notre Dossier de Fond sur le Green Deal et le Fonds de Transition Juste – voir pages 15-17).

C’est dans ce contexte que le 25 septembre 2020 un accord a été signé, à Katowice (Silésie, région minière du Sud de la Pologne), entre le gouvernement polonais et les représentants syndicaux des mines de charbon, suite à des grèves dans ce secteur. Cet accord indique la fin de l’exploitation des mines de charbon en 2049 (et non 2060 comme le souhaitaient initialement les syndicats), tout en assurant des garanties sociales aux travailleurs du secteur. L’accord devra être approuvé par la Commission européenne.

C’est la première fois que la Pologne s’engage sur un calendrier de sortie du charbon, alors qu’elle dépend actuellement à 75% du charbon pour produire son électricité. Cette dépendance au charbon avait d’ailleurs été à l’origine du refus de plusieurs avancées dans les politiques climat de l’UE (lire notre éclairage ci-dessous).

L’éclairage du Citepa

Retour sur l’opposition de la Pologne au renforcement de l’ambition climat de l’UE

Ces dernières années, la Pologne, 4e Etat membre émetteur de GES de l’UE-28, avec 9.6% du total en 2017 (et 3e de l’UE-27 [moins le Royaume-Uni] avec 10,7% du total en 2017 [source : AEE, rapport d’inventaire de l’UE, 29/05/2019 p.vii]), a adopté une position intransigeante vis-à-vis du renforcement de l’ambition climat de l’UE, tant à l’horizon 2030 que 2050, cherchant à bloquer l’avancement des négociations au sein du Conseil Environnement (Ministres de l’Environnement) et du Conseil européen (Chefs d’Etat et de Gouvernement). Dans certains cas, d’autres Etats membres de l’Europe de l’Est ont soutenu la Pologne dans sa démarche.

Pour rappel, en général, le Conseil européen, qui n’exerce pas de fonction législative, se prononce (essentiellement via des conclusions) par consensus. Toutefois, pour certaines décisions plus formelles [prévues par le Traité sur l’UE et le Traité sur le fonctionnement de l’UE], il décide à la majorité qualifiée ou à l’unanimité (source : Conseil européen).

Ainsi, lors du Conseil européen des 20-21 juin 2019, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-huit ont tenu un débat sur la stratégie bas-carbone pour 2050 de l’UE (voir premier encadré ci-dessus). Après plusieurs heures de négociations difficiles, les Vingt-huit ne sont pas parvenus sur un consensus pour s’engager sur l’objectif de neutralité en GES d’ici 2050 en raison de l’opposition de quatre Etats membres (la Pologne en tête, ainsi que la Hongrie, la République tchèque, rejointes dans un deuxième temps par l’Estonie). Malgré les tentatives de la France et de l’Allemagne de les rallier, ces quatre Etats membres se sont vivement opposés à ce que cet objectif soit assorti d’une échéance précise.

Suite à ce blocage, cette échéance a uniquement été évoquée dans une note en bas de page dans les conclusions de la réunion (“Une large majorité d’Etats membres estiment que la neutralité climatique doit être réalisée d’ici à 2050” – voir p.1 de ces conclusions). Le 3 octobre 2019, le Premier Ministre de l’Estonie, Jüri Ratas, a annoncé que le Gouvernement estonien soutient désormais de façon unanime l’objectif de neutralité GES pour l’UE. Restaient encore trois Etats membres (Pologne, Hongrie, République tchèque) à rejoindre la quasi-totalité des vingt-cinq autres Etats membres.

Le sujet de la stratégie bas-carbone pour 2050 de l’UE a été repris par le Conseil européen des 12-13 décembre 2019, en plein déroulement de la COP-25 (Madrid). Au bout d’âpres négociations, dans la nuit du 12 au 13 décembre 2019, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-huit sont parvenus à un accord quasi-total pour approuver l’objectif de neutralité climatique pour l’UE d’ici 2050. Ainsi, l’UE s’est engagée à atteindre cet objectif à l’exception de la Pologne qui, aux termes des conclusions adoptées, « à ce stade, ne peut s’engager à mettre en œuvre cet objectif en ce qui le concerne« . Cependant, le Conseil européen souligne qu’il reviendra sur ce point lors de sa réunion de juin 2020. Les deux autres Etats membres hésitants en amont de cette réunion du Conseil européen (Hongrie et République tchèque) ont donc assoupli leur position pour rejoindre la majorité, laissant la Pologne isolée au sein de l’UE sur ce sujet.

A noter enfin que l’UE avait déjà publié une stratégie à long terme (feuille de route 2050 présentée par la Commission le 8 mars 2011) mais elle n’a jamais été formellement adoptée du fait d’un manque de consensus politique : la Pologne y a mis son veto à deux reprises lors du Conseil Environnement (21 juin 2011 et 9 mars 2012(1)). Les autres Etats membres avaient adopté des conclusions sur la feuille de route lors du Conseil Environnement du 9 mars 2012.

 

Cette annonce a été reçue très favorablement, alors que plusieurs appels ont été lancés pour accélérer la fin du charbon en Europe :

  • Une analyse de Climact et du think tank Ecologic publiée le 28 septembre 2020 indique que l’ambition européenne de renforcer l’objectif climat 2030 (lire notre article sur le sujet) mènerait à faire passer le charbon à 2% du mix énergétique dans l’UE (contre 17% en 2020).
  • Une analyse publiée par Bloomberg le 6 juillet 2020 se penchait sur la transition énergétique en Bulgarie, Tchéquie, Pologne et Roumanie ; et particulièrement sur l’après-charbon
  • Un document d’Ember et CAN-Europe, publié le 9 septembre 2020, indiquait que sept pays de l’UE, notamment ceux visés par le Fonds pour une transition juste (Just Transition Fund lire notre dossier de fond sur le sujet) n’avaient alors pas mis en place une sortie de charbon – la Pologne en faisait partie.

(1) Voir SD’Air n°182 p.160.

 

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