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Dépassement des valeurs limites pour le NO2 et les PM10 : qu’a fait la France pour exécuter la décision du Conseil d’Etat et respecter l’échéance du 10 janvier 2021 ?

  • Réf. : 2021_02_a09
  • Publié le: 24 février 2021
  • Date de mise à jour: 24 février 2021
  • France

Conformément à la décision du 12 juillet 2020 du Conseil d’Etat, le Gouvernement français devait prendre les mesures suffisantes nécessaires, avant le 10 janvier 2021, pour permettre le respect des valeurs limites de concentration de NO2 et de PM10 dans huit zones de dépassement sur le territoire national (Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Paris, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le NO2 ; Fort-de-France et Paris pour les PM10 (voir encadré ci-dessous).

 

Le Conseil d’Etat et sa décision du 12 juillet 2020

Le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction administrative publique française. Il est notamment le juge administratif suprême qui tranche les litiges relatifs aux actes des administrations.

Par décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat avait enjoint le Premier Ministre et le Ministre de la Transition Ecologique de l’époque de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soient élaborés et mis en œuvre, pour chacune des 12 zones dans lesquelles les valeurs limites de concentration (VLC) étaient encore dépassées en 2015, des plans « qualité de l’air » permettant de ramener les concentrations de NO2 et de PM10 en dessous des VLC fixées par la directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air [2008/50/CE] (annexe XI) et ce, avant le 31 mars 2018 (lire notre article sur cette première décision).

Après avoir constaté que le Gouvernement n’avait toujours pas pris les mesures permettant de respecter les VLC applicables au NO2 et aux PM10, le Conseil d’Etat lui avait enjoint, par une nouvelle décision du 10 juillet 2020, d’agir dans un délai de six mois, sous peine d’une astreinte (amende) de 10 M€ par semestre de retard (lire notre article sur cette deuxième décision). Le Conseil d’État avait en effet constaté que les VLC restaient toujours dépassées dans neuf zones administratives de surveillance en 2019 : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le NO2, Fort-de-France pour les PM10, et Paris pour le NO2 et les PM10. Le Conseil d’Etat pointait par ailleurs le fait que les feuilles de route élaborées par le Gouvernement pour ces zones (lire notre article) ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs (sauf pour la Vallée de l’Arve).

Le Conseil d’État avait conclu que, hormis pour la vallée de l’Arve, l’État n’avait pas pris des mesures suffisantes dans les zones encore en dépassement pour que sa décision du 12 juillet 2017 puisse être jugée comme ayant été pleinement exécutée.

En conséquence, le Conseil d’État avait décidé d’infliger à l’État une astreinte (amende) de 10 M€ par semestre (soit plus de 54 000 € par jour) tant qu’il n’aura pas pris, avant le 10 janvier 2021, les mesures qui lui ont été ordonnées.

Enfin, le Conseil d’État avait ordonné au Premier Ministre de lui communiquer, avant le 10 janvier 2021, copie des actes justifiant des mesures mises en œuvre pour exécuter sa première décision du 12 juillet 2017.

 

 

Dix-sept jours après l’échéance du 10 janvier 2021, soit le 27 janvier 2021, le MTE a indiqué dans un communiqué que des « mesures structurantes » avaient été adoptées dans les secteurs les plus émetteurs en vue de permettre le respect des valeurs limites de concentration de NO2 et de PM10 dans les huit zones visées par la décision du Conseil d’Etat du 10 juillet 2020. Parmi ces mesures structurantes, figurent la création de nouvelles zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m), de nouvelles mesures pour inciter à la mobilité moins émettrice (bonus écologique, prime à la conversion, soutien au déploiement des infrastructures de recharge pour les carburants alternatifs, etc.). Par ailleurs, pour réduire les émissions de polluants liées au chauffage au bois domestique (lire le chapitre sur les émissions de polluants et de GES du secteur résidentiel-tertiaire du rapport d’inventaire Secten du Citepa, éd. 2020), une feuille de route nationale sera présentée prochainement. Le MTE a transmis un mémoire détaillant l’ensemble de ces mesures structurantes mises en œuvre au Conseil d’Etat.

 

Tout en reconnaissant que les dépassements persistent dans ces huit zones, le Gouvernement fait néanmoins état des progrès réalisés pour améliorer la qualité de l’air :

  • il n’y a plus de station en dépassement à Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Montpellier et Nice depuis 2019 et les valeurs cibles sont ainsi respectées,
  • les concentrations mesurées à Grenoble, Reims, Strasbourg et dans la Vallée de l’Arve sont désormais très proche de la valeur limite réglementaire et on peut donc s’attendre à ce que les valeurs cibles soient respectées très prochainement,
  • enfin, la part de la population exposée aux effets du dépassement des valeurs limites a significativement diminué dans les autres territoires (le communiqué ne quantifie pas cette diminution).

Les Plans de protection de l’atmosphère (PPA – lire notre article), prévus par le titre III de la loi sur l’air de 1996 (loi n° 96-1236), codifié depuis par le Code de l’Environnement (articles L. 222-4 et L. 222-5), constituent les outils principaux sur lesquels le Gouvernement s’appuie pour exécuter la décision du Conseil d’Etat du 20 juillet 2021. Ces PPA ont pour objet notamment de ramener les concentrations de polluants atmosphériques à l’intérieur des zones couvertes à un niveau conforme aux normes de qualité de l’air. Or, comme le pointait le Conseil d’Etat dans sa décision du 10 juillet 2020, depuis sa première décision du 12 juillet 2017, les PPA n’ont été révisés que pour deux des zones visées, la Vallée de l’Arve et l’Ile-de-France. Si le PPA de la Vallée de l’Arve, adopté le 29 avril 2019, comporte une série de mesures suffisamment précises et détaillées ainsi que des modélisations crédibles de leur impact permettant d’escompter un respect des valeurs limites de concentration en NO2 et en PM10 dans cette zone d’ici 2022, et donc se traduisant, selon le Conseil d’Etat par une correcte exécution de la décision du 12 juillet 2017, il n’en va pas de même du nouveau PPA d’Ile de France, adopté le 31 janvier 2018.

Pour les sept autres zones concernées, la révision de leur PPA était toujours en cours à la date de la décision, voire n’avait pas encore été initiée.

Il appartient donc désormais au Conseil d’Etat d’établir si oui ou non, l’action mise en œuvre par le Gouvernement peut être jugée satisfaisante et suffisante au regard de son injonction du 10 juillet 2020, au regard des dépassements qui persistent dans les huit zones visées, et au regard des enjeux sanitaires associés. Si le Conseil d’Etat estime que le Gouvernement n’a pas exécuté correctement sa décision, il infligera à l’État l’astreinte de 10 M€ par semestre (soit plus de 54 000 € par jour).

 

La France aussi condamnée par la Cour de Justice de l’UE sur le non-respect de cette même directive

Le cas d’infraction sur le NO2

La décision du 10 juillet 2020 du Conseil d’Etat a fait suite à l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE (CJUE), rendu le 24 octobre 2019, à l’encontre de la France pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant. Dans son arrêt, la CJUE a condamné la France à deux titres :

  • dépassement systématique et persistante de la VLC annuelle pour le NO2 depuis le 1er janvier 2010 dans 12 agglomérations et zones de qualité de l’air françaises*, et en dépassant de manière systématique et persistante la VLC horaire pour le NO2 depuis le 1er janvier 2010 dans deux agglomérations et zones de qualité de l’air françaises (Paris et Lyon Rhône-Alpes). La CJUE souligne que ce faisant, la France a continué de manquer, depuis cette date, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XI, et ce depuis l’entrée en vigueur des valeurs limites le 1er janvier 2010
  • manquement, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui incombent à la France en vertu de l’article 23.1 de la directive 2008/50/CE et de son annexe XV, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.

Lire notre article sur la condamnation de la France par la CJUE.

 

Le 3 décembre 2020, la Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu’elle a formellement demandé à la France d’exécuter l’arrêt rendu par la CJUE le 24 octobre 2019. Tout en reconnaissant les efforts consentis par les autorités françaises pour améliorer la qualité de l’air, la Commission souligne qu’à l’exception de la zone de Clermont-Ferrand, ces efforts ne sont pas encore suffisants pour limiter autant que possible les dépassements dans le temps. La Commission a donc formellement demandé à la France (via une lettre de mise en demeure), d’adopter et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour remédier à la situation et faire en sorte que la période de dépassement soit la plus courte possible (lire notre article).

La France disposait d’un délai de deux mois pour répondre aux préoccupations soulevées par la Commission (soit jusqu’au 3 février 2021). À défaut, cette dernière pourrait renvoyer l’affaire devant la CJUE et proposer que des sanctions financières soient infligées à la France. Ce délai étant également désormais passé, cette possibilité pourrait se réaliser. 

 

Le cas d’infraction sur les PM10

Une deuxième procédure d’infraction a été engagée en 2009 contre la France (lire notre article), pour non-respect des valeurs VLC des PM10 fixées par la directive 2008/50/CE (cf. avis motivé de la Commission européenne du 28 octobre 2011 et avis motivé complémentaire de la Commission du 29 avril 2015 (lire notre article). Le 30 octobre 2020, la Commission européenne a décidé de saisir la CJUE d’un recours contre la France relatif à la mauvaise qualité de l’air due à des niveaux élevés de PM10 (lire notre article). Dans un communiqué, la Commission a expliqué qu’elle allait saisir la CJUE contre la France pour :

  • dépassement de la VLC journalière fixée pour les PM10 par la directive 2008/50/CE. En effet, les niveaux de PM10 observés en région parisienne et en Martinique dépassent ces valeurs limites journalières contraignantes ;
  • manquement à l’obligation de prendre des mesures appropriées pour réduire au maximum les périodes de dépassement. La Commission a souligné que ces dépassements sont observés systématiquement, depuis 12 ans à Paris et depuis 14 ans en Martinique.

En savoir plus sur la procédure d’infraction de l’UE et ses quatre étapes (voir premier encadré de notre article).

* Marseille, Toulon, Paris, Auvergne-Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse Midi-Pyrénées, zone urbaine régionale (ZUR) Reims Champagne-Ardenne, Grenoble Rhône-Alpes, Strasbourg, Lyon Rhône-Alpes, ZUR Vallée de l’Arve Rhône-Alpes et Nice.

 

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