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Effets de la pollution sur la mortalité : de nouvelles études récentes

  • Réf. : 2021_04_a03
  • Publié le: 15 avril 2021
  • Date de mise à jour: 15 avril 2021
  • International

Les effets des concentrations de polluants atmosphériques, et notamment de particules fines, de dioxyde d’azote (NO2) ou de carbone suie sur la santé humaine sont connus, mais la quantification précise des impacts présente encore des incertitudes. En particulier, l’impact sanitaire des particules, et en particulier des particules fines (PM2,5, c’est-à-dire les particules dont le diamètre est inférieur à 2,5µm) est de plus en plus documenté. Leur taille leur permet en effet de pénétrer plus facilement les voies respiratoires : elles sont associées à des risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires plus élevés.

Lire le chapitre de Secten sur les particules en France : émissions et impacts

 

Récemment, plusieurs études ont renforcé les connaissances scientifiques sur ces impacts d’une dégradation de la qualité de l’air sur la santé humaine, et en particulier la surmortalité associée.

 

La mortalité liée à la pollution de l’air jusqu’ici largement sous-évaluée

Une étude (Vohra et al. 2021), mise en ligne le 9 février 2021 dans la revue Environmental Research, a proposé une estimation de la mortalité liée aux particules fines (PM2,5) émises par la combustion des combustibles fossiles (charbon, pétrole, diesel). Contrairement à des études précédentes d’évaluation des risques, qui utilisaient une fonction concentration-réponse, et se penchaient sur tous les PM2,5, cette étude permet une évaluation plus robuste, via : une méta-analyse des études plus récentes ; l’intégration de données sur la mortalité due aux infections des voies respiratoires inférieures chez les moins de 5 ans ; l’utilisation du modèle de transport des substances chimiques dans l’air « GEOS-Chem » (pour distinguer finement les PM2,5 selon leurs sources d’émission) ; la prise en compte du lien entre exposition de long terme et mortalité ; et l’utilisation de fonctions non-linéaires de concentration-réponse. D’après leurs résultats, le nombre de décès dus à la pollution de l’air estimé jusqu’ici était largement sous-évalué. Alors qu’une évaluation de 2019 (The Lancet,) estimait ce nombre à 4,2 millions en 2016 ; cette étude estime désormais que 8,7 millions de décès seraient dus aux émissions de PM2,5 liées les combustibles fossiles en 2018 (soit un décès sur cinq), ce qui en fait une des causes majeures de mortalité et de morbidité dans le monde (ce nombre étant plus élevé que les décès annuels lié au tabac et à la malaria pris ensemble).

Les régions les plus touchées se trouvent en Asie (Chine et Inde en tête), aux Nord-Est des Etats-Unis et en Europe. En France en particulier, la pollution aux particules fines liée aux combustibles fossiles serait à l’origine de 97 242 décès prématurées (soit 17,3% des décès). Là aussi, le chiffre est bien plus élevé que pour les estimations précédentes (une étude publiée en mars 2019 dans l’European Heart Journal estimait 67 000 décès par an en France en raison de la pollution de l’air en général ; et Santé publique France retient depuis 2016 le chiffre de 48 000 décès.

En savoir plus : Vohra, K., Vodonos, A., Schwartz, J., Marais, E. A., Sulprizio, M. P., & Mickley, L. J. (2021). Global mortality from outdoor fine particle pollution generated by fossil fuel combustion: Results from GEOS-Chem. Environmental Research195, 110754. Consulter.

 

Mortalité liée à la pollution de l’air : une estimation inédite à l’échelle des villes européennes

Une étude publiée le 20 janvier 2021 dans la revue The Lancet Planetary Health, et menée par l’Institut pour la santé globale de Barcelone (ISGlobal), l’Institut suisse de santé publique et l’Université d’Utrecht (Pays-Bas), propose une estimation inédite de la mortalité induite par la pollution de l’air (PM2,5 et NO2, d’après des données de 2015) chez les plus de 20 ans dans 969 villes en Europe, à l’échelle de ces villes et non à l’échelle des populations des pays. Ils ont calculé les décès prématurés attribuables à ces concentrations, et estimé le nombre de décès qui auraient pu être évités en respectant

  • soit les valeurs-guides de l’OMS (10 μg/m3 pour les PM2·5 et 40 μg/m3 pour le NO2, les deux en moyenne annuelle) : 51 213 morts évitables par an pour les PM2,5 et 900 pour le NO2,
  • soit les niveaux les plus bas observés en 2015 dans les villes européennes (3,7 μg/m3 pour le PM2·5 et 3,5 μg/m3 pour le NO2) : 124 729 morts évitables par an pour les PM2,5 et 79 435 pour le NO2.

Les auteurs proposent aussi un classement, parmi les 47 plus grandes villes de leur sélection, des métropoles les plus affectées par la mortalité liée aux expositions aux concentrations (concentrations moyennes pondérées par la population) de PM2,5 et NO2 :

  • Pour les PM2,5, on trouve les plus importants taux d’exposition aux fortes concentrations et les taux de mortalités associés les plus élevés dans des villes en Italie (Brescia, Bergame, Vicenza), Tchéquie (Karviná, Ostrava), et Pologne (Górnośląsko-Zagłębiowska en Silésie). Il s’agit à chaque fois de villes marquées par des activités industrielles importantes, avec des concentrations supérieures à 20 µg/m3 là où la valeur-guide de l’OMS est à 10 µg/m3 (en moyenne annuelle).
  • Pour le NO2, en revanche, ce sont les grandes métropoles de Madrid, Anvers, Turin, Paris, Milan, Barcelone qui présentent les niveaux d’exposition aux concentrations les plus élevés (concentrations supérieures à 35μg/m3, en moyenne annuelle). A Paris, 185 décès prématurés auraient pu être évités avec le respect de la valeur-guide de l’OMS (40 μg/m3 (en moyenne annuelle) ; ce chiffre montant à 2 575 si les niveaux les plus bas observés ailleurs dans d’autres villes avaient été atteints.
  • Dans les deux cas, ce sont des villes d’Europe du Nord (Norvège, Islande, Suède, Finlande) qui présentent de très faibles nombres de décès prématurés imputables à cette pollution.

L’étude conclut que les valeurs guides de l’OMS devraient être révisées pour inciter davantage à réduire ces concentrations de PM2,5 et de NO2 dans les villes. [NDLR : ces valeurs-guides, qui datent de 2005, sont justement en cours de révision et la publication de leur mise à jour devrait intervenir prochainement].

 

En savoir plus : Khomenko, S., Cirach, M., Pereira-Barboza, E., Mueller, N., Barrera-Gómez, J., Rojas-Rueda, D., … & Nieuwenhuijsen, M. (2021). Premature mortality due to air pollution in European cities: A health impact assessment. The Lancet Planetary Health5(3), e121-e134. Consulter

 

 

Cancers liés à la pollution de l’air : le rôle du carbone suie

Le 24 mars 2021, une étude sur le rôle du carbone suie dans les impacts sanitaires de la pollution de l’air a été publiée par des scientifiques de l’Irset, unité mixte de recherche de l’Inserm, de l’Université de Rennes 1, de l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et de l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), dans la revue Environmental Health Perspectives. Le carbone suie est un des constituants des particules fines émises notamment lors des combustions incomplètes, par exemple par les véhicules routiers.

Les résultats de cette étude suggèrent qu’il existe un risque accru de cancer (en particulier du poumon) associé à l’exposition à long terme au carbone suie spécifiquement. La méthodologie de l’étude a en effet pris soin d’isoler l’effet du carbone suie, au-delà de l’effet concomitant des particules fines en général. Ainsi, les personnes les plus exposées aux concentrations de carbone suie présentent un sur-risque de cancer de 20%, et de cancer du poumon de 30%, par rapport aux personnes les moins exposées.

 

En savoir plus : Lequy, E., Siemiatycki, J., de Hoogh, K., Vienneau, D., Dupuy, J. F., Garès, V., … & Jacquemin, B. (2021). Contribution of Long-Term Exposure to Outdoor Black Carbon to the Carcinogenicity of Air Pollution: Evidence regarding Risk of Cancer in the Gazel Cohort. Environmental health perspectives129(3), 037005. Consulter. Lire le communiqué de presse de l’Inserm

 

 

Une estimation de la mortalité et des coûts de la pollution de l’air dans les villes les plus peuplées

Le 18 février 2021, un rapport associant le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA), la société suisse IQair (rassemblant des données sur les concentrations de polluants dans le monde) et Greenpeace en Asie du Sud-Est, propose une estimation des coûts et de la mortalité liée à la pollution de l’air dans les villes les plus peuplées dans le monde. D’après l’estimateur de coûts en temps réel développé par le CREA (liant données sur la qualité de l’air, sanitaires et démographiques et un modèle de risque), en 2020, 54 000 décès seraient liés à la pollution de l’air à Delhi (Inde), 40 000 à Tokyo (Japon), 39 000 à Shanghai (Chine), 15 000 à Mexico et à São Paolo. Pour ces villes, respectivement, les coûts associés sont estimés à 8 ; 43 ; 19 ; 8 7 Mds $. C’est à Los Angeles que le coût, ramené au nombre d’habitants, serait le plus élevé (2 700 $/hab).

 

En savoir plus : Communiqué de presse, présentation de l’estimateur et Méthodologie de l’estimateur de coûts

 

Un classement des pays européens avec les plus fortes concentrations en PM2,5

Publié le 16 mars 2021, le Rapport sur la qualité de l’air dans le monde 2020, est produit par la société suisse IQAir en combinant des données de mesures au sol sur les concentrations dans l’air de PM2,5 dans 106 pays, provenant en majorité d’agences gouvernementales. Ce rapport non-officiel fournit un état des lieux, et conclut notamment que :

  • la majorité des pays ont connu une diminution des concentrations de PM2,5 en 2020 comparé à 2019, grâce aux mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19 : -17% à Paris, -16% à Londres, -15% à Delhi, -11% à Pékin, -13% à Chicago… ;
  • sur 106 pays pris en compte, seuls 24 respectaient la valeur-guide fixée par l’OMS de 10 μg/m³ de PM2,5;
  • même si des améliorations ont été observées en 2020, l’Inde et le Chine restent parmi les pays présentant les niveaux de concentration atmosphérique de PM2,5 les plus forts
  • en Europe, en 2020, près de la moitié des villes étudiées ne respectent pas la valeur-guide de l’OMS – en particulier pour les villes de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine du Nord et de Bulgarie. Le reste des pays les plus touchés se concentre dans les Balkans, la Méditerranée et l’Europe de l’Est : Monténégro, Serbie, Croatie, Kosovo, Ukraine, Turquie, Italie, Grèce, Pologne, Albanie, Chypre, Roumanie, Slovaquie, Hongrie, Tchéquie… où le seuil de 10 µg/m3 (moyenne annuelle de concentration en PM2,5) est systématiquement dépassé.

En savoir plus : Rapport IQAIR: Communiqué; Résumé et Carte interactive; Télécharger le rapport

 

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