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La Finlande se fixe un objectif de neutralité dès 2035, mais son secteur des terres passe de puits de carbone à source d’émissions

  • Réf. : 2022_07_a01
  • Publié le: 6 juillet 2022
  • Date de mise à jour: 6 juillet 2022
  • UE
  • International

Le 30 juin 2022, le Gouvernement finlandais a soumis au Parlement sa stratégie climat-énergie. Cette stratégie vise notamment des objectifs climat parmi les plus ambitieux des pays européens (voir encadré en fin d’article) :

 

  • mettre fin progressivement au recours aux énergies fossiles russes (les importations ayant cessé), en lien avec une stratégie de sécurisation de l’approvisionnement énergétique du pays et de maîtrise des prix ;

 

lire aussi: REPowerEU : la Commission présente un plan visant à réduire
rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes

 

  • atteindre, en 2030, 60% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 ;
  • atteindre, en 2030, 51% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale ;
  • atteindre, en 2035, la neutralité carbone (équilibre entre les émissions et les absorptions).

 

De fortes réductions d’émission de GES

Cette stratégie repose en particulier sur l’électrification, la promotion du chauffage sans combustion, l’énergie éolienne terrestre et marine, une stratégie hydrogène nationale, la construction de petits réacteurs nucléaires (SMR) en remplacement de centrales fossiles pour la production d’électricité et de chaleur.

 

Trajectoire de réduction des émissions de GES en Finlande à l’horizon 2040

Source p.45 du Projet de stratégie (disponible en finnois et en suédois)

En jaune : émissions passées, En orange scénario tendanciel ;
En bleu : le scénario avec mesures ; En rouge les objectifs de la nouvelle stratégie ;

 

Comme le montre ce graphique, les émissions résiduelles visées en 2035 s’élèveraient à environ 20 Mt CO2e (contre environ 30 Mt CO2e dans le scénario tendanciel). Cela signifie donc que des absorptions au moins équivalentes à 20 Mt CO2e sont attendues, grâce au puits de carbone du secteur UTCATF (Utilisation des Terres, Changements d’Affectation des Terres et Forêt, LULUCF en anglais).

 

Les limites du puits de carbone forestier

La Finlande possède une forêt d’environ 23 millions d’ha (en France, environ 17 millions d’ha), mais cette forêt est très largement exploitée par l’industrie sylvicole. Le 25 mai 2022, Statistics Finland (organisme chargé de la réalisation de l’inventaire national d’émission) a publié une mise à jour des données d’émissions et absorptions de GES du secteur UTCATF.*

 

Emissions et absorptions de GES en Finlande (1990-2021) en kt CO2e :
secteur hors UTCATF (bleu), UTCATF (violet) et bilan net (orange)

 

Ces données montrent qu’historiquement, le secteur UTCATF en Finlande pouvait générer un puits net d’un ordre de grandeur de 20 Mt CO2 – soit le niveau nécessaire à atteindre en 2035 pour l’objectif de neutralité. Néanmoins, cette mise à jour montre surtout que ce puits a diminué ces dernières années au point où en 2021 le secteur est devenu une source nette (de 2 Mt CO2). Autrement dit, pour l’année 2021, La Finlande n’estime aucun puits de carbone net. La forêt absorbe toujours du CO2 (absorptions brutes) mais les émissions du secteur (générées par la récolte de bois, la mortalité des arbres, la déforestation, la récolte de tourbe,…) sont plus importantes que ces absorptions (générées par la croissance des arbres en forêt et l’afforestation). Cela s’explique principalement par une hausse des récoltes de bois et par une diminution du taux de croissances des arbres. A noter aussi que la tourbe, utilisée comme combustible, est notamment envisagée comme source d’énergie par défaut dans le contexte de l’arrêt des importations de combustibles russes.

Cette nouvelle s’inscrit dans le contexte de questionnements, en Europe, sur la fragilité et la résilience des puits de carbone forestiers, impactés notamment par les effets de sécheresses et maladies (comme en France ou en Tchéquie). Dans ce cadre, la question des politiques forestières à mettre en œuvre font l’objet de nombreux débats et programmes de recherche.

 

Le Royaume-Uni et le Danemark ont également fixé des objectifs de réduction ambitieux pour 2030

Le 3 décembre 2020, Boris Johnson, Premier Ministre du Royaume-Uni, pays hôte de la COP-26, a annoncé un nouvel objectif de réduction pour 2030 : au moins -68% par rapport à 1990. L’objectif national de réduction précédent du pays était de -57% (base 1990) fixé dans le cadre de son 5e budget carbone 2028-2032. Le Gouvernement britannique avait déjà fixé l’objectif de neutralité climatique en 2050 dans une modification, en 2019, à la loi sur le changement climatique (Climate Change Act) de 2008 (lire notre article « Brexit : quelles conséquences pour la politique climat-énergie de l’UE et au-delà ?« , publié le 31 janvier 2020).

En se fixant ce nouvel objectif, le Royaume-Uni se rapproche du niveau d’ambition très ambitieux affiché par le Danemark dont le Parlement national a adopté une loi sur le climat le 6 décembre 2019 qui définit un objectif de réduction de 70% des émissions de GES en 2030 (base 1990) et établit un mécanisme de révision quinquennale visant à renforcer progressivement le niveau d’ambition nationale.

 

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