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Alors que plusieurs d’Etats membres veulent en sortir, le vote sur la modernisation du Traité sur la Charte de l’Energie est reporté en avril 2023

  • Réf. : 2023_01_b06
  • Publié le: 16 janvier 2023
  • Date de mise à jour: 12 janvier 2023
  • UE

Le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE) est un accord international qui établit un cadre multilatéral de coopération dans le domaine de l’énergie, et qui permet, concrètement, à des compagnies productrices d’énergies fossiles ou d’investisseurs d’attaquer en justice des Etats adoptant des mesures législatives ou réglementaires contraires à leurs intérêts. Ce traité est de plus en plus critiqué, car jugé incompatible avec l’ambition nécessaire pour décarboner l’économie et notamment sortir des énergies fossiles (voir encadré ci-dessous).

Une version modernisée du TCE a été proposée le 24 juin 2022 (lire notre article) mais plusieurs Etats-membres de l’UE ont annoncé leur souhaite de se retirer des signataires (Espagne, Italie, Pologne, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Slovénie, Luxembourg), ainsi que la France, avec un avis du Haut-Conseil sur le Climat (HCC) publié le 19 octobre 2022 et l’annonce en ce sens du Président de la République le 21 octobre 2022 (lire notre article).

Depuis, neuf membres du Parlement européen ont demandé à la Commission, dans une lettre ouverte du 16 novembre 2022, un retrait de l’UE dans son ensemble. Si un accord était trouvé entre Etats membres, il faudrait que cette décision soit entérinée au niveau des parlements nationaux et notifiée auprès de la « Conférence » (haute instance) du TCE, pour que le retrait soit effectif un an après réception de cette notification.

 

Conférence du 22 novembre 2022 : vote repoussé à avril

Le 22 novembre 2022 s’est tenue la 33e réunion de la Conférence de la Charte de l’Energie, présidée par la Mongolie dans laquelle l’adoption de la version modernisée du texte de l’ETC était prévue. Néanmoins, l’approbation de cette version modernisée n’a pas recueilli suffisamment de votes pour atteindre la majorité requise. La France, par exemple, s’est abstenue, comme l’avait annoncée la Ministre de la Transition Energétique le 16 novembre 2022. Ainsi, à la demande de la Commission européenne, ce point a été repoussé à fin avril 2023 (pas de date précise fixée) lors d’une prochaine réunion ad hoc.

Tout retrait du traité déclenche une clause de survie prolongeant de 20 ans les investissements existants (voir encadré ci-dessous), mais il est aussi possible de neutraliser cette clause en modifiant le texte du traité, comme le demandait le HCC dans sa note, et comme l’explique le site spécialisé IISD (Institut international du développement durable).

 

que le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE) ?

En 1991 est signée la Charte européenne de l’Energie, déclaration politique de principe visant la coopération énergétique internationale dans le contexte de la fin de la Guerre froide et de la guerre du Golfe ; et visant l’élaboration d’un traité juridiquement contraignant.

C’est chose faite en 1994 avec la signature, par une cinquantaine de pays, du Traité sur la Charte de l’Energie (TCE). Entré en vigueur le 16 avril 1998, le TCE compte aujourd’hui 53 parties contractantes et signataires, dont l’UE. Ce traité, qui établit un cadre multilatéral pour la coopération multilatérale en matière d’investissements dans le secteur de l’énergie, est juridiquement contraignant : il comprend ainsi des mécanismes de règlement des différends (Dispute Settlement Mechanisms), entre investisseurs et Parties contractantes : en cas de violation présumée des dispositions du TCE relatives aux investissements et si le différend ne peut être réglé à l’amiable dans un délai de trois mois, l’article 26 du TCE permet aux investisseurs de soumettre le différend pour qu’il soit résolu aux tribunaux ou aux tribunaux administratifs de la partie contractante au différend. Ces différends peuvent notamment être entre investisseurs et Etats (dites Investor-State Dispute Settlement [ISDS] mechanisms), et même entre des investisseurs d’un État membre de l’UE et un autre État membre (arbitrage intra-UE). Une clause du traité précise que si un pays signataire s’en retire, les investissements décidés précédemment continuent de bénéficier de la protection du traité pendant 20 ans.

Le 20 mai 2015 est signée à La Haye par 72 pays (ainsi que l’UE, l’Euratom et la Cedeao) la Charte internationale de l’Energie, deuxième déclaration politique non contraignante (après la Charte européenne de l’Energie de 1991, mais avec un texte cherchant à mieux refléter les évolutions intervenues depuis lors et les défis énergétiques mondiaux actuels. Il définit des principes communs et des domaines de coopération internationale dans le secteur de l’énergie pour le 21e siècle).

Le Traité sur la Charte de l’Energie fait l’objet de vives critiques depuis des années. L’Italie s’en est retirée unilatéralement en 2016.

Lors de la Conférence du TCE en novembre 2017, suite à une proposition du Secrétariat de la Charte de l’Energie, a été votée la décision de lancer la discussion sur la potentielle modernisation du texte. Le 27 novembre 2018, la Conférence a approuvé la liste des thèmes pour la modernisation du TCE.

Le cycle de renégociation pour amender le traité et le rendre plus à jour a débuté en 2020. Au total, 15 cycles de négociation se sont déroulées entre juillet 2020 et juin 2022. Les positions divergentes des Etats membres de l’Union européenne ont rendu les négociations difficiles. Le texte amendé a été voté le 24 juin 2022. L’adoption de ce texte « modernisé » était initialement prévue pour le 22 novembre 2022.

 

En savoir plus

Site de l’ETC et de la 33e réunion de la Conférence

Voir la note d’analyse de Yasmina Saheb (autrice du Giec) publiée dans le 15 novembre 2022

Résumé des enjeux par le site spécialisé IISD, et de la situation fin novembre 2022

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