D’après l’Académie des Technologies, l’efficacité est insuffisante sans sobriété pour la transition climatique

Réf. : 2023_07_b04
Publié le: 20 juillet 2023
Date de mise à jour: 20 juillet 2023

France

Le 27 juin 2023, l’Académie des Technologies (association de type société savante, fondée en 2000, regroupant plus de 300 experts, chercheurs, anciens dirigeants de grands groupes industriels) a publié une Synthèse de l’édition 2022 de son séminaire annuel. L’Académie des Technologies se donne pour mission d’analyser « les bénéfices, coûts et risques pour la collectivité des technologies » et « d’éclairer les choix de société et contribuer à un nécessaire discernement dans les choix d’options technologiques ».

L’édition 2022 de ce séminaire est intitulée « Matières à penser sur la sobriété ». Dans le rapport de synthèse de ce séminaire, les messages clés suivants sont mis en avant :

deux voies sont complémentaires : « réduire nos consommations (sobriété) et réduire les impacts environnementaux de celles-ci (efficacité), doivent être combinées avec pragmatisme », sans compter sur la seule sobriété (« imposer des sacrifices et frustrations trop impopulaires ») ni sur la seule efficacité (« les perspectives actuelles de découplage semblent encore très insuffisantes face à l’urgence ») ;
la sobriété est nécessaire à court terme (horizon 2030), car la technologie (efficacité énergétique, énergies renouvelables, nouveaux réacteurs nucléaires, captage et stockage de CO₂, etc.) ne suffira pas à faire face à l’urgence climatique. La décroissance des émissions de GES de l’Europe n’est pas atteignable sans un effort important de sobriété, surtout avec un objectif de réindustrialisation ;
à plus long terme, au-delà de 2050, des technologies (plus matures) « permettront peut-être de réduire un peu cet effort » de sobriété ;
la sobriété est nécessaire au progrès et le progrès est nécessaire à la sobriété. La synthèse souhaite clarifier la différence entre sobriété et décroissance, mais aussi entre progrès et croissance : « il importe d’aborder ces débats complexes sans assimiler le progrès à la croissance du PIB (ou du PIB par tête), ni opposer la sobriété au développement humain. La sobriété est, avec la recherche d’une efficacité et d’un découplage maximal, un moyen de progrès soutenable des sociétés humaines, pas une fin en soi» ;
la sobriété nécessite une approche globale combinant comportements individuels, mesures systémiques (infrastructures, réglementation…) et évolution de la structure de nos consommations ;
la sobriété ne sera possible que si les efforts sont équitablement partagés.

Sobriété : définition et usage dans les rapports de référence

Dans l’édition 2022 de son rapport annuel (pp.90-91), le Haut-Conseil pour le Climat dressait un état des lieux de l’usage du terme « sobriété » dans le cadre de rapports de références et de textes institutionnels. Il soulignait ainsi que le terme avait fait son entrée récente dans un texte législatif français, via notamment l’article L. 100-2 de la loi sur la transition énergétique de 2015. Le HCC souligne que la sobriété doit compléter l’efficacité, non pas seulement car les gains d’efficacité énergétiques sont insuffisants mais aussi parce que ceux-ci conduisent à des effets rebond.

Le Giec définit la sobriété (sufficiency) dans le résumé pour décideurs du 3^e volume de son sixième rapport d’évaluation (AR6, WGIII, SPM, p.35) comme un « ensemble de mesures et de pratiques quotidiennes qui permettent d’éviter une demande en énergie, matériaux, usage des terres et eau tout en assurant le bien-être de tous dans le respect des limites planétaires ».

La sobriété est aussi prise en compte comme un levier incontournable de la transition climatique dans l’ensemble des travaux de prospectives publiés ces dernières années en France : Transition(s) 2050 de l’Ademe (lire notre article), étude prospective de RTE sur le mix électrique (lire notre article) travaux d’associations comme Negawatt (et son scénario 2022), ou le Shift Project (et son Plan de Transformation de l’Economie Française), travaux de l’IDDRI sur l’agroécologie et la neutralité carbone en 2050 (modélisation TYFA), scénario Afterres 2050 de Solagro, etc.)