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Malgré un niveau record en 2023, l’AIE observe un ralentissement structurel des émissions mondiales de CO2 fossile

  • Réf. : 2024_03_a01
  • Publié le: 5 mars 2024
  • Date de mise à jour: 18 mars 2024
  • International

Le 1er mars 2024, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié un rapport intitulé CO2 emissions in 2023 – A new record high, but is there light at the end of the tunnel? [Emissions de CO2 en 2023 – nouveau niveau record mais y a-t-il de la lumière au bout du tunnel ?] Le rapport présente les tendances en matière d’émissions mondiales de CO2 provenant de la combustion de combustibles fossiles, des procédés industriels et du torchage (données 2023) comme elle le fait chaque année.

 

Les émissions mondiales de CO2 toujours en hausse en 2023

Les émissions mondiales de CO2 totales de la combustion des combustibles fossiles liées à l’énergie (production et consommation d’énergie dans les secteurs de la production d’énergie, de l’industrie manufacturière, des transports, des bâtiments [résidentiel/tertiaire/institutionnels]) ont augmenté de 1,1% (+410 Mt CO2) en 2023. Elles atteignent ainsi un nouveau record de 37,4 Gt. Les émissions de CO2 liées à la combustion de charbon représentent 65% de cette hausse en 2023.

A titre de comparaison, la hausse entre 2021 et 2022 était légèrement plus forte (+490 Mt, soit +1,3%). Après deux années d’oscillations exceptionnelles de la consommation d’énergie et des émissions de CO2, provoquées en grande partie par la pandémie de Covid-19 (baisse de plus de 5% en 2020 et hausse de 6% en 2021 suite à la relance économique et à la généralisation de la vaccination contre le Covid-19), la hausse en 2022 (+1,3%) a été beaucoup plus lente que le rebond de 2021.

Comme l’avait souligné l’AIE dans sa précédente analyse des émissions de CO2 en 2022 (lire notre article), les émissions de CO2 demeurent sur une trajectoire incompatible avec les objectifs de l’Accord de Paris, malgré la hausse ralentie entre 2022 et 2023. Cela nécessite donc la mise en œuvre d’actions plus fortes et plus rapides pour accélérer la transition énergétique vers la décarbonation de l’économie mondiale.  

 

Emissions mondiales de CO2 liées à l’énergie et leur évolution interannuelle 1900-2023 (en Gt CO2)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

Découplage entre émissions et croissance

L’AIE note que la hausse de 1,1% des émissions de CO2 en 2023 a été nettement plus faible que la croissance du PIB mondial, qui était d’environ 3% en 2023. L’année 2023 a donc confirmé la tendance récente selon laquelle les émissions de CO2 augmentent plus lentement que l’activité économique mondiale. Au cours de la décennie 2013-2023, les émissions mondiales de CO2 ont augmenté d’un peu plus de 0,5% par an. Cette évolution n’est pas uniquement due à la pandémie de Covid-19. Elle n’est pas non plus due à la faible croissance du PIB mondial, qui s’est élevée en moyenne à 3% par an au cours de la décennie précédente, ce qui correspond à la moyenne annuelle des 50 dernières années.

Le rythme de progression des émissions de CO2 observé au cours de la dernière décennie est plus lent que celui des années 1970 et 1980, qui ont connu des perturbations majeures avec les deux chocs énergétiques de 1973-4 et 1979-80, et un choc macroéconomique d’importance mondiale avec la chute de l’Union soviétique en 1989-90. Si l’on replace les dix dernières années dans un contexte historique plus large, un rythme de progression des émissions de CO2 aussi lent n’a été observé que pendant les décennies extrêmement perturbées de la Première Guerre mondiale et de la Grande Dépression. L’AIE est formelle : les émissions mondiales de CO2 subissent donc un ralentissement structurel alors même que le PIB mondial augmente.

Rythme de progression annuelle des émissions de CO2 et croissance de PIB par décennie (1913-2023)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

Le rôle important des énergies bas-carbone dans ce ralentissement de la hausse des émissions de CO2

Les énergies bas-carbone sont au cœur de ce ralentissement de ses émissions. L’augmentation de la capacité mondiale de production d’énergie éolienne et solaire photovoltaïque a atteint un record de près de 540 GW en 2023, soit une hausse de 75% par rapport à 2022. Les ventes mondiales de voitures électriques ont atteint environ 14 millions en 2023, soit une augmentation de 35% par rapport à 2022. L’énergie bas-carbone a donc un impact significatif sur la trajectoire des émissions mondiales de CO2.

Grâce aux plans de relance Covid-19, le déploiement des énergies propres s’est considérablement accéléré depuis 2019. Entre 2019 et 2023, les émissions totales de CO2 liées à l’énergie ont augmenté d’environ 900 Mt. Sans le déploiement croissant de cinq technologies clés en matière d’énergie bas-carbone depuis 2019 – l’énergie solaire photovoltaïque, l’énergie éolienne, l’énergie nucléaire, les pompes à chaleur et les voitures électriques – la croissance des émissions de CO2 aurait été trois fois plus importante.

 

Impact des sécheresses sur les émissions de CO2

L’année 2023 a vu une diminution record de la production d’électricité d’origine hydraulique essentiellement en raison des sécheresses importantes et prolongées à travers le monde qui ont touché des régions où l’énergie hydraulique joue un rôle important dans la production d’électricité, situation exacerbée par l’impact d’El Niño.  

Si la disponibilité du parc mondial de centrales hydroélectriques en 2023 était restée la même qu’en 2022, 200 TWh d’électricité supplémentaires auraient été produits dans le monde. Cela aurait permis d’éviter l’émission d’environ 170 Mt CO2 par les centrales électriques à base de combustibles fossiles. Cela aurait également signifié que les émissions de CO2 du secteur de l’électricité auraient diminué au niveau mondial en 2023, au lieu d’augmenter modérément.

 

Evolution 2022-2023 de la production d’électricité d’origine hydraulique par région (unité à g . : en TWh et unité à dr. : en %)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

Baisse record des émissions de CO2 des pays à forte économie

L’AIE souligne qu’après avoir diminué d’environ 4,5% en 2023, les émissions de CO2 des « économies avancées » (« advanced economies« , terme qui englobe l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, la Corée du Sud, Israël, le Japon, la Turquie)(1) sont inférieures à ce qu’elles étaient il y a 50 ans, en 1973. Bien que les émissions de CO2 de ce groupe de pays aient atteint des niveaux aussi faibles en 2020, 1974-75 et 1982-83, il existe deux différences importantes. Premièrement, contrairement aux baisses temporaires précédentes en 1974-1975 et 1982-1983, les émissions de CO2 des économies avancées connaissent une baisse structurelle depuis 2007. Deuxièmement, le PIB des économies avancées a augmenté d’environ 1,7 % en 2023, alors qu’il y a eu stagnation ou récession pure et simple au cours de ces autres périodes. La baisse en 2023 représente donc la plus forte baisse en pourcentage des émissions de CO2 des économies avancées en dehors d’une période de récession.

Les émissions de CO2 liées à la combustion des combustibles fossiles dans les « économies avancées » (1973-2023)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

 

Part du charbon historiquement faible dans la production d’électricité dans les « économies avancées »

Près des deux tiers de la baisse des émissions de CO2 des « économies avancées » en 2023 ont été observés dans le secteur de la production d’électricité. Pour la première fois dans l’histoire, la production d’électricité à partir des énergies renouvelables et du nucléaire a atteint 50% de la production totale dans les économies avancées, les énergies renouvelables représentant à elles seules une part sans précédent de 34%. À l’inverse, la part du charbon a baissé à un niveau historiquement bas (17%).

Cette transformation du secteur de l’électricité a ramené la demande de charbon dans les économies avancées en 2023 à un niveau (26 EJ) qui n’avait pas été atteint depuis 1905 (24 EJ), à l’exception d’une brève période pendant la Grande Dépression (25 EJ en 1932). Depuis le pic atteint en 2007, la demande de charbon a pratiquement diminué de moitié. Cette réduction est due à la forte augmentation de la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité : elle a plus que doublé, en passant de 16% à 34% au cours de la période 2007-2023. En outre, le passage du charbon au gaz a été important, la part du gaz naturel dans la production d’électricité étant passée de 22% à 31% sur cette période.

Production d’électricité à partir de charbon dans les économies avancées (1905-2023) (en EJ)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

Les émissions mondiales de CO2 par pays/région : des situations contrastées

Les émissions de CO2 de la Chine ont augmenté de 565 Mt en 2023 pour atteindre 12,6 Gt. Cela représente une augmentation de 4,7%, les émissions provenant de la combustion d’énergie ayant augmenté de 5,2% tandis que celles provenant des processus industriels sont restées globalement stables. Cela s’est produit malgré le fait que la Chine est le premier pays du monde en termes d’énergie bas-carbone. Toutefois, la croissance des énergies bas-carbone n’a pas été suffisante pour suivre le rythme de la demande en énergie, qui a augmenté d’environ 6,1% en 2023, soit un point de pourcentage de plus que le PIB.

L’Inde a connu une croissance économique rapide en 2023, de 6,7%. Les émissions de CO2 du pays ont augmenté d’un peu plus de 7% (rythme plus rapide que celui du PIB), soit une hausse d’environ 190 Mt pour atteindre 2,8 Gt. La forte hausse des émissions totales de CO2 de l’Inde s’explique par la poursuite de la reprise rapide de l’activité économique après les creux de la pandémie de Covid-19.

L’Union européenne (UE) a vu ses émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie diminuer de 9% en 2023 par rapport à 2022 (soit -220 Mt). La progression de la production d’énergie bas-carbone explique la moitié de cette baisse des émissions de CO2 en 2023. Le principal moteur de cette baisse a été le déploiement des énergies renouvelables dans le secteur de la production d’électricité. Pour la première fois, l’énergie éolienne a dépassé le gaz naturel et le charbon dans la production d’électricité, marquant ainsi une étape historique dans la transition énergétique de l’UE.

Les émissions de CO2 provenant de la combustion d’énergie aux Etats-Unis ont diminué de 4,1% (-190 Mt), alors que l’économie a progressé de 2,5%. Le secteur de l’électricité représente les deux tiers de cette réduction des émissions de CO2. Le passage du charbon au gaz a été le principal facteur de réduction des émissions dans le secteur de la production d’électricité aux États-Unis. Cette évolution s’explique par les prix avantageux du gaz par rapport au charbon depuis 2022, ainsi que par le retrait progressif des centrales électriques au charbon. Alors que l’électricité produite à partir du charbon a diminué de près de 20% en 2023, l’électricité produite à partir du gaz naturel a augmenté de 6%.

 

Les émissions mondiales de CO2 : paysage en évolution constante

Le paysage des émissions mondiales de CO2 continue de changer. Les émissions totales de CO2 de la Chine dépassaient celles des économies avancées réunies en 2020 et, en 2023, elles étaient de 15% plus élevées. L’Inde a dépassé l’UE pour devenir la troisième source d’émissions mondiales de CO2 en 2023. Les pays en développement d’Asie représentent désormais environ la moitié des émissions mondiales, contre environ deux cinquièmes en 2015 et environ un quart en 2000. La Chine représente à elle seule 35% des émissions mondiales de CO2.

L’AIE observe que les « économies avancées » ont toujours des émissions de CO2 par habitant relativement élevées, à savoir environ 70% au-dessus de la moyenne mondiale en 2023. Les émissions de CO2 par habitant de l’Inde (environ 2 t CO2/hab) restent à 50% en dessous de la moyenne mondiale. Les émissions de CO2 par habitant ont fortement diminué dans l’UE et ne dépassent plus que d’environ 15% la moyenne mondiale. Elles sont inférieures d’environ 40% à celles de la Chine.

Les émissions de CO2 par habitant de la Chine ont dépassé celles des économies avancées en 2020 et sont aujourd’hui supérieures de 15%. En 2023, elles ont dépassé pour la première fois celles du Japon mais demeurent inférieures d’un tiers à celles des États-Unis.

Emissions totales de CO2 et émissions de CO2/hab des cinq premiers émetteurs mondiaux (2000-2023)

Source : AIE, 1er mars 2024

 

(1) Il s’agit plus précisément des pays membres de l’OCDE (Australie, Autriche, Belgique, Canada, Chili, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Islande, Irlande, Israël, Italie, Japon, Corée du Sud, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pologne, Portugal, Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède, Suisse, Turquie, Royaume-Uni, Etats-Unis), ainsi que la Bulgarie, la Croatie, Chypre, Malte et la Roumanie.

 

En savoir plus

Communiqué, synthèse et rapport de l’AIE

 

 

 

 

 

 

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