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Une étude RAC-F/ADEME/CITEPA souligne l’importance croissante, avec la mondialisation, des émissions indirectes de GES

Le 17 mai 2013, l’ONG Réseau Action Climat-France (RAC-F) a publié un rapport réalisé en collaboration avec l’ADEME et le CITEPA sur les émissions importées (c’est-à-dire liées à la consommation de produits importés) de gaz à effet de serre (GES).

Aujourd’hui, d’importants flux d’émissions de GES entre pays ne sont pas pris en compte dans les inventaires nationaux d’émissions. Ces flux, en croissance, sont liés à l’expansion du commerce international dans un contexte de mondialisation. Les émissions de GES liées au commerce international augmentent plus rapidement que les émissions anthropiques mondiales totales de GES.

Entre 2000 et 2008, les émissions de CO2 uniquement liées au commerce international ont augmenté à un rythme encore plus rapide (+4,3% en moyenne par an [source : Peters et al, 2011 – voir encadré ci-contre]) que les émissions mondiales totales de CO2 (+3,4% [source : AIE, 2011]). Cette hausse est également plus rapide que la croissance économique (+3,6%) et l’augmentation de la population (+1,4%) (source : Peters et al, 2011).

Contexte

Selon la méthodologie utilisée aujourd’hui pour l’élaboration des inventaires officiels d’émission de GES, seules les émissions directes (liées aux activités nationales à l’intérieur des frontières) sont comptabilisées. Cette méthodologie ne prend pas en compte les flux d’émissions de GES entre pays via le commerce international.  

Par conséquent, les émissions de GES associées aux biens importés pour la consommation intérieure des Etats ne figurent pas dans leurs inventaires nationaux. A l’inverse, les biens fabriqués dans les pays producteurs et exportés sont comptabilisés dans les inventaires nationaux alors qu’ils ne sont pas consommés sur place.

Le CITEPA suit de près le sujet des émissions indirectes depuis plusieurs années et a publié des synthèses de nombreux rapports ou études (lire notre premier article sur ce sujet / lire notre deuxième article sur ce sujet / lire notre troisième article sur ce sujet) réalisés en France, dans l’UE et à l’international. L’étude du RAC-F s’appuie largement sur les données élaborées dans le cadre de l’étude menée par le Centre de recherche international sur le climat et l’environnement (CICERO) sous la direction de Glen P. Peters et publiée le 26 avril 2011 (lire notre article sur ce sujet).

L’essor du commerce international n’a pas seulement fait augmenter le poids des émissions du transport international, mais aussi entraîné un biais grandissant dans la perception des responsabilités nationales des émissions.
La comptabilisation des émissions de GES s’effectue sur la base du territoire où elles sont générées par la fabrication des produits, et non pas sur la base du territoire de consommation de ces produits. S’applique donc le principe de responsabilité liée à la production et non à la consommation. C’est cette méthodologie qui prévaut pour l’élaboration des inventaires officiels soumis par les Etats à la Convention Climat (CCNUCC) et à l’UE.

Le RAC-F souligne que, du fait de cette lacune de comptabilisation, l’équilibre mondial des émissions de GES est mal représenté. D’un côté, il y a les pays – surtout industrialisés – qui importent des émissions de GES. De l’autre côté, se trouvent les pays – essentiellement émergents – dont les émissions nationales inventoriées sont amplifiées par les émissions des biens manufacturés sur leur territoire mais destinés à l’exportation.

Cependant, les auteurs soulignent que d’importantes incertitudes demeurent quant aux estimations réalisées sur la base des méthodologies de comptabilisation des émissions liées à la consommation (manque de robustesse des données primaires du commerce international qui ne sont pas harmonisées entre les différents pays, complexité du périmètre géographique et de l’agrégation des données, recours aux données monétaires, etc.).

En comparaison, la comptabilisation territoriale classique présente l’avantage de réunir des données relativement précises sur les émissions d’un territoire donné, qui peuvent être évaluées à partir de données physiques (combustible, bétail, etc.) collectées à la source ou adaptées à des sources précises. Conclusion : même si l’approche « consommation » est intéressante, l’approche « production » est plus fiable aujourd’hui.

Importance croissante des émissions de GES transférées via le commerce international

La part des émissions mondiales de CO2 liées au commerce international des biens et services est passée de 18% (1,1 Gt CO2) en 1990 à
28% en 2010 (2,4 Gt CO2) (
source : Peters et al, 2011). Cette tendance mondiale masque des évolutions contrastées selon les pays :

  • un ralentissement des émissions territoriales agrégées de GES des pays industrialisés et un doublement des émissions territoriales agrégées des grands pays émergents,
  • les pays industrialisés sont des importateurs nets d’émissions de GES. La part des émissions territoriales dans les émissions totales de CO2 de chaque pays reste toutefois la plus importante.

Le RAC-F souligne dans quelle mesure le changement de méthodologie de prise en compte des émissions modifie le volume d’émissions des pays, lorsqu’il est tenu compte des émissions liées aux importations et aux exportations.

Les pays émergents principaux exportateurs nets

Selon l’approche territoriale, les pays en développement (PED), dont les pays émergents, ont émis en 2010 40% de plus de CO2 que les pays industrialisés. Si l’approche de comptabilisation des émissions de CO2 liées à la consommation est appliquée, le résultat est tout autre : les PED ont émis seulement 7% de plus. Ce chiffre a évolué de manière significative, compte tenu de la croissance rapide des émissions de CO2 dans les pays émergents. En 1990, les PED (dont les pays émergents) émettaient moitié moins que les pays industrialisés. En 2005, ils émettaient 15% de moins (source : Peters et al, 2011).

L’analyse des principaux flux d’émissions de GES montre que la Chine arrive en tête des pays exportateurs. En 2010, 27% de ses émissions de CO2 étaient liées à des productions destinées à l’exportation, contre 8% en 1990, soit une hausse d’un facteur 11 sur la période 1990-2010.

Part des émissions de CO2 exportées de la Chine

Source : CITEPA d’après RAC-F & Peters et al, 2011

Recommandations

Le RAC-F formule plusieurs recommandations à l’intention des décideurs politiques, dont :

  • continuer à améliorer les méthodologies de comptabilisation des émissions de GES liées à la consommation,
  • publier régulièrement des données nationales selon cette approche en parallèle aux inventaires annuels,
  • engager un débat international sur le principe de responsabilité de l’émetteur et du consommateur, question éminemment politique.


www.rac-f.org/Les-emissions-importees-Le