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Bilan de la qualité de l’air en Europe en 2018 : des valeurs limites toujours dépassées pour les PM10, PM2,5, l’ozone et le NO2

  • Réf. : 2020_12_a04
  • Publié le: 3 décembre 2020
  • Date de mise à jour: 9 décembre 2020
  • UE

Le 23 novembre 2020, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié son 10e rapport annuel présentant le bilan de la qualité de l’air en Europe . Le rapport couvre la période 2000-2018 et les polluants suivants : particules (PM10 et PM2,5), ozone, NO2, benzo(a)pyrène (BaP), SO2, CO, métaux lourds et benzène. La nouvelle analyse de l’AEE repose sur les dernières données officielles sur la qualité de l’air, provenant de plus de 4 000 stations de surveillance en Europe en 2018.

Le rapport rappelle (p.13) les normes de qualité de l’air (valeurs limites de concentration (VLC), valeurs cibles, objectifs de qualité,…) fixées par :

Il rappelle également (p.14) les valeurs guides de concentrations pour la qualité de l’air (Air Quality Guidelines ou AQG) fixées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, mise à jour 2005 et en cours de révision), qui, elles, sont plus contraignantes que les VLC de l’UE.

Le rapport de l’AEE fournit une mise à jour pour l’année 2018 des informations et des données sur les émissions, les concentrations et les dépassements des normes de qualité de l’air, une évaluation des tendances en matière de concentrations des polluants couverts sur la période 2009-2018, ainsi que les derniers résultats et les dernières estimations de l’exposition des populations et des écosystèmes aux polluants.

Enfin, le rapport 2020 comporte une nouveauté : cette année, pour la première fois, des données actualisées, mais non validées, pour certains polluants sont utilisées pour fournir une évaluation préliminaire des concentrations dans l’air ambiant des principaux polluants pour l’année passée (2019), ainsi qu’une analyse de l’effet sur les concentrations de polluants atmosphériques des mesures de confinement mises en place en Europe en 2020 pour endiguer la propagation de la pandémie du Covid-19.

 

Etat des lieux des concentrations en 2018 : PM10, PM2,5, ozone et NO2

Particules PM10 et PM2,5

En 2018, dans une grande partie de l’UE et des autres pays européens couverts, les concentrations de ces deux polluants continuent de dépasser, d’une part, les VLC fixées par les deux directives précitées et, d’autre part, les valeurs guides pour la qualité de l’air fixées par l’OMS.

 

PM10

VLC journalière (50 µg/m3) : 19% des stations de mesure (552 stations au total) ont enregistré des concentrations au-dessus de celle-ci en 2018 dans 26 pays européens dont 20 Etats membres (EM) (y compris la France). 97% de ces stations étaient soit de type urbain (89%), soit périurbain (8%).

VLC annuelle (40 µg/m3) : 6% des stations de mesure (186 stations au total) ont enregistré des concentrations au-dessus de celle-ci en 2018 dans 15 pays européens dont 10 EM (y compris la France).

Valeur guide annuelle de l’OMS (20 µg/m3) : plus stricte que la VLC annuelle de l’UE, cette valeur guide a été dépassée en 2018 à 53% des stations de mesure (situées dans 34 des 37 pays européens couverts, dont la France), soit 1 594 stations. Seuls trois pays en Europe (Estonie, Islande et Irlande) ont enregistré des concentrations en PM10 inférieures à cette valeur guide de l’OMS.

 

PM2,5

VLC annuelle (25 µg/m3) : en 2018, des dépassements de celle-ci ont été relevés dans 4% des stations de mesure (58 stations) dans huit pays européens dont six EM (Croatie, Italie, République tchèque, Pologne, Bulgarie et Roumanie). Dans 95% des cas, ces dépassements ont eu lieu essentiellement dans les zones urbaines (83%) ou périurbaines (12%). A noter que la directive 2008/50/CE ne fixe pas de VLC journalière pour les PM2,5. Ces dernières années, plusieurs voix se sont élevées aux niveau de l’UE (par exemple, la Cour des Comptes de l’UE) et national (l’Anses en France) pour souligner le besoin d’établir une VLC à court terme pour les PM2,5, surtout pour mieux protéger la santé humaine.

Valeur guide annuelle de l’OMS (10 µg/m3) : plus stricte que la VLC annuelle de l’UE, cette valeur guide a été dépassée en 2018 à 70% des stations de mesure (1 013 stations) (situées dans 29 des 33 pays européens couverts, dont la France). Seuls quatre pays en Europe (Estonie, Finlande, Islande et Irlande) ont enregistré des concentrations en PM2.5 inférieures à cette valeur guide de l’OMS.

 

Ozone (O3) 

Valeur cible pour la protection de la santé (120 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h, à ne pas dépasser plus de 25 jours/an]) : en 2018, 41% des stations de mesure (895 stations) ont enregistré des dépassements de celle-ci. Par ailleurs, 25 pays européens dont 20 EM [y compris la France] ont enregistré des dépassements plus de 25 fois par an en 2018.

Objectif à long terme pour la protection de la santé (120 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h par an]) : seulement 13% des stations de mesure (296 stations) ont respecté celui-ci. 85% des stations ayant enregistré des valeurs au-dessus de cet objectif à long terme étaient des stations de fond.

Valeur guide de l’OMS pour la protection de la santé (100 µg/m3 [maximum journalier de la moyenne sur 8h]) : plus stricte que la valeur cible de l’UE, cette valeur guide a été dépassé dans 96% des stations en 2018. Autrement dit, seuls 4% de l’ensemble des stations de mesure (81 stations) ont enregistré des valeurs inférieures à cette valeur guide en 2018, de même que seulement sept des 560 stations de fond en zone rurale.

 

NO2 

VLC annuelle (40 µg/m3) : en 2018, 8% des stations de mesure (285 stations) ont observé des dépassements de celle-ci dans 19 pays européens dont 16 EM (y compris la France). 95% de ces dépassements ont été relevés dans les stations à proximité du trafic routier. A noter que la valeur guide de l’OMS pour le NO2 est la même que la VLC annuelle de l’UE (40 µg/m3).

 

Pourcentage de la population urbaine exposée aux concentrations supérieures aux normes de l’UE et de l’OMS

L’AEE a également estimé le pourcentage de la population urbaine de l’UE exposée, en 2018, aux concentrations de six polluants (dont les PM10, les PM2,5 et l’O3) supérieures aux normes fixées par la directive 2008/50/CE et l’OMS). Les données pour ces trois polluants figurent dans le tableau suivant :

Légende : a : VLC contraignante (article 13, annexe XI.B). b : VLC contraignante (article 16, annexe XIV.E).c : valeur cible contraignante (article 17, annexe VII.B). Source : AEE, 23/12/2020 (p.8).

 

Sur la base des VLC de l’UE, 15% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC journalière pour les PM10 a été dépassée en 2018. Sur la base des valeurs guides de l’OMS, ce pourcentage atteint 48%.

Quant aux PM2,5, si seulement 4% de la population urbaine de l’UE habite dans des zones où la VLC annuelle a été dépassée en 2018, ce pourcentage atteint 70% sur la base de la valeur guide de l’OMS.

Enfin, pour l’O3, la quasi-totalité de la population urbaine de l’UE (99%) habite dans les zones où la valeur guide de l’OMS est dépassée, pourcentage qui n’a guère évolué depuis 2000.

 

Impacts sur la santé de l’exposition de la population aux polluants couverts

Selon l’évaluation de l’AEE, l’exposition aux PM2,5 aurait induit environ 417 000 décès prématurés dans 41 pays européens en 2018. Sur ce nombre, environ 379 000 décès seraient survenus dans l’UE-28. Le nombre de décès prématurés attribués au NO2 et à l’O3 serait, respectivement, de 54 000 et de 19 000. L’AEE souligne que ces trois chiffres sont des estimations distinctes et ne doivent pas être additionnés afin d’éviter un double comptage. (Pour les détails par pays, voir tableau 10.1 p.108).

Par ailleurs, estime l’AEE, la meilleure qualité de l’air en 2018, par rapport à 2009, dans l’UE-28 aurait permis de réduire le nombre de décès prématurés attribuables à l’exposition aux PM2,5 de 13%. En ce qui concerne le NO2, la diminution serait encore plus importante, puisque le nombre de décès prématurés aurait baissé d’environ 54% au cours de la période 2009-2018. Pour l’O3, la baisse serait de 24% sur cette période.

Le rapport de l’AEE fournit des précisions (voir p.106) sur la méthodologie utilisée pour élaborer ces estimations.

La mise en œuvre continue de politiques environnementales et climatiques en Europe est un facteur clé de ces améliorations qui ont notamment conduit à des baisses d’émissions de ces polluants, ce qui se traduit par la suite par des baisses de leurs concentrations dans l’air ambiant.

Pour comprendre la différence entre émissions et concentrations, voir p.23 du chapitre « Comprendre nos données »
du rapport d’inventaire Secten publié par le Citepa (mise à jour 2020)
.

 

Prochaines étapes

Le rapport de l’AEE pointe l’écart entre les normes pour la qualité de l’air applicables aux polluants qui sont fixées par l’UE et les lignes directrices pour la qualité de l’air fixées par l’OMS. L’AEE souligne que ceci est un problème que la Commission européenne souhaite résoudre par une révision des normes de l’UE dans le cadre du futur plan d’actions « zéro pollution ». A cette fin, elle a lancé une consultation publique le 11 novembre 2020 sur le sujet (lire notre brève sur le sujet) et ce, jusqu’au 10 février 2021. La Commission prévoit ensuite de présenter sa proposition de plan d’actions à l’été 2021.

 

(1)Voir ED n°168 p.I.119. (2)Voir ED n°154 p.I.187.

 

N.B. Le Royaume-Uni s’est retiré de l’UE au 1er février 2020 mais applique le droit de l’UE jusqu’à la fin de la période de transition, à savoir le 31 décembre 2020. Puisque la période de référence couverte par le nouveau rapport de l’AEE est 2000-2018, le Royaume-Uni était encore un Etat membre à part entière de l’UE et donc le terme UE utilisé dans cet article se réfère à l’UE-28. Lorsqu’il est fait référence à la période post-31 janvier 2020, il conviendra donc d’utiliser le terme UE-27 + Royaume-Uni.

 

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