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Affaire du siècle : les organisations demandent une astreinte d’un milliard d’euros pour obliger l’Etat à agir

  • Réf. : 2023_09_b04
  • Publié le: 15 septembre 2023
  • Date de mise à jour: 14 septembre 2023
  • France

« L’affaire du siècle », est une action en justice portée par des ONG depuis mars 2019, mettant l’Etat en cause pour inaction climatique, en particulier concernant le non-respect du premier budget carbone (2015-2018) de la SNBC-1. Une première audience s’était tenue en janvier 2021, à la suite de laquelle un premier jugement avait été rendu le 3 février 2021. Le 30 septembre 2021 s’est tenue une deuxième audience à l’occasion de laquelle le tribunal a ordonné à l’Etat de compenser le dépassement du budget carbone de la SNBC-1 avant fin 2022.

 

Historique de l’Affaire du siècle

Quatre ONG, Notre Affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam France, ainsi que la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), après une première demande au Gouvernement en décembre 2018 pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; et non satisfaits de la première réponse du Gouvernement, avaient lancé une action judiciaire en mars 2019 remettant l’Etat en cause pour inaction climatique. Désormais, les trois premières de ces quatre organisations co-réquerantes poursuivent l’action avec la volonté d’obtenir réparation (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France).

Premier jugement – février 2021

Après deux ans de procédure, l’action judiciaire a d’abord été examinée par le tribunal administratif de Paris le 14 janvier 2021. C’est la première fois que la question de la responsabilité de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique était posée au juge.

Le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rendu son jugement final et n’a que partiellement repris les demandes des requérants. Il a bien condamné l’Etat à réparer le préjudice moral des associations à hauteur d’un euro symbolique, « compte tenu des carences fautives de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés ».

Il a rejeté la demande de réparation du préjudice écologique mais il reconnaît ce préjudice (« le préjudice écologique invoqué par les associations requérantes doit être regardé comme établi). Il juge que cette réparation peut être sollicitée devant les juridictions administratives, notamment par des associations de protection de l’environnement.

Néanmoins, pour le juge, le préjudice écologique n’est qu’en partie due à la carence de l’Etat. Ainsi, il considère que « la carence de l’Etat n’a pas contribué directement à l’aggravation du préjudice écologique » pour ce qui est des objectifs d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables, pour l’objectif de +1,5°C, de l’évaluation et du suivi et des mesures d’adaptation. La carence porte sur le non-respect du premier budget carbone de la SNBC-1. Lire notre article complet sur ce premier jugement.

 

Second jugement – octobre 2021

Lors d’une deuxième audience, le 30 septembre 2021, la rapporteure publique du tribunal administratif de Paris a demandé au tribunal d’enjoindre au Premier ministre de « prendre toutes les mesures utiles » pour réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des engagements de réduction des émissions de GES, et ce d’ici le 31 décembre 2022, sans astreinte financière.

Le 14 octobre 2021, les juges ont rendu leur décision en suivant les recommandations de la rapporteure : le Tribunal administratif de Paris a, pour la première fois, enjoint à l’Etat de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. A cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018 – valeurs ajustées en 2018), soit 15 Mt CO2e « et sous réserve d’un ajustement au regard des données estimées du Citepa au 31 janvier 2022 », soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard. Il n’assortissait pas, « à ce stade », cette injonction d’une astreinte. Lire notre article complet sur ce second jugement.

L’ajustement éventuel des données d’émissions mentionné dans le jugement fait référence au fait que les budgets carbone de la SNBC sont exprimés en valeur absolues, et ont été fixés sur la base des émissions historiques de GES telles qu’estimées par le Citepa dans le cadre de l’inventaire national d’émissions de GES. Or, cet inventaire est mis à jour chaque année, et les améliorations méthodologiques peuvent entraîner une réestimation des émissions passées, en particulier pour certains secteurs où l’incertitude est plus forte (agriculture, déchets, forêt…).

D’après la dernière édition disponible de l’inventaire national d’émissions de GES du Citepa, format Secten (éd. juin 2023), les émissions de GES de 2015 à 2018 s’élèvent en moyenne à 453 Mt CO2e/an – contre 440 Mt CO2e/an dans le budget carbone de la SNBC-1, soit, compte tenu des dernières données ajustées, un dépassement de 13 Mt CO2e (3%).

Quel est le dépassement des émissions de GES constaté pour le budget carbone 2015-2018 ?

Source : Citepa, d’après les données Secten éd. 2023

 

Le 20 décembre 2022, les associations requérantes ont envoyé le un courrier officiel au Gouvernement considérant que l’Etat n’a pas agi suffisamment depuis le jugement du 14 octobre 2021. Elles comptaient demander, début 2023, une astreinte financière, indiquant qu’elles préciseraient un montant et une méthode de calcul. En septembre 2021, elles suggéraient au tribunal de prononcer une astreinte de 78 millions d’euros par semestre de retard.

 

Le 14 juin 2023, les trois organisations requérantes de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France) ont déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris. Ils affirment ainsi que l’État n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique et demandent donc au tribunal d’exiger de l’État qu’il prenne des mesures supplémentaires et de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (122 millions d’euros pour chaque semestre de retard supplémentaire). L’objectif de cette démarche est d’obliger le Gouvernement à prendre des mesures structurelles de réduction des émissions de GES.

 

En savoir plus

Communiqué de l’Affaire du Siècle du 22 juin 2023

Communiqué d’Oxfam France du 14 juin 2023

 

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