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Effets sanitaires des particules : nouvelle expertise de l’Anses

  • Réf. : 2019_09_a1
  • Publié le: 16 juillet 2019
  • Date de mise à jour: 22 octobre 2019
  • France

Le 16 juillet 2019, l’Anses [Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail] a publié les résultats de son expertise relative aux particules de l’air ambiant extérieur (avis et trois rapports – voir liens en fin d’article).

Effets sanitaires selon le type de particules

Le premier volet de l’expertise évalue les effets sanitaires sur la santé des particules selon leurs composés, leurs sources et leur taille [granulométrie].

Méthodologie

L’Anses a réalisé une revue méthodique de la littérature épidémiologique et toxicologique afin d’actualiser les connaissances [depuis la parution en 2013 du rapport d’évaluation technique Review of evidence on health aspects of air pollution [projet dit REVIHAAP] du bureau régional de l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Europe, pris en référence] et d’évaluer les niveaux de preuves associant différents effets néfastes sur la santé à l’exposition aux particules de l’air ambiant selon leurs composés, leurs sources et leur taille. Ainsi, 160 études portant sur 20 composés, 16 sources et 83 modifications physiologiques ou effets sur la santé, ont été analysées. Cette évaluation a conduit à une cotation en cinq niveaux (de « absence d’effet » à « fort »).

Effets de la composition et de la taille des particules

Les niveaux de preuves les plus fortes démontrant les effets néfastes pour la santé concernent le carbone suie, le carbone organique et les particules ultrafines (PM0,1) [particules dont le diamètre est inférieur à 0,1µm] (voir notre article sur le sujet). Les données recueillies depuis 2013 confirment ou renforcent le lien avec des atteintes respiratoires et cardiovasculaires et les décès anticipés. De nouvelles preuves modérées, voire fortes, démontrant des effets néfastes pour la santé respiratoire et cardiovasculaire et les décès anticipés ont été mises en exergue pour certains composés des particules, dont les aérosols inorganiques secondaires (y compris ammonium, sulfate, et nitrate) principalement, ainsi que pour les métaux de transition (fer, zinc, nickel, cuivre et vanadium), la silice et les endotoxines.

Sources des particules de l’air ambiant

Les preuves démontrant les effets néfastes sur la santé liés à l’exposition aux émissions issues du trafic routier sont fortes. Les données recueillies depuis 2013 sur le carbone suie, les PM2,5 et poussières de route ou encore les particules d’échappement Diesel confirment ou renforcent le lien avec des atteintes respiratoires et cardiovasculaires et les décès anticipés. Les nouvelles indications sont modérées et suggèrent un effet des PM2,5 issues du trafic routier sur la santé neurologique et la santé périnatale. Les nouvelles publications confirment les effets sanitaires :

  • des particules présentes dans l’air ambiant issues de la combustion de charbon, de produits pétroliers et de la biomasse,
  • des poussières de désert, notamment sur la santé respiratoire de l’enfant, sur la base d’un corpus d’études encore limité, mais présentant un bon niveau de confiance.

Recommandations

  • cibler en priorité, dans les politiques publiques sur l’air, trois indicateurs particulaires actuellement non règlementés : les particules ultrafines, le carbone suie et le carbone organique, en complément des indicateurs de particules PM2,5 et PM10 actuellement en vigueur,
  • poursuivre les efforts nationaux et internationaux de réduction de la pollution de l’air ambiant, en agissant sur les principales sources maîtrisables d’émissions : le trafic routier, la combustion de charbon, de produits pétroliers et de biomasse, ainsi qu’en réduisant l’exposition aux poussières de désert,
  • poursuivre les efforts de recherche sur les effets sur la santé associés à l’exposition à d’autres sources de particules telles que l’agriculture, le transport maritime ou l’activité aéroportuaire pour lesquelles peu de données sont disponibles actuellement.

Effets du trafic routier

Un second volet de l’expertise a étudié l’impact du trafic routier, en France métropolitaine et en zones urbaines denses à l’horizon 2025, sur les émissions et concentrations de particules et de gaz dans l’air ambiant. Cette étude à laquelle le Citepa a participé (voir encadré ci-après), s’est appuyée sur des calculs de simulation à partir de l’année 2014 à volume de trafic constant (sauf un scénario) et émissions constantes des autres sources, mais en faisant varier la composition et les évolutions technologiques du parc de véhicules roulant (généralisation du filtre à particules, recul des motorisations Diesel, etc.).

Le Citepa a participé à l’expertise

Jean-Marc André, expert Transports au Citepa, a participé à cette expertise. De plus, pour le calcul des émissions des polluants, les données de l’inventaire spatialisé de 2014 [réalisé par le Citepa tous les quatre ans et soumis au MTES et à l’EMEP] sur la grille EMEP ont été fournies. Les scénarios de parc ont été appliqués à ces données afin de pouvoir calculer les émissions pour la France métropolitaine suivant les mêmes scénarios pour l’Ile-de-France.

Quel que soit le scénario prospectif, ces simulations montrent une baisse des concentrations moyennes annuelles, importante pour des polluants du trafic comme le carbone suie (-30% en zone urbaine dense) et le NO2. Les diminutions sont plus limitées pour les particules en masse totale (PM10 et PM2,5) et leurs fractions organique et inorganique provenant de diverses autres sources et de processus de transformation dans l’atmosphère. Néanmoins, souligne l’Anses, ces évolutions sont insuffisantes pour améliorer, à elles seules, la qualité de l’air dans les agglomérations car elles ne permettent pas d’éviter les dépassements des valeurs guides de l’OMS [mise à jour de 2005] pour une exposition à long terme. Par exemple, celle pour les PM2,5 [10 µg/m3 en moyenne annuelle] resterait dépassée sur la quasi-totalité du territoire. Ainsi, en complément des évolutions technologiques des véhicules, l’Anses souligne la nécessité de promouvoir, dans le cadre de politiques de lutte contre la pollution de l’air :

  • des technologies alternatives réduisant drastiquement l’émission de polluants (dont les véhicules électriques),
  • le renouvellement du parc roulant [toutes catégories de véhicules incluant les deux-roues et les véhicules utilitaires légers] et surtout la réduction du trafic, compensée par le renforcement des transports en commun, de l’intermodalité et de modes actifs de déplacement [marche à pied, vélo,…] dans les zones densément peuplées.

La future loi d’orientation des mobilités, toujours en discussion (voir notre article sur le sujet), comporte de nouvelles mesures visant à améliorer la qualité de l’air et à inciter à une mobilité moins émettrice. Elle devrait donc apporter des solutions concrètes en ce sens. En outre, les travaux de l’Anses font émerger d’autres enjeux :

  • la diminution des émissions des précurseurs de particules [NO2, COV,…] entraîne une baisse des concentrations de particules organiques et inorganiques, même en zone urbaine où les oxydants [polluants à base d’oxygène tels que le NO2, le SO2, etc.] peuvent augmenter,
  • les émissions de particules hors-échappement (abrasion des systèmes de freinage, des pneumatiques…) et leur remise en suspension sont à considérer, compte tenu de leur contribution croissante à la masse de particules dans l’air.

Enfin, compte tenu de la forte imbrication entre les aspects techniques, environnementaux, sanitaires et sociétaux, l’Anses juge important que différentes instances nationales se saisissent de ces travaux, pour en compléter l’analyse et en débattre, comme par exemple le Conseil National de l’Air. Au-delà du contexte français, ces travaux pourront alimenter la réflexion en cours au niveau de la Commission européenne dans le cadre de l’évaluation des deux directives sur la qualité de l’air ambiant (voir notre article sur le sujet) [2008/50/CE et 2004/107/CE], dont les résultats sont attendus d’ici fin 2019.

Pour en savoir plus :

  • avis et rapport de synthèse relatifs à l’état des connaissances sur les particules de l’air ambiant (effets sanitaires associés à la composition chimique, émissions du trafic routier),
  • rapport d’expertise – particules de l’air ambiant extérieur – effets sanitaires des particules de l’air ambiant extérieur selon les composés, les sources et la granulométrie,
  • rapport d’expertise : particules de l’air ambiant extérieur – impact sur la pollution atmosphérique des technologies et de la composition du parc des véhicules automobiles circulant en France.

 

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