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Pesticides dans l’air ambiant : l’Anses identifie 32 substances prioritaires à étudier de plus près, dont neuf interdites

  • Réf. : 2020_07_a02
  • Publié le: 6 juillet 2020
  • Date de mise à jour: 7 juillet 2020
  • France

Le 2 juillet 2020, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et la fédération Atmo France (regroupant les Associations agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air ou AASQA) ont publié les résultats de la campagne de mesure des résidus de pesticides dans l’air ambiant menée de juin 2018 à juin 2019, appelée campagne nationale exploratoire de pesticides ou CNEP. Selon l’Anses, la France est un des deux pays en Europe (avec la Belgique) à avoir engagé ce type de campagne.

 

Contexte

Le 25 avril 2018, les Ministères chargés de l’Environnement, de la Santé, de l’Agriculture et de la Recherche ont conjointement adopté un plan d’actions sur les pesticides (lire notre article sur le sujet). Parmi les quatre priorités, la 2e (Mieux connaître les impacts pour mieux informer, protéger la population et les professionnels et préserver l’environnement) prévoyait une action sur l’air : mettre en place une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. Ce plan prévoyait également la mise en œuvre d’une campagne exploratoire en 2018, sur la base des travaux de l’Anses, sur les modalités de mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. Une convention et un accord-cadre avaient été signés le 28 novembre 2017 (lire notre article sur le sujet) par le MTES, l’Ineris, la Fédération Atmo France [regroupant les Associations agréées pour la Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA)] et l’Anses.

En application du plan d’actions, l’Anses, l’Ineris et la Fédération Atmo France ont lancé le 25 juin 2018 la première campagne exploratoire nationale de mesure des résidus de pesticides dans l’air, d’une durée d’un an . Elle visait à améliorer les connaissances sur les pesticides présents dans l’air ambiant et mieux connaître l’exposition de la population sur le territoire national. Cette campagne consistait en l’analyse d’environ 80 substances prioritaires, sur 50 sites de mesure, en France métropolitaine et dans les territoires ultramarins.

 

Méthodologie

S’appuyant sur un protocole harmonisé, la campagne a permis de mesurer 75 substances sur 50 sites couvrant des situations variées et répartis sur l’ensemble du territoire national (Métropole et DROM). Les substances ciblées entrent, selon le cas, dans la composition des produits phytopharmaceutiques, de produits biocides, de médicaments vétérinaires et antiparasitaires à usage humain. Elles avaient été priorisées par l’Anses sur la base de leurs caractéristiques de danger et de critères d’utilisation, d’émission et de persistance dans l’air. La répartition des 50 sites de prélèvements couvre l’ensemble des régions et prend en compte les différents types de zones d’habitation (50% de sites urbains ou périurbains et 50% de sites ruraux) et de productions agricoles (26% de sites en grandes cultures, 18% de sites viticoles, 20% de sites arboricoles, 10% de sites en maraîchage, 6% de sites d’élevage, et 20 % de sites sans profil agricole majoritaire).

 

Résultats en bref

Le recueil de près de 100 000 données validées et l’analyse de 1 800 échantillons correspondants a conduit à la mise en place d’un socle de données visant à améliorer les connaissances sur les résidus de pesticides présents dans l’air ambiant pour mieux évaluer l’exposition de la population. Les 100 000 données de cette campagne ont été intégrées dans la base nationale des données sur la qualité de l’air « GEOD’AIR ».

 

Leur exploitation a permis d’établir une première photographie annuelle nationale des niveaux de concentration en résidus de pesticides dans l’air ambiant au regard de critères quantitatifs comme leur fréquence de quantification, les ordres de grandeurs des concentrations rencontrées et leurs distributions statistiques. Dans le cadre de cette étude, il ressort que certaines substances sont majoritairement associées à certaines productions agricoles (par exemple, le prosulfocarbe, pendiméthaline et triallate en grande culture, le folpel en viticulture, le S-métolachlore en arboriculture, … voir rapport de l’Ineris/LCSQA sur l’exploitation des données.)

 

Sur la base de ce socle de données issues de la CNEP, l’Anses a effectué un premier travail d’interprétation sanitaire sur les 70 substances effectivement retrouvées dans l’air extérieur. Cette analyse a permis de cibler les substances nécessitant un examen approfondi en vue de leur éventuelle intégration dans la surveillance nationale des pesticides dans l’air. Voir rapport de l’Anses sur les éléments d’interprétation sanitaires.

 

Cette première interprétation sanitaire a été réalisée en déployant deux approches s’appuyant à la fois sur les concentrations mesurées, les fréquences auxquelles les substances ont été mesurées dans l’air, les valeurs toxicologiques de référence, ainsi que les classifications de danger les plus pénalisantes pour chaque substance, en passant en revue notamment la littérature scientifique.

 

La première approche a fourni des indices du risque sanitaire en rapprochant les résultats de mesures dans l’air avec les données de toxicologie disponibles. Le faible niveau de ces indices ne met pas en évidence, au vu des connaissances actuelles, une problématique sanitaire forte associée à l’exposition de la population générale via l’air extérieur, hors source d’émission de proximité.

 

Une seconde approche a conduit à une priorisation de 32 substances** jugées d’intérêt pour une évaluation approfondie sur la base de critères de dangers chroniques (cancérogène chez l’homme ; cancérogène probable chez l’homme ; cancérogène possible chez l’homme ; reprotoxique chez l’homme ; reprotoxique probable chez l’homme ; reprotoxique possible chez l’homme ; perturbateur endocrinien) et de leur fréquence de quantification (voir annexe 11, tableau 37 du rapport de l’Anses sur les premières interprétations sanitaires, pp.137-139). Parmi ces 32 substances, le lindane, considéré comme une des substances les plus dangereuses (avec des effets cancérogènes, et/ou reprotoxique et/ou perturbateur endocrinien avérés), est quantifié dans près de 80% des échantillons analysés, alors même que l’utilisation en agriculture de cette substance est interdite en France depuis le 1er juillet 1998 pour les usages agricoles (source : fiche toxicologique n°81 de l’INRS sur le lindane).

 

Prochaines étapes

Cette campagne de mesure alimentera les travaux qui viseront à définir une stratégie nationale de surveillance des pesticides dans l’air ambiant. Au-delà des résultats obtenus et des perspectives de travaux complémentaires, le nombre important de travaux métrologiques menés en parallèle en accompagnement de cette campagne seront valorisées dans la révision des normes nationales portant sur le prélèvement et l’analyse des pesticides dans l’air.

 

Concernant le lindane, l’Anses indique qu’elle va effectuer rapidement un examen approfondi de sa situation : il s’agira dans un premier temps d’identifier les motifs de persistance, puis de pouvoir estimer les expositions cumulées par les différentes voies (respiratoire, alimentaire, cutanée) et milieux d’expositions (air extérieur et air intérieur, …). Des recommandations visant à agir sur les sources d’émission pour limiter la contamination par cette substance pourront ainsi être formulées. Pour les huit autres substances interdites (en gras dans la liste ci-dessous), l’Agence poursuivra un travail analogue.

 

Pour les 23 autres substances prioritaires, l’Anses indique qu’un travail complémentaire d’expertise sera prochainement engagé, en tenant également compte des autres voies d’exposition chronique à ces substances. Ces investigations prendront aussi en compte l’actualisation des données disponibles, à la fois pour les valeurs toxicologiques et pour les données relatives aux dangers et aux effets sanitaires des différentes substances.

 

Enfin, l’Anses estime nécessaire de formuler dans les prochains mois une proposition de surveillance nationale pérenne des pesticides dans l’air. A cette fin, il s’agira :

  • de réaliser des analyses plus fines au niveau territorial de situations locales ou de proximité qui n’ont pas été abordées dans cette première étape,
  • d’approfondir les complémentarités avec les autres dispositifs de surveillance (eaux, biosurveillance, etc.),
  • de les comparer aux recommandations déjà formulées par l’Anses concernant les polluants (1.3-butadiène, manganèse).

 

** Deltaméthrine, Diuron, Epoxiconazole, Etofenprox, Fénarimol, Iprodione, Lindane, Linuron, Métribuzine, Myclobutanil, Pentachlorophénol, Phosmet, Perméthrine, 2,4-Di, Boscalid, Chlorothalonil, Chlorpropham, Chlorpyriphos-éthyl, Cyprodinil, Fenpropidine, Fluazinam, Folpel, Glyphosate, Métazachlore, Oxadiazon, Pendiméthaline, Propyzamide, Pyriméthanil, S-métolachlore, Spiroxamine, Tébuconazole, Triallate.

En savoir plus

  • communiqué de l’Anses,
  • rapport sur les premières interprétations sanitaires de l’Anses,
  • rapport de l’Ineris : Résultats de la campagne nationale de la Campagne Nationale Exploratoire de mesure des résidus de Pesticides dans l’air ambiant (2018-2019),
  • note de l’Ineris : Contrôle des données de la campagne nationale de la Campagne Nationale Exploratoire de mesure des résidus de Pesticides dans l’air ambiant (CNEP),
  • base des données de mesure de la CNEP.

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