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Hydrogène : la Commission adopte une stratégie européenne

  • Réf. : 2020_07_a14
  • Publié le: 18 août 2020
  • Date de mise à jour: 4 septembre 2020
  • UE

Le 8 juillet 2020, la Commission européenne a présenté une stratégie sur l’hydrogène en vue de la neutralité climatique de l’Europe. La stratégie, publiée sous forme de communication au Parlement européen et au Conseil de l’UE (réf. COM(2020)301 final), s’inscrit dans le cadre du pacte vert pour l’Europe (European Green Dealvoir encadré ci-dessous).

 

Contexte politique : le pacte vert pour l’Europe (European Green Deal)

La communication sur le pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), publiée par la Commission européenne le 11 décembre 2019 (lire notre dossier de fond sur le sujet) cible entre autres l’hydrogène. D’abord, elle indique qu’il faudra réexaminer le cadre réglementaire relatif aux infrastructures énergétiques, y compris le règlement RTE-E (règlement (UE) 347/2013 sur les réseaux transeuropéens d’énergie), pour en garantir la cohérence au regard de l’objectif de neutralité climatique. Ce cadre devrait favoriser le déploiement de technologies et d’infrastructures innovantes, comme les réseaux électriques intelligents, les réseaux de distribution d’hydrogène ou le captage, le stockage et l’utilisation du carbone, le stockage de l’énergie.

Ensuite, dans cette communication de décembre 2019, la Commission soulignait que l’industrie de l’UE a besoin de « pionniers en matière de climat et de ressources » pour développer, d’ici 2030, les premières applications commerciales de technologies de pointe dans des secteurs industriels clés. Figurent parmi les domaines prioritaires l’hydrogène, les piles à combustible et les autres carburants de substitution propres, le stockage de l’énergie, ainsi que le piégeage, l’utilisation et le stockage du dioxyde de carbone.

Enfin, la Commission précisait que dans le cadre du programme Horizon Europe (programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation pour la période 2021-2027, elle soutiendra les efforts de recherche et d’innovation nécessaires. Les partenariats avec l’industrie et les États membres soutiendront la recherche et l’innovation dans le domaine des transports, y compris les batteries, l’hydrogène propre et la sidérurgie à faibles émissions de carbone. Ainsi, la Commission lance un appel aux développements de technologies de pointe pour assurer la transition énergétique (batteries, hydrogène, stockage, etc.).

 

Objectif de la stratégie

Pour parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050, l’Europe doit transformer son système énergétique, qui représente aujourd’hui 75% des émissions de gaz à effet de serre de l’UE (source : Commission européenne, communiqué du 08/07/2020). Afin de concrétiser l’ambition du pacte vert pour l’Europe (voir encadré ci-dessus), et en s’appuyant sur la nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe (lire notre article sur le sujet) et le plan de relance « Next Generation EU« , présenté par la Commission le 27 mai 2020 et adopté par le Conseil européen le 21 juillet 2020, la nouvelle stratégie pour l’hydrogène présente une vision pour développer l’hydrogène propre en vue de décarboner progressivement différents secteurs, énumère les difficultés à surmonter, recense les leviers que l’UE peut actionner et formule, sous forme de feuille de route, des actions pour les années à venir.

La stratégie de l’UE pour l’hydrogène devrait stimuler la production d’hydrogène propre en Europe, et ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et moins émetteur. Elle prévoit un nouveau programme d’investissement dans les énergies propres, qui s’inscrit dans le droit fil du plan de relance de l’UE, et du pacte vert pour l’Europe. Le plan de relance « Next Generation EU » souligne en effet que l’hydrogène constitue une priorité d’investissement afin de stimuler la croissance économique, de créer des emplois locaux et de consolider le leadership mondial de l’UE. Les investissements envisagés devraient permettre de stimuler la reprise économique à la suite de la crise du coronavirus, de créer des emplois en Europe et de renforcer la compétitivité de l’UE dans des secteurs stratégiques clés.

 

Enjeux énergétiques et climatiques de l’hydrogène

L’hydrogène peut servir de matière première, de carburant, de vecteur énergétique et de solution de stockage, et il trouve aussi de nombreuses applications dans les secteurs de l’industrie, des transports, de l’électricité et des bâtiments. Son utilisation ne produit pas d’émissions de CO2. Selon la Commission, il constitue donc une solution pour décarboner les processus industriels et les secteurs économiques dans lesquels la réduction des émissions de CO2 est à la fois urgente et difficile à réaliser. Les technologies fondées sur l’hydrogène propre offrent la possibilité de parvenir à une décarbonation profonde de certains des secteurs industriels européens qui sont les plus gros émetteurs, et elles jouent un rôle essentiel dans la transition de l’UE la neutralité carbone à l’horizon 2050 conformément à l’engagement en ce sens de l’UE.

 

A l’heure actuelle, l’hydrogène ne représente qu’une modeste part du bouquet énergétique, dans l’UE comme sur le plan mondial, et il est encore largement produit à partir de combustibles fossiles, notamment du gaz naturel ou du charbon, ce qui entraîne le rejet de 70 à 100 Mt CO2 par an dans l’UE (Source : Commission européenne, COM(2020)301). Pour que l’hydrogène contribue à la neutralité climatique, la Commission souligne qu’il faut que sa part dans le bouquet énergétique s’accroisse et que sa production soit totalement décarbonée. Or, c’est actuellement loin d’être le cas car actuellement, les 300 électrolyseurs en exploitation dans l’UE produisent moins de 4% seulement de la production totale d’hydrogène (source : Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking (FCH-JU), 2019, « Hydrogen Roadmap Europe » publiée le 11 février 2019).

La Commission considère l’hydrogène comme une priorité essentielle pour la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe et de la transition de l’Europe vers une énergie propre, et ce pour plusieurs raisons. L’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables devrait contribuer à décarboner une grande partie de la consommation d’énergie de l’UE d’ici à 2050, mais pas la totalité. L’hydrogène possède un potentiel important car il peut servir de vecteur pour le stockage d’énergie renouvelable, en complément des batteries, ainsi que pour le transport d’énergie, et il peut permettre de pallier les variations saisonnières et de relier les sites de production à des centres de demande plus éloignés. Selon les projections de la stratégie européenne bas-carbone 2050, publiée le 28 novembre 2018 (lire notre article sur le sujet), la part de l’hydrogène dans le bouquet énergétique européen devrait passer de moins de 2% actuellement à 13-14% d’ici à 2050.

En outre, l’hydrogène peut remplacer les combustibles fossiles dans certains procédés industriels à forte intensité de carbone, comme dans la sidérurgie ou la chimie, réduisant ainsi les émissions de GES et renforçant la compétitivité de ces secteurs. Il peut offrir des solutions pour diminuer les émissions de GES dans le système de transport là où cette réduction est difficile à réaliser, en complément des améliorations que permettent d’obtenir l’électrification et d’autres carburants renouvelables et à faible teneur en carbone.

 

Comment produire l’hydrogène ?

La nouvelle stratégie précise les différents procédés de production de l’hydrogène qui sont nombreux. Selon le procédé utilisé, la quantité d’émissions de GES générée varie considérablement en fonction de la technologie et la source d’énergie utilisées. Les implications sur le plan des coûts et les exigences matérielles sont sujettes aux mêmes variations. Pour y voir plus clair, la Commission propose une terminologie de ces procédés de production couverts par la stratégie :

  • « hydrogène électrolytique » : l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau (dans un électrolyseur, alimenté par de l’électricité), quelle que soit l’origine de l’électricité. Pour la production d’hydrogène électrolytique, la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie dépend du mode de production de l’électricité. (Les émissions de GES de la production à l’utilisation (well-to-gate) pour le bouquet électrique de l’UE sont de 14 kg CO2e/kgH2 alors qu’elles sont de 26 kg CO2e/kgH2 pour le bouquet électrique mondial (source : Commission européenne, COM(2020)301 d’après AIE, 2019) ;
  • « hydrogène renouvelable (ou hydrogène propre ou encore hydrogène vert) » : l’hydrogène produit par électrolyse de l’eau (dans un électrolyseur, alimenté par de l’électricité) et avec de l’électricité d’origine renouvelable. Pour la production d’hydrogène renouvelable à partir de l’électricité d’origine renouvelable, la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie est proche de zéro (source : AIE, 2019). L’hydrogène renouvelable peut également être produit par reformage du biogaz (au lieu du gaz naturel) ou par conversion biochimique de la biomasse, si le procédé est conforme aux exigences de durabilité ;
  • « hydrogène d’origine fossile » (ou hydrogène gris) : l’hydrogène produit par divers procédés utilisant des combustibles fossiles comme matières premières, principalement le reformage de gaz naturel ou la gazéification du charbon, ce qui représente la majeure partie de l’hydrogène produit aujourd’hui. Pour la production d’hydrogène d’origine fossile, la quantité d’émissions de GES générée sur la totalité du cycle de vie est élevée : de la production à l’utilisation, la quantité d’émissions de GES résultant du vaporeformage du gaz naturel est de 9 kg CO2e/kgH2 (source : AIE, 2019);
  • « hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 » (ou hydrogène bleu): une sous-catégorie de l’hydrogène d’origine fossile, dans laquelle les GES émis au cours du processus de production sont captés. La production d’hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 ou pyrolyse génère moins d’émissions de GES que celle de l’hydrogène d’origine fossile, mais il convient de tenir compte de l’efficacité variable du captage des GES (90 % au maximum). De la production à l’utilisation, la quantité d’émissions de GES résultant du vaporeformage du gaz naturel avec captage et stockage du carbone (CSC) est de 1 kg CO2e/kgH2 pour un taux de captage de 90%, et de 4 kg CO2eq/kgH2 pour un taux de captage de 56% (source : AIE, 2019);
  • « hydrogène bas carbone » : terme englobant l’hydrogène d’origine fossile avec captage du CO2 et l’hydrogène électrolytique, avec une réduction significative de la quantité d’émissions de GES sur la totalité du cycle de vie par rapport à l’hydrogène produit avec les techniques existantes (NB. la Commission ne quantifie pas cette réduction) ;
  • « combustibles de synthèse dérivés de l’hydrogène« , divers combustibles gazeux et liquides dérivés de l’hydrogène et du carbone. Pour que les combustibles de synthèse soient considérés comme renouvelables, la composante « hydrogène » du gaz de synthèse devrait être renouvelable. Les combustibles de synthèse englobent, par exemple, le kérosène de synthèse pour l’aviation, le gazole de synthèse pour les voitures, et diverses molécules utilisées dans la fabrication de produits chimiques et d’engrais. Les niveaux d’émissions de GES associés aux combustibles de synthèse peuvent varier considérablement en fonction des matières premières et des procédés utilisés. Le niveau des émissions de polluants atmosphériques résultant de la combustion de combustibles de synthèse est semblable à celui des combustibles fossiles.

 

Le défi de la production massive d’électricité bas-carbone pour produire de l’hydrogène vert

D’après le rapport de l’AIE sur l’hydrogène (The Future of Hydrogen (IEA, 2019), pour produire par électrolyse ne serait-ce que l’hydrogène utilisé actuellement (donc uniquement dans l’industrie, et pas dans les transports), cela nécessiterait une production d’électricité de 3 600 TWh par an, soit davantage que la production actuelle de toute l’Union européenne sur une année. Pour développer l’hydrogène vert à d’autres usages, se pose donc la question d’une production massive d’électricité bas-carbone supplémentaire. Il est admis que l’Europe ne pourrait pas produire assez d’électricité renouvelable pour soutenir une économie auto-suffisante basée sur l’hydrogène. D’après la Commission, il y aurait néanmoins un potentiel de développement de 1 000 GW via l’éolien en Mer du Nord, dont la moitié pourrait être dédiée à l’électrolyse (Commission européenne, 2018). Source: S. Renssen, The hydrogen solution? Nature Climate Change (2020).

 

Certains analystes estiment que l’hydrogène propre pourrait satisfaire 24% de la demande mondiale d’énergie d’ici à 2050 (source : BNEF (2020) « Hydrogen Economy Outlook« ).

 

Développement de l’hydrogène renouvelable par étapes : objectifs de déploiement

Dans un système énergétique « intégré » (voir définition plus loin), l’hydrogène pourrait soutenir la décarbonation dans les secteurs de l’industrie, des transports, de la production d’électricité et de la construction dans toute l’Europe. La stratégie de l’UE pour l’hydrogène examine comment concrétiser ce potentiel, via l’investissement, la réglementation, la création de marchés, ainsi que la recherche et l’innovation. L’hydrogène peut alimenter des secteurs qui ne se prêtent pas à l’électrification et offrir des possibilités de stockage pour compenser les variations des flux d’énergies renouvelables, mais cela requiert une action coordonnée entre les secteurs public et privé, au niveau de l’UE.

La priorité pour l’UE est de développer l’hydrogène renouvelable, produit principalement à partir des énergies éolienne et solaire (en gardant à l’esprit l’importante quantité d’électricité supplémentaire à produire), comme l’option la plus compatible avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE d’ici 2050 (lire notre article sur le sujet). Toutefois, à court et à moyen terme, il faudra avoir recours à d’autres modes de production d’hydrogène bas carbone pour réduire rapidement les émissions résultant de la production d’hydrogène actuelle et soutenir le développement d’un marché viable à grande échelle.

Pour la Commission, cette transition progressive se fera en trois étapes :

  • de 2020 à 2024, l’UE soutiendra l’installation d’une capacité d’au moins 6 gigawatts d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène renouvelable dans l’UE, avec l’objectif de produire jusqu’à 1 million de tonnes d’hydrogène renouvelable,
  • de 2025 à 2030, l’hydrogène devra faire partie intégrante du système énergétique intégré de l’UE, avec une capacité d’au moins 40 gigawatts d’électrolyseurs pour la production d’hydrogène renouvelable et une production allant jusqu’à 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable dans l’UE,
  • de 2030 à 2050, les technologies utilisant l’hydrogène renouvelable devraient atteindre leur maturité et être déployées à grande échelle dans tous les secteurs difficiles à décarboner.

 

Estimation des coûts d’investissements et des coûts de production

Selon la Commission, l’UE est très compétitive dans le domaine des technologies de l’hydrogène propre et est bien placée pour tirer parti du développement de l’hydrogène propre en tant que vecteur énergétique au niveau mondial. La Commission estime que les investissements cumulés dans les capacités de production d’hydrogène renouvelable en Europe pourraient se situer entre 180 et 470 milliards (Md) € d’ici 2050, et dans une fourchette de 3 à 18 Md€ pour l’hydrogène bas carbone. Associée au leadership de l’UE dans le domaine des technologies liées aux énergies renouvelables, l’émergence d’une chaîne de valeur de l’hydrogène servant à de nombreux secteurs industriels et à d’autres utilisations finales pourrait permettre la création de près d’1 million d’emplois directs ou indirects (source : FCH JU (2019) Hydrogen Roadmap Europe), en retenant le scénario ambitieux d’une consommation d’hydrogène de 20 Mt [665 TWh]).

Toutefois, en ce qui concerne les coûts, l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas carbone ne sont pas encore compétitifs par rapport à l’hydrogène d’origine fossile. Pour exploiter tout le potentiel de l’hydrogène, l’UE doit se doter d’une approche stratégique. L’industrie de l’UE a élaboré un plan ambitieux pour atteindre une capacité d’électrolyse de 2×40 GW d’ici à 2030 (40 GW dans l’UE et 40 GW dans les pays voisins de l’UE). Presque tous les États membres ont inclus des plans en faveur de l’hydrogène propre dans leurs plans nationaux en matière d’énergie et de climat (NECP – lire notre article sur le sujet), 26 ont désormais adhéré à « l’initiative sur l’hydrogène » (proposée par la Présidence autrichienne de l’UE et signée par 23 d’entre eux, dont la France, lors du Conseil Energie informel des 17-18 septembre 2018 – lire notre brève sur le sujet) et 14 ont intégré l’hydrogène à leur cadre d’action national pour le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs . Certains ont déjà adopté des stratégies nationales (dont la France – voir encadré ci-dessous) ou sont en train de le faire.

 

France : Plan national de déploiement de l’hydrogène

En France, le MTES a présenté, le 1er juin 2018, un Plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique. Ce Plan, qui s’appuie sur le Plan Climat publié par le Gouvernement le 6 juillet 2017 (lire notre article sur le sujet), s’articule autour de trois grands axes :

  • créer une filière industrielle décarbonée,
  • développer des capacités de stockage des énergies renouvelables,
  • développer des solutions zéro émission pour les transports routiers, ferrés, fluviaux, etc.

 

L’objet de ce Plan était de nourrir les travaux du Gouvernement dans le cadre de la préparation de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) pour la période 2019-2028 (adoptée le 23 avril 2020 – lire notre article sur le sujet). Par ailleurs, l’ADEME a publié le 3 avril 2018 une mise à jour de son avis sur le vecteur hydrogène dans la transition énergétique.

 

A noter également que l’Académie des technologies a publié le 30 juin 2020 un rapport intitulé « Le rôle de l’hydrogène dans une économie décarbonée ».

 

Aujourd’hui, ni l’hydrogène renouvelable ni l’hydrogène bas carbone (notamment l’hydrogène d’origine fossile avec CSC) ne sont compétitifs sur le plan des coûts par rapport à l’hydrogène d’origine fossile. La Commission estime actuellement que le coût de l’hydrogène d’origine fossile est d’environ 1,5 €/kg pour l’UE. Ce coût, largement tributaire des prix du gaz naturel ne tient pas compte du coût du CO2. En ce qui concerne l’hydrogène d’origine fossile avec CSC, le coût estimé est d’environ 2 €/kg et de 2,5 à 5,5 €/kg pour l’hydrogène renouvelable (sources : IEA (2019) The Future of Hydrogen (p. 42), et sur la base de projections de prix de l’AIE pour le gaz naturel dans l’UE de 22 €/MWh, de prix de l’électricité compris entre 35 et 87 €/MWh, et de coûts de capacité de 600 €/kW). Aujourd’hui, pour rendre l’hydrogène d’origine fossile avec CSC compétitif par rapport à l’hydrogène d’origine fossile, il faudrait que les prix du CO2 soient de l’ordre de 55 à 90 € par tonne de CO2, alors qu’actuellement, le prix du quota de CO2 dans le système européen d’échange de quotas d’émission de GES se situe autour de 28 € (source : : Ember, Carbon price viewer, 24/08/2020). À ce stade, toutefois, il ne s’agit que d’une estimation des coûts, étant donné qu’aucun projet de ce type n’est en construction ou en exploitation dans l’UE aujourd’hui.

 

Quoi qu’il en soit, les coûts de production de l’hydrogène renouvelable sont aujourd’hui en baisse. Les coûts des électrolyseurs ont déjà baissé de 60% au cours des 10 dernières années et les économies d’échelle devraient permettre de les diviser par deux en 2030 par rapport à aujourd’hui : sur la base d’estimations de coûts de l’AIE, de l’IRENA et de BNEF, les coûts des électrolyseurs devraient passer de 900 €/kW à 450 €/kW, voire moins, après 2030, et à 180 €/kW après 2040. Dans les régions où le coût de l’électricité d’origine renouvelable est faible, les électrolyseurs devraient être en mesure de concurrencer la production d’hydrogène d’origine fossile en 2030. Aux prix actuels de l’électricité et du gaz, l’hydrogène bas carbone d’origine fossile devrait coûter entre 2 et 2,5 €/kg dans l’UE en 2030 et l’hydrogène renouvelable entre 1,1 et 2,4 €/kg (sources : AIE, IRENA, BNEF).

 

La Commission souligne que pour atteindre les objectifs de déploiement fixés dans la stratégie d’ici à 2024 et à 2030, il est nécessaire de mettre en place un solide programme d’investissement qui garantisse la cohérence de l’aide publique entre les différents fonds de l’UE et le financement de la Banque européenne d’investissement (BEI).

 

La Commission estime que d’ici 2030, les investissements dans les électrolyseurs pourraient représenter entre 24 et 42 Md€. En outre, sur la même période, entre 220 et 340 Md€ seraient nécessaires pour développer une capacité de production d’énergie solaire et éolienne de 80-120 GW et la connecter directement aux électrolyseurs afin de fournir l’électricité nécessaire. Les investissements nécessaires pour équiper la moitié des installations existantes de systèmes de CSC sont estimés à quelque 11 Md€. En outre, les investissements qui seront nécessaires pour assurer le transport, la distribution et le stockage de l’hydrogène et pour mettre en place les stations de ravitaillement en hydrogène représentent un total de 65 Md€ (source : FCH-JU, Hydrogen Roadmap Europe (2019), en retenant le scénario ambitieux de 665 TWh d’ici à 2030).

 

L’alliance européenne pour un hydrogène propre

Afin de contribuer à la mise en œuvre de la nouvelle stratégie pour l’hydrogène, la Commission a lancé le 8 juillet 2020 l’alliance européenne pour un hydrogène propre avec des acteurs clés du secteur : Etats membres, régions, entreprises, société civile, ONG, spécialistes de l’hydrogène, communautés de recherche et de l’innovation, Banque européenne d’investissement, etc. L’alliance européenne pour un hydrogène propre vise à soutenir l’essor en Europe d’un secteur de l’hydrogène propre qui soit compétitif à l’échelle mondiale. Cette alliance, inspirée du succès de l’alliance européenne pour les batteries, constituera une réserve de projets d’investissement destinée à accroître la production et soutiendra la demande d’hydrogène propre dans l’UE.

 

Prochaines étapes

Pour faire en sorte que les technologies les moins émettrices parmi celles qui sont disponibles bénéficient de ces aides, la Commission compte proposer des normes, terminologie et certification communes, afin de définir l’hydrogène renouvelable et d’autres formes d’hydrogène, sur la base des émissions de CO2 tout au long du cycle de vie et ce, dans le cadre de la législation en vigueur en matière de climat et d’énergie, et dans le respect de la taxonomie européenne des investissements durables (lire notre brève sur le sujet). La Commission proposera des mesures stratégiques et réglementaires visant à assurer la sécurité des investisseurs, à faciliter l’utilisation de l’hydrogène, à promouvoir les infrastructures et réseaux logistiques nécessaires, à adapter les outils de planification des infrastructures et à soutenir les investissements, notamment dans le cadre du plan de relance « Next Generation EU« .

Une liste des actions clés à mettre en œuvre, prévues par la stratégie, est présentée en annexe de celle-ci (voir pp.21-23).

 

Intégration du système énergétique

La Commission a également publié le même jour, soit le 8 juillet 2020, une stratégie pour l’intégration du système énergétique. Elle souligne que cette deuxième stratégie constituera le cadre de la transition vers une énergie verte. Le modèle actuel, qui se caractérise par une consommation d’énergie en « silos » dans les transports, l’industrie, le gaz et le bâtiment — chaque secteur possédant une chaîne de valeur, des règles, des infrastructures, une planification et des opérations qui lui sont propres, ne peut pas permettre à l’UE d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050 de manière rentable; l’évolution du coût des solutions innovantes doit être prise en compte dans la manière dont l’UE exploite son système énergétique global. Il convient d’établir de nouveaux liens entre les secteurs et d’exploiter les progrès technologiques.

On entend, par intégration du système énergétique, une planification et une exploitation globales du système, associant différents vecteurs énergétiques, infrastructures et secteurs de consommation. La Commission souligne qu’un tel système, connecté et flexible, sera plus efficace et permettra de réduire les coûts supportés par la société. Par exemple, dans ce système, l’électricité alimentant les voitures en Europe pourrait provenir des panneaux solaires se trouvant sur nos toits, tandis que nos bâtiments pourraient être chauffés en utilisant la chaleur produite par une usine voisine, laquelle pourrait être approvisionnée en hydrogène propre produit à partir d’énergie éolienne en mer.

Cette stratégie repose sur trois piliers principaux :

  • premièrement, un système énergétique plus « circulaire », centré sur l’efficacité énergétique. La stratégie définira des mesures concrètes pour appliquer dans la pratique le principe de « primauté de l’efficacité énergétique » et utiliser plus efficacement les sources d’énergie locales dans nos bâtiments ou communautés. Il existe un potentiel important en matière de réutilisation de la chaleur résiduelle provenant de sites industriels, de centres de données ou d’autres sources, et d’énergie produite à partir de biodéchets ou dans les stations d’épuration des eaux usées. La « vague de rénovations » constituera un volet important de ces réformes ;
  • deuxièmement, une électrification directe accrue des secteurs d’utilisation finale. Le secteur de l’électricité affichant la part la plus élevée d’énergies renouvelables, l’UE devrait privilégier l’utilisation de l’électricité partout où cela est possible : par exemple, pour les pompes à chaleur dans les bâtiments, les véhicules électriques dans les transports ou les fours électriques dans certaines industries. Un réseau d’un million de points de recharge pour véhicules électriques comptera parmi les résultats visibles, de même que l’expansion de l’énergie solaire et de l’énergie éolienne ;
  • pour les secteurs où l’électrification est difficile, la stratégie promeut des combustibles plus propres, notamment de l’hydrogène renouvelable et des biocarburants et biogaz durables. La Commission proposera un nouveau système de classification et de certification des combustibles renouvelables à faible teneur en carbone.

La stratégie définit 38 mesures visant à créer un système énergétique plus intégré. Elle prévoit notamment la révision de la législation en vigueur, un soutien financier, la recherche et le déploiement de nouveaux outils numériques et technologies, des orientations à l’intention des États membres en matière de mesures fiscales et la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles, une réforme de la gouvernance des marchés et une planification des infrastructures, et une meilleure information des consommateurs. L’analyse des obstacles existants dans ces domaines contribuera à l’élaboration de nos propositions concrètes, telles que la révision du règlement RTE-E d’ici fin 2020 ou la révision de la directive sur la taxation de l’énergie (lire notre article sur le sujet) et du cadre réglementaire du marché du gaz en 2021.

 

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