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Emissions de CH4 : le Partenariat mondial Méthane Pétrole et Gaz avalise un nouveau système de rapportage complémentaire

  • Réf. : 2020_12_a11
  • Publié le: 11 janvier 2021
  • Date de mise à jour: 11 janvier 2021
  • International

Le 23 novembre 2020, le Partenariat Méthane Pétrole et Gaz, initiative volontaire internationale lancée en 2014 (voir encadré ci-dessous), a avalisé un nouveau système de suivi et de rapportage des émissions du méthane (CH4) provenant de l’extraction, de la production et du transport de pétrole et de gaz.

 

Le Partenariat Méthane Pétrole et Gaz

Le Partenariat Méthane Pétrole et Gaz (Oil and Gas Methane Partnership ou OGMP) a été lancé lors du Sommet climat mondial du 23 septembre 2014 (convoqué par l’ancien Secrétaire-Général de l’ONU, Ban Ki moon à New York) et ce, dans le cadre de la Coalition Climat et Air Propre (CCAC – lire notre article sur le sujet). Concrètement, l’initiative est menée par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), la Commission européenne et l’ONG américain Environmental Defense Fund (EDF). Aujourd’hui, l’OGMP couvre les industries amont (upstream) du pétrole et du gaz. Il compte, parmi ses membres, 62 compagnies pétrolières et gazières (dont GRDF, GRTgaz, Storengy-France et Total en France) ayant des actifs sur les cinq continents (et représentant 30% de la production mondiale de pétrole et de gaz). (Voir structure de l’OGMP et le 3e rapport annuel de l’OGMP, publié en 2018).

La Commission souhaite, avec la collaboration du PNUE et de la CCAC, que cette initiative couvre davantage de compagnies de la filière pétrole et gaz, de l’amont à l’aval, ainsi que le secteur du charbon et les sites fermés.

 

Le nouveau cadre de rapportage

L’OGMP a formellement adopté un nouveau cadre de référence en matière de suivi et de rapportage, dit OGMP 2.0, qui vise à améliorer la précision et la transparence du rapportage des émissions anthropiques de CH4 induites par le secteur du pétrole et du gaz.

 

L’éclairage du Citepa

Des émissions déjà couvertes dans les inventaires nationaux 

Précisons que ces émissions étaient d’ores-et-déjà inclues dans le cadre de suivi, de rapportage et de vérification (système MRV) des inventaires nationaux d’émissions de gaz à effet de serre. Ce nouveau cadre ne vient pas couvrir des sources d’émissions qui auraient été hors du radar des inventaires nationaux. Il vient simplement proposer un cadre complémentaire, à l’échelle du secteur économique et non des Etats.

En 2018, d’après la dernière édition du rapport Secten du Citepa, les émissions de CH4 liées à l’extraction, de la production et du transport de pétrole et de gaz en France (France métropolitaine + Outre-mer inclus dans l’UE) étaient les suivantes : 6,4 kt CO2e pour le raffinage du pétrole ; 70,4 kt CO2e pour l’extraction et distribution de combustibles liquides ; 998 kt CO2e pour l’extraction et distribution de combustibles gazeux ; soit, au total, 1 Mt CO2e (sur des émissions nationales totales de CH4 de 56 Mt CO2e en 2018 – le secteur agricole étant en France le contributeur majeur).

Plus d’informations : rapport Secten, éd. 2020.

 

Les 62 compagnies membres de l’OGMP s’engagent ainsi à mesurer (suivre) (M), rapporter (R) et réduire les émissions de CH4 provenant de leurs activités principales et de leurs coentreprises. Ce cadre de rapportage basé sur la mesure des émissions de CH4 devrait permettre aux administrations chargées de surveiller ces installations, aux investisseurs et au grand public de suivre, d’évaluer et de comparer, avec précision et sur la base d’une méthodologie commune, les efforts de réduction des compagnies pétrolières et gazières d’une manière complémentaire aux inventaires nationaux. A noter que le nouveau système avalisé par l’OGMP ne comporte pas de volet sur la vérification (V), qui compléterait le triptyque de la démarche MRV (mesure, rapportage et vérification) – volet bien présent pour les inventaires nationaux.

 

Vers un système de surveillance, de rapportage et de vérification des émissions de CH4 dans l’UE

Pour réduire les émissions de CH4 du secteur des industries de l’énergie, la stratégie de l’UE pour réduire les émissions de CH4, présentée par la Commission européenne le 14 octobre 2020, propose de mieux détecter les fuites dans les infrastructures gazières, et envisage un acte législatif pour interdire les pratiques systématiques de torchage et de dégazage de ce secteur. A cette fin, elle a indiqué qu’elle comptait publier en 2021 une proposition législative pour rendre obligatoire un système de suivi, rapportage et vérification (MRV) pour les émissions de CH4 liées à l’énergie, en se basant sur la méthodologie de l’OGMP conçue dans le cadre de l’OGMP 2.0. La Commission a également précisé dans sa proposition de stratégie qu’elle souhaitait promouvoir la mise en œuvre de l’OGMP 2.0.

Lire notre article sur la stratégie de l’UE pour réduire les émissions de CH4.

 

Le cadre OGMP 2.0 englobe non seulement les activités propres d’une compagnie pétrolière ou gazière, mais aussi les nombreuses entreprises communes responsables d’une part importante de leur production. Il s’applique à l’ensemble de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz, non seulement à la production en amont, mais aussi au transport en milieu de chaîne et au traitement et au raffinage en aval – des activités hautement émettrices et qui ne sont pas souvent pris en compte par le rapportage OGMP aujourd’hui.

L’objectif du nouveau système est de permettre à l’industrie pétrolière et gazière de réduire considérablement les émissions de CH4 au cours de la prochaine décennie, avec plus de transparence pour la société civile et les Gouvernements.

 

Objectifs de réduction

Afin de contribuer à l’atteinte des objectifs climat mondiaux fixés notamment par l’Accord de Paris, le cadre OGMP 2.0 vise une réduction de 45% des émissions de CH4 du secteur d’ici 2025, et une réduction de 60 à 75% d’ici 2030 [NB. l’année de référence n’est pas précisée].

 

Technologies, coûts et émissions évitées

Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions mondiales de CH4 liées aux secteurs de la production de pétrole et de gaz s’élèvent à environ 76 Mt par an (chiffre 2015). L’AIE souligne qu’environ trois quarts de ces émissions pourraient être réduites en mettant en œuvre des technologies qui existent aujourd’hui, et 40-50% à un coût net nul (source : AIE, WEO 2017). Une réduction de 90% des émissions de CH4 du secteur de l’énergie permettrait de réduire de deux dixièmes de degré Celsius la hausse projetée des températures moyennes mondiales d’ici 2050.

Toujours selon l’AIE, la réduction de 75% des émissions de CH4 fossile pourrait éviter jusqu’à 6 Gt CO2e par an, soit près de 10% des émissions de gaz à effet de serre de la planète en 2019 (avec UTCATF).

 

Vers un nouvel Observatoire sur le CH4

Le PNUE et la Commission européenne sont par ailleurs en train de finaliser un projet commun visant à mettre en place un Observatoire international indépendant des émissions de méthane (IMEO). L’IMEO regroupera et analysera de nombreux flux de données sur les émissions de CH4, y compris les données communiquées par les compagnies membres de l’OGMP, afin d’accélérer la réduction des émissions mondiales de CH4. En aidant l’industrie et les Gouvernements du monde entier à lever les incertitudes liées aux émissions déclarées, l’Observatoire devrait permettre d’améliorer la cohérence et la crédibilité des données sur les émissions de CH4 et d’accélérer les mesures d’atténuation.

 

L’OGMP n’est pas la première initiative internationale sur le CH4

Avant la création de l’OGMP, d’autres initiatives internationales ont été mises en place pour s’attaquer au problème des émissions de CH4 provenant du secteur de la production de pétrole et de gaz, et notamment du torchage.

Août 2002 : lors du Sommet mondial sur le développement durable (dit Rio+10) à Johannesburg (Afrique du Sud), la Banque mondiale a lancé le Partenariat pour la réduction mondiale du torchage de gaz (Global Gas Flaring Reduction Partnership ou GGFR), composée de compagnies pétrolières, de Gouvernements nationaux et des institutions internationales oeuvrant  pour la réduction du torchage de gaz. Le partenariat GGFR regroupe aujourd’hui 17 Gouvernements (dont l’Algérie, l’Iraq, le Nigeria et la Russie), 12 compagnies pétrolières et gazières (dont Total), ainsi que la Commission européenne, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) (voir liste des membres).

En collaboration avec l’Administration américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA), ce Partenariat élabore chaque année des estimations du volume de gaz naturel torché lié à la production du pétrole et ce, basées sur les observations satellitaires (voir méthodologie d’estimation). Selon le dernier rapport de suivi des volumes de gaz naturel torché dans le monde, élaboré dans le cadre du partenariat GGFR et publié en juillet 2020, le volume total mondial s’élevait à 150 milliards (Md) m3 en 2019, soit +3% par rapport à 2018 (145 Md m3). Le niveau de 2019 n’a pas été observé depuis 2009. La hausse en 2019 s’explique essentiellement par des hausses dans trois pays (Etats-Unis (+23%), Venezuela (+16%) et Russie (+9%). Les quatre premiers pays concernés (Russie, Iraq, Etats-Unis et Iran) représentent presque la moitié (45%) du volume total mondial de gaz naturel torché sur les trois années 2017-2019 (voir également les données de torchage par pays).

Volume total mondial de gaz naturel torché (en Md m3 de gaz/an) et production de gaz (en millions de barils/jour)
1996-2019 (torchage aux installations en amont uniquement)

 

16 novembre 2004 : à l’initiative des Etats-Unis, le Partenariat pour la valorisation du méthane (Methane to Markets Partnership ou M2M) a été lancée, regroupant 14 pays (dont les Etats-Unis, mais pas la France). La Commission européenne a rejoint le M2M en septembre 2007. Cette initiative internationale visait à promouvoir des solutions ayant un bon rapport coût-efficacité pour récupérer et valoriser le CH4 émis dans les secteurs de la production de pétrole et de gaz, de l’agriculture (gestion des effluents d’élevage), les mines de charbon et les centres de stockage des déchets (mise en décharge).

1er octobre 2010 : à l’initiative des Etats-Unis et du Mexique, lors de la réunion ministérielle des 38 pays membres du M2M à Mexico, le 1er octobre 2010, le M2M est devenu l’Initiative méthane mondiale (Global Methane Initiative ou GMI). Lancée par ces 38 Gouvernements nationaux, la Commission européenne et deux banques de développement (Asian Development Bank et Inter-American Development Bank), le GMI s’est ‘appuyée sur la structure existante du M2M. la mission de la GMI est de renforcer l’action internationale pour réduire les émissions de CH4. Aujourd’hui, la GMI compte 45 pays membres (dont la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et le Nigeria). La France ne figure pas parmi ces 45 pays.

17 avril 2015 : sous l’impulsion de l’ancien Secrétaire-Général de l’ONU, Ban Ki-moon et de la Banque mondiale, l’initiative Zéro torchage de routine d’ici 2030 (Zero Routine Flaring by 2030) a été lancée avec l’adhésion de 25 Gouvernements et compagnies pétrolières qui représentaient environ 53% du torchage mondial de gaz. Les membres de cette initiative s’engagent, le plus rapidement possible et au plus tard d’ici 2030, à mettre fin au torchage de gaz sur les sites existants de production de pétrole et de ne pas procéder au torchage de gaz sur les nouveaux sites d’exploitation de gisements pétroliers. Aujourd’hui, l’initiative regroupe 33 Gouvernements (dont la France) et 41 compagnies pétrolières et gazières, ainsi que 15 agences et banques de développement régionales ou nationales dont l’AFD en France (voir liste des membres).

 

 

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