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La Commission publie la stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane

  • Réf. : 2020_10_a05
  • Publié le: 15 octobre 2020
  • Date de mise à jour: 21 octobre 2020
  • UE

Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie de l’UE pour réduire les émissions de méthane. Cette publication fait suite à la consultation publique lancée en juillet 2020 par la Commission sur un projet de stratégie européenne sur le méthane, mais elle fait surtout suite à des années de discussions sur le sujet (voir encadré ci-dessous).

 

Une stratégie très attendue

Depuis plusieurs années, de nombreux experts appellent à accorder une plus grande attention à la diminution urgente des émissions de CH4, dont les effets sur le climat sont importants sur le court terme :

  • En 1996, l’UE adoptait une première stratégie sur le méthane (Strategy paper for reducing methane emissions. Communication from the Commission to the Council and to the European Parliament. COM (96) 557 final, 15/11/1996.
  • En 2009, la France avait remis une note en ce sens au Conseil de l’Environnement de l’UE ;
  • En 2016, la directive NEC-2 comportait une déclaration de la Commission sur la surveillance des émissions de CH4, envisageant si besoin une proposition législative sur ce sujet ;
  • En juin 2018, la Commission indiquait, dans son rapport Perspectives pour un air propre qu’elle envisageait de nouveau une proposition législative sur le sujet ;
  • En décembre 2018, l’article 16 du règlement sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (n°2018/1999) (lire notre article) mandatait la Commission de présenter un plan stratégique sur le CH4, dans le cadre de la stratégie de développement bas-carbone 2050 de l’UE (lire notre article).
  • En décembre 2019, le Green Deal (Pacte vert pour l’environnement, lire notre dossier de fond) réinsistait sur l’importance de résoudre le problème des émissions de CH4, notamment liées à l’énergie.
  • En mars 2020, dans un atelier de travail entre parties prenantes, institutions de l’UE et Etats membres sur les émissions de CH4, la Commission présentait les principaux éléments d’un futur plan stratégique.
  • En mai 2020, le Groupe des Investisseurs Institutionnels sur le Changement Climatique (IIGCC), organisme européen rassemblant des investisseurs institutionnels, exhortait la Commission d’élaborer une proposition législative en 2020 pour adoption fin 2021 sur ce sujet (lire notre article).

Voir cet historique avec plus de détail dans notre article du 20 mai 2020.

 

L’objet de la stratégie est de réduire les émissions de CH4, à la fois en tant que puissant gaz à effet de serre (deuxième contributeur après le CO2, et forceur climatique à courte durée de vie) et comme polluant atmosphérique (deuxième précurseur d’ozone troposphérique après les NOx). La stratégie méthane vise donc à contribuer à l’ambition de l’UE sur le volet climat (en particulier la neutralité carbone en 2050 inscrite dans le Green Deal) et sur le volet air (en particulier l’ambition « zéro pollution », lire notre article).

La Commission considère que, même si les politiques climat actuelles devraient permettre de réduire les émissions de méthane dans l’UE de 29% entre 2005 et 2030, la réhausse de l’objectif général 2030 nécessite une réduction non pas de 29% mais de 35 à 37% (conformément aux recommandations du Giec dans son rapport spécial 1,5°C).

Cette stratégie cible les trois grands secteurs émetteurs de CH4 anthropique (représentant 95% des émissions mondiales) ; énergie (charbon, pétrole et gaz) ; agriculture ; et déchets. Elle présente des mesures législatives et non législatives visant à réduire les émissions dans l’UE mais aussi en dehors, en agissant sur les émissions en amont des chaines d’approvisionnement des entreprises européennes.

 

Améliorer le suivi des émissions de méthane

Avant de réduire les émissions de CH4, il faut s’assurer de bien les estimer. La Stratégie inclut ainsi des mesures pour élever les normes de Suivi, vérification et déclaration (système dit « MRV », appliqué pour les inventaires nationaux d’émissions, dont celui de la France réalisé par le Citepa), afin de réduire les écarts de précision entre Etats membres. Elle inclut aussi le soutien à la création d’un nouvel observatoire international des émissions de méthane en partenariat avec le Programme des Nations unies pour l’environnement, la Coalition pour le climat et l’air pur et l’Agence internationale de l’énergie. La stratégie souligne aussi le rôle du programme satellitaire Copernicus pour repérer les fuites de méthane.

 

Energie : vers un système de suivi des émissions de méthane ?

La stratégie propose, pour réduire les émissions de CH4 du secteur des industries de l’énergie, de mieux détecter les fuites dans les infrastructures gazières, et envisage un instrument législatif pour interdire les pratiques systématiques de torchage et de dégazage. La Commission ne va pas jusqu’à fixer une date pour un moratoire sur ces pratiques, ce qui a suscité des critiques.

La Commission souhaite aussi promouvoir une large mise en œuvre du cadre de suivi et de rapportage conçu par le Partenariat sur le méthane du pétrole et du Gaz (Oil and Gas Methane Partnership, OGMP), une initiative volontaire qui couvre actuellement les industries amont (upstream) du pétrole et du gaz. La Commission souhaite, avec la collaboration du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) et la Coalition pour le climat et l’air pur (CCAC – lire notre article), que cette initiative couvre plus d’entreprises de la filière pétrole et gaz, de l’amont à l’aval, ainsi que le secteur du charbon et les sites fermés. En 2021, la Commission devrait publier une proposition législative pour rendre obligatoire un système de suivi, rapportage et vérification (MRV) pour les émissions de méthane liées à l’énergie, en se basant sur la méthodologie de l’OGMP.

 

Agriculture : diffuser les bonnes pratiques

La Commission indique qu’elle souhaite renforcer et améliorer l’estimation des émissions d’origine agricole (courant 2021, la Commission mettra en place un groupe d’experts sur des questions méthodologiques), et que la PAC puisse soutenir les réductions d’émissions de CH4. La stratégie met surtout l’accent sur la diffusion des meilleures pratiques en matière de technologies innovantes, d’alimentation animale et de gestion d’élevage, ainsi que sur la recherche de solutions technologiques ou naturelles et sur la promotion des changements de régime alimentaire, avec moins de protéines animales. La Commission développera d’ici 2021 un inventaire des meilleures pratiques, des techniques disponibles et des technologies innovantes dans le domaine. Sont aussi mis en avant le recyclage des flux de déjections (animaux et humains) en vue de produire du biogaz, des biomatériaux et des produits biochimiques ; ce qui passe par une meilleure collecte de ces déchets.

 

Déchets : réduire les émissions des décharges

Pour le secteur des déchets, la stratégie envisage de nouvelles mesures pour améliorer la gestion des émissions de méthane des décharges, pour en exploiter le potentiel énergétique. La Commission souhaite réexaminer la législation en la matière d’ici 2024 et envisage aussi des travaux de recherche sur les technologies de production de biométhane à partir de déchets.

 

Industrie : vers une inclusion du méthane dans le SEQE et l’IED ?

Enfin, la Commission réexaminera aussi les textes relatifs au SEQE (Système d’échange de quotas d’émission, qui ne couvre actuellement pas le méthane), le règlement ESR (n°2018/842) sur les secteurs hors-SEQE et envisagera d’étendre le champ d’application de la directive IED (et des documents « BREF » sur les meilleures techniques disponibles) afin d’y inclure les secteurs émetteurs de méthane non encore couverts.

 

Emissions importées

La Commission souhaite aussi agir sur les émissions en amont des chaines d’approvisionnement des entreprises européennes. Elle envisage au niveau international, différents moyens (objectifs, normes..) applicables aux émissions de méthane liées aux importations d’énergie dans l’UE.

 

L’éclairage du Citepa

Les émissions de méthane en France – évolutions et enjeux de réduction 

Evolution des émissions

Les émissions de méthane (CH4) ont baissé de manière significative sur la période 1990-2018 (-13,2 Mt CO2e au niveau du total national avec UTCATF, soit environ -20%). Cette baisse est due en particulier aux évolutions du secteur de la transformation d’énergie (-5,5 Mt CO2e soit -83%) avec la cessation progressive de l’exploitation des gisements de charbon en France et le développement des programmes de remplacement des tronçons les plus vétustes du réseau de transport et de distribution gazier. Aujourd’hui, les émissions de ce secteur sont faibles et majoritairement dues à la distribution de gaz.

Le secteur agricole, principale source d’émission de méthane du fait majoritairement de la fermentation entérique et des déjections animales, présente également une baisse de ses émissions, dans des proportions modestes. On peut considérer que les émissions de CH4 du secteur agricole ont faiblement évolué sur la période (-4,2 Mt CO2e soit ‑10%).  En 2018, la fermentation entérique représente presque 90% des émissions de CH4 du secteur agricole.

 

Objectifs de réduction

L’ambition de réduction de la Stratégie Nationale Bas-Carbone pour la période 2019-2023 pour le CH4 est de 52 Mt CO2e/an (total hors UTCATF), soit une baisse de 7,3% par rapport à l’année 2018. Si l’on regarde la tendance, les émissions de CH4, au même périmètre, ont diminué de 4,3% entre 2014 et 2018. Pour atteindre les objectifs fixés, la tendance à la baisse actuellement observée doit s’accélérer. Pour cela, parmi les principales techniques de réduction citées dans la SNBC, se retrouvent les pratiques visant le principal secteur émetteur, à savoir l’agriculture :

  • Améliorer la gestion des effluents d’élevage (couverture des fosses et torchères, méthanisation) ;
  • Optimiser la conduite des troupeaux pour diminuer les périodes improductives ou pour faire évoluer les produits mis sur le marché (gestion de l’état sanitaire, diminution de la mortalité à la naissance, optimisation de l’âge au premier vêlage, évolution des systèmes d’engraissement…) ;
  • Limiter la fermentation entérique, via des ajustements de l’alimentation animale (apport de lin par exemple), ou via la sélection génétique.

Le budget final prévu pour le CH4 pour la période 2029-2033 est de 44 Mt CO2e/an (total hors UTCATF), soit une baisse d’environ 20% par rapport à 2018.

Plus d’informations : page de notre site dédiée au méthane et rapport Secten (chapitre sur les GES).

 

Prochaines étapes

Cette stratégie de la Commission doit en principe être soumise au Conseil de l’UE et au Parlement européen pour examen et approbation.

 

En savoir plus

Communiqué de presse de la Commission (en français)

Stratégie sur le méthane (en anglais)

Page de la Commission dédiée aux émissions de méthane liée à l’industrie de l’énergie

 

 

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