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Emissions de polluants et de gaz à effet de serre : nouvelles estimations sur les impacts de la crise sanitaire

  • Réf. : 2021_05_a03
  • Publié le: 11 mai 2021
  • Date de mise à jour: 11 mai 2021
  • France
  • UE
  • International

Alors que, pour plusieurs pays, les mesures de reconfinement et les campagnes de vaccination semblent dessiner une possibilité de sortie de crise, et que, au niveau mondial, les émissions de gaz à effet de serre (GES) sont déjà reparties fortement à la hausse fin 2020, de nouvelles études récentes complètent les travaux, déjà nombreux, pour estimer les effets très récents de cette crise sur la pollution de l’air et le changement climatique.

Lire nos précédentes synthèses de travaux scientifiques :

 

Emissions et concentrations de gaz à effet de serre en hausse

Les derniers relevés de concentrations de CO2 dans l’atmosphère montrent que le niveau a continué d’augmenter, atteignant un nouveau record : 420 ppm (lire notre brève). En effet, les émissions, mêmes si elles étaient temporairement moins fortes, ont quand même continué à faire augmenter la part de CO2 dans l’atmosphère. Une nouvelle étude scientifique parue le 3 mars 2021 dans la revue Nature Climate Change montre néanmoins que la diminution des émissions observée en 2020 reste d’une ampleur inédite et que des actions contradictoires ont depuis été menées, avec à la fois de nouveaux objectifs climatiques mais aussi une continuation des investissements dans les infrastructures liées aux énergies fossiles.

Il en va de même pour un autre gaz à effet de serre, au pouvoir de réchauffement 28 fois plus puissant que le CO(valeur PRG sur 100 ans, source : GIEC, AR5, vol 1) : le méthane (CH4). Les concentrations de méthane ont aussi fortement augmenté en 2020 (+14,7 parties par milliard (ppb), ce qui est la hausse annuelle la plus forte depuis les premières mesures systématiques en 1983) (lire notre brève sur le Bulletin GES 2020 de l’OMM). Des incertitudes demeurent sur les causes de cette hausse, qui serait en partie due à des sources biogéniques (zones humides, permafrost, élevage) et non uniquement aux énergies fossiles.

En Europe, d’après le Quarterly electricity report, publié le 9 avril 2021 par la Commission européenne, pour la première fois en 2020, la part d’électricité générée par des sources renouvelables (39%) a dépassé la part générée par des énergies fossiles (36%). Néanmoins, les facteurs à l’origine de cette évolution étaient en majorité due aux conditions exceptionnelles pendant la pandémie de Covid-19 : les niveaux de consommation sont revenus à un niveau pré-Covid fin 2020.

 

Réduction de la mortalité liée à l’amélioration de la qualité de l’air pendant le premier confinement

Une étude intitulée « Impact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine. Réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et nouvelles données sur le poids total pour la période 2016-2019 » a été publié le 14 avril 2021 par Santé Publique France. Elle a été réalisée par des experts de Santé Publique France, de l’Ineris, du Citepa et de l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France. Cette étude évalue les impacts à court et long terme sur la mortalité, de la diminution provisoire de l’exposition de la population à la pollution de l’air au printemps 2020, lors des mesures de confinement. Elle actualise les estimations publiées en 2016 qui portaient sur la période 2007-2008. Elle met en œuvre la méthode d’évaluation quantitative d’impact sur la santé (EQIS).

Cette étude conclut notamment que l’amélioration de la qualité de l’air liée au premier confinement (printemps 2020) a permis d’éviter environ 2 300 décès en France grâce aux diminutions des concentrations en particules (PM2,5) ; et 1 200 décès grâce aux diminutions des concentrations en NO2. Plus largement, près de 40 000 décès annuels en France seraient attribuables à une exposition de la population aux particules fines (PM2,5), et 7 000 pour le NO2 (respectivement 7% et 1% de la mortalité totale annuelle).

Cela montre pour les auteurs que des mesures d’actions publiques efficaces sont possibles pour diminuer fortement les niveaux de pollution, et que certains changements comportementaux (télétravail, report modal, etc.) devraient se pérenniser.

En savoir plus sur l’étude

 

Réduction des concentrations de NO2 et d’ozone lors des mesures de confinement

D’après un article publié le 9 mars 2021 dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics, intitulé « Global impact of COVID-19 restrictions on the surface concentrations of nitrogen dioxide and ozone », les mesures de restrictions des déplacements entre janvier et juin 2020 ont mené à des réductions différenciées des concentrations de NO2 et d’ozone dans plusieurs métropoles mondiales. En mobilisant des données de concentrations au sein d’un modèle atmosphérique (Goddard Earth Observing System Composition Forecast (GEOS-CF) de la NASA), les auteurs ont reconstitué les variations de concentrations dans différentes métropoles, avec en moyenne des réductions de 18% à partir de février 2020 par rapport à un scénario de référence. Ils ont aussi estimé que les émissions mondiales de NOx, durant la première moitié de 2020, ont baissé de -5,5%. Pour l’ozone, l’analyse est plus complexe car cette substance est influencée par d’autres phénomènes de chimie de l’atmosphère ; avec des variations entre le jour et la nuit.

 

Des concentrations de NO2 en forte hausse en Chine

Le 15 mars 2021, l’agence spatiale européenne (ESA) a publié un communiqué reprenant les données d’observations satellitaires (issues du capteur Tropomi à bord du satellite Sentinel 5P dans le cadre du programme Copernicus [lire notre brève]) des concentrations de polluants dans l’air. Ces observations avaient mis en exergue des réductions significative des concentrations de polluants, en particulier de NO2 en Chine, début 2020 (-35% entre février 2019 et février 2020 à Beijing ; -45% à Chongqing). Un an plus tard, début 2021, ces mêmes observations révèlent que ces concentrations de NO2 en Chine sont largement reparties à la hausse et revenues presque à un niveau double du niveau pré-Covid. Des facteurs météorologiques sont aussi en jeu, mais cette évolution à la hausse souligne la forte reprise d’activités émettrices, en particulier le trafic routier et l’industrie.

 

Le rôle des particules dans l’épidémie toujours en question

Comme nous le relations déjà en décembre 2020, les particules en suspension dans l’air, et plus précisément les particules fines (PM2,5) sont soupçonnées d’avoir un rôle dans l’évolution de l’épidémie. Il y aurait en effet un lien possible entre les expositions aux fortes concentrations de particules et la surmortalité lié au Covid-19.

Une étude publiée le 4 novembre 2020 dans la revue Science Advances montrait, aux Etats-Unis, une corrélation entre une exposition chronique aux PM2,5 et la mortalité liée au Covid-19 – avec une augmentation de la mortalité de +11% pour chaque µg/m3 de concentration supplémentaire dans l’air ; et ce après avoir pris en compte les autres facteurs de confusion possible (obésité, tabagisme, etc.). Une autre étude suisse publiée en novembre 2020 montrait aussi des accélérations des décès liés au Covid lors de pics de pollution, en Suisse, à Paris et à Londres. D’après une étude publiée en octobre 2020 dans la revue Cardiovascular Research, au niveau mondial, 15% des décès liés au Covid-19 seraient aussi liées à la pollution de l’air (19% en Europe, lire notre article).

L’effet de la pollution de l’air aux particules, d’origine naturelle (comme les sables du Sahara) ou anthropique, comme facteur aggravant des infections respiratoires est déjà bien connu, comme le résumait une étude de 2007, publiée dans Inhalation Toxicology. Un rapport du Parlement européen, publié le 13 janvier 2021, montre que si certaines études suggèrent que la pollution de l’air (extérieur mais aussi intérieur) augmenterait l’incidence et la sévérité des cas de Covid-19, cet effet reste encore à être quantifié avec certitude et avec des études de plus long terme, les travaux en cours n’ayant pas assez de recul et le risques d’erreurs étant encore fort.

 

En savoir plus

Wu, X., Nethery, R. C., Sabath, M. B., Braun, D., & Dominici, F. (2020). Air pollution and COVID-19 mortality in the United States: Strengths and limitations of an ecological regression analysisScience advances6(45), eabd4049. Consulter.

Rohrer, M., Flahault, A., & Stoffel, M. (2020). Peaks of fine particulate matter may modulate the spreading and virulence of COVID-19. Earth Systems and Environment, 1-8. Consulter

Ciencewicki, J., & Jaspers, I. (2007). Air pollution and respiratory viral infection. Inhalation toxicology19(14), 1135-1146. Consulter

European Parlement (2021). Air pollution and COVID-19. Including elements of air pollution in rural areas, indoor air pollution, vulnerability and resilience aspects of our society against respiratory disease, social inequality stemming from air pollution. Study requested by the ENVI Committee. 66p. Consulter

 

 

Agir sur les mobilités pour retrouver les faibles niveaux de pollution du premier confinement ?

L’ONG Transport & Environment a publié, le 11 mars 2021, un rapport sur les moyens possibles pour retrouver les faibles niveaux de concentrations de polluants observés dans différentes villes du monde pendant les premiers confinements de mars-avril 2020. Le rapport analyse ainsi les deux stratégies pour favoriser une mobilité propre en Europe : le développement des véhicules propres d’une part ; et le développement des mobilités actives (comme le vélo), les transports en commun et le télétravail d’autre part. D’après le rapport, mobiliser ces deux volets à la fois rend possible de retrouver des niveaux de concentrations faibles. A Londres, en combinant ces deux leviers, il faudrait que 74% des distances parcourues en voiture le soient en véhicules zéro émission, contre 67% à Paris.

Transport & Environment. (2021). Blue Sky Recovery. How to keep lockdown low levels of air pollution in European cities. Consulter

 

 

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