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Futur paquet climat « adapté au 55% » : divergences des Vingt-sept sur les critères de répartition de l’effort collectif de réduction (hors SEQE)

  • Réf. : 2021_05_a09
  • Publié le: 27 mai 2021
  • Date de mise à jour: 27 mai 2021
  • UE

Le 25 mai 2021, lors du Conseil européen, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-sept ont adopté des conclusions sur le changement climatique (un court texte de quatre paragraphes), et tout particulièrement, leur position sur le futur paquet climat dit « adapté au 55% » (« fit for 55« ). La Commission prévoit de présenter, le 14 juillet 2021 (et non, comme elle l’avait initialement prévu, en juin 2021) un « paquet » politique et législatif visant à adapter les différents textes législatifs européens au nouvel objectif de réduction d’au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 (par rapport aux niveaux de 1990) afin de mettre en œuvre concrètement ce nouvel objectif. Ce futur paquet sera composé de plusieurs documents politiques et de propositions législatives.

 

Contexte

Le 5 mai 2021, les « ambassadeurs » des Vingt-sept, réunis au sein du Comité permanent des représentants permanents (dit Coreper) ont avalisé le texte de compromis concernant la proposition de règlement (dite « loi européenne sur le climat ») rehaussant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’UE, d’au moins ‑40% à au moins ‑55% entre 1990 et 2030, et fixant dans la législation l’objectif de neutralité carbone (zéro émission nette) à l’horizon 2050. Ce texte de compromis était issu de l’accord politique conclu après d’intenses négociations le 21 avril 2021 par des représentants des deux co-législateurs (Conseil [les Ministres] et Parlement européen) et de la Commission (à l’origine de la proposition de règlement), réunis de façon informelle en 6e trilogue pour l’occasion (lire notre article).

Lire notre article : Rehaussement de l’objectif climat 2030 de l’UE : après les dirigeants des Vingt-sept, les Ministres de l’Environnement se mettent d’accord pour passer à -55%
(publié le 18/12/2020)

 

 

Ce que le Conseil a acté

Dans leurs conclusions, les dirigeants européens invitent la Commission à présenter rapidement son ensemble de mesures législatives, accompagné d’une étude approfondie de l’impact environnemental, économique et social au niveau des États membres. Le Conseil européen indique également qu’il reviendra sur ce sujet « en temps voulu » après que la Commission aura présenté ses propositions. La réunion fut l’occasion pour les dirigeants des Vingt-sept d’échanger leurs points de vue, leurs priorités et leurs préoccupations sans pour autant avancer le débat sur les moyens d’atteindre le nouvel objectif 2030 de -55%.

 

Ce que le Conseil n’a pas acté

Dans la version provisoire des conclusions (document réf. 8259/21), élaborées par l’équipe technique du Président du Conseil européen, Charles Michel, un deuxième paragraphe formulait des orientations supplémentaires pour aider la Commission dans ses travaux préparatoires du futur paquet. Ce paragraphe initial ;

  • réaffirmait le besoin de maintenir des objectifs nationaux (par Etat membre) dans le cadre du règlement (UE) 2018/842 sur la répartition de l’effort (dit ESR – voir encadré ci-dessous) et de maintenir un champ d’application large afin de stimuler la mise en œuvre de mesures efficaces au niveau national ;
  • confirmait que la répartition des efforts parmi les Etats membres devrait être basée sur les critères du règlement ESR en vigueur ;
  • soulignait le besoin de renforcer les politiques et mesures sectorielles de l’UE pour réaliser des réductions d’émissions de GES.

 

Or, dans la version finale des conclusions du Conseil européen, plutôt peu précises, ce paragraphe a été supprimé, faute de consensus parmi les dirigeants des Vingt-sept.

 

Secteurs hors SEQE : la législation et la répartition de l’effort pour 2021-2030

Dans le cadre du paquet climat-énergie 2021-2030 de l’UE, le Conseil européen des 23-24 octobre 2014 a approuvé les objectifs climat-énergie à l’horizon 2030 proposés par la Commission européenne le 22 janvier 2014 :

  • réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) (base 1990) [objectif contraignant].
  • part d’au moins 27% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie [objectif contraignant],
  • réduction de la consommation d’énergie primaire d’au moins 27% [par rapport au scénario tendanciel pour 2030, objectif indicatif].

L’objectif GES précité se décline en deux volets :

  • -43% (entre 2005 et 2030) pour les secteurs visés par le SEQE,
  • 30% (entre 2005 et 2030) pour les secteurs hors SEQE (système d’échange de quotas d’émission de GES), c’est-à-dire les secteurs dont les émissions sont diffuses : transports, résidentiel-tertiaire, agriculture, traitement des déchets et petites industries.

Pour mettre en œuvre ces objectifs, plusieurs actes législatifs ont été adoptés en 2018 et 2019, dont le règlement dit ESR (Effort-Sharing Regulation) visant les secteurs hors SEQE : règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de GES de ces secteurs par les Etats membres sur la période 2021-2030 (lire notre article). Il fixe des objectifs de réduction minimaux contraignants pour chaque Etat membre (UE-28) pour 2030 (par rapport au niveau de référence 2005) dans les secteurs hors SEQE. Ces objectifs vont de 0% (stabilisation) pour la Bulgarie à -40% pour la Suède et le Luxembourg. La France se voit assigner un objectif de -37%, soit le cinquième objectif le plus élevé parmi les Vingt-huit.

Enfin, les secteurs hors-SEQE agrégés représentaient la majorité (57%) des émissions totales de GES de l’UE-27 en 2018 (source : AEE, 30/11/2021).

 

 

Les deux principaux points de blocage : la répartition de l’effort et l’extension du SEQE

 

La répartition de l’effort

Première pierre d’achoppement, la question cruciale de la répartition équitable, entre Etats membres, de l’effort collectif de réduction des émissions de GES dans les secteurs hors SEQE (voir encadré ci-dessus), a donné lieu à de vifs débats entre les Vingt-sept. Dans le cadre des deux premiers paquets climat (couvrant les périodes 2013-2020 et 2021-2030), approuvés respectivement en 2007 et 2014, cette répartition a jusqu’ici été basée sur le critère de la richesse relative des Etats membres déterminée par le biais du PIB/habitant. Les débats du Conseil européen du 25 mai 2021 ont fait ressortir des divergences entre, d’une part, les Etats membres du Nord de l’UE, et d’autre part, les pays de l’Europe de l’Est (Pologne en tête), plus dépendants du charbon pour la production d’électricité. D’un côté, les pays de l’Europe de l’Est insistent sur le fait que les Etats membres plus riches (avec un PIB plus élevé) doivent continuer à consentir les plus grands efforts de réduction. De l’autre côté, les Etats membres du Nord de l’UE, à PIB élevé, qui ont réalisé les plus fortes réductions, souhaitent que les pays de l’Est soient davantage mis à contribution dans l’effort collectif de l’UE.

L’absence d’orientations concrètes du Conseil européen sur la question clé de la future répartition des efforts de réduction au sein de l’UE pourrait conduire à un affaiblissement de l’ambition du futur paquet « adapté à 55% ». A noter que le règlement ESR est le seul acte législatif de l’UE qui fixe des objectifs de réduction nationaux juridiquement contraignants. Ces derniers mois, plusieurs ONG ont appelé la Commission à ne pas abandonner cette répartition contraignante de l’effort.

 

L’extension du SEQE

Aujourd’hui, le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de GES vise les secteurs de la production d’électricité, de l’industrie manufacturière et de l’aviation. En application du pacte vert pour l’Europe (Green Deal), publié par la Commission le 11 décembre 2019, celle-ci envisage de revoir la directive SEQE (2003/87/CE, modifiée en 2018 pour la 4e période par la directive (UE) 2018/410), notamment pour étendre son périmètre à des secteurs actuellement non couverts, tels le résidentiel-tertiaire, le transport routier et le transport maritime. Cette éventuelle extension du champ d’application du SEQE constituait la deuxième question hautement sensible au Conseil européen et donc deuxième source de divergences d’opinion parmi les dirigeants européens.

 

En savoir plus

Conclusions du Conseil européen

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