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Les NDC mises à jour mèneraient à une hausse de +16% des émissions de GES entre 2010 et 2030, loin des -25% nécessaires pour l’objectif de 2°C

  • Réf. : 2021_09_a07
  • Publié le: 21 septembre 2021
  • Date de mise à jour: 11 octobre 2021
  • International

Le 17 septembre 2021, le Secrétariat de la Convention Climat (CCNUCC) a publié un rapport de synthèse des contributions nationales (NDC) mises à jour et/ou renforcées ayant été soumises par les Parties à l’Accord de Paris avant le 30 juillet 2021. L’enjeu de renforcer l’ambition de ces nouvelles NDC est fort car les premières NDC étaient insuffisantes pour parvenir aux objectifs de +2°C et de +1,5°C (voir encadré ci-dessous). Ces NDC fixent notamment les engagements de réduction des Parties pour 2025-2030 et ont été soumises au titre de l’Accord de Paris (article 4). Ces engagements sont inconditionnels (prévus quoi qu’il arrive) et/ou, dans le cas de nombreux pays en développement, conditionnels (c’est-à-dire conditionnés à un soutien des pays industrialisés sous forme de financement, de renforcement des capacités et/ou de transfert de technologies), sans pour autant être contraignants (cf. article 4 de l’Accord de Paris).

Cette nouvelle synthèse est une mise à jour d’une première synthèse des NDC-2 soumises avant fin 2020, publiée le 26 février 2021 (lire notre article).

 

Contexte

Les contributions nationales (dites NDC), prévues par l’article 4 de l’Accord de Paris et précisées par la décision 1/CP.21 qui accompagnait celui-ci, sont à la base du nouveau régime multilatéral climat post-2020 établi par l’Accord de Paris. Les premières NDC étant insuffisantes au regard de l’objectif 2°C, la soumission des deuxièmes NDC, censées être plus ambitieuses, était un enjeu majeur en 2020, avant l’entrée en vigueur de ce nouveau régime (au 1er janvier 2021).

Compte tenu de l’insuffisance des premières NDC, le renforcement de l’ambition des Etats au travers la soumission de leur 2e NDC était un enjeu crucial. Le renforcement de l’ambition climat des 197 Parties à la CCNUCC – et surtout les 191 Parties à l’Accord de Paris – est un des principaux enjeux de la COP-26 (initialement prévue du 9 au 20 novembre 2020 mais reportée à fin 2021 (31 oct.-12 nov.), suite à la pandémie du Covid-19 (lire notre article sur le sujet). La COP-26 devait aboutir au renforcement de l’ambition des Parties à l’Accord de Paris car c’est à cette COP que les Parties à la CCNUCC sont tenues de présenter des NDC mises à jour et plus ambitieuses dans le cadre du cycle quinquennal (conformément à l’Accord de Paris [article 4] et à la décision de la COP-21 [paragraphes 23 et 24] qui l’accompagnait, la décision 1/CP.21) par rapport aux premières soumises en amont de la COP 21 en 2015. Ainsi, l’année 2020 était censée être une année charnière pour l’action climat et le renforcement de l’ambition mais le Covid-19 a eu raison de cet objectif. Malgré tout, lors du Sommet ambition climat 2020 convoqué le 12 décembre 2020 à l’initiative du Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, 45 pays ont annoncé des NDC nouvelles ou renforcées (dont l’Argentine, Barbade, le Canada, la Colombie, l’Islande et le Pérou) (source : IISD, 12 déc. 2020).

La décision 1/CMA-2, adoptée le 15 décembre 2019 à Madrid lors de la COP-25, prie le Secrétariat de la CCNUCC d’élaborer et de lui communiquer, lors de la COP-26, un rapport de synthèse des NDC soumises. Le 13 août 2020, la Secrétaire exécutive de la CCNUCC, Patricia Espinosa, avait transmis une lettre à l’ensemble des Parties les exhortant à respecter l’échéance 2020 pour la remise de NDC nouvelles (source : CHN, 02/09/2020) et donc à ne pas décaler la soumission de leur NDC-2 malgré le décalage de la COP-26. Elle y avait également indiqué que le Secrétariat de la CCNUCC publierait fin février 2021 un rapport de synthèse des NDC soumises avant fin 2020 et qu’il mettra à jour ce rapport avant la COP-26 afin qu’il comporte les dernières informations disponibles, ce qui laisse la porte entr’ouverte pour les remises tardives en amont de la COP-26. Le premier rapport de synthèse a effectivement été publié par la CCNUCC le 26 février 2021 (lire notre article).

 

Méthodologie

Pour synthétiser les informations pertinentes des différentes NDC, le Secrétariat de la CCNUCC s’est appuyé sur les lignes directrices supplémentaires pour les informations visant à faciliter la clarté, la transparence et la compréhension des NDC, établies dans la décision 4/CMA-1 (et son annexe I) adoptées par la CMA-1 lors de la COP-24 à Katowice (novembre 2018). A noter que le rapport de synthèse ne cite aucune Partie, préférant rester très général (« la plupart des Parties », « beaucoup de Parties », etc.). Les chiffres cités ci-dessous sont tous exprimés hors UTCATF.

 

La synthèse a été élaborée sur la base des 164 dernières NDC disponibles dans le registre provisoire des NDC au 30 juillet 2021 couvrant l’ensemble des 191 Parties à l’Accord de Paris (dont les 86 NDC nouvelles ou mises à jour soumises par 113 Parties(1) à l’Accord). Les 191 Parties à l’Accord de Paris représentent 93,1% des émissions mondiales totales de gaz à effet de serre (GES) en 2019 (qui s’élèvent à un total de 52,4 Gt CO2e hors UTCATF, source : CCNUCC, 17 sept. 2021). Les NDC nouvelles ou mises à jour couvrent environ 59% des Parties à l’Accord de Paris et représentent environ 49% des émissions mondiales de GES.

En d’autres termes, 105 Parties n’ont pas encore soumis leur NDC-2. Le site dédié de la CCNUCC recense les NDC mises à jour et/ou renforcées soumises par les Parties.

 

Des objectifs plus ambitieux et plus homogènes

La plupart des Parties ont fixé des objectifs de réduction quantifiés visant tous ou quasiment tous les secteurs définis par les lignes directrices 2006 du Giec pour l’élaboration des inventaires d’émission de GES. Un plus grand nombre de Parties ont choisi de fixer des objectifs de réduction en absolu dans leurs NDC nouvelles ou mises à jour. La plupart des Parties ayant soumis de NDC nouvelles ou mises à jour ont renforcé leurs objectifs de réduction existants pour 2025 et/ou 2030. Presque toutes les Parties ont défini l’échéance de 2030 comme étant la fin de la période de mise en œuvre de leurs NDC ; seulement quelques Parties ont fixé cette échéance à 2025, 2035, 2040 ou 2050.

 

Que retenir de cette synthèse ?

Le nouveau rapport montre que, selon les projections du Secrétariat de la CCNUCC, le niveau d’émissions totales de GES, sur la base de la mise en œuvre des dernières NDC de toutes les Parties à l’Accord de Paris (soit les 164 NDC mises à jour ou non – voir plus haut) passerait de 52,4 Gt CO2e en 2019 à 54,8 Gt CO2e en 2025 (+4,5%) et à 55,1 Gt CO2e en 2030 (+5,0%). Le niveau projeté en 2025 (54,8 Gt CO2e) est de 15,8% supérieur au niveau de 2010 et celui projeté en 2030 (55,1 Gt CO2e) est de 16,3% supérieur au niveau de 2010.

 

Si l’on se concentre uniquement sur les 113 Parties ayant soumis des NDC nouvelles ou mises à jour, leur nouvelle ambition conduirait à un niveau d’émissions moins élevé que prévu dans leurs premières NDC (-0,84 Gt CO2e soit -3,5% pour 2025 ; et -2,73 Gt CO2e, soit – 11,3% pour 2030).

Parmi ces 113 Parties, 70 ont indiqué avoir fixé ou prévoir de fixer des objectifs de neutralité carbone ou neutralité climatique (zéro émission nette de CO2 ou de GES) vers le milieu du 21e siècle. Cela pourrait conduire à des réductions d’émissions de GES encore plus importantes, d’environ 26% d’ici à 2030 par rapport à 2010.

 

Sur la base de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des 164 NDC (dont leurs éléments conditionnels), la CCNUCC estime qu’il serait possible d’atteindre un pic des émissions mondiales de GES avant 2030 (soit 10 après l’échéance de 2020 préconisée par le Giec dans son 4e rapport d’évaluation publié en 2007). La CCNUCC rappelle que la mise en œuvre de la plupart des éléments conditionnels est tributaire essentiellement de l’accès des pays en développement à un accroissement du soutien financier, du transfert de technologies, de la coopération technique, du renforcement des capacités, et de la disponibilité des mécanismes fondés sur le marché.

 

Dans le cadre d’un budget carbone compatible avec un réchauffement limité à +1,5°C (avec une probabilité de 50%), les émissions cumulées de CO2 sur la période 2020-2030, basées sur l’ensemble des 164 NDC, consommeraient jusqu’à 89% du budget carbone restant. Il demeurerait ainsi un budget carbone restant post-2030 d’environ 55 Gt CO2, soit l’équivalent des émissions moyennes annuelles de CO2 sur cette période 2020-2030.

De même, pour un budget carbone compatible avec un réchauffement de +2°C (avec une probabilité de 50%), les émissions cumulées de CO2 sur la période 2020-2030, basées sur l’ensemble des 164 NDC, consommeraient jusqu’à 39% du budget carbone restant.

 

En d’autres termes, si beaucoup de pays couverts ont accru leurs niveaux individuels d’ambition pour réduire les émissions de GES, les efforts collectifs de l’ensemble des 191 Parties à l’Accord de Paris conduiraient non pas à une réduction d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010, mais à une hausse de 16,3%. Or, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), a souligné dans son rapport sur un réchauffement à +1,5°C, publié le 8 octobre 2018, que pour respecter l’objectif de +1,5°C d’ici 2100, il faut réaliser une réduction collective des émissions du seul CO2 d’environ -45% en 2030 (base 2010) en vue d’atteindre zéro émission nette autour de 2050. Pour respecter l’objectif de +2°C, d’ici 2100, la réduction collective des émissions de CO2 doit être de -25% en 2030 (base 2010) en vue d’atteindre zéro émission nette autour de 2070.

 

Les projections de réductions de GES estimées pour 2030 sur la base des 164 NDC sont donc très loin du niveau de réduction nécessaire, pointe la CCNUCC, ce qui implique un besoin urgent, soit d’accroître de façon significative le niveau d’ambition des NDC d’ici 2030, soit d’aller au-delà de la réalisation des objectifs de réduction fixés par ces NDC, soit un mix des deux impératifs afin de parvenir aux niveaux d’émission de GES préconisés par le Giec. Si les émissions de GES ne sont pas réduites avant 2030, la réduction post-2030 devra être beaucoup plus forte et plus rapide (et son coût sera plus important).

 

La Secrétaire exécutive de la CCNUCC, Patricia Espinosa, a qualifié la hausse projetée de 16,3% des émissions de GES à l’horizon 2030 par rapport à 2010 de « considérable » et a souligné qu’ « à moins que des mesures appropriées ne soient prises immédiatement, une telle augmentation pourrait entraîner une hausse des températures moyennes mondiales d’environ +2,7°C d’ici la fin du 21e siècle, selon les dernières conclusions du Giec (source : communiqué de la CCNUCC, 17 septembre 2021). Elle a ajouté que « l’augmentation de 16[,3]% est un énorme sujet de préoccupation. Elle contraste fortement avec les appels lancés par la science [en l’occurrence le Giec] en faveur d’une réduction rapide, soutenue et à grande échelle des émissions afin de prévenir les conséquences climatiques les plus graves et les souffrances, notamment des plus vulnérables, dans le monde entier ». Néanmoins, a-t-elle conclu, « le rapport montre clairement que le cadre des NDC aide à ce que les Parties remplissent leurs engagements prévus dans l’Accord de Paris ».

 

Pour sa part, le Secrétaire-Général de l’ONU, Antonio Guterres, a souligné, dans un communiqué publié le 17 septembre 2021, que l’ensemble des 164 NDC soumises « mettrait la planète sur une trajectoire d’émissions de GES catastrophique qui conduirait à une hausse de +2,7°C d’ici la fin du 21e siècle », dépassant considérablement donc les deux objectifs de l’Accord de Paris (+2,0°C et +1,5°C). Il a ajouté : « le rapport récent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat [Giec] est un code rouge pour l’humanité. Mais il a également clairement indiqué qu’il n’est pas trop tard pour respecter l’objectif de +1,5°C fixé par l’Accord de Paris…. ». Il a insisté sur l’importance des pays du G20, qui sont responsables de 80% des émissions mondiales de GES. « Leur leadership est plus que jamais nécessaire. Les décisions qu’ils prennent maintenant détermineront si les promesses faites à Paris seront tenues ou non ».

 

Prochaines étapes

Le 3 septembre 2021, le Secrétariat de la CCNUCC a informé les Parties que pour s’assurer que la COP-26 dispose des informations les plus à jour possibles, il publiera, d’ici le 25 octobre 2021, une mise à jour de ce rapport de synthèse pour y intégrer les nouveaux éléments soumis par les Parties (à savoir des NDC nouvelles ou mises à jour) à la CCNUCC entre le 31 juillet et le 12 octobre 2021.

La COP-26 pourrait être l’occasion pour plusieurs Parties d’annoncer leur NDC-2 (même si cela était initialement attendu en 2020). A noter enfin que plusieurs pays grands émetteurs n’ont toujours pas soumis de NDC nouvelles ou mises à jour (Australie, Corée du Sud, Japon,…).

 

 

L’éclairage du Citepa

Il n’y a pas qu’un écart, mais plusieurs….

L’écart entre la réduction nécessaire et la réduction envisagée

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), dans la 11e édition de son rapport annuel (Emissions Gap Report) qui fait référence en la matière (publié le 9 décembre 2020), a estimé l’écart entre la science et l’ambition, c’est-à-dire l’écart entre, d’une part, le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 nécessaire pour suivre une trajectoire compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C et, d’autre part, les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2025-2030, inscrits dans leurs NDC. Ainsi, selon les dernières estimations du PNUE, l’écart entre l’ambition des NDC et le niveau de réduction collective nécessaire pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +2°C serait de 12 à 15 Gt CO2e ; pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C, l’écart serait de 29 à 32 Gt CO2e.

 

L’écart entre la réduction envisagée à moyen terme et à long terme

Par ailleurs, le PNUE relève un autre écart, cette fois non pas entre la science et l’ambition, mais entre l’ambition 2030 et l’ambition 2050. Le PNUE pointe l’important écart entre le niveau d’ambition des objectifs de neutralité carbone en 2050 fixés par de nombreux pays du monde et le niveau d’ambition insuffisant des NDC actuelles pour l’horizon 2030. Pour accomplir des progrès considérables, d’ici 2030, vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, deux actions doivent d’urgence être mises en œuvre, selon le PNUE : d’une part, davantage de pays doivent élaborer et soumettre des stratégies bas-carbone 2050 qui soient compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris, et d’autre part, des NDC nouvelles ou des NDC mises à jour qui soient compatibles avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 doivent être élaborées et soumises à la CCNUCC.

 

L’écart entre la réduction envisagée et les réductions effectuées

L’effort collectif mondial consenti à ce jour est donc largement insuffisant : la mise en œuvre des NDC actuelles entraînerait une hausse des températures moyennes mondiales à l’horizon 2100 comprise entre +3°C et +3,2°C (source : Emissions Gap Report 2020), à supposer que les engagements actuels – qui sont non contraignants – soient intégralement respectés, ce qui est loin d’être acquis à ce stade. Il faut certes combler l’écart entre l’ambition des Parties et la science, mais il faut également avant et surtout combler l’écart entre l’ambition et l’action (la mise en œuvre concrète des engagements inscrits dans les NDC).

 

La trajectoire climat mondiale se trouve ainsi dans une double incohérence :

– entre les objectifs de l’Accord de Paris et les engagements des Parties (NDC), mais aussi

– entre ces mêmes engagements, et les actions mise en œuvre pour les atteindre.

 

Par conséquent, il faut que les engagements à long terme (2050) des Parties se traduisent :

– dans les engagements à moyen terme (2030) via les NDC,

– dans les politiques et mesures à prévoir pour réaliser ces engagements 2030,

– dans les politiques et mesures à court terme, notamment dans leurs plans de relance post-Covid-19.

 

(1)113 Parties couvrant 86 NDC puisque l’UE-27 a soumis une NDC unique pour ses 27 Etats membres.

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