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Dioxines et furanes (format Secten)

Evolution des émissions de PCDD-F de 1990 à 2018 pour la France métropolitaine (en g ITEQ)

Télécharger les données par gaz, par secteur et sous-secteur, et le rapport Secten comprenant les analyses détaillées

 

Enjeux

Effets sanitaires

On appelle dioxines des hydrocarbures aromatiques polycycliques chlorés (HAPC). Les propriétés de ces dioxines, dont leur toxicité, dépendent du nombre et de la position des atomes de chlore. L’une des dioxines les plus toxiques est connue sous le nom de TCDD (tétrachlorodibenzo-para-dioxine) ou encore dioxine de Seveso (en référence à la catastrophe industrielle du même nom) et sert de norme étalon pour l’établissement de la toxicité des autres dioxines et furannes.

Les furannes ou polychlorodibenzo-furanes ou PCDF sont une famille de molécules chimiques cycliques (hétérocycle aromatique) émis lors de l’incinération de PCB (T>1200°C). Ils se différencient des dioxines par la présence d’un seul atome d’oxygène dans le cycle central entouré de deux cycles benzéniques. Dans ces molécules, 2 à 9 atomes d’hydrogène sont substitués par des atomes de chlore (dans les positions numérotées de 1 à 9).

Dans l’environnement, la photolyse est l’une des rares voies de dégradation de ces molécules. La photodéchloration serait la réaction la plus importante. Néanmoins, un rapport de l’Inserm (« Dioxines dans l’environnement. Quels risques pour la santé ?», Rapport. Paris : Les éditions Inserm, 2000, XIII – 406 p.) stipule que plusieurs études menées sur la biodégradabilité de ces polluants environnementaux montrent que certains micro-organismes (bactéries, levures, champignons) sont capables de les métaboliser.

Une fois émis, les dioxines et furannes sont transportés dans l’atmosphère et vont se déposer sur l’eau ou sur terre tout au long de leur parcours. Dans l’eau, les dioxines se lient d’abord à de petites particules ou au plancton. Sur terre, elles se déposent sur les plantes ou se lient au sol. Depuis les premiers éléments de la chaîne trophique jusqu’au derniers maillons, elles vont s’accumuler dans les organismes, les concentrations augmentant à chaque maillon de la chaine (par bioaccumulation, phénomène propre aux POPs). Ce sont des composés lipophiles qui ont tendance à s’accumuler dans les graisses et dans le foie. On estime que leur demi-vie, soit le temps nécessaire pour que leur activité dans l’organisme diminue de moitié, se situe entre 7 et 11 ans.

Une exposition brève de l’être humain à de fortes concentrations de ces substances peut entraîner des lésions dermiques, la formation de taches sombres sur la peau et une altération de la fonction hépatique. L’exposition de longue durée s’associe à une dégradation du système immunitaire, du développement du système nerveux, du système endocrinien et des fonctions génésiques. Chez l’animal, l’exposition chronique aux PCDD-F peut entrainer plusieurs types de cancers. Le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), agence de l’OMS, a évalué la TCDD en 1997 et 2012. Sur la base des données épidémiologiques chez l’être humain et des informations sur l’animal, le CIRC a classé les dioxines et les furannes dans les « cancérogènes pour l’être humain ».

Certaines populations locales ont été accidentellement exposées à de fortes concentrations de dioxines, notamment à Seveso en 1976 (Italie) après l’explosion survenue dans une usine chimique, entrainant la formation d’un nuage toxique, comportant de la TCDD, et contaminant une zone de quinze kilomètres carrés avec une population de 37 000 habitants. Dans de nombreux cas, la contamination à la dioxine passe par l’alimentation des animaux. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on estime que chez l’homme, plus de 90 % de l’apport en dioxines proviendraient de la nourriture, en particulier par l’ingestion de protéines animales (lait et produits laitiers, viandes, poissons). En 1999, on a trouvé des concentrations élevées en dioxines dans des volailles et des œufs en Belgique. Par la suite, des produits alimentaires à base d’animaux contaminés par des dioxines (volailles, œufs, porcs) ont été détectés dans plusieurs pays dont l’origine a pu être retracée à des aliments pour animaux contaminés par de l’huile industrielle usagée contenant des PCB et éliminée illégalement. Fin 2008, l’Irlande a rappelé plusieurs tonnes de viande de porc et de produits dérivés, lorsqu’ont été détectés des quantités de dioxines jusqu’à 200 fois plus élevées que la limite de sécurité dans des échantillons. Cette découverte a entraîné l’un des plus gros rappels d’aliments en relation avec une contamination chimique. L’origine de cette contamination a été liée à l’alimentation contaminée des animaux.

L’OMS a établi une Dose Journalière Tolérable (DJT) d’exposition aux dioxines de 1 à 4 pg l-TEQ par kg de poids corporel et par jour. Le plafond de 4 pg est provisoire, l’objectif final étant de réduire la dose de dioxines chez l’homme à moins de 1 pg I-TEQ par kg de poids corporel et par jour. Cette valeur a été déterminée en fonction des doses minimales qui ont un effet nocif sur les animaux de laboratoire, divisées par un facteur 10 de sécurité. Cette DJT doit être considérée comme une moyenne sur toute une vie, ce qui signifie que la valeur limite peut être dépassée occasionnellement durant de courtes périodes, sans conséquences attendues pour la santé.

 

Objectifs de réduction

Le Protocole d’Aarhus (ou « Protocole POP »), adopté le 25 juin 1998 dans le cadre de la Convention de Genève sur la pollution transfrontalière longue distance sous l’égide de la Commission Économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU ou UNECE en anglais). Il est entré en vigueur le 23 octobre 2003 et a été amendé en 2009. Il oblige également les Parties à réduire leurs émissions de dioxines, furannes, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et hexachlorobenzène (HCB) en deçà de leurs niveaux de 1990.

En France, pour les rejets de dioxines et furannes, il se traduit par une obligation à émettre moins de 1 800 g-ITEQ par an. En 2018, les émissions totales françaises de PCCD-F étaient de 97 g-ITEQ, soit une baisse de 95% par rapport aux rejets de l’année 1990.

Enjeux actuels

Il n’existe pas en France de valeur réglementaire concernant les concentrations de dioxines dans l’air ambiant et dans les retombées atmosphériques. Toutefois il est possible à l’issue de campagnes de mesures d’établir des profils standards de concentration atmosphériques. Ainsi au travers de son « Programme de surveillance des Dioxines, Furanes & Métaux lourds » Atmo Auvergne-Rhône-Alpes (AASQA – Association Agréée pour la Surveillance de la Qualité de l’Air) met en avant une variabilité saisonnière des concentrations de dioxines. Les niveaux en air ambiant étant plus élevés en automne et en hiver. On impute ce fait à deux phénomènes : la mise en service du chauffage au bois fortement émetteur en dioxines (notamment en raison des installations peu performantes) et le développement de conditions météorologiques stables et peu dispersives dans cette période de l’année qui favorise l’accumulation des polluants dans les basses couches.

En outre, tous les types de territoire ne sont pas affectés de la même façon par les rejets de dioxines. Dans un rapport publié en 2017, Atmo Nouvelle Aquitaine présente une variabilité des concentrations moyennes obtenues par par l’ensemble des AASQA. Ce document met en avant des concentrations moyennes supérieur à proximité des sites industriels et en particulier à proximité des incinérateurs. En outre les territoires urbains présentent un niveau moyen plus élevé que les zones rurales.

Enjeux méthodologiques et incertitudes

Ces émissions sont très sensibles aux conditions de fonctionnement, en conséquence, les facteurs d’émission utilisés restent accompagnés d’une forte incertitude. Lorsque des mesures sont disponibles, celles-ci sont privilégiées. Les facteurs d’émission de dioxines et furannes proviennent d’un outil de l’UNEP sauf pour le bois et les déchets agricoles pour lesquels une étude du Citepa est utilisée.

Pour une présentation très détaillée des méthodologies d’estimation des émissions, téléchargez la dernière édition de notre rapport méthodologique « Ominea ».

Au global, on estime l’incertitude (en niveau) sur ce polluant à 33,8 %.

 

Tendance générale

Les émissions de dioxines et furannes (PCDD-F) sont exprimées en ITEQ (équivalent toxique international).

Les phénomènes complexes conduisant à la formation de dioxines et furannes se produisent dans des conditions particulières de combustion pouvant être rencontrées dans tous les secteurs, mais plus particulièrement au cours de l’incinération des déchets, lors de la production d’agglomérés pour les hauts-fourneaux ainsi que lors de quelques autres procédés particuliers.

Ainsi, tous les secteurs contribuent aux émissions de dioxines/furannes, mais dans des proportions variables. Du fait d’une très forte baisse des émissions entre 1990 et 2018 dans certains secteurs, la répartition par secteur est très différente en 1990 de celle observée en 2018.

Le secteur du résidentiel/tertiaire est la principale source des émissions de PCDD-F depuis 2006 mais une très forte part des émissions (40 g ITEQ) est induite par le brûlage des câbles pour récupérer le cuivre. Or, il s’agit d’une activité illicite, donc difficile à quantifier (et donc associée à une forte incertitude) et pour laquelle l’activité est considérée constante sur l’ensemble de la période.

Le secteur de la transformation d’énergie, était la plus forte source en 1990 du fait de l’incinération des déchets avec récupération d’énergie. La très forte baisse observée entre 1990 et 2018 est d’ailleurs le résultat de la très forte baisse des émissions de ces incinérateurs du fait de la mise en place des techniques de réduction pour répondre à la réglementation. La forte augmentation observée en 2004 est liée au dysfonctionnement d’un incinérateur de déchets non dangereux qui a émis à lui seul 50 g ITEQ.

Le secteur des déchets contribuait également de façon importante en 1990. La très forte décroissance observée entre 1990 et 2018 fait suite aux progrès réalisés par les incinérateurs de déchets dangereux et non dangereux sans récupération d’énergie (mise en conformité progressive) mais également à la part croissante de l’incinération de déchets non dangereux avec récupération d’énergie.

Dans ces incinérateurs de déchets non dangereux, avec ou sans récupération d’énergie, des techniques de réduction ont ainsi été mises en œuvre pour respecter les valeurs limites définies dans les arrêtés du 25 janvier 1991 et du 20 septembre 2002 relatifs aux déchets non dangereux (ordures ménagères, boues de traitement des eaux, etc.). Elles ont permis, notamment, une réduction de plus de 99% des émissions de cet ensemble de sources, entre 1990 et 2018. Concernant les déchets dangereux, l’arrêté du 20 septembre 2002 qui leur est dédié a permis une réduction de 87% des émissions liées à l’incinération des déchets industriels dangereux entre 1990 et 2018.

Dans l’industrie manufacturière, la baisse observée est liée à la baisse d’activité du secteur de la métallurgie des métaux ferreux et de la mise en place de techniques d’abattement.

La baisse des émissions entre 2008 et 2009 s’explique par les progrès accomplis par les aciéries électriques et par la baisse considérable de l’activité sur les sites de production d’agglomérés liée à la crise. La hausse des émissions en 2010 et 2011 s’explique par la reprise de l’activité sur ces sites.

 

Évolution récente

La tendance à la baisse observée depuis 2010 est essentiellement due au secteur de l’industrie manufacturière et au secteur des transports.

Concernant l’industrie manufacturière, la métallurgie des métaux ferreux imprime sa tendance à l’ensemble du secteur car il s’agit du sous-secteur le plus contributeur. En 2012, le niveau d’émission est le plus bas observé depuis 1990, suite en partie à la fermeture fin 2011 du site sidérurgique de Florange. La baisse importante observée entre 2015 et 2016 est liée à une forte réduction des émissions dans plusieurs sites d’agglomération de minerais.

Les émissions des autres secteurs restent très stables sur les année récentes. Le secteur résidentiel/tertiaire est le secteur majoritaire depuis 2006 et ses émissions, principale source des émissions de PCDD-F depuis 2006, ne voit pas ses émissions réduire du fait de la part importante liée au brûlage de câbles.

 

Part des émissions liée aux combustibles

Les rejets de dioxines et furannes (PCDD-F) sont principalement issus de procédés non énergétiques et de la combustion de déchets municipaux et industriels. Ainsi, en 1990 leurs émissions cumulées représentées 97% des émissions du territoire national. A partir de 1997, cette situation de quasi-monopole évolue et la part cumulée des procédés non énergétiques et de la combustion des déchets décroit jusqu’à 69% en 2006. Depuis 2006 on observe une stabilisation de celle-ci, fluctuant entre 61% et 69%.

La part des émissions liées à l’utilisation du gazole et du GNR a largement évoluée sur la période 1990-2018. Entre 1990 et 2012, on enregistre une augmentation de 1% à 19% des rejets totaux de PCDD-F. On observe cependant une diminution régulière de celle-ci depuis 2013, ne représentant aujourd’hui que 13% des rejets nationaux.

 

Et ailleurs ?

Au sein de l’Union Européenne, la France était le pays le plus émetteur de dioxines et furannes en 1990 d’après les données de l’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) avec 19,2 % des rejets totaux. En 2017, la France est le 8ème émetteur de l’UE et totalise 3,4 % des rejets. C’est le pays ayant réduit le plus ses émissions entre 1990 et 2017. Seuls la Grèce, Malte et la Roumanie ont vu leurs émissions croître sur cette période. En 2017, la Grèce représentait plus de 40% des émissions totales de l’Europe des 28.

En parallèle, on note que les émissions par habitants en France en 2018 (1,5 µg-ITEQ/hab/an) sont très inférieures aux rejets par habitant de l’Union Européenne (28) pour la même année (5,9 µg-ITEQ/hab/an).

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