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Des avancées modestes vers la concrétisation de l’Accord de Paris

  • Réf. : 2016_12_a1
  • Publié le: 1 décembre 2016
  • Date de mise à jour: 28 juin 2019
  • International

La Conférence des Nations Unies sur le Climat s’est tenue à Marrakech (Maroc) du 7 au 19 novembre 2016.

Déroulement de la Conférence

Elle s’est articulée autour de plusieurs sessions de négociations qui se sont déroulées en parallèle :

  • 7-14 nov. : sessions techniques au sein du groupe de travail sur l’Accord de Paris ( APA ) [chargé de préparer son entrée en vigueur et la 1ère réunion de la CMA ( voir ci-après )] ,
  • 7–19 nov.  : sessions techniques au sein des deux enceintes permanentes : la 22 e Conférence des Parties ( COP-22 ) à la Convention Climat (CCNUCC) et la 12 e Réunion des Parties ( CMP-12 ) au Protocole de Kyoto,
  • 7-14 nov . : 45 èmes sessions techniques des deux organes subsidiaires de la CCNUCC : SBSTA [conseil scientifique et technologique] et SBI [mise en œuvre],
  • 15-18 nov. : 1 ère session de la Réunion des Parties à l’Accord de Paris ( CMA-1 ) ( voir ci-dessous ) ,
  • 15-16 nov . : segment de haut niveau rassemblant une soixantaine de Chefs d’Etat et de Gouvernement et une centaine de Ministres [Climat, Energie, Environnement, Affaires étrangères,…] des 197 Parties à la CCNUCC dans le cadre d’une session conjointe de la COP, de la CMP et de la CMA. Ils ont prononcé chacun une courte allocution.

La Présidence française de la COP a pris fin à l’ouverture de la COP-22. Le Maroc détient désormais la Présidence jusqu’à l’ouverture de la COP-23 [6 nov. 2017].

La Conférence de Marrakech est intervenue dans un contexte marqué, en amont, par une très forte dynamique politique et diplomatique internationale pour la ratification de l’Accord de Paris, ce qui a permis son entrée en vigueur anticipée, le 4 novembre 2016 et donc la tenue de la 1ère réunion de l’organe de prise de décision de l’Accord de Paris, la CMA [en vertu de l’article 16 de l’Accord de Paris] (lire notre article sur ce sujet).

Par ailleurs, comme tous les ans, avant et pendant la Conférence, plusieurs études et rapports scientifiques publiés par des organisations internationales faisant autorité [Programme des Nations Unies pour l’Environnement, Organisation Météorologique Mondiale, Agence Internationale de l’Energie,…] ont souligné que les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) consentis jusque-là par les pays ne sont pas suffisants au regard du niveau de réductions nécessaire pour ramener les émissions sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C.

Enfin, les résultats des élections présidentielles aux Etats-Unis, qui ont eu lieu le 8 novembre, soit le 2e jour de la Conférence, ont fait planer de fortes incertitudes quant à la future position du nouveau Président-élu, qui s’autoproclame climato-sceptique, et donc des inquiétudes sur les futures négociations dans le cadre de la CCNUCC.

Résultats obtenus en bref

« Seulement » neuf heures au-delà de l’heure de clôture officielle, la COP-22 s’est achevée dans la nuit du vendredi au samedi 19 novembre 2016, un record de faible dépassement comparé aux années précédentes [30h à la COP-21, 33h à la COP-20, 27h à la COP-19,…] .

Au total, 35 décisions ont été adoptées : 25 par la COP-22, huit par la CMP-12 et deux par la CMA-1 .

Après la COP de la décision [COP-21 à Paris] , Marrakech a été baptisée « la COP de l’action », en se focalisant sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Ainsi, les négociations sont passées du stade politique au stade technique pour entamer la concrétisation de l’Accord afin de le rendre opérationnel. L’enjeu principal de Marrakech était de définir un programme de travail assorti d’une échéance pour la finalisation des règles de mise en œuvre de l’Accord. Au sein du groupe de travail APA, les Parties ont poursuivi les travaux sur la définition des règles techniques encadrant les différents volets clés [atténuation, adaptation, transparence, bilan global,…] et se sont mises d’accord pour mettre au point l’ensemble de ces règles en vue de leur adoption formelle  » au plus tard  » en 2018 [à la COP-24. Voir décision ( section II.10 )] . Cela signifie que les Parties ont deux ans devant elles pour achever leurs négociations sur ces règles.

Dans la zone bleue du site de la COP-22, Bab Ighli, Marrakech.

Avancées par point clé

Atténuation

  • quatre pays ont soumis leur stratégie de développement 2050 à faibles émissions de GES [conformément à l’Accord de Paris ( article 4.19 ) et à la décision 1/CP.21 (paragraphe 35) : Allemagne (14 nov.), Etats-Unis (16 nov.), Mexique (16 nov.) et Canada (17 nov.)] ;
  • une coalition de 43 pays vulnérables , le Forum de la vulnérabilité climatique (CVF), a publié une déclaration et une vision découlant de sa réunion de haut niveau du 18 novembre. Le CVF s’efforce ainsi de jouer un rôle moteur dans l’action climat, en engageant la transition vers une économie verte, en visant à atteindre la neutralité carbone et à réaliser  » dès que possible  » 100% d’énergies renouvelables [non précisé s’il s’agit de production ou de consommation] , et en acceptant de renforcer leurs propres actions climat. Par ailleurs, à condition de recevoir un soutien « robuste et prévisible« , les pays du CVF s’engagent à élaborer et à soumettre des NDC mises à jour le plus rapidement possible en amont de 2020, en soulignant qu’un soutien supplémentaire pour la mise en œuvre est indispensable à tout renforcement d’actions [atténuation et adaptation] . Ils s’engagent enfin à élaborer des stratégies de développement bas-carbone 2050 avant 2020 ;
  • le 17 novembre, les deux « championnes mondiales de haut niveau pour le climat », Laurence Tubiana [ambassadrice chargée des négociations climat pour la France] et Hakima El Haite [Ministre déléguée auprès du Ministre chargé de l’Energie et de l’Environnement du Maroc] ont lancé une nouvelle initiative :  » la plateforme des trajectoires 2050  » . Le but est de soutenir les pays désireux d’élaborer des trajectoires de développement bas-carbone à long terme, y compris via le partage des ressources (financement, renforcement des capacités), des connaissances et des expériences. Cette initiative vise à rallier les villes, Etats, provinces, régions et entreprises impliqués dans leur propre planification à faibles émissions de GES, en vue d’appuyer les stratégies nationales. L’initiative est déjà soutenue par 22 pays [dont la France, le Japon, les Etats-Unis, le Brésil, le Mexique et le Nigeria] , 32 villes et régions, ainsi que par 196 entreprises à travers le monde ;
  • le Partenariat NDC , coalition de gouvernements des pays industrialisés, des pays en développement, d’institutions internationales et d’alliances de la société civile, a été lancé le 15 novembre. Co-présidé par l’Allemagne et le Maroc et mis en place par les Ministères allemands de l’Economie et de la Coopération avec la collaboration du centre de réflexion américain World Resources Institute , ce partenariat vise à renforcer la collaboration entre ses membres afin d’aider les pays en développement à respecter leurs engagements en facilitant leur accès aux outils, au financement et à d’autres ressources.

Dialogue de facilitation [point d’étape]

[ Décision 1/CP.21 , § 20 ] ce dialogue est lancé entre les Parties pour faire le point en 2018 sur les efforts collectifs consentis par les Parties pour atteindre l’objectif à long terme [ article 4 de l’Accord ] et pour éclairer l’élaboration des NDC.

  • les Présidences de la COP-22 [Maroc] et de la COP-23 [Iles Fidji] sont priées de mener des consultations informelles « inclusives et transparentes » sur l’organisation de ce dialogue [y compris lors des sessions des organes subsidiaires et de l’APA en mai 2017 et de la COP-23] en vue de rendre compte des progrès réalisés sur ce sujet à la COP-23.

Autres sujets

Prochaines étapes

Le projet de conclusions du groupe de travail APA, adopté en plénière de clôture le 14 novembre, propose notamment les prochaines étapes de son travail avant sa prochaine session [mai 2017] . Les Parties sont ainsi invitées à soumettre leurs points de vue sur les volets clés de l’Accord [atténuation ; transparence de l’action et du soutien ; bilan mondial ; comité d’experts chargé de faciliter la mise en œuvre de l’Accord et de promouvoir son respect] pour faciliter, d’ici 2018, les travaux de définition des règles de ces volets :

  • 15 fév. 2017 : volet transparence [voir résumé des débats] ,
  • 30 mars 2017  : volet comité d’experts [voir résumé] ,
  • 1er 2017 : volet atténuation [voir résumé] ,
  • 30 avr. 2017  : volet bilan mondial [voir résumé] ,
  • 6-17 nov. 2017 [COP-23] : session conjointe COP/CMA pour évaluer l’avancement de la mise en œuvre du pro-gramme de travail [voir mise à jour du 28/11/16] , découlant de la décision 1/CP.21, pour rendre l’Accord opérationnel.

Bilan et perspectives

La COP-22, une COP de transition, s’est déroulée dans une ambiance consensuelle, renforcée dès le 3 e jour en réaction aux résultats des élections présidentielles américaines. Le 17 novembre, dans un élan de solidarité et de volonté politique ferme face aux nouvelles incertitudes d’outre-Atlantique, les Chefs d’Etat et de Gouvernement et les chefs de délégation ont adopté par consensus la  » Proclamation d’action de Marrakech pour notre climat et le développement durable » . Ce texte d’une page, rédigé à l’initiative de la Présidence marocaine, affirme l’irrépressible dynamique mondiale de l’action climat à travers le monde et au sein de nombreuses enceintes multilatérales dont le moteur est non seulement les Gouvernements, mais aussi les entreprises, les investisseurs, la communauté de la recherche scientifique et les administrations infranationales (régions, villes,…).

Globalement, les discussions à Marrakech ont été davantage axées sur l’exploration des questions techniques que sur l’adoption de conclusions concrètes.

Les Chefs d’Etat et de Gouvernement et les Ministres réunis pour la photo de famille, Marrakech, 15/11/2016.

La COP-22 a surtout été caractérisée par un foisonnement d’annonces d’initiatives et d’engagements, moins par les Etats que par les acteurs non-étatiques dont le rôle dans l’action climat est reconnu par la CCNUCC depuis la COP-19 [Varsovie ( cf. décision 1/CP.19 )] et par l’Accord de Paris [ cf. préambule ] . Le défi est désormais de canaliser tous ces efforts et de faire en sorte qu’ils se traduisent par des réductions réelles d’émissions de GES, ce qui implique un travail de MRV [suivi, déclaration et vérification] précis et régulier pour évaluer les résultats obtenus sur le terrain. Le futur succès de cette démarche collective « bottom-up » reposera sur un haut niveau de motivation sincère de tous les acteurs et notamment de celle de la nouvelle administration américaine. Si la contribution des acteurs non-étatiques à l’effort mondial est indispensable, seuls les Etats peuvent s’engager au niveau national via des politiques et mesures pour mettre en œuvre les objectifs inscrits dans leurs (I)NDC, les faire appliquer et les respecter. Au cours des deux prochaines années, il faudra donc centrer l’action sur la révision des NDC, sur le renforcement de leur ambition, ainsi que sur la préparation du point d’étape en 2018. 

Le point sur la ratification de l’Accord de Paris

Onze pays ont ratifié l’Accord pendant la COP-22, dont les trois derniers pays du G7 : Japon [3,79%] , Royaume-Uni [1,55%] et Italie [1,18%] , ainsi qu’Australie [1,46%] . Le nombre total de Parties ayant ratifié [au 12 déc. 2016] est de 117 , représentant 79,99% ( voir p.32 ) des émissions mondiales de GES.

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