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Impact des mesures de confinement pour lutter contre le COVID-19 sur la qualité de l’air

  • Réf. : 2020_04_a05
  • Publié le: 16 avril 2020
  • Date de mise à jour: 16 avril 2020
  • France
  • UE

 

 

Contexte

De récentes études ont montré l’impact des mesures de confinement grâce à des observations notamment satellitaires. Néanmoins ces études se bornent souvent à comparer des situations sans et avec confinement, qui sont d’un point de vue météorologique différentes. Seule une simulation prenant en compte des hypothèses de réductions d’émissions permet de quantifier sans biais météorologique l’impact sur les concentrations en polluants et donc la qualité de l’air par rapport à une simulation de référence sans mesures de confinement. C’est l’objet du travail présenté dans cette note.

 

Méthode

Le Citepa et l’IPSL-CNRS-LMD ont réalisé une série de simulations de la qualité de l’air à l’échelle européenne, en prenant en compte l’arrivée successive des mesures de confinement dans la plupart des pays européens. Les simulations ont été réalisées à l’aide du modèle de chimie transport CHIMERE (Mailler et al, 2017 ; Menut et al., 2019 ; Bessagnet et al., 2020) développé par l’IPSL-CNRS-LMD et Ineris ; le Citepa y apportant depuis avril 2020 également sa contribution.

Le modèle CHIMERE couplé au modèle de météorologie WRF a été utilisé à une résolution de 20 km sur l’Europe du 20 février au 31 mars 2020. Les résultats sont présentés pour le mois de mars 2020 ; ils permettent de représenter l’impact des réductions d’émissions dues aux mesures de confinement et leurs mises en place successives dans la plupart des pays européens. Pour les secteurs d’activité majeurs (>5% des émissions des principaux polluants au plan national) affectant la qualité de l’air, les réductions approchaient les -60 à -80% sur le trafic routier, -30% dans l’industrie mais des augmentations jusqu’à 20% (hypothèse de l’Ineris[1]) ont été estimées en première approche dans le secteur résidentiel dues au confinement des personnes. Ces réductions s’appliquent sur l’ensemble des polluants, elles sont différenciées par pays avec des dates de début de confinement également différentes, elles s’appuient sur les données issues d’une analyse des déplacements générée par Google. Les données domicile/travail ont permis de caler un facteur de réduction sur le trafic routier. Nous avons défini un terme de réduction proportionnel pour l’industrie (facteur 3/7 du coefficient de réduction appliqué au trafic routier) et une augmentation pour le secteur résidentiel (facteur 2/7 du coefficient de réduction appliqué au trafic routier). Ainsi, pour la France une réduction de -70% est appliquée pour le secteur routier en France, -30% dans l’industrie (hors production d’énergie) et +20% sur le secteur résidentiel.

Deux simulations ont été réalisées : (i) une simulation (REF) sans impact des mesures de confinement et (ii) une simulation (CVD) prenant en compte les hypothèses précédentes de réduction d’émissions du au confinement.

 

Résultats

Les séries temporelles (voir Figure 1) représentent les pourcentages moyens journaliers de réduction des concentrations en polluants (NO2, ozone troposphérique et PM2.5) pour différents pays européens définis par le ratio de concentrations. Les concentrations sont représentées par zones urbaine et rurale. Pour le NO2, polluant local, l’Allemagne et les Pays-Bas arrivent à des réductions de concentrations de -10 à -20% alors que les autres pays présentent des baisses de concentrations de l’ordre de -30 à -35% en moyenne. Ceci est en accord avec des mesures de confinement moins strictes ou différentes dans les pays du Nord. Dans tous les cas, on constate de façon évidente les impacts en lien avec les dates de début de confinement différentes par pays, l’Italie ayant adoptée des mesures dès le 1er mars, la France dès le 14 mars, etc… Ces pourcentages de réduction de concentrations permettent aussi d’évaluer le poids du secteur du transport (routier) dans le total des concentrations.

Pour l’ozone, polluant plus régional que local, l’impact du confinement sur les concentrations est beaucoup plus faible avec une très légère baisse observée en zone rurale alors que les concentrations augmentent sensiblement en zone urbaine par effet de titration chimique annihilée par les fortes réductions d’émissions d’oxydes d’azote. L’ozone est en effet un polluant atmosphérique dit secondaire qui s’inscrit dans un cycle chimique de formation et destruction impliquant les oxydes d’azote et les composés organiques volatils.

Pour les PM2,5, les réductions de concentrations sont modestes, entre –5 et -10%. Les émissions de particules primaires du chauffage résidentiel, encore très utilisé dans la seconde quinzaine du mois de mars, ont pu contrebalancer les réductions de formation de particules secondaires issues habituellement de la reprise de l’activité agricole en fin d’hiver. Les émissions du secteur agricole n’ont pas été réduites dans ces simulations. L’ammoniac émis par le secteur agricole et les oxydes d’azote émis par les sources restantes (agriculture, industrie, trafic maritime, etc…) contribuent à la formation de particules fines secondaires.

Figure 1 : Evolution des concentrations moyennes journalières (en % de réduction) pour le dioxyde d’azote (NO2), les particules fines PM2,5 et l’ozone (O3) sur différents pays suite aux mesures de confinements. Il s’agit de différences moyennes journalières pour les zones urbaine et rurale.

 

Le 28 mars 2020, un bref épisode de pollution a eu lieu sur le Centre et Nord de la France occasionnant des concentrations en PM2,5 et PM10 élevées (cf. : www.prevair.org). Si comme le montre les cartes en Figure 2, les concentrations en dioxyde d’azote étaient largement impactées par les mesures de confinement avec des baisses moyennes de 5 à 10 µg.m-3 en zones urbaines, l’ozone, polluant secondaire formé dans l’atmosphère (non émis directement) montre parfois des hausses résultant de processus chimiques non linéaires. Cependant, des baisses de concentrations d’ozone sont parfois simulées en zones rurales. Pour les particules fines, des baisses modestes sont observées principalement dues à une moindre production de nitrate d’ammonium. En première analyse, ce bref épisode a été également marqué par l’apparition de plus grosses particules minérales terrigènes dont l’origine est encore à préciser.

 

Figure 2 : Différences moyennes journalières de concentrations (en µg m-3) en polluants (dioxyde d’azote, PM2,5, ozone et nitrates) entre la simulation avec les mesures de confinement (CVD) et la situation sans mesures confinement (REF) pour le 28 mars 2020.

 

Résultats

Ce premier travail de modélisation permet de donner un cadre de travail rigoureux pour étudier les effets des mesures du confinement sur la qualité de l’air en évitant le biais météorologique (comparaison ici sur des périodes identiques) et les biais intrinsèques au modèle. Nos résultats donnés à une résolution de 20km confirment les résultats présentés par l’Ineris[2] qui montraient des baisses possibles de concentrations en NO2 pouvant aller de -30% à -50% en France dans les grandes villes. Les baisses de concentrations pour les particules fines sont moins fortes de l’ordre de -5 à -15%, l’ozone en zone urbaine pouvant même augmenter sensiblement en moyenne journalière. Des analyses complémentaires devront être réalisées pour mieux comprendre le poids des secteurs dans ces différences modélisées.

 

En savoir plus

Bessagnet B. et al. High Resolution Chemistry Transport Modeling with the on-line CHIMERE-WRF Model over the French Alps – Analysis of a Feedback of Surface Particulate Matter Concentrations on Mountainous Meteorology, Atmospheres, submitted.

Menut, L. et al. The role of aerosol-cloud interactions in linking anthropogenic pollution over southern West Africa and dust emission over the Sahara, Atmos. Chem. Phys., 19, 14657-14676

Mailler S. et al. CHIMERE-2017: from urban to hemispheric chemistry-transport modeling, Geosci. Model Dev., 10, 2397-2423, https://doi.org/10.5194/gmd-10-2397-2017, 2017

 

Contacts

CITEPA : bertrand.bessagnet@citepa.org

IPSL-CNRS-LMD : laurent.menut@lmd.polytechnique.fr

 

Partenaires

Cette étude a bénéficié des heures de calcul attribuées projet GENCI 10274 au TGCC.

 

 

[1] https://www.ineris.fr/fr/ineris/actualites/confinement-environnement-nouvel-outil-visualiser-quotidiennement-effets

[2] https://www.ineris.fr/fr/ineris/actualites/confinement-qualite-air-pollution-dioxyde-azote-baisse-plus-grandes-villes

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