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Protoxyde d'azote (format Secten)

Evolution des émissions de N2O de 1990 à 2018 pour la France métropolitaine et l’Outre-mer inclus dans l’UE (en kt)

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Enjeux

Effets environnementaux et mécanismes de formation

Le protoxyde d’azote (N2O) est un puissant gaz à effet de serre qui subsiste longtemps dans l’atmosphère (121 ans selon le 5ème rapport du Giec). Son PRG sur 100 ans a été révisé à la baisse dans le 5e rapport du Giec : il est estimé à 265 (contre 298 dans le 4ème rapport). Selon l’édition 2019 du Bulletin annuel sur les GES publié par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), le N2O est le troisième contributeur au forçage radiatif total des GES, à hauteur de 6% en 2018, après le CO2 (66%) et le CH4 (17%).

Dans un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) publié en 2013, intitulé « N2O: Its Role in Climate Change and Ozone Layer Depletion», il est indiqué que le N2O, non réglementé dans le Protocole de Montréal, est désormais le principal contributeur à l’appauvrissement de la couche d’ozone, principalement du fait de la réduction des émissions des autres substances, étant elles soumises à réglementation. Le PNUE souligne qu’à l’époque de l’adoption du protocole de Montréal, le N2O était déjà en quatrième position parmi les substances contribuant à l’amincissement de la couche d’ozone.

Une des sources majeures des émissions de N2O est liée aux phénomènes microbiens dans les sols cultivés en lien avec l’utilisation d’engrais azotés minéraux et la gestion des déjections animales.  

Les deux principaux processus microbiens à l’origine de la production et de la consommation de N2O sont la nitrification et la dénitrification :

– la nitrification est l’oxydation biologique de l’ammonium (NH4+) en nitrite (NO2−) puis en nitrate (NO3−). Cette réaction est favorisée en milieu aérobie et son rendement en N2O est faible ;

– la dénitrification est un processus respiratoire au cours duquel les formes solubles de l’azote (nitrate NO3−, nitrite NO2−) sont réduites en composés gazeux (oxyde nitrique NO, protoxyde d’azote N2O et azote gazeux N2). La dénitrification se produit surtout en milieu anaérobie. Son rendement en N2O est élevé car ce gaz est un produit intermédiaire de la transformation. Si le processus de dénitrification est incomplet, du N2O peut être libéré dans l’atmosphère.

D’autres sources sont également identifiées, telles que certains procédés industriels (fabrication de glyoxal, d’acides adipique, glyoxylique et nitrique) ou encore certains équipements de combustion (stationnaires et mobiles). Au niveau du transport, l’introduction progressive des pots catalytiques sur les voitures peut aussi conduire à la formation de N2O.

 

Enjeux actuels

Dans le rapport spécial 1,5°C du Giec (2018), il est souligné que pour limiter le réchauffement à +1,5°C, il faut réduire les émissions de N2O agricoles de 6% d’ici 2050 (par rapport à 2010). Le Giec indique par ailleurs que la forte demande en bioénergie peut augmenter les émissions de N2O dans certaines trajectoires axées sur l’objectif de 1,5 °C. Il est donc essentiel d’adopter des méthodes de gestion appropriées.

Les enjeux liés aux émissions de N2O doivent être pensés dans le contexte plus large du cycle de l’azote. L’azote est un nutriment majeur, tant au niveau de la production d’aliments, de fibres ou encore de biocombustibles. Il se présente sous des formes variées, certaines non réactives (N2), et d’autres, comme le N2O, réactives, souvent perdues sous forme de pollution de l’air ou de l’eau. Depuis plusieurs années, différentes initiatives voient le jour pour favoriser une gestion intégrée de l’azote, en optimisant son efficacité d’utilisation, jugée faible à l’heure actuelle si l’on considère la chaîne complète de la fertilisation à la consommation humaine et aux déchets.

En particulier, dans le cadre de la Convention CEE-NU sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, un groupe dédié à l’azote (Task Force on Reactive Nitrogen – TFRN) a été mandaté pour produire un document d’orientation sur la gestion intégrée durable de l’azote. Par ailleurs, un système international de gestion de l’azote (INMS) a été créé, réunissant la communauté scientifique, le secteur privé et la société civile. L’objectif de ce projet est de rassembler et synthétiser des données probantes pouvant soutenir l’élaboration de politiques internationales pour améliorer la gestion mondiale de l’azote. Ce groupe a d’ailleurs participé, en collaboration entre autres avec le PNUE, au lancement fin 2019 d’une campagne mondiale sur la gestion durable de l’azote. Lors de cet évènement, le chanteur et auteur-compositeur Ricky Kej et son groupe ont interprété The Nitrogen Song, une nouvelle manière de sensibiliser le grand public aux enjeux liés à l’azote. 

Ce principe de gestion intégrée des nutriments est également inclus dans le pacte vert pour l’Europe (European Green Deal), au sein de la stratégie nommée « Farm to Fork ». On peut y lire que la Commission agira pour réduire les pertes d’éléments nutritifs (dont l’azote) d’au moins 50%, tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de détérioration de la fertilité des sols. L’utilisation de fertilisants devra également être réduite d’au moins 20% d’ici 2030. Pour cela, il sera nécessaire d’élaborer avec les États membres des plans d’action, visant entre autres à promouvoir les techniques de fertilisation de précision et des pratiques agricoles plus durables, en particulier dans les zones sensibles d’élevage.

 

Objectifs de réduction nationaux

La stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France se traduit par une série de budgets carbone, dont l’ambition initiale pour le N2O a été renforcée en 2018. En effet, si l’on considère le budget initial 2015-2018 pour le N2O (périmètre Kyoto (Métropole + Outre-Mer inclus dans l’UE) hors UTCATF), celui-ci était de 57 Mt CO2e/an. Or, la moyenne des émissions de N2O entre 2015 et 2018 s’est établie autour de 41 Mt CO2e/an.

La nouvelle ambition affichée pour la période 2019-2023 sur le N2O est de 40 Mt CO2e/an (total hors UTCATF), soit une baisse de 0,5% par rapport à l’année 2018. Bien que les émissions de N2O semblent se stabiliser depuis 2010, si l’on s’intéresse à la tendance calculée entre 2014 et 2018, on constate que les émissions de N2O, au même périmètre, ont diminué de 3,4%. Ainsi, le respect de cette nouvelle ambition 2019-2023 semble atteignable, d’autant plus si les bonnes pratiques proposées dans la SNBC se développent. Ces dernières visent en priorité le secteur agricole. Il s’agit :

  • D’optimiser le cycle de l’azote pour réduire au maximum les excédents azotés, en développant l’implantation de légumineuses, en valorisant au mieux l’azote présent dans les déjections animales, en adaptant les apports aux besoins des cultures, en sélectionnant des variétés adaptées à un bas niveau d’intrants ou encore en améliorant les conditions du sol pour diminuer les émissions de N2O (pH, par exemple) ;
  • De réduire les excédents d’apports protéiques dans les rations animales ;
  • D’améliorer l’autonomie en protéines végétales.

Le budget final prévu pour le N2O pour la période 2029-2033 est de 35 Mt CO2e/an (total hors UTCATF), soit une baisse d’environ 13% par rapport à 2018.

A noter

Sont exclus du total national l’ensemble du trafic international fluvial, maritime et aérien ainsi que les feux de forêt.

 

Tendance générale

Le principal secteur contributeur aux émissions de N2O est l’agriculture. Ces émissions proviennent surtout des sols agricoles suite aux apports azotés de fertilisants minéraux et organiques.

Néanmoins, la tendance des émissions est avant tout marquée par la chute drastique des émissions industrielles de N2O entre 1997 et 2011. En effet, certaines industries très émettrices de N2O dans les années 90 (fabrication d’acide adipique, d’acide nitrique et d’acide glyoxylique) ont modifié leurs procédés et mis en place des systèmes de traitement très efficaces. En 2018, l’industrie ne représente plus qu’une part très modeste des émissions de N2O (1,6 MtCO2e soit 3,9%), l’essentiel des émissions provenant désormais de l’agriculture (35,6 MtCO2e soit 89%).

Ces émissions agricoles présentent une tendance à la baisse sur toute la période 1990-2018 (-3,5 MtCO2e soit -9%). Entre 2011 et 2014, elles ont légèrement augmenté avant de repartir à la baisse et d’atteindre, en 2018, le niveau le plus bas rencontré sur la période. Cette dynamique globale de baisse observée en agriculture est à mettre au crédit d’une fertilisation minérale également à la baisse en lien avec la prise de conscience des enjeux environnementaux associés à l’azote (en particulier pour lutter contre la pollution de l’eau par les nitrates d’origine agricole, en lien avec la mise en place de la Directive Nitrates). Cette baisse correspond à une meilleure utilisation de l’azote, les rendements agricoles n’ayant pas été affectés par cette réduction de la fertilisation.

Depuis 2011, la fertilisation azotée minérale est stable voire augmente légèrement ce qui s’explique par différents éléments : la remise en cultures des terres laissées en jachère obligatoire avant 2008, l’atteinte de niveaux de fertilisation minérale proches des préconisations et sans doute, sur les dernières années, une attention redoublée sur la teneur en protéines des céréales. En effet, la teneur en protéines des céréales est (en partie) liée à la quantité d’azote disponible et la filière aval d’utilisation des céréales impose désormais des critères exigeants. Les agriculteurs préfèrent donc assurer la fertilisation azotée sur les céréales. Malheureusement, il est difficile de prévoir une fertilisation azotée fortement à la baisse dans les années futures.

Pour limiter les émissions de N2O liées à cette fertilisation, peu de solutions techniques sont actuellement disponibles. Les émissions de N2O des sols sont très dépendantes des conditions pédoclimatiques (les plus fortes émissions ayant lieu, après les épandages d’azote, après des épisodes pluvieux) et la variabilité interannuelle des émissions est par conséquent très forte (même si non reflétée dans les inventaires actuels). Il existe des techniques qui ne requièrent pas de baisser la fertilisation, mais elles sont encore du domaine de la recherche (modification du pH du sol, ensemencement bactérien, etc.) du fait de l’incertitude associée à l’estimation de ces émissions. La principale piste étudiée en France actuellement concerne l’effet du chaulage qui tend à faire baisser ces émissions de N2O.

Dans le même temps, sur l’ensemble de la période, les évolutions observées en élevage (baisse du cheptel bovin notamment) impactent les émissions de N2O. Il est difficile d’en faire un bilan complet car cet impact est réparti sur plusieurs sources dans l’inventaire : cela inclut les émissions liées aux fertilisants organiques, à la pâture, aux bâtiments d’élevage et au stockage des déjections. L’ensemble de ces émissions de N2O étant plutôt à la baisse sur la période 1990-2018.

D’autres secteurs influent à la marge les émissions de N2O :

  • le traitement des déchets, du fait du rejet des eaux usées domestiques et industrielles traitées ;
  • le transport routier, dont les émissions sont en augmentation suite à l’introduction progressive des pots catalytiques. La baisse observée en 2009 s’explique par la diminution du taux de soufre dans tous les carburants (passage de 50 ppm à 10 ppm, impact principalement visible pour les véhicules particuliers essence) qui influence les émissions de N2 Depuis 2010, la reprise du trafic explique l’augmentation des émissions.

 

Évolution récente

Lors des dernières années, et depuis 2010, on peut considérer que les émissions de N2O sont stables pour tous les secteurs sans réelle perspective d’amélioration de la situation. C’est clairement le secteur agricole qui apparait le plus concerné par cet enjeu : il importe donc de trouver des solutions pour baisser ces émissions mais force est de constater que les moyens de réduction sont loin d’être évidents à mettre en place. Ces progrès pourront aller de pair avec la compréhension des mécanismes d’émissions qui pourront mettre en avant des différences marquées entre les pratiques et les situations, ce qui n’est actuellement pas suffisamment le cas pour promouvoir des actions efficaces.

 

Part des émissions liée aux combustibles

En France, les émissions de N2O ne sont que très peu liées aux combustibles. Sur les dernières années, il s’agit surtout d’émissions liées à l’usage de gazole (véhicules diesel).

 

 

Et ailleurs ?

D’après le 5e rapport d’évaluation du Giec, les émissions anthropiques mondiales de N2O sont passées de 2,1 GtCO2e en 1970 ; 2,8 GtCO2e en 1990 à 3,0 GtCO2e en 2010. Elles représentent une part de moins en moins importante des émissions totales (passant de 7,9% en 1970 à 6,2% en 2010), et ce en raison de la hausse de la part due au CO2 fossile.

D’après l’interface de visualisation des données d’émissions de GES de la CCNUCC, la France en 2017 est au 1er rang des pays émetteurs de N2O au sein de l’UE 27, en y ajoutant également le Royaume Uni et l’Islande. A noter : ces émissions correspondent aux inventaires édition 2019. Ces estimations ont été mises à jour en 2020, mais les données ne sont pas encore disponibles sur l’interface.

Une étude réalisée par l’économiste Geoffrey Lorre à partir des données de la FAO (lien) sur la place de l’agriculture française et européenne dans le monde indique qu’en 2012, la France a produit près de 17% de la valeur agricole européenne contre seulement 14,4% pour l’Allemagne, 11,9% pour l’Italie et 11,7% l’Espagne. Quatre autres pays produisent une part non négligeable de la valeur agricole : la Pologne 7,8%, le Royaume-Uni 6,8%, les Pays-Bas 5,8% et la Roumanie 3,3%. Sur le graphique précédent, ce sont bien ces pays agricoles qui ressortent en tête de liste pour les émissions de N2O.

 

En savoir plus

Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – Giec (2018). Réchauffement planétaire de 1,5°C – Résumé à l’intention des décideurs. Lien.

Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) (2013). N2O: Its Role in Climate Change and Ozone Layer Depletion. Lien.

Nitrogen song, Ricky Kej – INMS. Lien.

Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire (2018). Stratégie Nationale Bas-Carbone. Lien.

Commission Européenne. European Green Deal – Farm to Fork Strategy. Lien.

CCNUCC. Interface de visualisation des émissions de GES. Lien. https://di.unfccc.int/time_series.

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