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Dossier spécial Doha : contexte, résultats à la loupe, perspectives, insuffisances et faiblesses, enjeux stratégiques

  • Réf. : 2013_01_a1
  • Publié le: 1 janvier 2013
  • Date de mise à jour: 21 juin 2019
  • International

Contexte

Les rapports scientifiques récents sont formels

Si la Conférence des Nations Unies sur le Climat de Doha intervient sur fond de crise économique et budgétaire, les toutes dernières connaissances scientifiques soulignent l’urgence d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) afin de faire face au défi climatique. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), l’Organisation Météoro-logique Mondiale (OMM), l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la Banque Mondiale et le Projet Mondial Carbone (Global Carbon Project) font état de niveaux record d’émissions ou de concentrations  atmosphériques de GES en 2010 et 2011. Ces rapports appellent à une plus forte ambition dans l’effort collectif à consentir pour réduire les émissions de GES, notamment pour qu’elles suivent une trajectoire compatible avec l’objectif fixé à Copenhague (2009) et confirmé à Cancún (2010) visant à limiter la hausse des températures moyennes mondiales à 2°C par rapport aux niveaux préindustriels [d’ici 2100]. Enfin, le Groupe d’experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a souligné dans son 4e rapport d’évaluation (2007) que le « pic » des émissions de GES doit intervenir d’ici 2020 au plus tard. Or, malgré ces signaux alarmants, l’écart entre l’ambition et la science continue de se creuser, comme l’a montré le rapport du PNUE publié le 21 novembre 2012. Aujourd’hui, l’heure est au réalisme : l’action climat n’est plus la priorité dans l’agenda politique international et national.

2012 : année charnière

L’année écoulée marque en effet :

  • le 20e anniversaire de l’adoption de la Convention Climat (CCNUCC),
  • le 15e anniversaire de l’adoption du Protocole de Kyoto (PK),
  • la fin de la 1ère période d’engagement au titre du PK,
  • la fin du financement à mise en œuvre rapide pour les pays en développement (PED) (fast start).

Doha s’inscrit comme une conférence d’étape, de transition et de consolidation dans le processus multilatéral onusien de lutte contre le changement climatique. L’objectif principal était de faire avancer le paquet de Durban et de lancer une nouvelle phase de négociations sur le contenu même du futur accord multilatéral à conclure d’ici 2015 et devant s’appliquer à partir de 2020.

Organisation

La conférence de Doha s’est déroulée en trois temps :

  • des sessions techniques rassemblant les négociateurs officiels au sein des trois « pistes » de négociation parallèles sur le post-2012 : 
  1. la 2e partie de la 1ère session du Groupe de travail sur la plate-forme de Durban pour une action renforcée
    (ADP) dans le cadre de la Convention Climat (CCNUCC) qui regroupe ses 195 Parties (dont les Etats-Unis et les pays en développement [PED]). Ce nouveau groupe a été créé par la décision 1/CP.17
    (1),
  2. la 2e partie de la 15e session du Groupe de travail sur l’action coopérative à long terme (AWG-LCA) dans le cadre de la CCNUCC,
  3. la 2e partie de la 17e session du Groupe de travail sur les nouveaux engagements post-2012 (AWG-KP) des pays industrialisés dans le cadre du PK qui regroupe ses 193 Parties (hors Etats-Unis);
  • des sessions techniques rassemblant les négociateurs officiels au sein des enceintes permanentes des deux instruments juridiques :
  • la 18e Conférence des Parties (COP-18) à la CCNUCC, et
  • la 8e Réunion des Parties (CMP-8) au PK;
  • un segment purement ministériel du 4 au 8 décembre 2012 (rassemblant les Ministres du Climat, de l’Environnement et/ou de l’Energie) pour la prise de décision politique.

Résultats à la loupe

39 décisions ont été adoptées, qui constituent la « passerelle de Doha » (Doha Climate Gateway) :

  • 26 par la COP-18 dont des décisions sur :
  • le résultat consensuel conformément au Plan d’actions de Bali [travaux du Groupe AWG-LCA],
  • l’avancement de la plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP),
  • le programme de travail sur le financement à long terme [des actions de lutte contre le changement climatique],
  • le rapport du Fonds vert pour le climat (Global Climate Fundou GCF),
  • le rapport du Comité permanent sur le financement,
  • le format commun des tableaux conformément aux lignes directrices pour la notification électronique d’informations dans le cadre des rapports biennaux à établir par les Parties à l’annexe I [lignes directrices définies par la décision 2/CP.17],
  • 13 par la CMP-8 dont des décisions sur :
  • l’amendement à apporter au PK conformément à l’article 3, paragraphe 9 [résultats des travaux du Groupe AWG-KP], avec adoption formelle de la 2e période d’engagement (PE),
  • les questions méthodologiques liées au PK :
  • rapport – à soumettre par les Parties qui participent à la 2e PE, et qui, à ce titre, se sont fixé un objectif de réduction des émissions de GES sur la période 2013-2020 – pour faciliter le calcul de la quantité attribuée pour la 2e PE et montrer la capacité de ces Parties à rendre compte de leurs émissions et de leurs quantités attribuées ;
  • information sur l’utilisation des terres, leur changement et la forêt (UTCF)
    au titre de l’article 3.3 et 3.4 du PK à inclure par les Parties à l’annexe I dans leurs inventaires d’émission nationaux.
  • les orientations relatives au mécanisme de développement propre (MDP),
  • les orientations relatives à la mise en œuvre conjointe (MOC).

Par ailleurs, l’ADP a adopté un document présentant les conclusions du groupe qui figure parmi les documents de la passerelle de Doha. (http://unfccc.int/files/documentation/submissions_from_parties/adp/application/pdf/adp_adv_uneditedconclusions_07122012.pdf)

Le paquet de décisions a été adopté dans la soirée du 8 décembre 2012 après une prolongation de plus de 24 heures des négociations.

Autres résultats clés

  • réexamen de l’objectif de 2°C : lancement d’un processus visant à réexaminer, d’une part, l’adéquation entre l’objectif global de 2°C et l’objectif ultime de la CCNUCC et, d’autre part, les progrès accomplis vers la réalisation de l’objectif de 2°C, en prenant notamment en compte la mise en œuvre des engagements de réduction souscrits au titre de la CCNUCC. Ce processus démarrera en 2013 et devrait s’achever d’ici 2015 ;
  • nouveau mécanisme de marché (dont la création a été décidée à Durban en décembre 2011) : lancement d’un programme de travail visant à élaborer les modalités et procédures du nouveau mécanisme, en vue de recommander une décision pour adoption à la COP 19 [fin 2013].

Adoption du texte d’une décision par le Président de la COP/CMP Abdullah bin Al-Attiyah, le 8 décembre 2012. ©IISD


Perspectives

Kyoto 2 : 2e PE formellement adoptée : cela constitue sans conteste l’élément clé de la passerelle de Doha. L’amendement ratifiable garantit la continuité avec la 1ère PE. Les points majeurs de la décision sont les suivants :

  • durée de la 2e PE : huit ans (2013-2020);
  • participation de 38 Parties(2) (les Vingt-sept de l’UE, l’UE en tant qu’organisation régionale, ainsi que 10 autres pays industrialisés dont quatre n’ayant pas participé à la 1ère PE : Bélarus, Chypre, Malte et Kazakhstan);
  • fixation d’un nouvel objectif global de réduction pour l’ensemble des 38 Parties : au moins -18% sur 2013-2020 (base 1990),
  • maintien des règles de comptabilisation fixées pour la 1ère PE,
  • confirmation de l’ajout du gaz fluoré NF3 dans le panier des six GES visés jusque-là. Les Parties peuvent choisir 1995 ou 2000 comme année de référence;
  • obligation, pour les Parties participant à la 2e PE, de réexaminer, au plus tard d’ici 2014, leurs engagements de réduction [mais la révision à la hausse est facultative];
  • confirmation de la poursuite des mécanismes de projet (mécanisme de développement propre [MDP], mise en œuvre conjoint [MOC]) en 2013 ; mais seules les Parties ayant souscrit à des engagements de réduction pour la 2e PE pourront transférer et acquérir des crédits MDP (URCE) et les utiliser pour remplir une partie de leur engagement de réduction pour la 2e PE [en d’autres termes, le Canada, le Japon, la Russie et la Nouvelle-Zélande ne pourront plus y avoir recours];
  • autorisation du report du surplus des unités de quantités attribuées (UQA) de la 1ère à la 2e PE sous certaines conditions ;
  • déclarations politiques de plusieurs Parties (Australie, Liechtenstein, Monaco, Norvège et Suisse) qui s’engagent à ne pas acquérir à d’autres Parties ni utiliser, au cours de la 2e PE, d’UQA excédentaires reportées de la 1ère PE pour respecter leurs engagements de réduction. Quant à l’UE, elle a déclaré que sa législation interne (paquet climat-énergie) ne permet pas l’utilisation des UQA excédentaires. Enfin, le Japon, qui ne participe pas à la 2e PE, s’engage lui aussi à ne pas acquérir d’UQA reportées de la 1ère. Ces sept déclarations sont établies à l’annexe II de la décision. Concrètement, cela signifie que ce surplus d’UQA [appelé également « air chaud »] est bloqué jusqu’à fin 2020 ;
  • application provisoire de l’amendement du PK
    au 1er janvier 2013, en attendant son entrée en vigueur officielle, une fois les processus nationaux de ratification terminés.

Des négociations futures simplifiées : la structure des négociations onusiennes sur le climat a été rationalisée et simplifiée suite à la clôture formelle, à Doha, des deux « pistes » parallèles de négociation sur le post-2012 : le groupe de travail sur les nouveaux engagements post-2012 des pays industrialisés dans le cadre du PK (AWG-KP), créé à la CMP-1 à Montréal en 2005(5), et le groupe de travail sur l’action coopérative à long terme dans le cadre de la CCNUCC (AWG-LCA), créé par le Plan d’actions de Bali adopté à la COP-13 en 2007(6). La plateforme de Durban sera donc désormais la seule piste de négociation onusienne pour élaborer le texte de l’accord de 2015.

Calendrier de travail concret vers 2015 : Un calendrier balisé pour 2013-2015 a été acté dans le cadre du Groupe de travail sur la Plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP), ses deux axes de travail étant :

  • l’élaboration d’un nouvel accord universel sur le climat à conclure d’ici 2015 pour une entrée en vigueur dès 2020 ;
  • le renforcement du niveau d’ambition sur la période pré-2020 :
  • tenue de plusieurs ateliers et réunions en 2013 afin de préparer le nouvel accord et d’étudier les possibilités d’accroître le niveau d’ambition;
  • remise par toutes les Parties, avant le 1er mars 2013, d’informations, de points de vue et de propositions concernant les actions, initiatives et options pour accroître le niveau d’ambition;
  • élaboration par l’ADP, au plus tard d’ici la COP-20 [fin 2014], d’éléments d’un projet de texte de négociation pour qu’un texte intégral soit disponible avant mai 2015 pour servir de base aux négociations finales à la COP-21 [fin 2015] en vue de son adoption à cette échéance. [A noter que d’ici fin 2014, le 5e rapport du GIEC aura été publié dans son intégralité. Ce rapport de référence devrait souligner l’urgence à agir];
  • tenue d’un sommet de dirigeants mondiaux en 2014 pour mobiliser la volonté politique et donner un nouvel élan à ces travaux en vue de respecter l’échéance clé de 2015 [initiative de Ban Ki-moon, Secrétaire-Général des Nations Unies].

Par ailleurs, l’ADP a adopté, le 7 décembre 2012, un document présentant les conclusions de ses travaux menés en 2012. S’il ne constitue pas une décision formelle de la COP-18, il est néanmoins un des éléments clés de la passerelle de Doha. Ainsi, l’ADP a notamment convenu d’entamer ses discussions de fond dès 2013, en passant à un mode de travail plus ciblé.

Technologies et financement : mise au point de l’infrastructure : La COP a approuvé des éléments clés pour la mise au point de l’infrastructure chargée du transfert des technologies des pays industrialisés vers les PED et du soutien financier fourni par les pays industrialisés pour la mise en œuvre d’actions de réduction et d’adaptation par les PED :

  • choix de la Corée du Sud (ville de Sondgo) comme siège du Fonds vert pour le climat (GCF). Le GCF devrait être lancé au 2e semestre 2013, et ses activités pourraient démarrer en 2014. [La Corée du Sud, volontaire sur ces politiques climat et source de financements internationaux, est considérée comme un pays stratégique pour rapprocher les pays industrialisés et les PED];
  • définition du programme de travail du Comité permanent sur le financement, créé par la décision 1/CP.16 adoptée à Cancún en 2010(3);
  • choix d’un consortium mené par le PNUE comme hôte du Centre de technologies du climat (CTC).

Prochaines sessions : Sur proposition de la Pologne, la prochaine Conférence des Nations Unies sur le Climat (COP-19 et CMP-9) se tiendra à Varsovie du 11 au 22 novembre 2013 [la Pologne avait déjà accueilli la COP-14/CMP-4 à Poznań en décembre 2008(4). Etant donné l’opposition ferme de la Pologne vis-à-vis des objectifs climat de l’UE à moyen et à long terme, cette présidence n’augure pas de réelles avancées avant 2015]. La Conférence suivante aura lieu dans un pays d’Amérique latine. Enfin, la COP a pris note de la candidature de la France [formulée à Doha par Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères] pour accueillir la COP-21 et la CMP-11 qui se tiendront du 2 au 13 décembre 2015. La COP-21 est déjà qualifiée par certains comme « la Conférence de tous les dangers » car les enjeux sont très importants. C’est la Conférence qui doit déboucher sur la conclusion de l’accord post-2020. Si la candidature de la France est retenue, elle aura la lourde responsabilité de faire aboutir l’accord post-2020, alors que l’échec de Copenhague en 2009 est encore présent dans les esprits… La France devra donc faire preuve d’une diplomatie climat efficace, crédible et exemplaire à cette occasion.

Insuffisances et faiblesses de la passerelle de Doha

Bien que la passerelle de Doha ait permis quelques avancées, les réponses apportées à plusieurs questions restent largement insuffisantes.

Niveau d’ambition

Doha n’aura permis aucune avancée concrète sur le renforcement du niveau d’ambition pour réduire les émissions de GES. Les
engagements des 85 pays déjà souscrits au titre de la CCNUCC dans le cadre de l’accord de Copenhague
s’appliqueront pour la période 2013-2020. Ces engagements représentent une participation large de tous les pays émetteurs du monde, couvrant plus de 80% des émissions mondiales de GES(5).

Cependant, ces engagements ont été pris sur une base volontaire. Les objectifs, peu précis, sont à mettre en œuvre sous conditions. Cette approche ascendante est donc maintenue alors que l’accord global à conclure en 2015, qui devra couvrir 100% des émissions mondiales de GES, devra privilégier l’approche descendante (où la CCNUCC impose des objectifs contraignants), plus efficace pour produire des résultats concrets et permettre leur comparabilité sur la base de règles communes de comptabilisation, de notification et de vérification des émissions.

Les avancées sont faibles sur le volet « Engagements ou actions de réduction nationaux par les pays industrialisés » conformément au Plan d’actions de Bali [groupe AWG-LCA]. La décision de la COP-18 ne fait que « presser » les pays industrialisés à rendre compatibles leurs objectifs avec les fourchettes de réduction préconisées par le GIEC dans son 4e rapport d’évaluation (2007) [-25 à -40% d’ici 2020, base 1990], mais seul un programme de travail (2013-2014) est mis en place. Aucun progrès n’a donc été réalisé pour contraindre les Parties à l’annexe B du PK ne participant pas à la 2e PE (Canada, Japon, Russie, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande) à s’engager sur des réductions plus ambitieuses d’ici 2020.

De même, sur le volet « actions de réduction nationales [NAMA] des PED », un autre programme de travail est établi pour mieux comprendre la diversité des NAMA, ce qui est largement insuffisant pour traiter la question des émissions de GES, en forte hausse, pour plusieurs pays émergents (Chine et Inde en tête mais aussi Brésil, Corée du Sud, Indonésie, etc.).

Enfin, la décision ne fait aucune référence à la mise en place de règles de comptabilisation, de méthodologies et d’années de référence communes pour les pays industrialisés. La comparabilité des efforts est pourtant un aspect clé, compliqué par la division pays Kyoto 2/pays hors Kyoto 2. Il faudra donc définir des modalités de comparaison des efforts de réduction des pays industrialisés participant à la 2e PE du PK et des pays industrialisés et émergents qui ont pris des engagements volontaires au titre de la CCNUCC. Même parmi les pays Kyoto 2, la comparabilité ne sera pas chose simple, d’autant plus que l’Australie a retenu comme année de référence 2000 alors que les 37 autres Parties ont préféré 1990.

Kyoto : Une 2e PE insuffisante

L’adoption formelle de la 2e PE, résultat auquel les Parties travaillent depuis sept ans, constitue un pont vers le nouveau régime post-2020. Cependant, la 2e PE n’aura qu’un impact très limité sur la réduction des émissions mondiales de GES d’ici 2020 du fait du faible nombre de pays qui y participent et du manque d’ambition de leurs engagements. Ces pays représentent une faible part des émissions mondiales de GES (au maximum 15%(6)). Un processus est néanmoins prévu pour que les Parties renforcent leur niveau d’ambition d’ici 2014. L’UE, qui prônait une durée de huit ans pour la 2e PE afin d’assurer la cohérence avec sa législation interne et maintenir une symétrie avec le résultat attendu de l’ADP (entrée en vigueur dès 2020 du nouvel accord multilatéral), a donc obtenu gain de cause.

Financement à long terme

Le financement à long terme (horizon 2020) par les pays industrialisés de la mise en œuvre d’actions de réduction et d’adaptation par les PED, sujet le plus contentieux à Doha, a également peu avancé. Si l’engagement d’un financement pour les périodes 2010-2012 (déploiement rapide de 30 milliards (Md) de $) et après 2020 (100 Md$ par an) a été confirmé à Cancún, un accord sur la période intermédiaire 2013-2020 n’a pas pu être trouvé à Doha, signe de la réticence des pays industrialisés (UE et Etats-Unis en tête) confrontés à la crise économique et à des restrictions budgétaires. La proposition soumise par les PED, de 60 Md de $/an pour cette période, a été rejetée.

Au terme de vives discussions, la décision finalement adoptée ne comporte aucun engagement financier chiffré collectif supplémentaire pour la période intermédiaire 2013-2020. Les pays industrialisés sont simplement « invités » à accroître leurs efforts pour mobiliser, sur la période 2013-2015, des ressources financières égales ou supérieures au niveau annuel moyen du financement à mise en œuvre rapide (2010-2012), soit 10 Md$ par an. Le programme de travail associé, adopté à Durban(7), est prolongé d’un an (jusqu’à fin 2013). Seuls plusieurs Etats membres de l’UE (France, Allemagne, Royaume-Uni, Danemark, Suède) et la Commission européenne ont annoncé des engagements financiers pour la période jusqu’en 2015 pour un total d’environ 6 Md$(8).

Surplus des UQA

Le surplus des UQA non utilisées de la 1ère PE, estimé à environ 13 Mdt CO2e(9), ne pourra être reporté sur la 2e PE et utilisé pour remplir les engagements de réduction que par les Parties qui y participent, se substituant ainsi aux efforts réels de réduction. Même si plusieurs Parties ont signé une déclaration politique selon laquelle elles n’achèteront pas ces UQA, il n’est pas exclu que celles-ci reviennent sur cet engagement.

Questions restées en suspens

  • la fixation d’objectifs de réduction à l’horizon 2030 (à intégrer dans l’accord de 2015) ;
  • la répartition de l’effort mondial de réduction nécessaire pour respecter l’objectif de 2°C ;
  • la forme juridique du futur accord multilatéral à adopter en 2015 ;
  • le traitement du surplus des UQA pour la période post-2020 ;
  • l’application ou non des trois principes de base de la CCNUCC (responsabilités communes mais différenciées, équité, capacités respectives) pour l’après-2020.

Sujets absents

  • agriculture : une décision devait être adoptée au titre de la décision 2/CP.17(10). Or, les discussions n’ont abouti à aucun résultat;
  • soutes maritimes et aériennes internationales : la prise en compte des émissions de ces secteurs, se fait attendre depuis….1997 (article 2.2 du PK),
  • HFC : la réduction des émissions de HFC (ainsi que des autres gaz fluorés), en augmentation constante depuis 1990 (11), est un sujet de débat depuis plusieurs années.

Enjeux strategiques

Le pays hôte

C’est la première fois que les négociations ont lieu dans un Etat du Golfe, et de surcroît dans un pays aussi fortement producteur de pétrole et de gaz. Le Qatar a essuyé des critiques pour n’avoir proposé ni engagements nationaux de réduction ni soutien financier alors qu’il a le niveau d’émission de CO2 par habitant le plus élevé au monde (37,6 t CO2/hab en 2010(12)).

Des positions tranchées

Doha a fait ressortir les positions tranchées de certains grands pays émetteurs et l’affaiblissement du rôle moteur de l’UE.

Etats-Unis : ils ont freiné les avancées pour l’adoption des règles sur la comptabilisation, la notification et la vérification (MRV) pour les pays développés. Ironie du sort, à Copenhague en décembre 2009, les Etats-Unis ont insisté pour que la Chine se soumette à un dispositif MRV des émissions de GES et de la mise en œuvre des actions de réduction. Néanmoins, par la voix du négociateur en chef, Todd Stern, ils ont insisté sur la nécessité de prendre en compte les principes d’équité, des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives en vue du futur accord.

Japon : il pourrait revoir à la baisse son objectif de réduction de 25% d’ici 2020 car depuis l’accident de Fukushima (le 11 mars 2011), le Japon a augmenté la production des centrales thermiques. Par ailleurs, lors de son discours du 5 décembre 2012, le Ministre japonais de l’Environnement n’a évoqué que l’objectif national de réduction à long terme (-80% d’ici 2050) et non l’objectif national à l’horizon 2020 (-25%), ce qui revient à dire que ce dernier objectif ne serait plus valable (13).

UE : à Doha, elle s’est illustrée par ses divisions internes, notamment sur le traitement du surplus d’UQA, du fait de l’opposition forte des huit Etats membres de l’Europe de l’Est (Pologne et Roumanie en tête). Par ailleurs, en amont de Doha, la position de négociation de l’UE a été considérablement affaiblie par le refus de la Pologne d’entériner la feuille de route pour la transition vers une économie sobre en carbone en 2050 (à deux reprises, le 21 juin 2011 et le 9 mars 2012 (14)) et la feuille de route Energie 2050 (le 15 juin 2012).

Le rendez-vous manqué avec les PED

Le négociateur en chef du Brésil, André Corrêa do Lago, a déclaré jeudi 6 décembre 2012 que l’impasse sur le financement climat à moyen terme constituait l’entrave principale à un accord final à Doha (15). La résolution, par les pays industrialisés, de la question du financement était la clé pour rallier les PED, selon Matthias Groote(16), Président de la Commission de l’Environnement du Parlement européen.

De rares engagements souscrits à Doha

Aucun nouvel engagement de réduction majeur n’a été proposé à Doha : ni par les grands pays industrialisés, ni par le Qatar. Toutefois, quelques initiatives sont à noter : l’objectif ambitieux de Monaco (-30% [base 1990] pour la 2e PE du PK) et de la République Dominicaine (-25% en 2030, sur fonds propres). En revanche, les nouveaux engagements de l’Ukraine et du Kazakhstan correspondent en réalité à une forte hausse par rapport aux niveaux actuels (respectivement +40% et +22%)(17).

L’enjeu des « responsabilités communes mais différenciées« 

L’un des enjeux clés des négociations d’ici 2015 sera de faire accepter par les pays émergents une interprétation plus dynamique de ce principe qui refléterait les réalités socio-économiques d’aujourd’hui. Il s’agirait de distinguer ces pays émergents des autres PED, vulnérables aux conséquences du changement climatique. Alors que le mandat de l’ADP au titre de la décision 1/CP-17 ne fait aucune référence aux trois principes de base de la CCNUCC, la décision de Doha sur l’avancement de la plate-forme de Durban établit clairement dans le préambule que « les principes de la Convention orienteront les travaux de l’ADP« . Il semblerait que cette nouvelle décision ait redéfini à demi-mot le mandat de l’ADP.

Ce qu’ils ont dit…

« Doha est un nouveau pas dans la bonne direction mais le chemin devant nous est encore long. La fenêtre pour rester en-dessous de l’objectif de 2°C demeure à peine entr’ouverte (…). Le monde a l’argent et les technologies pour rester en-dessous des 2°C. Après Doha, c’est une question d’ampleur, de vitesse, de volonté et de respect des échéances fixées ».

Christiana Figueres, Secrétaire Executif de la CCNUCC (communiqué de presse de la CCNUCC du 08/12/12.)

« A Doha, nous sommes passés de l’ancien au nouveau régime climatique. L’accord mondial de 2015 est désormais en vue. Le parcours ne fut pas sans difficultés et la progression fut lente. Mais nous avons réussi à faire le pas. De très intenses négociations nous attendent. Il faut maintenant que nous fassions preuve de plus d’ambition et que nous passions à la vitesse supérieure ».

Connie Hedegaard, Commissaire Européenne à l’Action Climat (communiqué de presse de la Commission du 08/12/12.)

« Nous avons besoin d’une plus grande ambition de la part de toutes les grandes puissances pour parvenir à un accord global sur le climat et harmoniser les règles s’appliquant aux entreprises à travers le monde ».

BusinessEurope (communiqué de presse du 10/12/12.)

« L’incapacité des Gouvernements à trouver un terrain d’entente pour combattre une menace commune est inexplicable et inacceptable. Il semblerait que les Gouvernements mettent des intérêts nationaux à court terme avant la survie de la planète à long terme« .

Kumi Naidoo, Directeur Executif de Greenpeace International (communiqué de presse du 08/12/12.)


Que retenir de Doha ?

Même si Doha n’a pas été marquée par des décisions ambitieuses sur le long terme, notamment en matière de réduction des émissions et de financement, la conférence a néanmoins réussi à garantir l’adoption formelle de la 2e PE du PK (seul instrument juridique qui contraint les pays développés à réduire leurs émissions), à clôturer les deux pistes parallèles de négociations sur le post-2012 et à poser les jalons du futur accord à conclure en 2015. Malgré ce calendrier très serré, les faibles progrès vers un accord global demeurent lents et inefficaces. Les résultats obtenus ne sont donc clairement pas à la hauteur de l’urgence climatique.


(1)
Voir SD’Air n°182 p.21. (2) A noter que 39 Parties (38 pays et l’UE) étaient visées par la 1ère PE. (3) Voir SD’Air n°178 p.140. (4) Voir SD’Air n°170 p.175. (5) Sources : IISD, CCNUCC (déclaration de Christiana Figueres lors de la réunion ministérielle pré-COP du 22 octobre 2012 à Seoul). (6) Source : The Climate Group 12/2011. (7) Voir SD’Air n° 182 p.19. (8) Source : communiqué de presse de la CCNUCC du 8 décembre 2012. (9) Source : The Climate Group 12/2012. (10) Voir SD’Air n° 182 p.18. (11) Hausse de 8% des émissions de HFC, PFC et SF6 entre 1990 et 2010 pour les pays de l’annexe I (source : CCNUCC, document FCCC/SBI/2012/31 du 16 novembre 2012). (12) Source : AIE 2012. (13) Source : Europolitique Environnement 06/12/12 & RAC-F. (14) Voir SD’Air n° 179 p.147 et CDL n° 156 p.3. (15) Source : ENDS Europe Daily 07/12/12. (16) Source : The Guardian 05/12/12.  (17) Source : Climate Action Tracker 08/12/12.

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