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Analyse du CITEPA : L’Accord de Paris peut-il entrer en vigueur avant 2020 ?

  • Réf. : 2016_04_a5
  • Publié le: 1 avril 2016
  • Date de mise à jour: 3 juin 2019
  • International

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris, la perspective de son entrée en vigueur précoce paraît désormais de plus en plus envisageable. En effet, plusieurs experts, observateurs et centres de réflexion estiment, notamment sur la base de la forte volonté politique affichée en amont de la cérémonie d’ouverture de la signature, que les deux conditions établies à l’article 21 de l’Accord [ratification par 55 Parties représentant 55% des émissions mondiales de GES] pourraient bien être réunies avant 2020. Le 11 avril 2016, la Secrétaire exécutive de la CCNUCC, elle-même, estimait que l’Accord pourrait entrer en vigueur dès 2018 (Source (1)).

Entrée en vigueur supposée en 2020 : la base des négociations

C’est à la COP-17 [Durban, fin 2011](2) que l’échéance de 2020 a été retenue par la décision 1/CP.17 : le mandat officiel confié au groupe de travail ADP [Plate-forme de Durban] était d’élaborer, soit un protocole, soit un nouvel instrument juridique, soit un texte [convenu d’un commun accord ayant force juridique] pour adoption à la COP-21, puis entrée en vigueur « à partir de 2020« . C’est sur cette base que les négociations au sein de l’ADP pendant les quatre années de préparation de la COP-21 [2012-2015] , ainsi que celles à Paris en décembre 2015 ayant abouti à l’Accord, ont été menées.

Les versions provisoires (3) du projet de texte de l’Accord de Paris prévoyaient toutes, parmi les conditions d’entrée en vigueur de l’Accord, une option « mais pas avant le 1er janvier 2020 » (cf. article 18 dans chaque version). Or, dans la version définitive de l’Accord, cette échéance précise a été supprimée suite à une prise de conscience des négociateurs de l’éventualité d’une entrée en vigueur avant 2020.

Le service juridique de la CCNUCC a pris les devants en publiant le 8 avril 2016 une note d’information sur les conséquences juridiques, procédurales et administratives d’une entrée en vigueur précoce de l’Accord de Paris. Selon ce document, ce scénario est « concevable » et aurait un effet d’entraînement, en incitant toutes les Parties à ratifier pour leur permettre de participer formellement aux travaux et à la prise de décision de la CMA [la Conférence des Parties à l’Accord de Paris, organe suprême de l’Accord ( cf. article 16 )] , ainsi qu’à la mise au point des modalités opérationnelles de l’Accord.

La CMA, seul organe qui sera autorisé à prendre des décisions de fond, procédurales, administratives et opérationnelles relevant de l’Accord de Paris, se réunira pour la première fois à l’occasion de la première COP prévue après l’entrée en vigueur de l’Accord. Une entrée en vigueur précoce pourrait conduire à une situation où seul un faible nombre de Parties participerait à la CMA-1. Par exemple l’UE pourrait être exclue de la prise de décision si 55 Parties représentant 55% des émissions de GES ratifient avant elle.

La décision 1/CP.21 [adoptée à la COP-21] a défini le programme de travail du nouveau groupe ad hoc de l’Accord de Paris, dit APA [établi par cette même décision (paragraphe 7)] . Ce travail doit être réalisé d’ici l’entrée en vigueur de l’Accord pour concrétiser et étayer le cadre de base que constitue ce dernier, et notamment l’élaboration de règles et de procédures permettant la mise en place des mécanismes, systèmes et organes créés par l’Accord, au premier rang desquels les NDC ( article 4 ) , la transparence (article 13) , le mécanisme de flexibilité (dit ITMO ) (article 6), le financement (article 9) et le bilan mondial (article 14). Etant donné les échéances (lire notre dossier complet sur ce sujet) fixées pour ces travaux par la décision 1/CP.1, il semblerait que les négociateurs à la COP-21 soient partis du principe qu’ils allaient disposer de la période 2016-2020 pour mettre au point les détails concrets. A titre d’exemple, pour le dispositif de la transparence, l’APA doit achever les travaux en 2018.

Les régimes de Kyoto et de Paris vont-ils se chevaucher ?

L’année 2020 devait marquer le début du régime universel établi par l’Accord de Paris qui doit succéder au régime différencié du Protocole de Kyoto dont la 2e période d’engagement ( PE ) [KP-2] se termine justement le 31 décembre 2020.

Source : CITEPA. Conception : CR.

Or, l’amendement de Doha établissant formellement la KP-2 visant 38 Parties à l’Annexe I [pays industrialisés] n’est toujours pas entré en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications à ce jour [63 (au 14 avril 2016) sur les 144 requises, soit les trois quarts de l’ensemble des Parties au Protocole de Kyoto (192)].

En outre, tant que l’amendement de Doha n’entrera pas en vigueur, les 38 Parties ayant souscrit à des engagements quantifiés de réduction au titre de la KP-2 ne seront pas juridiquement contraintes de les respecter.

Au rythme de ratification actuel, une entrée en vigueur prochaine de la KP-2 semble donc difficilement réalisable : presque à mi-parcours de la KP-2, il y a de forts risques qu’elle se termine sans jamais être entrée en vigueur (voir scénario 2 ci-contre). Ce scénario est logique et réaliste. Cependant, puisque l’entrée en vigueur précoce de l’Accord de Paris paraît désormais possible, il se peut que les deux régimes se chevauchent, soit sans entrée en vigueur du régime KP-2 (scénario 1) , soit avec (scénario 3) . Dans cette dernière hypothèse, qui constitue le scénario le plus complexe, les 38 Etats de la KP-2 cumuleraient des engagements pour 2020 et pour 2030 dans le cadre de deux régimes contraignants. Etant donné la dynamique actuelle engagée, le scénario 1 paraît le plus probable aujourd’hui.

Quinze Parties (voir encadré ci-dessous) représentant 0,0625% des émissions mondiales de GES ( en 2012, source : JRC/PBL , 16/12/2014 ) ont déjà ratifié l’Accord de Paris. Par ailleurs, la Chine, les Etats-Unis, l’Argentine, l’Australie, le Cameroun, le Canada, la France, le Mali, le Mexique et les Philippines [42,06% du total mondial] ont indiqué leur intention de rejoindre l’Accord en 2016.

Les 15 Parties ayant ratifié l’Accord de Paris

15 Parties, dont 13 petits Etats insulaires (Barbade, Belize, Grenade, Iles Fidji, Iles Marshall, Ile Maurice, Iles Maldives, Nauru, Palau, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Samoa et Tuvalu, ainsi que l’Etat de Palestine et Somalie), ont déposé leur instrument de ratification.

A titre de comparaison, aucune Partie au Protocole de Kyoto n’a déposé son instrument de ratification le 16 mars 1998. La première ratification n’est intervenue que le 17 septembre 1998 (Fidji).

Si ces promesses se concrétisent, il manquerait 28 ratifications de pays représentant 12,9% des émissions mondiales. L’ONU a créé une page web qui recense les signatures et ratifications par pays. Le centre d’études international World Resources Institute (WRI) a créé la sienne. Quoi qu’il en soit, les Parties peuvent provisoirement appliquer toutes les dispositions de l’Accord sans attendre son entrée en vigueur (décision 1/CP.21 paragraphe 5) (lire notre dossier complet sur ce sujet).

(1) Source : Climate Change News du 12/04/2016. (2) Voir SD’Air n°182 p.21. (3) La version soumise par l’ADP le 05/12/2015 à la Présidence française et les versions 1 et 2 proposées par la Présidence française les 09/12/2015 et 10/12/2015.

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